PLAIDOYER POLYGAME
Posté : 29 oct.07, 04:45
Plaidoyer polygame
En janvier 2006, un rapport canadien préconisait la dépénalisation de la polygamie. Trois professeurs de droit de l’Ontario avançaient en effet que le cadre légal du mariage serait toujours plus avantageux pour les femmes et les enfants que la clandestinité engendrée par l’interdiction.
En réalité, la polygamie désigne aussi bien la situation dans laquelle le mari a plusieurs épouses que celle dans laquelle la femme a plusieurs maris. Pour être précis, il conviendrait donc de parler de polyandrie dans ce dernier cas et de polygynie dans le premier. Or c’est à la polygynie que l’on pense abusivement lorsque l’on parle de polygamie. Cette pratique, illégale en occident, y est pourtant largement répandue dans les mœurs. Et à l’heure où la cellule familiale traditionnelle – un homme, une femme – tend à exploser, il apparaît que cette mise hors la loi connaisse certaines limites.
Dans les sociétés où la polygamie est légale, des témoignages rapportent que l’arrivée d’une coépouse est généralement source de conflits et d’injustices dans le foyer. Conflit entre épouses pour la place de favorite auprès du mari et injustice de traitement de la part de celui-ci. C’est donc dans un souci d’égalité entre femmes et d’égalité entre homme et femme – la mari n’a pas, lui, à supporter de rival – que la polygamie a été prohibée dans la plupart des pays du monde. A cela s’ajoute le fait que dans les sociétés polygames le mariage est une affaire arrangée entre parents et rarement le fait du libre arbitre de la femme. De jeunes femmes se retrouvent ainsi mariée, malgré elles, à des hommes d’âge mûre, déjà mariés et pères de nombreux enfants.
Les enfants sont aussi victimes de ces unions polygames en raison de l’absence d’un père qui doit se partager entre plusieurs foyers et du climat conflictuel engendré par le mal-être, la jalousie et les rivalités entre coépouses. Si la question de la rivalité entre demi-frères et sœurs pour gagner l’amour du père se pose de façon moins aiguë qu’entre les coépouses, les question relatives à l’héritage demeurent compliquées et difficiles à trancher.
Pourtant, peut-on réellement affirmer que les luttes entre héritiers sont plus fréquentes lorsque les mères sont simultanément épouses d’un même homme que lorsqu’elles le sont successivement ou lorsque aucun mariage n’a été contracté ? Car les procédures engagées par des enfants nés hors mariage – s’ils sont reconnus le père – ou par les enfants de parents divorcés sont elles aussi très longues et complexes. Alors que ces procédures sont largement simplifiées lorsque les règles de la succession sont édictées dans le cadre juridique du mariage. C’est dans ce sens que le rapport canadien mettait en évidence l’injustice que constituait la pénalisation et la négation juridique de l’existence d’une coépouse et de ses enfants. « Légitimes au-deçà de la Méditerranée, illégitimes au delà ».
Dans tout mariage les obligations des deux parents sont clairement établies dans les textes. Que ce soit envers les enfants ou envers le conjoint. Il est en effet bien plus avantageux pour un homme attiré par une autre femme de ne pas se marier et donc de n’endosser aucune responsabilité vis-à-vis de la loi et de la société que de sceller son union par le lien public du mariage.
Pourtant la législation des pays occidentaux préfère sanctionner la polygamie que l’adultère, cette polygamie cachée. Elle encourage par ce fait le mensonge aux dépends d’une relation officielle et librement consentie entre adultes. Les psychologues parlent ainsi de polygamie séquentielle – voyez la vie d’Eddy Barclay – en raison du grand nombre de partenaires successifs que les occidentaux connaissent durant leur vie. Multipliant ainsi le nombre de familles monoparentales et recomposées, des épreuves dont les premières victimes sont toujours les enfants.
A l’heure où certains magazines vont jusqu’à encourager l’infidélité pour redynamiser le couple, pourquoi donc ne pas admettre que des personnes puissent avoir envie de former un ménage à trois où à quatre. Car là où il y a consentement, il n’y a pas d’infidélité. L’infidélité ne réside que dans le mensonge d’une relation extraconjugale, même si elle celle-ci est légale.
Evidement, la femme occidentale qui lutte encore pour davantage d’égalité avec les hommes devrait également avoir la possibilité d’épouser plusieurs hommes. La défunte Anna Nicole Smith a certes peiné à connaître la véritable paternité de sa fille, mais les méthodes scientifiques de recherche ADN permettent aujourd’hui à une femme d’avoir plus d’un seul partenaire à la fois et de savoir tout de même qui est le géniteur de ses enfants.
Même si elle tend à disparaître, d’autres peuples n’ont pas attendu la femme occidentale pour pratiquer la polyandrie. Par exemple au Tibet ou en République Démocratique du Congo, chez les Bashilélé, où elle a disparu à l’arrivée des colons. Tandis qu’en Inde où elle est toujours pratiquée chez les Toda, le déficit de femme pourrait largement l’encourager.
