Le "pavé dans la mare" de Mgr CATTENOZ
Posté : 24 oct.06, 19:29
http://www.libertepolitique.com/public/ ... ticle-1700
«Recentrer l’enseignement catholique sur le Christ» : le choc de la charte d’Avignon
Thierry Boutet
13 octobre 2006
Un pavé dans la mare. Après trois ans de travail, l’archevêque d’Avignon vient d’annoncer la publication d’une charte de l’enseignement catholique pour son diocèse qui rompt avec trente ans de compromis regrettables. En voulant «replacer le Christ au centre de l’école catholique», Mgr Jean-Pierre Cattenoz opère un virage qui fera date, quand bien même l’archevêque mesure les difficultés, et l’immense effort à entreprendre de la part de toute l’Église de France : vis-à-vis d’elle-même, du corps enseignant et de l’Éducation nationale.
Incontestablement, le brûlot de l’archevêque, mûrement pensé, rejoint l’immense préoccupation des parents chrétiens, et ne peut laisser indifférentes les familles qui confient leurs enfants à l’école catholique.
Rédigé dans une langue claire qui ne cède pas une virgule à la langue de bois, ce texte est porté par un souffle inhabituel. L’archevêque a un projet pour l’enseignement catholique, il a aussi du style.
Le ton change, la méthode aussi. Depuis le Concile, aucun évêque n’avait osé agir avec une telle liberté de parole et d’esprit sur un sujet aussi majeur. Dans moins d’un mois, du 4 au 11 novembre, l’assemblée des évêques planchera à Lourdes sur «la mission de l’enseignement catholique dans l’Église et dans la société». Un groupe de travail présidé par Mgr Aumonier, évêque de Versailles, présentera ses conclusions. Le travail de Mgr Cattenoz ne sera pas sans incidence. Il sera intéressant de comparer les textes, si l’assemblée parvient à un accord : les évêques n’aiment pas apparaître désunis.
L’initiative n’a suscité pour le moment aucune réaction officielle de la part des instances nationales de l’enseignement catholique, dont les représentants se réfugient dans un silence prudent. Mais l’émoi est perceptible, tant la réorientation invoquée par Mgr Cattenoz bouscule les habitudes.
En attendant, la charte fait aujourd’hui l’objet d’une circulation limitée. Fruit de trois longues années de travail et de concertation, la charte vient d’être adressée pour avis à tous les chefs d’établissement du diocèse. À l’issue de cette consultation, la rédaction définitive de la charte, ad experimentum pour trois ans, sera rendue publique.
Afin de ne pas gêner le travail en cours, nous ne citerons aucun passage de la charte. Mais il est permis d’en présenter largement le contenu. À l’archevêché d’Avignon on précise que l’écho médiatique donné à l’annonce de la charte n’est pas négatif. Mais on espère que les querelles idéologiques ou de chapelle ne l’emporteront pas sur l’unité nécessaire à l’ampleur du défi à relever. Notre vœu le plus cher est de nous y associer.
Un bilan et un projet
D’entrée, Mgr Cattenoz situe la charte diocésaine en aval du statut de l’enseignement catholique promulgué par la Conférence des évêques de France, et en amont des projets pastoraux élaborés par les établissements en lien avec leurs projets éducatifs. La première partie de son texte dresse un bilan ; la seconde présente son projet.
Pour commencer, l’archevêque évoque le contexte culturel dans lequel s’insère l’enseignement catholique : sentiment d’impuissance sur les événements, consumérisme, «cathophobie», sécularisation, relativisme, montée de l’islam... Dans ce contexte, Mgr Cattenoz remarque que le caractère propre de l’enseignement catholique est ambigu, mal défini. Dans les établissements catholiques la proposition de la foi est insuffisante, voire absente. En revanche, on y trouve souvent une logique de compétition propre à l’entreprise.
Dans ces conditions, le caractère propre se réduit au plus petit dénominateur commun, à un consensus sur des valeurs évangéliques fluctuantes, un humanisme chrétien au contour flou. Les valeurs qui sont au fondement de la plupart des projets pédagogiques sont la tolérance, la solidarité, l’ouverture aux autres ou à l’universel. Elles relèvent toutes d’un humanitarisme bon teint davantage inspiré de la philosophie des Lumières que de la rencontre avec le Christ. En phase avec cette Modernité, la proposition de foi est donc le plus souvent indigente, peu religieuse, syncrétique. Elle véhicule même selon Mgr Cattenoz de véritables hérésies.
