L'Alhambra et l'âge d'or de l'Islam en Europe
Posté : 25 déc.07, 08:57
L'origine de l'Alhambra remonte à 1238 avec l’entrée à Grenade du premier souverain nasride Mohamed Ben Nazar. L'Alhambra a été classée au Patrimoine Mondial de l'Humanité en 1984 et 1994. Sa construction a continué tout au long du règne des souverains nasrides qui seront chassés de Grenade en 1492 ; chaque souverain a ajouté une nouvelle partie au palais. Après la prise de la ville, le roi Charles Quint n’a pas eu les moyens de faire détruire le palais et a seulement ajouté son palais au centre de la construction, ce qui nous permet encore aujourd’hui d’admirer ce joyau de l'art islamique d’Al-Andalus qui est resté intact .
Le Palais parle à la première personne. Des centaines de vers sont sculptés dans la pierre, le marbre ou le stuc. Les arabesques géométriques , végétales , ou arbre de vie , s'entremêlent aux inscriptions coraniques ce qui fait de l’ensemble un lieu magique empreint de spiritualité . Pendant l'Inquisition, alors qu'on brûlait tous les livres en arabe, les inscriptions religieuses à la gloire de Dieu de l'Alhambra n'ont pas été détruites !
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"La prédisposition naturelle de l'Islam aux idées abstraites s'exprime dans cette exigence d'un art non naturaliste. Dans ce que nous tenons pour la réalité, l'Islam ne voit que l'ombre de la réalité, qui est réelle; qui est faite de divin, de spirituel. Exprimer cela, tel est le sens de l'art islamique. Il ne cherche pas à représenter les apparences de la création, mais l'intérieur, l'essentiel; la structure du microcosme comme du macrocosme. Les valeurs éternelles."
Inscription de l'Alhambra : Description de la salle du trône
"Contemple ma beauté, et tu comprendras quelle est ma signification profonde. Je suis parfait grâce à la générosité de mon maître l'Imam Mohammed [V]. La perfection de cet édifice qui les dépasse tous en splendeur provient des heureux présages des étoiles .Tant de beauté réunie en ce lieu réjouit les yeux, et les rêves les plus fous s'y réalisent .Il y a là une coupole si haute que son sommet échappe au regard, ainsi sa beauté est à la fois visible et invisible. La constellation des gémeaux étend sur elle ses bienfaits. Les étoiles étincelantes voudraient y prendre place à jamais, plutôt que de poursuivre leur course immuable dans la sphère céleste."
Ibn Zamrak ( 1333 1395? ), sur les murs de l'Alhambra
Inscriptions de la salle du trône : alcôve centrale
"Avec mes compagnes [les douze alcôves des murs de la salle] nous représentons les [douze] signes du Zodiaque inscrits dans le ciel." Texte coranique " Béni soit celui qui a créé les sept cieux superposés, sans qu'apparaisse la moindre faille dans la création du Miséricordieux (...) Nous avons orné de luminaires (dit-il), le ciel le plus proche. Nous les y avons placés afin de repousser les démons pour lesquels nous avons préparé le châtiment " LXVII, 1-5
Pur joyaux de la civilisation arabo-islamique l’Alhambra témoigne de «l’ âge d’or » de la pensée islamique, du IX° au XIII° siècle. Aux yeux des historiens c’est une période de tolérance , d’ouverture aux autres religions , et de partage qui font que les avancées scientifiques se multiplient, lors de ces contacts : découverte de l’inclinaison de l’axe de la terre, mise au point de l’astrolabe, introduction du zéro en arithmétique, diffusion de l’algèbre...
Grâce à la tolérance intellectuelle, à la mise en commun des savoirs et des réflexions de chaque communauté, on a assisté à un véritable renouveau des sciences et ,d’une façon plus générale ,de l’Humanisme cher à l’Antiquité .
Dès le IXème siècle en effet ( alors que l’Europe chrétienne voyait l’empire de Charlemagne se disloquer) la civilisation islamique d’Espagne et de Sicile connaissait un « Âge d’or » qui se caractérisa par une effervescence intellectuelle et une inventivité artistique sans pareille. Des chefs-d’œuvres architecturaux, encore visibles aujourd’hui, tels que la grande mosquée de Cordoue, l’ancien minaret de Séville (la Giralda) et ce palais de l’Alhambra , témoignent du haut degré de raffinement des dynasties musulmanes qui se succédèrent pendant sept siècles sur le sol ibérique.
