Une Eglise RÉFORMÉE
Posté : 03 sept.07, 00:20
Annoncée par le Christ et fruit de l’envoi du Saint-Esprit par le Père et le Fils, l’Eglise est le peuple que Dieu appelle par sa Parole et qui, partout sur la terre, s’assemble autour de Jésus-Christ. Elle est “ la communauté des fidèles qui, d’un commun accord, veulent suivre cette Parole et la pure religion qui en dépend ” (La Rochelle, art. 27). Comme pour Israël jadis, Dieu a fait alliance avec cette communauté d’un genre nouveau. Cheminant ici-bas avec ses forces et ses faiblesses, elle constitue l’Eglise visible qu’il faut distinguer de l’Eglise invisible, le peuple que Dieu s’est acquis de toute éternité et que lui seul connaît. L'Eglise a pour mission de faire retentir l'appel du Seigneur et d'en vivre jusqu’à son retour promis, en vue de la conversion des uns et de l'édification de tous.
Par leur enracinement historique et théologique, les Eglises Réformées Evangéliques Indépendantes appartiennent à la branche réformée confessante du protestantisme. Elles se fixent pour objectif d’associer la force des fondements inébranlables de la foi révélée à la dynamique d'une Eglise ouverte et en devenir.
I. LA CONCEPTION RÉFORMÉE DE L'EGLISE
1. Le peuple de l'alliance
C'est sur la solide révélation accordée à ses disciples – “ tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ” – que le Seigneur Jésus a fondé la communauté messianique : “ sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ” (Matt 16.16ss). En parlant d’Eglise, il reprend un terme bien connu dans le Judaïsme qui fait référence aux douze tribus d’Israël, notamment lorsque Dieu les a rassemblées au pied du mont Sinaï pour faire alliance avec elles. Au désert, après s’être attaché à un peuple qu’il a choisi et délivré, le Seigneur rappelle sa grâce et l’invite à construire sa vie autour de sa présence et de sa Loi (Ex 19.3-6 ; 25.8). Le peuple de l’alliance – qui “ appartient en propre ” au Seigneur – cheminera vers le pays de la promesse, accompagné et conduit par le Dieu vivant.
A la croix, Dieu renouvelle et élargit son alliance. Désormais, les croyants issus des nations sont greffés au peuple de l’alliance comme les branches de l’olivier sauvage à l’arbre cultivé (Rom 11.16-32 ; Eph 2, 11-22). En Christ, juifs et païens constituent ensemble ce peuple nouveau.
L’Eglise n’est donc pas un simple rassemblement de personnes ayant un certain nombre d’aspirations communes ; elle est un peuple appartenant au Seigneur et appelé à vivre pour lui.
En tant que peuple de l’alliance, l’Eglise se voit confier une double mission :
- elle est appelée à répondre à la grâce de Dieu de façon active et constante par une vie de sainteté, pour refléter l’amour et le salut de son Seigneur[3] ;
- elle est placée dans le monde afin de faire entendre la Parole qui la fait vivre. C’est ainsi que Dieu continue de rassembler des hommes et des femmes autour de son Fils (Matt 28.18-20).
Ces activités – sainteté et témoignage – sont, en fait, les deux poumons d’une vie d’Eglise équilibrée. Si on a parfois tendance à les limiter aux chrétiens individuels, l’Ecriture nous invite à ne pas les dissocier de la dimension communautaire.
2. Un peuple en marche
“ … la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera ” (Actes 2.39)
Trois principes importants ressortent de cette déclaration par laquelle Pierre conclut sa prédication sur le Christ le jour de la Pentecôte.
“ La promesse ”
La promesse de Dieu – don de l’Esprit, pardon des péchés et nouvelle vie en Christ (Act 2.38) – fonde l’existence de l’Eglise ; avant qu’aucune action humaine ne soit entreprise, la promesse de Dieu retentit, rassemble et, grâce à l’oeuvre de l’Esprit, suscite la repentance et la foi. Elle est le préalable obligé à toute réponse humaine. Si notre foi en Christ est capitale, elle est donc seconde par rapport à l’annonce de la grâce. Affirmer avec l’Ecriture que le fondement de l’Eglise réside en la promesse implique que Dieu occupe la place centrale dans notre vie ecclésiale et notre piété personnelle. En accordant à notre foi le rôle de fondement, on dévierait facilement vers une vision d’Eglise où l’homme, sa décision et ses actes masqueraient la primauté de la grâce.