Cette édulcoration du caractère propre des écoles catholiques porte en germe leur disparition ou leur intégration totale dans le service public. Le prélat appelle donc à repenser le caractère propre des établissements catholiques et à refonder leur enseignement sur de nouvelles bases.
Un projet résolument missionnaire
Mgr Cattenoz prend soin de préciser qu’il ne s’agit pas pour lui de revenir en arrière, ou de justifier un repli identitaire. Interrogé par l’hebdomadaire Famille chrétienne n. 1498 (Ndr : et non 1648 comme indiqué par erreur dans le texte original) sur les vieux démons de la guerre scolaire, il répond sans détours : «Ne craignez-vous pas de faire un bond de cent ans en arrière ?», il répond : «…ou peut-être de cent ans en avant ! En tout cas, je ne suis pas prêt à renoncer à ma foi en Jésus Christ. À force de faire un catholicisme mou, on n’aura bientôt plus de catholicisme du tout ! J’ai passé quinze ans de ma vie en Afrique à annoncer Jésus-Christ. Je ne vois pas pourquoi maintenant que je suis à Avignon, je ferais autrement.» Le projet de Mgr Cattenoz est en effet clairement missionnaire.
Pour lui la question n’est pas de mettre l’enfant au centre de l’école, comme on peut l’entendre dire souvent, mais d'y mettre Jésus-Christ. Car l’enfant ne trouve sa véritable dimension qu’en étant mis en relation avec le Christ. Dans cet esprit, l’enseignement catholique est à la fois une institution de formation générale et une structure d’apprentissage de la vie dans le Christ.
Pour l’évêque, cet apprentissage comporte deux volets : l’expérience de cette vie et une catéchèse systématique selon le plan dessiné par le catéchisme de l’Église catholique.
Confessionnel ou confessant ?
Et c’est ici que la charte, qui développe ce point largement, donne la mesure de la distance prise avec les orientations du secrétariat général de l’enseignement catholique : la conception de l’école catholique comme une institution “non confessionnelle” mais simplement “confessante”, n’a plus aucun sens dans l’optique missionnaire qui est celle de la charte de Mgr Cattenoz.
L’ouverture à tous, le respect du cheminement spirituel de chacun, ne peuvent empêcher l’école catholique d’être une cellule authentique d’Église, en lien étroit avec la paroisse du lieu où elle se trouve. «La priorité, dit-il au journaliste de "Famille chrétienne", c’est de remettre des heures de transmission de la foi dans toutes les classes chaque semaine, et pas entre midi et deux... Tous les élèves, je dis bien tous les élèves doivent pouvoir participer à une découverte de la foi en Jésus Christ. Cela doit faire partie du cursus normal de l’école. Les écoles qui me disent quelles ne peuvent pas cette année, parce que ce n’est pas prévu, j’accepte. Mais il faudra qu’elle le fasse, sans cela je leur enlèverai l’agrément d’école catholique. »
Un objectif réaliste ?
L’objectif emporte l’adhésion, mais soulève de légitimes questions. Ce programme n’est-il pas totalement utopique ? Les directeurs d’établissement qui souhaiteraient le plus ardemment le mettre en œuvre sont-ils en mesure de le faire ? Mgr Cattenoz n’écarte aucune objection, il est conscient des difficultés pratiques.
Principal problème, le recrutement. Il n’est pas rare que dans des établissements catholiques, mêmes haut de gamme, il n’y ait pas 10 % des enseignants qui soient pratiquant ou même simplement croyant. Quant aux parents, ils ne sont pas plus de 15 % à choisir l’école catholique pour des motifs religieux.
La charte avance donc des solutions en terme de formation pour que l’ensemble des enseignants soit partie prenante du projet éducatif et que la communauté éducative devienne véritablement une cellule d’Église.
Pour y parvenir, les structures elles-mêmes doivent être repensées. Il faudra faire face à des problèmes difficiles de formation des équipes pédagogiques et des maîtres, sans oublier les parents qu’il faut impliquer d’avantage dans cette démarche.
