Juifs persécutés dans l’Islam du haut moyen-âge
Maïmonide et le Prophète «Meshuga»
26 décembre 2007, Andrew Bostom
Cet essai est extrait de travaux provenant de l’ouvrage à paraître en 2008: «L’héritage de l’antisémitisme», chez Prometheus Books.
Le 13 décembre a marqué le 804ème anniversaire de la mort de Maïmonide (au Caire en 1203), talmudiste, philosophe, astronome et médecin renommé.
La biographie de ce «second Moïse» est souvent citée par ceux qui voudraient inférer le prétendu œcuménisme du Haut Moyen Age – en particulier en «Andalousie», ou Espagne musulmane, invariablement accompagnée d’une dénonciation de l’intolérance fanatique de l’Europe chrétienne occidentale, à la même époque. Un exemple particulièrement flagrant de ce genre de comparaisons pesantes a été fait par Amartya Sen, le Prix Nobel d’économie, dans son livre récent «Identité et Violence». Sen a la témérité de déclarer:
Le philosophe juif Maïmonide fut obligé d’émigrer de l’Europe intolérante au 12ème siècle; il trouva un havre de tolérance dans le monde arabe.
Mises à part les sottises de Sen, Maïmonide (né en 1135 à Cordoue) n’était âgé que de 13 ans en 1148 quand Cordoue la musulmane tomba aux mains de Musulmans particulièrement fanatiques, les berbères Almohades, qui envahirent la péninsule ibérique depuis l’Afrique du Nord. Maïmonide et tous les Juifs dhimmis de Cordoue furent obligés de choisir entre l’islam et l’exil. Choisissant celui-ci, Maïmonide et sa famille menèrent pendant les 12 années suivantes une vie nomade, errant à travers l’Espagne. En 1160, ils traversèrent la Méditerranée, et s’installèrent à Fez au Maroc (également sous contrôle Almohade) où, inconnus des autorités, ils espéraient passer pour musulmans, en vivant comme des crypto-juifs.
La double vie de Maïmonide cependant, devint de plus en plus dangereuse alors que sa réputation augmentait sans cesse, et les autorités commencèrent d’enquêter sur les dispositions religieuses de ce jeune homme très doué. Il fut même accusé par un informateur du crime de relapse (apostasie) de l’islam et, sans l’intercession du poète et théologien Abu al-’Arab al Mu’ishah, un ami musulman, il aurait souffert le destin de son collègue Judah ibn Shoshan, qui avait été exécuté peu auparavant sous les mêmes accusations. Suite à ces conditions précaires, la famille de Maïmonide quitta Fez, embarquant en 1165 vers St-Jean d’Acre, puis vers Jérusalem, puis à Fostat (Le Caire), où ils s’installèrent, vivant de nouveau comme des dhimmis, bien que sous une loi fatimide plus tolérante.
Les déprédations du jihad des Almohades (1130–1232) infligèrent une énorme destruction aussi bien aux populations juives et chrétiennes d’Espagne et d’Afrique du Nord. Un compte-rendu contemporain de Salomon Cohen (comportant une séquence des évènements par l’historien arabe Ibn Baydhaq) depuis janvier 1148, a décrit les conquêtes musulmanes almohades en Afrique du Nord et en Espagne comme suit :
Abd al-Mumin, le chef des Almohades après la mort de Muhammad Ibn Tumart le Mahdi, s’empara de Tlemcen au Maghreb; il tua tous ceux qui s’y trouvaient, parmi lesquels les Juifs, sauf ceux qui embrassèrent l’Islam. A Sijilmasa, cent cinquante personnes furent tuées pour rester attachées à leur foi juive. Toutes les villes de l’Etat almoravide – dirigeants dynastiques de l’Afrique du Nord et de l’Espagne avant les Almohades – furent conquises par les Almohades. Cent mille personnes furent tuées à Fez à cette occasion, et 120.000 à Marrakech. Les Juifs de toutes les localités du Maghreb gémissaient sous le joug pesant des Almohades ; beaucoup d’entre eux furent tués, beaucoup d’autres s’étaient convertis ; aucun ne put apparaître publiquement comme juif. De larges zones entre Séville et Tortosa en Espagne étaient aussi tombées aux mains des Almohades.