C’est sur la base de cette promesse de grâce offerte en Christ que Dieu édifie son peuple. Elle concrétise dans le temps et l’espace l’élection éternelle de Dieu, fondement ultime de l’Eglise. Ainsi, selon une très belle expression, l’Eglise est “ la pépinière de l’élection ”. Elle est le peuple au sein duquel Dieu s’engage à réaliser son alliance et ses desseins éternels, le lieu où sa grâce nous rejoint au creuset de notre existence présente.
“ Pour vous et pour vos enfants ”
L’alliance, ce cadre que Dieu a institué pour régir la vie avec son peuple, comprenait dans l’Ancien Testament les croyants et leurs enfants. Comme le Seigneur le dit à Abraham : “ Je serai ton Dieu et celui de tes descendants après toi ” (Gen 17.7).
Dans la nouvelle alliance, Dieu ne restreint pas sa grâce mais la renouvelle et l’élargit. Comme les prophètes le promettaient, l’alliance établie à la croix est pour ceux qui placent leur confiance en Christ et pour leurs enfants (Deut 30.6 ; Es 59.20-21, 44.3-5, 61.8-9 ; Jér 32.39). Ces derniers sont “ saints ”, consacrés à Dieu et appelés à obéir “ selon le Seigneur ” (1 Cor 7.14 ; Eph 6.1). Non pas qu’ils soient automatiquement sauvés ; une démarche de foi est attendue de leur part et nécessaire pour saisir personnellement cette grâce. Mais la promesse de Dieu leur est destinée au même titre qu’à leurs parents ; en grandissant, ils se positionnent à l’égard de Celui qui a déjà pris position pour eux.
Le Catéchisme de Heidelberg résume en termes forts cet enseignement et ses conséquences évidentes pour les sacrements : “ Puisqu’ils appartiennent aussi bien que les adultes à l’alliance de Dieu et à son Eglise, et puisque la rémission des péchés par le sang du Christ et par le Saint-Esprit qui produit la foi, ne leur est pas moins promise qu’aux adultes, ils doivent aussi être incorporés à l’Eglise par le Baptême, qui est le signe de l’Alliance ” (Q 74).
“ En aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera ”
Si l’Eglise a son fondement dans la promesse – la Parole au travers de laquelle Dieu rassemble son peuple –, il s’ensuit que ses membres sont avant tout des appelés. C’est là un terme fréquent pour désigner les membres de l’Eglise dans le Nouveau Testament (Act 15.17 ; Rom 1.6 ; 1 Cor 1.2,9,24 ; Eph 4.1,4 ; 1 Pi 1.15).
Cette notion recouvre en fait une variété de sens ; appelé n’est pas toujours synonyme de sauvé.[4] Les appelés dont l’apôtre Pierre fait mention à la Pentecôte sont ceux à qui Dieu s’attachera par des liens d’alliance : Je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi ! (Es 42.1). Cet engagement premier du Seigneur ne présuppose pas la foi mais au contraire fonde l’exhortation à une démarche d’obéissance et de confiance en Dieu : Reviens à moi ! (Es 44.22 ; Col 3.15).
L’Eglise, constituée des appelés, est donc un rassemblement mélangé[5]. C’est ce qu’indique la parabole de Matthieu 13.47-50 : le royaume de Dieu, annoncé et instauré en Christ, rassemble actuellement, tel un filet de pêcheur, “ des poissons de toute espèce ”. Il contient de vrais croyants, des personnes qui cheminent encore vers la conversion, mais aussi d’autres qui se contentent d’entretenir des apparences de foi. Ce n’est qu’au moment du tri final, au jugement dernier, que les justes seront clairement distingués de ceux qui, tout en faisant partie extérieurement du peuple du Seigneur, n’auront jamais appartenu de coeur à l’alliance.