L’archevêque sera-t-il suivi ? «Il est vrai,déclare t-il encore dans “Famille chrétienne”, que le recrutement devient de plus en plus difficile. Il va falloir se battre. Et pour moi c’est là qu’il faudrait que la Conférence épiscopale soit prête à se battre. Il faut travailler dans nos relations avec le gouvernement, à pouvoir garder une certaine liberté, à ne pas être étouffé par une embauche que l’on ne maîtrise plus du tout. Bref, réfléchir pour que l’enseignement catholique garde vraiment un caractère propre.»
Faire sauter les blocages
Mais la Conférence épiscopale est-elle en mesure de peser aujourd’hui sur le secrétariat général de l’enseignement catholique pour changer d’orientation ? Celui-ci fonctionne comme une administration quasi autonome. Les évêques en ont largement délégué la maîtrise concrète à des laïcs ou à quelques clercs qui ont le plus souvent une tout autre approche de la mission de l’école catholique. Les relations contractuelles entre l’enseignement catholique et le service public auquel il est associé sont très complexes et techniques. Elles sont suivies et gérées par des professionnels parmi lesquels ne figure aucun évêque maîtrisant parfaitement le dossier.
Pour réformer le système sans le dynamiter, il est nécessaire que les évêques s’investissent eux-mêmes dans l’administration de l’enseignement catholique au lieu de le déléguer à des laïcs aussi techniquement compétents soient-ils, mais trop souvent porteurs d’un projet différent du leur. Cela suppose que la Conférence des évêques de France évolue dans son fonctionnement et se donne de nouvelles priorités.
Or la culture du consensus et du compromis a contribué à édulcorer le fameux “caractère propre” de l’enseignement catholique. La conférence épiscopale de France donne l’impression d’avoir perdu la main. L’heure vient peut-être où sous la charitable pression de nouveaux évêques comme Mgr Cattenoz, certains blocages qui entravent le dynamisme missionnaire de l’Eglise de France peuvent sauter.
Depuis son élection, Benoît XVI appelle les catholiques à sortir du compromis avec la pensée dominante et de la soumission aux contraintes exercées par les autorités temporelles. Parmi les priorités «non négociables» se trouve la liberté d’éducation des parents. En proposant à l’enseignement catholique d’échapper à la facilité, Mgr Cattenoz met en œuvre le redressement auquel nous invite Benoît XVI. À sa manière la charte de l’archevêque d’Avignon est un fruit de l’encyclique programme Deus et Caritas et du discours de Ratisbonne.
«Recentrer l’enseignement catholique sur le Christ» : le choc de la charte d’Avignon
Thierry Boutet
13 octobre 2006
Un pavé dans la mare. Après trois ans de travail, l’archevêque d’Avignon vient d’annoncer la publication d’une charte de l’enseignement catholique pour son diocèse qui rompt avec trente ans de compromis regrettables. En voulant «replacer le Christ au centre de l’école catholique», Mgr Jean-Pierre Cattenoz opère un virage qui fera date, quand bien même l’archevêque mesure les difficultés, et l’immense effort à entreprendre de la part de toute l’Église de France : vis-à-vis d’elle-même, du corps enseignant et de l’Éducation nationale.
Incontestablement, le brûlot de l’archevêque, mûrement pensé, rejoint l’immense préoccupation des parents chrétiens, et ne peut laisser indifférentes les familles qui confient leurs enfants à l’école catholique.
Rédigé dans une langue claire qui ne cède pas une virgule à la langue de bois, ce texte est porté par un souffle inhabituel. L’archevêque a un projet pour l’enseignement catholique, il a aussi du style.
Le ton change, la méthode aussi. Depuis le Concile, aucun évêque n’avait osé agir avec une telle liberté de parole et d’esprit sur un sujet aussi majeur. Dans moins d’un mois, du 4 au 11 novembre, l’assemblée des évêques planchera à Lourdes sur «la mission de l’enseignement catholique dans l’Église et dans la société». Un groupe de travail présidé par Mgr Aumonier, évêque de Versailles, présentera ses conclusions. Le travail de Mgr Cattenoz ne sera pas sans incidence. Il sera intéressant de comparer les textes, si l’assemblée parvient à un accord : les évêques n’aiment pas apparaître désunis.
L’initiative n’a suscité pour le moment aucune réaction officielle de la part des instances nationales de l’enseignement catholique, dont les représentants se réfugient dans un silence prudent. Mais l’émoi est perceptible, tant la réorientation invoquée par Mgr Cattenoz bouscule les habitudes.