Cette dévastation – massacres, captivité et conversion forcée – a été décrite par le chroniqueur juif Abraham Ibn Daud, et le poète Abraham Ibn Ezra. Soupçonnant la sincérité des Juifs convertis à l’Islam, des «inquisiteurs» musulmans, précédant leurs homologues chrétiens espagnols de trois siècles, retiraient les enfants de ces familles, les plaçant sous la garde d’éducateurs musulmans. Quand Sijilmassa (une oasis au Sud-Ouest de Fez) fut conquise par les Almohades en 1146, les Juifs eurent le choix entre la conversion ou la mort. Alors que 150 Juifs choisirent le martyr, d’autres se convertirent à l’islam – y compris le Dayan (rabbin ou juge rabbinique) Joseph ben Amram – qui retournèrent plus tard au judaïsme. La ville de Dar’a endura un sort identique. L’élégie émouvante «Ahah Yarad Al Sefarad» d’Abraham Ibn Ezra décrit la destruction par les Almohades, aussi bien des communautés juives d’Espagne – Séville, Cordoue, Jaen, Almeria – et d’Afrique du Nord dont Sijilmasa et Dar’a ainsi que d’autres à Marrakech, Fez, Tlemcen, Ceuta, et Meknès.
Ibn Aqnin (mort en 1220), philosophe et commentateur renommé, né à Barcelone en 1150, fuyant les persécutions almohades avec sa famille, s’échappa aussi à Fez. Vivant comme crypto-juif, il rencontra Maïmonide et nota dans ses propres écrits poignants les souffrances des Juifs sous la férule almohade. Ibn Aqnin écrivait durant le règne d’Abu Yusuf al-Mansur (régnant de 1184 à1199), quatre décennies après la mise en place des persécutions almohades en 1140. Alors, les Juifs convertis de force à l’islam en étaient déjà à la troisième génération de Musulmans. Malgré cela, al Mansour continuait de leur imposer des restrictions, ce que Ibn Aqnin rapporte. Dans son ‘Tibb al-Nufus’ (thérapie de l’âme), Ibn Aqnin se lamente :
Nos cœurs sont inquiets et nos âmes effrayées à tout moment qui passe, car nous n’avons ni sécurité ni stabilité. Des persécutions et des décrets anciens ont été dirigés contre ceux demeurés fidèles à la Loi d’Israël, et les ont maintenus avec ténacité, de sorte qu’ils pourraient même mourir au nom de leur foi. Dans le cas où ils se soumettraient à leurs exigences, nos ennemis les loueraient et les honoreraient… Mais lors des persécutions présentes, au contraire, autant que nous puissions paraître obéir à leurs instructions abandonner la nôtre, ils appesantissent notre joug et rendent notre travail plus difficile… Observer les duretés des apostats de notre communauté qui ont totalement abandonné la foi, et ont changé de tenue à la suite de ces persécutions… Mais leur conversion ne leur était d’aucune utilité, car ils étaient soumis aux mêmes vexations que ceux restés fidèles à leur foi. De fait, même la conversion de nos pères ou grands-pères ne leur a été d’aucun avantage (…).