Les couples homosexuels ont obtenu le droit de se marier dans certains pays comme la Belgique, l’Espagne ou le Royaume-Uni, et cette ouverture devrait aussi pouvoir s’appliquer à toutes celles et tous ceux qui souhaitent dépasser le schéma de la famille nucléaire traditionnelle.
L’envie de multiplier les partenaires n’est évidement pas un motif suffisant pour justifier une telle révolution, mais il faudra bien admettre un jour que trois personnes ou plus aient envie de se marier tout simplement parce qu’elles s’aiment et qu’elles en tirent un bénéfice réciproque. Acheter un appartement, garder les enfants ou jouer à la belotte sont autant d’occasions pour chacun d’explorer de nouveaux horizons. « Les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut être deux pour les porter. Quelquefois trois. » nous avouait Alexandre Dumas.
Il est tant de revenir sur cette attitude condescendante et moralisante envers les peuples pratiquant la polygamie légale depuis des millénaires alors que les occidentaux ne sont publiquement et légalement monogames que depuis quelques siècles, et toujours polygames dans la clandestinité. Au passage, les puissances coloniales n’ont jamais cherché à éradiquer la polygynie de leurs colonies ; d’où vient donc leur indignation présente ?
Les références judéo-chrétiennes de l’Occident montrent même l’exemple. Abraham a pris Agar en seconde épouse à la demande de Sarah, la première. Quant au nombre de femmes et de concubines de Salomon, le plus sages des hommes, il a de quoi rendre jaloux le roi Akbar dans sa période la plus glorieuse.
La polygamie n’est donc par condamnable en soi, c’est la polygamie forcée qui est un acte odieux. Mais nous pourrions en dire autant de tout mariage forcé ou de toute autre pratique imposée par une coutume ou par une loi. Aujourd’hui, il le trouve que c’est la monogamie légale qui est imposée en Occident.
Il est vrai que la monogamie est préférée par la majorité d’entre nous et que même légalisée, la polygamie n’est que peu pratiquée. Des pays comme l’Algérie ou le Maroc où les mariages polygames sont autorisés sont en pratique largement monogames. Mais ce qui importe avant tout, c’est la liberté de vivre comme bon il nous semble. Les exemples de polygamie heureuse existent. Le plus célèbre étant celui de Paul Bocuse et de ses trois femmes – la loi lui interdit d’en faire des épouses –, qui avoue que le plus difficile ce n’est pas de vivre la polygamie au quotidien, mais d’affronter le jugement des autres « Cette vision de l’amour peut déplaire » a-t-il reconnu.
En janvier 2006, un rapport canadien préconisait la dépénalisation de la polygamie. Trois professeurs de droit de l’Ontario avançaient en effet que le cadre légal du mariage serait toujours plus avantageux pour les femmes et les enfants que la clandestinité engendrée par l’interdiction.
En réalité, la polygamie désigne aussi bien la situation dans laquelle le mari a plusieurs épouses que celle dans laquelle la femme a plusieurs maris. Pour être précis, il conviendrait donc de parler de polyandrie dans ce dernier cas et de polygynie dans le premier. Or c’est à la polygynie que l’on pense abusivement lorsque l’on parle de polygamie. Cette pratique, illégale en occident, y est pourtant largement répandue dans les mœurs. Et à l’heure où la cellule familiale traditionnelle – un homme, une femme – tend à exploser, il apparaît que cette mise hors la loi connaisse certaines limites.
Dans les sociétés où la polygamie est légale, des témoignages rapportent que l’arrivée d’une coépouse est généralement source de conflits et d’injustices dans le foyer. Conflit entre épouses pour la place de favorite auprès du mari et injustice de traitement de la part de celui-ci. C’est donc dans un souci d’égalité entre femmes et d’égalité entre homme et femme – la mari n’a pas, lui, à supporter de rival – que la polygamie a été prohibée dans la plupart des pays du monde. A cela s’ajoute le fait que dans les sociétés polygames le mariage est une affaire arrangée entre parents et rarement le fait du libre arbitre de la femme. De jeunes femmes se retrouvent ainsi mariée, malgré elles, à des hommes d’âge mûre, déjà mariés et pères de nombreux enfants.
Les enfants sont aussi victimes de ces unions polygames en raison de l’absence d’un père qui doit se partager entre plusieurs foyers et du climat conflictuel engendré par le mal-être, la jalousie et les rivalités entre coépouses. Si la question de la rivalité entre demi-frères et sœurs pour gagner l’amour du père se pose de façon moins aiguë qu’entre les coépouses, les question relatives à l’héritage demeurent compliquées et difficiles à trancher.
Pourtant, peut-on réellement affirmer que les luttes entre héritiers sont plus fréquentes lorsque les mères sont simultanément épouses d’un même homme que lorsqu’elles le sont successivement ou lorsque aucun mariage n’a été contracté ? Car les procédures engagées par des enfants nés hors mariage – s’ils sont reconnus le père – ou par les enfants de parents divorcés sont elles aussi très longues et complexes. Alors que ces procédures sont largement simplifiées lorsque les règles de la succession sont édictées dans le cadre juridique du mariage. C’est dans ce sens que le rapport canadien mettait en évidence l’injustice que constituait la pénalisation et la négation juridique de l’existence d’une coépouse et de ses enfants. « Légitimes au-deçà de la Méditerranée, illégitimes au delà ».