En attendant, la charte fait aujourd’hui l’objet d’une circulation limitée. Fruit de trois longues années de travail et de concertation, la charte vient d’être adressée pour avis à tous les chefs d’établissement du diocèse. À l’issue de cette consultation, la rédaction définitive de la charte, ad experimentum pour trois ans, sera rendue publique.
Afin de ne pas gêner le travail en cours, nous ne citerons aucun passage de la charte. Mais il est permis d’en présenter largement le contenu. À l’archevêché d’Avignon on précise que l’écho médiatique donné à l’annonce de la charte n’est pas négatif. Mais on espère que les querelles idéologiques ou de chapelle ne l’emporteront pas sur l’unité nécessaire à l’ampleur du défi à relever. Notre vœu le plus cher est de nous y associer.
Un bilan et un projet
D’entrée, Mgr Cattenoz situe la charte diocésaine en aval du statut de l’enseignement catholique promulgué par la Conférence des évêques de France, et en amont des projets pastoraux élaborés par les établissements en lien avec leurs projets éducatifs. La première partie de son texte dresse un bilan ; la seconde présente son projet.
Pour commencer, l’archevêque évoque le contexte culturel dans lequel s’insère l’enseignement catholique : sentiment d’impuissance sur les événements, consumérisme, «cathophobie», sécularisation, relativisme, montée de l’islam... Dans ce contexte, Mgr Cattenoz remarque que le caractère propre de l’enseignement catholique est ambigu, mal défini. Dans les établissements catholiques la proposition de la foi est insuffisante, voire absente. En revanche, on y trouve souvent une logique de compétition propre à l’entreprise.
Dans ces conditions, le caractère propre se réduit au plus petit dénominateur commun, à un consensus sur des valeurs évangéliques fluctuantes, un humanisme chrétien au contour flou. Les valeurs qui sont au fondement de la plupart des projets pédagogiques sont la tolérance, la solidarité, l’ouverture aux autres ou à l’universel. Elles relèvent toutes d’un humanitarisme bon teint davantage inspiré de la philosophie des Lumières que de la rencontre avec le Christ. En phase avec cette Modernité, la proposition de foi est donc le plus souvent indigente, peu religieuse, syncrétique. Elle véhicule même selon Mgr Cattenoz de véritables hérésies.
Cette édulcoration du caractère propre des écoles catholiques porte en germe leur disparition ou leur intégration totale dans le service public. Le prélat appelle donc à repenser le caractère propre des établissements catholiques et à refonder leur enseignement sur de nouvelles bases.
Un projet résolument missionnaire
Mgr Cattenoz prend soin de préciser qu’il ne s’agit pas pour lui de revenir en arrière, ou de justifier un repli identitaire. Interrogé par l’hebdomadaire Famille chrétienne n. 1498 (Ndr : et non 1648 comme indiqué par erreur dans le texte original) sur les vieux démons de la guerre scolaire, il répond sans détours : «Ne craignez-vous pas de faire un bond de cent ans en arrière ?», il répond : «…ou peut-être de cent ans en avant ! En tout cas, je ne suis pas prêt à renoncer à ma foi en Jésus Christ. À force de faire un catholicisme mou, on n’aura bientôt plus de catholicisme du tout ! J’ai passé quinze ans de ma vie en Afrique à annoncer Jésus-Christ. Je ne vois pas pourquoi maintenant que je suis à Avignon, je ferais autrement.» Le projet de Mgr Cattenoz est en effet clairement missionnaire.
Pour lui la question n’est pas de mettre l’enfant au centre de l’école, comme on peut l’entendre dire souvent, mais d'y mettre Jésus-Christ. Car l’enfant ne trouve sa véritable dimension qu’en étant mis en relation avec le Christ. Dans cet esprit, l’enseignement catholique est à la fois une institution de formation générale et une structure d’apprentissage de la vie dans le Christ.
Pour l’évêque, cet apprentissage comporte deux volets : l’expérience de cette vie et une catéchèse systématique selon le plan dessiné par le catéchisme de l’Église catholique.
Confessionnel ou confessant ?
Et c’est ici que la charte, qui développe ce point largement, donne la mesure de la distance prise avec les orientations du secrétariat général de l’enseignement catholique : la conception de l’école catholique comme une institution “non confessionnelle” mais simplement “confessante”, n’a plus aucun sens dans l’optique missionnaire qui est celle de la charte de Mgr Cattenoz.