Si nous devions prévoir les persécutions qui nous sont tombées dessus dans les années récentes, nous ne trouverions rien de comparable dans les annales de nos ancêtres. Nous sommes l’objet d’inquisitions ; des grands et des petits témoignent contre nous, et des jugements sont prononcés, dont le moindre rend légal de verser notre sang, la confiscation de nos biens, et le déshonneur de nos épouses. (…)
Les gardiens musulmans peuvent disposer de nos jeunes enfants, et de leurs biens à leur guise. S’ils ont été donnés à un individu craignant Allah, il s’efforcera alors d’éduquer les enfants dans leur religion, car l’un de leurs principes est que tous les enfants sont à l’origine nés musulmans, et ce sont leurs parents qui les élèvent comme Juifs, Chrétiens ou Zoroastriens. Ainsi, si leur gardien les éduque dans ce qu’ils déclarent être leur religion originale (c.a.d. l’islam) et ne laisse pas les enfants à leurs parents - les Juifs - il obtiendra une récompense considérable d’Allah. (…)
Il nous était interdit de pratiquer le commerce, qui est notre ressource vitale, car on ne peut vivre sans la nourriture pour sustenter nos corps, et sans vêtements pour les protéger du chaud et du froid. Ces derniers ne peuvent être obtenus que par le commerce, car il est leur ressource et leur origine, sans lequel son effet, c.a.d. notre existence, disparaîtrait. Ce faisant, leur idée était d’affaiblir nos forts et d’annihiler nos faibles. (…)
Puis ils nous imposés des vêtements distincts. De même que pour le décret imposant le port de longues manches, son objet était de nous faire ressembler à l’état inférieur des femmes, qui sont dénuées de force. Ils avaient pour objet, par leur longueur, de nous rendre disgracieux, alors que leur couleur devait nous rendre répugnants. Le but de ces vêtements distinctifs est de nous différencier d’entre eux, de façon à être reconnus dans nos échanges avec eux sans le moindre doute, pour qu’ils puissent nous dénigrer et nous humilier… De plus, cela permet de répandre notre sang dans l’impunité, car quand nous voyageons sur le chemin d’une ville à l’autre, nous sommes attaqués par des voleurs et des brigands, et sommes secrètement assassinés la nuit ou tués en plein jour. (…)
Maintenant, l’objet de la persécution par Ismaël, qu’ils nous demandent de renoncer à notre religion en public ou en privé, est seulement d’annihiler la foi en Israël, et par conséquent, on acceptera plus sûrement la mort que de commettre le moindre pêché… Comme le firent les martyrs de Fez, de Sijilmassa, et de Dar’a.
L’épître de Maïmonide aux Juifs du Yémen fut écrite vers 1172 en réponse aux questions de Jacob ben Netan’el al-Fayyûmi, qui dirigeait la communauté juive au Yémen. A cette époque, les Juifs du Yémen enduraient une expérience familière à Maïmonide – alors qu’ils étaient obligés de se convertir à l’islam - campagne lancée vers 1165 par Abd-al-Nabî ibn Mahdi. Maïmonide adressa des recommandations au chef de la communauté juive du Yémen, et les encouragements qu’il put rassembler. L’épître aux Juifs du Yémen apporte une vision honnête et sans hésitation de ce que Maïmonide pensait du prophète musulman Mohammed, ou «Le Fou» comme il l’appelle, et au sujet de l’Islam en général. Maïmonide écrit :
Vous écrivez que le chef rebelle au Yémen a décrété une apostasie obligatoire pour les Juifs, obligeant les habitants juifs de toutes les places qu’ils avait soumises à abandonner la religion juive, exactement comme les Berbères les avaient obligés à le faire au Maghreb [c.a.d. l’occident islamique]. Et sans délai. Voilà de bien mauvaises nouvelles (…). «Et celui qui les entend, ses deux oreilles frissonnent (I, Samuel 3:11)». En vérité, nos cœurs sont affligés, nos esprits sont meurtris, et la force du corps épuisée à cause des terribles infortunes que nous ont apportées des persécutions religieuses aux deux extrémités de la terre, l’Orient et l’Occident, «de sorte que l’ennemi était au milieu d’Israël, certains de ce côté, et certains de l’autre côté» (Joshua 8:22).
Maïmonide fait clairement savoir que les persécutions implacables des Juifs par les Musulmans équivalent à une conversion forcée:
Les persécutions continues en entraîneront beaucoup à s’éloigner progressivement de notre foi, d’avoir des craintes, ou de se perdre, parce qu’ils auront vu notre faiblesse, et le triomphe de nos adversaires et leur domination sur nous.
Puis il note: «Après lui s’est levé le Fou qui imita son précurseur puisqu’il lui ouvrit la voie. Mais il ajouta comme nouvel objectif d’apporter férule et soumission, et il inventa sa religion bien connue». Des écrivains juifs médiévaux désignaient souvent Mohammed comme ‘ha-Meshugga’, le Fou en hébreu, comme l’historien Norman Stillman d’un air narquois, étant «lourd d’implications».