II. UNE EGLISE CONFESSANTE
Puisque l'Eglise se constitue tout au long de l'histoire grâce à l'appel de Dieu, il importe bien évidemment que cet appel soit transmis de génération en génération avec la plus grande clarté et la plus grande fidélité possible. C'est là une des responsabilités centrales de l'Eglise : garder intact le message par lequel elle a été édifiée dès les origines.
En d'autres termes, sous l'adjectif confessante se trouve résumée cette appropriation collective du dépôt de la foi (2 Tim 1.13-14) qui doit permettre à l'Eglise d'assumer, jusqu'au retour du Seigneur, sa vocation de colonne et d'appui de la vérité (1 Tim 3.15).
Des dispositions internes
Dans le cadre d'une Eglise en marche dont les membres ne sont pas tous au même niveau de connaissance ou de foi, le maintien de la perspective confessante se traduit par un certain nombre de dispositions internes. Au sein des Eglises Réformées Evangéliques on relève les règles suivantes :
- en toute chose, l'application du principe de l'autorité souveraine des Saintes Ecritures en matière de foi ;
- le rôle normatif des confessions de foi, ce qui signifie que pasteurs et enseignants doivent y adhérer explicitement ;
- une discipline dans la pratique des sacrements de telle sorte, qu'alliés à la Parole, ils soient exhortation et engagement à vivre selon les préceptes de l'alliance ;
- le statut de membre électeur impliquant des droits et devoirs envers l'Eglise.[6]
Un positionnement au sein du protestantisme
Dans l'actualité des Eglises protestantes, la pensée réformée confessante trace aujourd’hui une voie propre que l'on peut situer de cette manière :
- elle est proche des Eglises réformées et luthériennes avec lesquelles elle partage une même vision ecclésiologique fondamentale. Elle s'en distingue pourtant par son refus du pluralisme doctrinal[7], la transmission fidèle de la Parole lui paraissant incompatible avec une relativisation de son autorité par des interprétations contradictoires ;
- elle est proche des Eglises évangéliques de type professant avec lesquelles elle partage une même conviction au sujet de l’Ecriture : son autorité souveraine en matière de foi et de vie, et la clarté de son message central. Elle s'en distingue pourtant par la conception du peuple de Dieu telle qu'elle est énoncée dans cette fiche.
Une source d’interpellation
Mais le maintien du bon dépôt, s'il se vit collectivement par la grâce du Christ active dans son Eglise, n'a pas d'autre but que d'être la source d'une interpellation bienfaisante adressée aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui. Etre Eglise confessante signifie aussi exhorter les uns et les autres – aussi bien ceux qui sont du dedans que ceux qui sont du dehors – à saisir la grâce promise en Christ et à avancer dans la voie de la sainteté. L'Eglise confessante, telle une mère attentive au développement de ses enfants, a pour mission d'amener le plus grand nombre à devenir des chrétiens confessants. Ainsi, sans brader son enseignement ni renoncer à une recherche de fidélité toujours plus grande au Seigneur, une telle Eglise doit être une communauté ouverte. Elle est appelée à faire place à ceux qui sont en chemin vers la foi, sans pour autant tolérer en son sein des comportements et des prises de position entrant en contradiction délibérée avec les principes évangéliques.[8]
Pour conclure
En somme, l'ecclésiologie réformée confessante se reconnaît à trois accents particuliers et conjoints :
1) L'Eglise est un rassemblement autour du Christ. Pour trouver la vraie Eglise, la question n'est donc pas tant : “ où sont les vrais croyants ? ”, mais plutôt “ où se trouve le Christ ? ”
2) Le Christ se rend présent par la Parole et les sacrements. C'est cette forme de présence, moyen de grâce par excellence, qui vivifie, sanctifie et crée la communion.[9]
3) Les fidèles sont appelés à entrer pleinement dans le salut : en s'appropriant le Christ au travers de sa Parole, en confessant par l'Esprit la foi de l'Eglise, et en témoignant de l'amour du Père dans le monde.
Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du Malin.
Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité.
Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde.
Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole afin que tous soient un ; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé.
Jean 17.15,17s,20s.
