C'est une erreur habituelle de dire que la Turquie est une république laïque. C'est une république LAÏCISTE -ce n'est pas pareil. En Turquie les sermons du Vendredi dites dans les mosquées du pays, sont préparés par l'administration centrale à Ankara qui dépend du 1er Ministre,
la DIYANET, appelée 'Présidence aux Affaires religieuses'.
. Cette bureaucratie a la mainmise sur la structure religieuse du pays et transmet l'idéologie turco-nationaliste, le kémalisme, au peuple des croyants : comme si en France, la prêche du dimanche dans les églises était préparée par une bureaucratie de fonctionnaires religieux qui seraient aux ordres du Premier Ministre. Peut-être cela a été le cas sous le régime de Vichy avec Pétain -ou encore sous la Révolution française où les prêtres devaient préter serment à la Constitution ; mais non pas aujourd'hui et ce n'est pas le cas aussi dans l'Union européenne.
Les publications en français sur l'abolition du Califat par Mustafa Kemal Ataturk en 1924 ne semblent pas prendre en compte le Génocide de 1915.
Pourquoi une telle omission à l'INALCO en 1994 ? Pourquoi 1915 occulté ? bien que sachant
la déshumanisation y avait été organisée et industrialisée ? est-ce par eurocentrisme ? Cela conduit à penser à un NON-DIT sur l'abolition du Califat :
pour ne pas qu'un jour un nouveau Calife puisse condamner le génocide de 1915 comme un crime contre l'Humanité, comme un crime contre la religion, comme un crime contre l'islam.
Pourquoi ne dit-on pas que la théologie de l'islam n'a pas été respectée ? Il y a eu non-protection du
dhimmi autochtone : en s'appropriant en plus les propriétés de l'Eglise arménienne, ses objets de culte, en
dégradant et détruisant volontairement les églises restantes.
.
Aujourd'hui , il y a en plus un autre point important : l'Eglise apostolique arménienne a canonisé ses 1.500.000 martyrs innocents et cela entrera comme sujet incontournable dans le dialogue islamo-chrétien. Je suis confiant qu'il y aura un jour des docteurs & théologiens de l'islam, intègres, ouverts, de haut niveau, qui condamneront
ce génocide qui a voulu instrumentaliser l'islam par
la déclaration de la Guerre Sainte de Novembre 1914 comme déjà évoqué.
.
. Déjà
en mai 1909 le grand mufti d'Al Azhar avait condamné les massacres qui eurent lieu en Cilicie sous le nouveau régime des Jeunes Turcs. Puis en 1917, Hussein Ibn Ali, émir hachémite du Hedjaz,
Chérif de La Mecque et Gardien des Lieux Saints, avait émis un firman condamnant la déportation et l'extermination des Arméniens. Hussein Ibn Ali demandait aux musulmans d'aider les survivants arméniens et de leur donner l'hospitalité.(*1)
On sait par la suite ce qui est arrivé : les grandes puissances occidentales étaient surtout préoccupées par la révolution bolchévique et n'ont pas désarmé l'armée turque de l'Empire ottoman -voisin de la nouvelle Union soviétique. C'est ainsi que Mustafa Kémal a pu se révolter, agir et gagner sur les deux tableaux jusqu'au Traité de Lausanne de 1923. Mais symboliquement, il y a toujours
Impunité internationale sur le crime et banalisation de la déshumanisation.(*2)
Comme le publiait la philosophe-psychanalyste Hélène Piralian en 1995,
c'est une bombe à retardement : on le voit avec DAECH. Au delà du chaos engendré par les interventions occidentales successives, DAECH est le résultat d'une lente mutation de la situation empoisonnée laissée en 1923 : de causes à effets sur cent ans, en destructurations rampantes, en diversions conscientes et inconscientes, en filigranes et autres choses en arrière-plan à déceler en radiographie...(*3)
InfoHay1915.
(*1) : il sera intéressant de
rechercher dans la presse arabo-musulmane en Algérie les échos
- du Djihad turco-ottoman de nov.1914
- du firman de 1917 de Hussein Ibn Ali.
(*2) : C'est un lourd poids à porter pour la Turquie. Comme si l'Allemagne d'aujourd'hui ne reconnaissait pas les crimes de la Shoah :
vivre dans le mensonge permanent. Une histoire impensable.
La liaison conceptuelle Ataturk-Hitler est historiographiquement faite. Autant il y a
déni de la part de l'État turc, autant la Turquie risque
de s'enfermer dans son propre malaise : comme des drogués en auto-mensonges depuis cent ans. Il y a le symptome de
l'antisémitisme qui ne fait que s'accentuer en Turquie. Les démocrates et les intellectuels turcs le savent ; ils l'ont compris symboliquement et sociologiquement et c'est pourquoi ils ne manquent pas de militer pour la reconnaissance du génocide de 1915.
(*3) :
Les livres d'Hélène Piralian-Simonyan et d'autres penseurs franco-arméniens sont à traduire et publier en arabe. Je ne sais pas qui pourrait le faire ? Mohammed Arkoun aurait pu le faire. Il y a aussi la
vidéo de Laurence Jourdan (52mn:23s) à en faire une version en arabe ou à la sous-titrer.
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