L’essai magistral de Georges Vajda en 1937 sur les motifs anti-juifs dans les Hadith, comprend une discussion fascinante des «Teshuvot» – Responsa – de Maïmonide sur la question de savoir si les Juifs devaient tenter d’enseigner la Torah aux Musulmans, par rapport aux Chrétiens. Bien que en principe, la réponse soit négative, c.a.d. que les non juifs étaient proscrits de l’étude formelle de la Torah en soi, Maïmonide fait cette distinction frappante entre les Chrétiens et les Musulmans, concernant l’enseignement des commandements et de leurs explications, du fait de la menace unique posée par les Musulmans de par leur intolérance doctrinale :
Il est permis d’enseigner les commandements et les explications selon la loi rabbinique aux Chrétiens, mais il est interdit d’en faire de même pour les Musulmans. Vous savez en effet que selon leur croyance cette Torah n’est pas divine, et si vous leur enseignez quelque chose, il le trouveront contraire à leur tradition, parce que leurs pratiques sont confuses, et leurs opinions bizarres - mippnei she-ba’uu la-hem debariim be-ma’asiim – (parce qu’ils ont reçu un méli-mélo de pratiques diverses et étranges, et de déclarations inapplicables). Ce que l’on enseigne ne les convaincra pas de la fausseté de leurs opinions, mais ils l’interprèteront selon leurs principes erronés et ils nous opprimeront. Pour cette raison (…), ils haïssent tous les non musulmans qui vivent parmi eux. Ce serait alors le principal obstacle pour les Israélites qui, à cause de leurs pêchés, sont captifs parmi eux. Au contraire, les incirconcis (les Chrétiens) admettent que le texte de la Torah, tel que nous l’avons, est intact. Ils l’interprètent seulement de façon erronée, et l’utilisent pour des objectifs d’exégèse allégorique qui leur est propre – Ve-yirmezuu bah ha-remaziim hay-yedu’iim la-hem – (ils échangeraient des signes secrets connus seulement d’eux). Si quelqu’un les informe de l’interprétation correcte, on peut espérer qu’ils reviennent de leur erreur, et même s’ils ne le font pas, il n’y a pas d’obstacle pour Israël, parce qu’ils ne trouvent pas dans leur loi religieuse une contradiction avec la nôtre (…).
Revenant à l’Epître aux Juifs du Yémen, Maïmonide souligne l’une des raisons présumées de la haine des Musulmans contre les Juifs :
Vu que les Musulmans n’avaient pas pu trouver la moindre preuve qu’ils pourraient utiliser dans toute la Bible, ni une référence ou une allusion possible à leur prophète, ils se crurent obliges de nous accuser en disant, « Vous avez altéré la Torah, et en avez expurgé toute trace du nom de Mohammed». Ils ne purent rien trouver de plus puissant que cet argument ignominieux.
En explicitant la profondeur de la haine musulmane contre les Juifs, Maïmonide fait une nouvelle observation profonde concernant la prédilection juive pour le démenti, une caractéristique qui, insiste-t-il, hâtera leur destruction :
Souvenez-vous, mes coreligionnaires, qu’au décompte du vaste nombre de nos pêchés, D.ieu nous a précipités au milieu de ce peuple, les Arabes, qui nous ont sévèrement persécutés, et ont adopté une législation néfaste et discriminatoire contre nous, comme les Ecritures nous en ont avertis: «Nos ennemis eux-mêmes nous jugeront » (Deutéronome 32:31). Jamais une nation ne nous a frappés, dégradés, dépréciés, et haïs autant qu’eux. Bien qu’ils nous aient déshonorés au-delà de la capacité d’endurance humaine, et que nous ayons dû subir leurs diffamations, pourtant nous nous comportons comme celui qui est dépeint par l’écrivain inspiré: Mais je suis comme sourd, je n’entends pas, et je suis muet comme celui qui n’ouvre pas la bouche (Psaumes 38:14)» (…).
De même nos sages nous ont appris à supporter les tergiversations et le grotesque d’Ismaël en silence. Ils trouvèrent une allusion cachée à cette attitude dans les noms de ses fils: «Mishma, Dumah, et Massa» (Génèse 25:14, dont l’interprétation signifiait «Ecoute, garde le silence, et endure» (Targum Pseudo-Jonathan, ad locum). Nous avons acquiescé, aussi bien les vieux que les jeunes, pour nous endurcir à l’humiliation, comme Isaïe nous en a instruits: «J’ai tendu mon dos aux châtiments, et mes joues dont ils arrachèrent les poils» (50:6). Malgré tout cela, nous n’échappons pas à ce perpétuel mauvais traitement, qui nous écrase presque (…). Peu importe combien nous souffrons et choisissions de rester en paix avec eux, ils soulèvent conflits et sédition, comme David l’a prédit: «Je ne suis que paix, mais quand je parle, ils sont pour la guerre» (Psaumes 120:7).