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Deut 4.10 ; 9.10 ; 18.16, etc. Le mot ekklêsia (église) vient du verbe "appeler hors de", qui avait une utilisation profane intéressante : le héraut appelait les habitants hors de leurs maisons pour former un rassemblement sur la place publique afin d’écouter un discours des chefs de la cité.
En tant que partenaire fidèle de l’alliance, Jésus, vrai Fils et Serviteur souffrant (Ex 4.22 ; Es 42.1, 53.12), est venu accomplir la vocation confiée initialement à Israël (Matt 4.1-11 et Jean 15.1-5). A sa suite, ceux qui lui appartiennent constituent le peuple de Dieu.
Pour un développement plus approfondi de cette vie de sainteté et de ses aspects communautaires, prière de se reporter à la fiche n° 10, Notre vie chrétienne, et à la brochure Vivre en Eglise.
[4] Selon l’acception la plus large, toute personne qui entend l’Evangile est appelée à y répondre, sans pour autant être membre de l’Eglise (Matt 22.14). Ailleurs, l’Ecriture considère comme appelés ceux que Dieu, dans son conseil éternel, a “ connus d’avance ”, élus pour le salut (Rom 8.29-30). Dans Actes 2, il s’agit d’un sens intermédiaire.
[5] C’est en ce sens que la confession de La Rochelle précise : “ nous ne nions pas que, parmi les fidèles, il n’y ait des hypocrites et des réprouvés, dont la malignité ne peut cependant priver l’Eglise de son titre légitime ” (art. 27).
[6] Ce statut est issu du droit associatif auquel nous sommes tenus de nous conformer. Il ne doit pas être confondu avec la définition théologique du membre dans le peuple de l'alliance. Etre membre électeur, c'est prendre part au gouvernement légal de l'Eglise. C'est pour cette raison qu'apparaissent ici des conditions particulières comme par exemple l'acceptation des statuts et de la Discipline de l'UNEREI.
[7] Voir fiche n°13, page 4 et la note.
[8] C'est ce que Calvin appelait le “ jugement de charité ” : à moins d'une vie scandaleuse, on ne peut pas exclure un membre défaillant de la communauté.
[9] C’est le sens de la définition de Calvin : “ Partout où nous voyons la Parole de Dieu être purement prêchée et écoutée, les sacrements être administrés selon l'institution de Christ, là il ne faut nullement douter qu'il n'y ait l'Eglise ”. La Confession de Foi des Pays-Bas ajoute : “ si la discipline ecclésiastique est en usage pour corriger les vices ”.
source:http://erei.free.fr/referens/11_eglise.htm
Par leur enracinement historique et théologique, les Eglises Réformées Evangéliques Indépendantes appartiennent à la branche réformée confessante du protestantisme. Elles se fixent pour objectif d’associer la force des fondements inébranlables de la foi révélée à la dynamique d'une Eglise ouverte et en devenir.
I. LA CONCEPTION RÉFORMÉE DE L'EGLISE
1. Le peuple de l'alliance
C'est sur la solide révélation accordée à ses disciples – “ tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ” – que le Seigneur Jésus a fondé la communauté messianique : “ sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ” (Matt 16.16ss). En parlant d’Eglise, il reprend un terme bien connu dans le Judaïsme qui fait référence aux douze tribus d’Israël, notamment lorsque Dieu les a rassemblées au pied du mont Sinaï pour faire alliance avec elles. Au désert, après s’être attaché à un peuple qu’il a choisi et délivré, le Seigneur rappelle sa grâce et l’invite à construire sa vie autour de sa présence et de sa Loi (Ex 19.3-6 ; 25.8). Le peuple de l’alliance – qui “ appartient en propre ” au Seigneur – cheminera vers le pays de la promesse, accompagné et conduit par le Dieu vivant.
A la croix, Dieu renouvelle et élargit son alliance. Désormais, les croyants issus des nations sont greffés au peuple de l’alliance comme les branches de l’olivier sauvage à l’arbre cultivé (Rom 11.16-32 ; Eph 2, 11-22). En Christ, juifs et païens constituent ensemble ce peuple nouveau.
L’Eglise n’est donc pas un simple rassemblement de personnes ayant un certain nombre d’aspirations communes ; elle est un peuple appartenant au Seigneur et appelé à vivre pour lui.