Dans tout mariage les obligations des deux parents sont clairement établies dans les textes. Que ce soit envers les enfants ou envers le conjoint. Il est en effet bien plus avantageux pour un homme attiré par une autre femme de ne pas se marier et donc de n’endosser aucune responsabilité vis-à-vis de la loi et de la société que de sceller son union par le lien public du mariage.
Pourtant la législation des pays occidentaux préfère sanctionner la polygamie que l’adultère, cette polygamie cachée. Elle encourage par ce fait le mensonge aux dépends d’une relation officielle et librement consentie entre adultes. Les psychologues parlent ainsi de polygamie séquentielle – voyez la vie d’Eddy Barclay – en raison du grand nombre de partenaires successifs que les occidentaux connaissent durant leur vie. Multipliant ainsi le nombre de familles monoparentales et recomposées, des épreuves dont les premières victimes sont toujours les enfants.
A l’heure où certains magazines vont jusqu’à encourager l’infidélité pour redynamiser le couple, pourquoi donc ne pas admettre que des personnes puissent avoir envie de former un ménage à trois où à quatre. Car là où il y a consentement, il n’y a pas d’infidélité. L’infidélité ne réside que dans le mensonge d’une relation extraconjugale, même si elle celle-ci est légale.
Evidement, la femme occidentale qui lutte encore pour davantage d’égalité avec les hommes devrait également avoir la possibilité d’épouser plusieurs hommes. La défunte Anna Nicole Smith a certes peiné à connaître la véritable paternité de sa fille, mais les méthodes scientifiques de recherche ADN permettent aujourd’hui à une femme d’avoir plus d’un seul partenaire à la fois et de savoir tout de même qui est le géniteur de ses enfants.
Même si elle tend à disparaître, d’autres peuples n’ont pas attendu la femme occidentale pour pratiquer la polyandrie. Par exemple au Tibet ou en République Démocratique du Congo, chez les Bashilélé, où elle a disparu à l’arrivée des colons. Tandis qu’en Inde où elle est toujours pratiquée chez les Toda, le déficit de femme pourrait largement l’encourager.
Les couples homosexuels ont obtenu le droit de se marier dans certains pays comme la Belgique, l’Espagne ou le Royaume-Uni, et cette ouverture devrait aussi pouvoir s’appliquer à toutes celles et tous ceux qui souhaitent dépasser le schéma de la famille nucléaire traditionnelle.
L’envie de multiplier les partenaires n’est évidement pas un motif suffisant pour justifier une telle révolution, mais il faudra bien admettre un jour que trois personnes ou plus aient envie de se marier tout simplement parce qu’elles s’aiment et qu’elles en tirent un bénéfice réciproque. Acheter un appartement, garder les enfants ou jouer à la belotte sont autant d’occasions pour chacun d’explorer de nouveaux horizons. « Les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut être deux pour les porter. Quelquefois trois. » nous avouait Alexandre Dumas.
Il est tant de revenir sur cette attitude condescendante et moralisante envers les peuples pratiquant la polygamie légale depuis des millénaires alors que les occidentaux ne sont publiquement et légalement monogames que depuis quelques siècles, et toujours polygames dans la clandestinité. Au passage, les puissances coloniales n’ont jamais cherché à éradiquer la polygynie de leurs colonies ; d’où vient donc leur indignation présente ?
Les références judéo-chrétiennes de l’Occident montrent même l’exemple. Abraham a pris Agar en seconde épouse à la demande de Sarah, la première. Quant au nombre de femmes et de concubines de Salomon, le plus sages des hommes, il a de quoi rendre jaloux le roi Akbar dans sa période la plus glorieuse.
La polygamie n’est donc par condamnable en soi, c’est la polygamie forcée qui est un acte odieux. Mais nous pourrions en dire autant de tout mariage forcé ou de toute autre pratique imposée par une coutume ou par une loi. Aujourd’hui, il le trouve que c’est la monogamie légale qui est imposée en Occident.
Il est vrai que la monogamie est préférée par la majorité d’entre nous et que même légalisée, la polygamie n’est que peu pratiquée. Des pays comme l’Algérie ou le Maroc où les mariages polygames sont autorisés sont en pratique largement monogames. Mais ce qui importe avant tout, c’est la liberté de vivre comme bon il nous semble. Les exemples de polygamie heureuse existent. Le plus célèbre étant celui de Paul Bocuse et de ses trois femmes – la loi lui interdit d’en faire des épouses –, qui avoue que le plus difficile ce n’est pas de vivre la polygamie au quotidien, mais d’affronter le jugement des autres « Cette vision de l’amour peut déplaire » a-t-il reconnu.