Si donc, nous commençons à jeter le trouble et à réclamer d’eux le pouvoir de façon absurde et grotesque, nous contribuerons certainement à notre propre destruction.
800 ans plus tard exactement, ignorant tristement l’observation intemporelle de Maïmonide– comme les gouvernements israéliens, tout particulièrement, et américains, ont tant coutume de le faire – l’apaisement irresponsable du suprématisme musulman est vraiment «Meshuga», avec toutes les connotations modernes et anciennes de l’expression.
Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
Juifs persécutés dans l’Islam du haut moyen-âge
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Le Judaisme se fonde sur le culte du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. la foi des anciens Israélites et de leurs descendants, les Juifs, serait basée sur une alliance contractée entre Dieu (YHWH) et Abraham, qui aurait ensuite été renouvelée entre Dieu et Moïse.
Le Judaisme se fonde sur le culte du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. la foi des anciens Israélites et de leurs descendants, les Juifs, serait basée sur une alliance contractée entre Dieu (YHWH) et Abraham, qui aurait ensuite été renouvelée entre Dieu et Moïse.
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Juifs persécutés dans l’Islam du haut moyen-âge
Ecrit le 10 janv.08, 04:22Re: Juifs persécutés dans l’Islam du haut moyen-âge
Ecrit le 10 janv.08, 20:02L'Islam appelle au dialogue intercommunautaire, nous exhorte à dénoncer et combattre l'injustice, à promouvoir l'émulation pour prodiguer le bien autour de nous et diminuer la souffrance du genre humain et à ne pas être des corrupteurs sur cette terre. La corruption se présente sous différentes formes : depuis celle de l'homme à celle faite par lui à des êtres vivants, aux choses, à des évènements et à des paroles.caius a écrit :Juifs persécutés dans l’Islam du haut moyen-âge
Maïmonide et le Prophète «Meshuga»
26 décembre 2007, Andrew Bostom
Cet essai est extrait de travaux provenant de l’ouvrage à paraître en 2008: «L’héritage de l’antisémitisme», chez Prometheus Books.
Le 13 décembre a marqué le 804ème anniversaire de la mort de Maïmonide (au Caire en 1203), talmudiste, philosophe, astronome et médecin renommé.
La biographie de ce «second Moïse» est souvent citée par ceux qui voudraient inférer le prétendu œcuménisme du Haut Moyen Age – en particulier en «Andalousie», ou Espagne musulmane, invariablement accompagnée d’une dénonciation de l’intolérance fanatique de l’Europe chrétienne occidentale, à la même époque. Un exemple particulièrement flagrant de ce genre de comparaisons pesantes a été fait par Amartya Sen, le Prix Nobel d’économie, dans son livre récent «Identité et Violence». Sen a la témérité de déclarer:
Le philosophe juif Maïmonide fut obligé d’émigrer de l’Europe intolérante au 12ème siècle; il trouva un havre de tolérance dans le monde arabe.
Mises à part les sottises de Sen, Maïmonide (né en 1135 à Cordoue) n’était âgé que de 13 ans en 1148 quand Cordoue la musulmane tomba aux mains de Musulmans particulièrement fanatiques, les berbères Almohades, qui envahirent la péninsule ibérique depuis l’Afrique du Nord. Maïmonide et tous les Juifs dhimmis de Cordoue furent obligés de choisir entre l’islam et l’exil. Choisissant celui-ci, Maïmonide et sa famille menèrent pendant les 12 années suivantes une vie nomade, errant à travers l’Espagne. En 1160, ils traversèrent la Méditerranée, et s’installèrent à Fez au Maroc (également sous contrôle Almohade) où, inconnus des autorités, ils espéraient passer pour musulmans, en vivant comme des crypto-juifs.
La double vie de Maïmonide cependant, devint de plus en plus dangereuse alors que sa réputation augmentait sans cesse, et les autorités commencèrent d’enquêter sur les dispositions religieuses de ce jeune homme très doué. Il fut même accusé par un informateur du crime de relapse (apostasie) de l’islam et, sans l’intercession du poète et théologien Abu al-’Arab al Mu’ishah, un ami musulman, il aurait souffert le destin de son collègue Judah ibn Shoshan, qui avait été exécuté peu auparavant sous les mêmes accusations. Suite à ces conditions précaires, la famille de Maïmonide quitta Fez, embarquant en 1165 vers St-Jean d’Acre, puis vers Jérusalem, puis à Fostat (Le Caire), où ils s’installèrent, vivant de nouveau comme des dhimmis, bien que sous une loi fatimide plus tolérante.