En tant que peuple de l’alliance, l’Eglise se voit confier une double mission :
- elle est appelée à répondre à la grâce de Dieu de façon active et constante par une vie de sainteté, pour refléter l’amour et le salut de son Seigneur[3] ;
- elle est placée dans le monde afin de faire entendre la Parole qui la fait vivre. C’est ainsi que Dieu continue de rassembler des hommes et des femmes autour de son Fils (Matt 28.18-20).
Ces activités – sainteté et témoignage – sont, en fait, les deux poumons d’une vie d’Eglise équilibrée. Si on a parfois tendance à les limiter aux chrétiens individuels, l’Ecriture nous invite à ne pas les dissocier de la dimension communautaire.
2. Un peuple en marche
“ … la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera ” (Actes 2.39)
Trois principes importants ressortent de cette déclaration par laquelle Pierre conclut sa prédication sur le Christ le jour de la Pentecôte.
“ La promesse ”
La promesse de Dieu – don de l’Esprit, pardon des péchés et nouvelle vie en Christ (Act 2.38) – fonde l’existence de l’Eglise ; avant qu’aucune action humaine ne soit entreprise, la promesse de Dieu retentit, rassemble et, grâce à l’oeuvre de l’Esprit, suscite la repentance et la foi. Elle est le préalable obligé à toute réponse humaine. Si notre foi en Christ est capitale, elle est donc seconde par rapport à l’annonce de la grâce. Affirmer avec l’Ecriture que le fondement de l’Eglise réside en la promesse implique que Dieu occupe la place centrale dans notre vie ecclésiale et notre piété personnelle. En accordant à notre foi le rôle de fondement, on dévierait facilement vers une vision d’Eglise où l’homme, sa décision et ses actes masqueraient la primauté de la grâce.
C’est sur la base de cette promesse de grâce offerte en Christ que Dieu édifie son peuple. Elle concrétise dans le temps et l’espace l’élection éternelle de Dieu, fondement ultime de l’Eglise. Ainsi, selon une très belle expression, l’Eglise est “ la pépinière de l’élection ”. Elle est le peuple au sein duquel Dieu s’engage à réaliser son alliance et ses desseins éternels, le lieu où sa grâce nous rejoint au creuset de notre existence présente.
“ Pour vous et pour vos enfants ”
L’alliance, ce cadre que Dieu a institué pour régir la vie avec son peuple, comprenait dans l’Ancien Testament les croyants et leurs enfants. Comme le Seigneur le dit à Abraham : “ Je serai ton Dieu et celui de tes descendants après toi ” (Gen 17.7).
Dans la nouvelle alliance, Dieu ne restreint pas sa grâce mais la renouvelle et l’élargit. Comme les prophètes le promettaient, l’alliance établie à la croix est pour ceux qui placent leur confiance en Christ et pour leurs enfants (Deut 30.6 ; Es 59.20-21, 44.3-5, 61.8-9 ; Jér 32.39). Ces derniers sont “ saints ”, consacrés à Dieu et appelés à obéir “ selon le Seigneur ” (1 Cor 7.14 ; Eph 6.1). Non pas qu’ils soient automatiquement sauvés ; une démarche de foi est attendue de leur part et nécessaire pour saisir personnellement cette grâce. Mais la promesse de Dieu leur est destinée au même titre qu’à leurs parents ; en grandissant, ils se positionnent à l’égard de Celui qui a déjà pris position pour eux.
Le Catéchisme de Heidelberg résume en termes forts cet enseignement et ses conséquences évidentes pour les sacrements : “ Puisqu’ils appartiennent aussi bien que les adultes à l’alliance de Dieu et à son Eglise, et puisque la rémission des péchés par le sang du Christ et par le Saint-Esprit qui produit la foi, ne leur est pas moins promise qu’aux adultes, ils doivent aussi être incorporés à l’Eglise par le Baptême, qui est le signe de l’Alliance ” (Q 74).