Des esprits scientifiques, comme le grand mathématicien et astronome persan du XII° siècle Omar Khayyam *, sont aussi des poètes :
Ex :
I.
Tout le monde sait que je n'ai jamais murmuré la moindre prière. Tout le monde sait aussi que je n'ai jamais essayé de dissimuler mes défauts. J'ignore s'il existe une Justice et une Miséricorde... Cependant, j'ai confiance, car j'ai toujours été sincère.
II.
Que vaut-il mieux? S'asseoir dans une taverne, puis faire son examen de conscience, ou se prosterner dans une mosquée, l'âme close? Je ne me préoccupe pas de savoir si nous avons un Maître et ce qu'il fera de moi, le cas échéant.
III.
Considère avec indulgence les hommes qui s'enivrent. Dis-toi que tu as d'autres défauts. Si tu veux connaître la paix, la sérénité, penche-toi sur les déshérités de la vie, sur les humbles qui gémissent dans l'infortune, et tu te trouveras heureux.
IV.
Fais en sorte que ton prochain n'ait pas à souffrir de ta sagesse. Domine-toi toujours. Ne t'abandonne jamais à la colère. Si tu veux t'acheminer vers la paix définitive, souris au Destin qui te frappe, et ne frappe personne.
V.
Puisque tu ignores ce que te réserve demain, efforce-toi d'être heureux aujourd'hui. Prends une urne de vin, va t'asseoir au clair de lune, et bois, en te disant que la lune te cherchera peut-être vainement, demain.
VI.
Le Koran, ce Livre suprême, les hommes le lisent quelquefois, mais, qui s'en délecte chaque jour? Sur le bord de toutes les coupes pleines de vin est ciselée une secrète maxime de sagesse que nous sommes bien obligés de savourer.
VII.
Notre trésor? Le vin. Notre palais? La taverne. Nos compagnes fidèles? La soif et l'ivresse. Nous ignorons l'inquiétude, car nous savons que nos âmes, nos coeurs, nos coupes et nos robes maculées n'ont rien à craindre de la poussière, de l'eau et du feu.
VIII.
En ce monde, contente-toi d'avoir peu d'amis. Ne cherche pas à rendre durable la sympathie que tu peux éprouver pour quelqu'un. Avant de prendre la main d'un homme, demande-toi si elle ne te frappera pas, un jour.
IX.
Autrefois, ce vase était un pauvre amant qui gémissait de l'indifférence d'une femme. L'anse, au col du vase... son bras qui entourait le cou de la bien aimée!
X.
Qu'il est vil, ce cœur qui ne sait pas aimer, qui ne peut s'enivrer d'amour! Si tu n'aimes pas, comment peux-tu apprécier l'aveuglante lumière du soleil et la douce clarté de la lune?
Par l’intermédiaire du monde arabo-islamique, l’occident chrétien redécouvre ainsi l’héritage philosophique et scientifique gréco-latin, préservé, approprié et enrichi par les plus grands savants musulmans, dès le IX° siècle.
* Mathématicien et astronome musulman dans ses Démonstrations de problèmes d'algèbre de 1070, Khayyam démontre que les équations cubiques peuvent avoir plus d’une racine. Il fait état aussi d’équations ayant deux solutions, mais n'en trouve pas à trois solutions. C'est le premier mathématicien qui ait traité systématiquement des équations cubiques, en employant d'ailleurs des tracés de coniques pour déterminer le nombre des racines réelles et les évaluer approximativement. Outre son traité d'algèbre, Omar Khayyâm a écrit plusieurs textes sur l'extraction des racines cubiques et sur certaines définitions d'Euclide, et a construit des tables astronomiques connues sous le nom de Zidj-e Malikshahi
Directeur de l'observatoire d'Ispahan en 1074, il réforme, à la demande du sultan Malik Shah, le calendrier persan (la réforme est connue sous le nom de réforme Jelaléenne). Il introduit une année bissextile et mesure la longueur de l’année comme étant de 365,24219858156 jours. Or la longueur de l’année change à la sixième décimale pendant une vie humaine. L'année djélaléenne est plus exacte que l'année grégorienne créée, cinq siècles plus tard. À la fin du XIXe siècle, l'année fait 365,242196 jours et aujourd’hui 365,242190 jours.