L’ouverture à tous, le respect du cheminement spirituel de chacun, ne peuvent empêcher l’école catholique d’être une cellule authentique d’Église, en lien étroit avec la paroisse du lieu où elle se trouve. «La priorité, dit-il au journaliste de "Famille chrétienne", c’est de remettre des heures de transmission de la foi dans toutes les classes chaque semaine, et pas entre midi et deux... Tous les élèves, je dis bien tous les élèves doivent pouvoir participer à une découverte de la foi en Jésus Christ. Cela doit faire partie du cursus normal de l’école. Les écoles qui me disent quelles ne peuvent pas cette année, parce que ce n’est pas prévu, j’accepte. Mais il faudra qu’elle le fasse, sans cela je leur enlèverai l’agrément d’école catholique. »
Un objectif réaliste ?
L’objectif emporte l’adhésion, mais soulève de légitimes questions. Ce programme n’est-il pas totalement utopique ? Les directeurs d’établissement qui souhaiteraient le plus ardemment le mettre en œuvre sont-ils en mesure de le faire ? Mgr Cattenoz n’écarte aucune objection, il est conscient des difficultés pratiques.
Principal problème, le recrutement. Il n’est pas rare que dans des établissements catholiques, mêmes haut de gamme, il n’y ait pas 10 % des enseignants qui soient pratiquant ou même simplement croyant. Quant aux parents, ils ne sont pas plus de 15 % à choisir l’école catholique pour des motifs religieux.
La charte avance donc des solutions en terme de formation pour que l’ensemble des enseignants soit partie prenante du projet éducatif et que la communauté éducative devienne véritablement une cellule d’Église.
Pour y parvenir, les structures elles-mêmes doivent être repensées. Il faudra faire face à des problèmes difficiles de formation des équipes pédagogiques et des maîtres, sans oublier les parents qu’il faut impliquer d’avantage dans cette démarche.
L’archevêque sera-t-il suivi ? «Il est vrai,déclare t-il encore dans “Famille chrétienne”, que le recrutement devient de plus en plus difficile. Il va falloir se battre. Et pour moi c’est là qu’il faudrait que la Conférence épiscopale soit prête à se battre. Il faut travailler dans nos relations avec le gouvernement, à pouvoir garder une certaine liberté, à ne pas être étouffé par une embauche que l’on ne maîtrise plus du tout. Bref, réfléchir pour que l’enseignement catholique garde vraiment un caractère propre.»
Faire sauter les blocages
Mais la Conférence épiscopale est-elle en mesure de peser aujourd’hui sur le secrétariat général de l’enseignement catholique pour changer d’orientation ? Celui-ci fonctionne comme une administration quasi autonome. Les évêques en ont largement délégué la maîtrise concrète à des laïcs ou à quelques clercs qui ont le plus souvent une tout autre approche de la mission de l’école catholique. Les relations contractuelles entre l’enseignement catholique et le service public auquel il est associé sont très complexes et techniques. Elles sont suivies et gérées par des professionnels parmi lesquels ne figure aucun évêque maîtrisant parfaitement le dossier.
Pour réformer le système sans le dynamiter, il est nécessaire que les évêques s’investissent eux-mêmes dans l’administration de l’enseignement catholique au lieu de le déléguer à des laïcs aussi techniquement compétents soient-ils, mais trop souvent porteurs d’un projet différent du leur. Cela suppose que la Conférence des évêques de France évolue dans son fonctionnement et se donne de nouvelles priorités.
Or la culture du consensus et du compromis a contribué à édulcorer le fameux “caractère propre” de l’enseignement catholique. La conférence épiscopale de France donne l’impression d’avoir perdu la main. L’heure vient peut-être où sous la charitable pression de nouveaux évêques comme Mgr Cattenoz, certains blocages qui entravent le dynamisme missionnaire de l’Eglise de France peuvent sauter.
Depuis son élection, Benoît XVI appelle les catholiques à sortir du compromis avec la pensée dominante et de la soumission aux contraintes exercées par les autorités temporelles. Parmi les priorités «non négociables» se trouve la liberté d’éducation des parents. En proposant à l’enseignement catholique d’échapper à la facilité, Mgr Cattenoz met en œuvre le redressement auquel nous invite Benoît XVI. À sa manière la charte de l’archevêque d’Avignon est un fruit de l’encyclique programme Deus et Caritas et du discours de Ratisbonne.