“ En aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera ”
Si l’Eglise a son fondement dans la promesse – la Parole au travers de laquelle Dieu rassemble son peuple –, il s’ensuit que ses membres sont avant tout des appelés. C’est là un terme fréquent pour désigner les membres de l’Eglise dans le Nouveau Testament (Act 15.17 ; Rom 1.6 ; 1 Cor 1.2,9,24 ; Eph 4.1,4 ; 1 Pi 1.15).
Cette notion recouvre en fait une variété de sens ; appelé n’est pas toujours synonyme de sauvé.[4] Les appelés dont l’apôtre Pierre fait mention à la Pentecôte sont ceux à qui Dieu s’attachera par des liens d’alliance : Je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi ! (Es 42.1). Cet engagement premier du Seigneur ne présuppose pas la foi mais au contraire fonde l’exhortation à une démarche d’obéissance et de confiance en Dieu : Reviens à moi ! (Es 44.22 ; Col 3.15).
L’Eglise, constituée des appelés, est donc un rassemblement mélangé[5]. C’est ce qu’indique la parabole de Matthieu 13.47-50 : le royaume de Dieu, annoncé et instauré en Christ, rassemble actuellement, tel un filet de pêcheur, “ des poissons de toute espèce ”. Il contient de vrais croyants, des personnes qui cheminent encore vers la conversion, mais aussi d’autres qui se contentent d’entretenir des apparences de foi. Ce n’est qu’au moment du tri final, au jugement dernier, que les justes seront clairement distingués de ceux qui, tout en faisant partie extérieurement du peuple du Seigneur, n’auront jamais appartenu de coeur à l’alliance.
II. UNE EGLISE CONFESSANTE
Puisque l'Eglise se constitue tout au long de l'histoire grâce à l'appel de Dieu, il importe bien évidemment que cet appel soit transmis de génération en génération avec la plus grande clarté et la plus grande fidélité possible. C'est là une des responsabilités centrales de l'Eglise : garder intact le message par lequel elle a été édifiée dès les origines.
En d'autres termes, sous l'adjectif confessante se trouve résumée cette appropriation collective du dépôt de la foi (2 Tim 1.13-14) qui doit permettre à l'Eglise d'assumer, jusqu'au retour du Seigneur, sa vocation de colonne et d'appui de la vérité (1 Tim 3.15).
Des dispositions internes
Dans le cadre d'une Eglise en marche dont les membres ne sont pas tous au même niveau de connaissance ou de foi, le maintien de la perspective confessante se traduit par un certain nombre de dispositions internes. Au sein des Eglises Réformées Evangéliques on relève les règles suivantes :
- en toute chose, l'application du principe de l'autorité souveraine des Saintes Ecritures en matière de foi ;
- le rôle normatif des confessions de foi, ce qui signifie que pasteurs et enseignants doivent y adhérer explicitement ;
- une discipline dans la pratique des sacrements de telle sorte, qu'alliés à la Parole, ils soient exhortation et engagement à vivre selon les préceptes de l'alliance ;
- le statut de membre électeur impliquant des droits et devoirs envers l'Eglise.[6]
Un positionnement au sein du protestantisme
Dans l'actualité des Eglises protestantes, la pensée réformée confessante trace aujourd’hui une voie propre que l'on peut situer de cette manière :
- elle est proche des Eglises réformées et luthériennes avec lesquelles elle partage une même vision ecclésiologique fondamentale. Elle s'en distingue pourtant par son refus du pluralisme doctrinal[7], la transmission fidèle de la Parole lui paraissant incompatible avec une relativisation de son autorité par des interprétations contradictoires ;
- elle est proche des Eglises évangéliques de type professant avec lesquelles elle partage une même conviction au sujet de l’Ecriture : son autorité souveraine en matière de foi et de vie, et la clarté de son message central. Elle s'en distingue pourtant par la conception du peuple de Dieu telle qu'elle est énoncée dans cette fiche.
Une source d’interpellation
Mais le maintien du bon dépôt, s'il se vit collectivement par la grâce du Christ active dans son Eglise, n'a pas d'autre but que d'être la source d'une interpellation bienfaisante adressée aux hommes et aux femmes d'aujourd'hui. Etre Eglise confessante signifie aussi exhorter les uns et les autres – aussi bien ceux qui sont du dedans que ceux qui sont du dehors – à saisir la grâce promise en Christ et à avancer dans la voie de la sainteté. L'Eglise confessante, telle une mère attentive au développement de ses enfants, a pour mission d'amener le plus grand nombre à devenir des chrétiens confessants. Ainsi, sans brader son enseignement ni renoncer à une recherche de fidélité toujours plus grande au Seigneur, une telle Eglise doit être une communauté ouverte. Elle est appelée à faire place à ceux qui sont en chemin vers la foi, sans pour autant tolérer en son sein des comportements et des prises de position entrant en contradiction délibérée avec les principes évangéliques.[8]
Pour conclure
En somme, l'ecclésiologie réformée confessante se reconnaît à trois accents particuliers et conjoints :
1) L'Eglise est un rassemblement autour du Christ. Pour trouver la vraie Eglise, la question n'est donc pas tant : “ où sont les vrais croyants ? ”, mais plutôt “ où se trouve le Christ ? ”
2) Le Christ se rend présent par la Parole et les sacrements. C'est cette forme de présence, moyen de grâce par excellence, qui vivifie, sanctifie et crée la communion.[9]
3) Les fidèles sont appelés à entrer pleinement dans le salut : en s'appropriant le Christ au travers de sa Parole, en confessant par l'Esprit la foi de l'Eglise, et en témoignant de l'amour du Père dans le monde.
Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les garder du Malin.
Sanctifie-les par la vérité : ta parole est la vérité.
Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde.
Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole afin que tous soient un ; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m’as envoyé.
Jean 17.15,17s,20s.
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Deut 4.10 ; 9.10 ; 18.16, etc. Le mot ekklêsia (église) vient du verbe "appeler hors de", qui avait une utilisation profane intéressante : le héraut appelait les habitants hors de leurs maisons pour former un rassemblement sur la place publique afin d’écouter un discours des chefs de la cité.
En tant que partenaire fidèle de l’alliance, Jésus, vrai Fils et Serviteur souffrant (Ex 4.22 ; Es 42.1, 53.12), est venu accomplir la vocation confiée initialement à Israël (Matt 4.1-11 et Jean 15.1-5). A sa suite, ceux qui lui appartiennent constituent le peuple de Dieu.
Pour un développement plus approfondi de cette vie de sainteté et de ses aspects communautaires, prière de se reporter à la fiche n° 10, Notre vie chrétienne, et à la brochure Vivre en Eglise.
[4] Selon l’acception la plus large, toute personne qui entend l’Evangile est appelée à y répondre, sans pour autant être membre de l’Eglise (Matt 22.14). Ailleurs, l’Ecriture considère comme appelés ceux que Dieu, dans son conseil éternel, a “ connus d’avance ”, élus pour le salut (Rom 8.29-30). Dans Actes 2, il s’agit d’un sens intermédiaire.
[5] C’est en ce sens que la confession de La Rochelle précise : “ nous ne nions pas que, parmi les fidèles, il n’y ait des hypocrites et des réprouvés, dont la malignité ne peut cependant priver l’Eglise de son titre légitime ” (art. 27).
[6] Ce statut est issu du droit associatif auquel nous sommes tenus de nous conformer. Il ne doit pas être confondu avec la définition théologique du membre dans le peuple de l'alliance. Etre membre électeur, c'est prendre part au gouvernement légal de l'Eglise. C'est pour cette raison qu'apparaissent ici des conditions particulières comme par exemple l'acceptation des statuts et de la Discipline de l'UNEREI.
[7] Voir fiche n°13, page 4 et la note.
[8] C'est ce que Calvin appelait le “ jugement de charité ” : à moins d'une vie scandaleuse, on ne peut pas exclure un membre défaillant de la communauté.
[9] C’est le sens de la définition de Calvin : “ Partout où nous voyons la Parole de Dieu être purement prêchée et écoutée, les sacrements être administrés selon l'institution de Christ, là il ne faut nullement douter qu'il n'y ait l'Eglise ”. La Confession de Foi des Pays-Bas ajoute : “ si la discipline ecclésiastique est en usage pour corriger les vices ”.
source:http://erei.free.fr/referens/11_eglise.htm