Les déprédations du jihad des Almohades (1130–1232) infligèrent une énorme destruction aussi bien aux populations juives et chrétiennes d’Espagne et d’Afrique du Nord. Un compte-rendu contemporain de Salomon Cohen (comportant une séquence des évènements par l’historien arabe Ibn Baydhaq) depuis janvier 1148, a décrit les conquêtes musulmanes almohades en Afrique du Nord et en Espagne comme suit :
Abd al-Mumin, le chef des Almohades après la mort de Muhammad Ibn Tumart le Mahdi, s’empara de Tlemcen au Maghreb; il tua tous ceux qui s’y trouvaient, parmi lesquels les Juifs, sauf ceux qui embrassèrent l’Islam. A Sijilmasa, cent cinquante personnes furent tuées pour rester attachées à leur foi juive. Toutes les villes de l’Etat almoravide – dirigeants dynastiques de l’Afrique du Nord et de l’Espagne avant les Almohades – furent conquises par les Almohades. Cent mille personnes furent tuées à Fez à cette occasion, et 120.000 à Marrakech. Les Juifs de toutes les localités du Maghreb gémissaient sous le joug pesant des Almohades ; beaucoup d’entre eux furent tués, beaucoup d’autres s’étaient convertis ; aucun ne put apparaître publiquement comme juif. De larges zones entre Séville et Tortosa en Espagne étaient aussi tombées aux mains des Almohades.
Cette dévastation – massacres, captivité et conversion forcée – a été décrite par le chroniqueur juif Abraham Ibn Daud, et le poète Abraham Ibn Ezra. Soupçonnant la sincérité des Juifs convertis à l’Islam, des «inquisiteurs» musulmans, précédant leurs homologues chrétiens espagnols de trois siècles, retiraient les enfants de ces familles, les plaçant sous la garde d’éducateurs musulmans. Quand Sijilmassa (une oasis au Sud-Ouest de Fez) fut conquise par les Almohades en 1146, les Juifs eurent le choix entre la conversion ou la mort. Alors que 150 Juifs choisirent le martyr, d’autres se convertirent à l’islam – y compris le Dayan (rabbin ou juge rabbinique) Joseph ben Amram – qui retournèrent plus tard au judaïsme. La ville de Dar’a endura un sort identique. L’élégie émouvante «Ahah Yarad Al Sefarad» d’Abraham Ibn Ezra décrit la destruction par les Almohades, aussi bien des communautés juives d’Espagne – Séville, Cordoue, Jaen, Almeria – et d’Afrique du Nord dont Sijilmasa et Dar’a ainsi que d’autres à Marrakech, Fez, Tlemcen, Ceuta, et Meknès.
Ibn Aqnin (mort en 1220), philosophe et commentateur renommé, né à Barcelone en 1150, fuyant les persécutions almohades avec sa famille, s’échappa aussi à Fez. Vivant comme crypto-juif, il rencontra Maïmonide et nota dans ses propres écrits poignants les souffrances des Juifs sous la férule almohade. Ibn Aqnin écrivait durant le règne d’Abu Yusuf al-Mansur (régnant de 1184 à1199), quatre décennies après la mise en place des persécutions almohades en 1140. Alors, les Juifs convertis de force à l’islam en étaient déjà à la troisième génération de Musulmans. Malgré cela, al Mansour continuait de leur imposer des restrictions, ce que Ibn Aqnin rapporte. Dans son ‘Tibb al-Nufus’ (thérapie de l’âme), Ibn Aqnin se lamente :
Nos cœurs sont inquiets et nos âmes effrayées à tout moment qui passe, car nous n’avons ni sécurité ni stabilité. Des persécutions et des décrets anciens ont été dirigés contre ceux demeurés fidèles à la Loi d’Israël, et les ont maintenus avec ténacité, de sorte qu’ils pourraient même mourir au nom de leur foi. Dans le cas où ils se soumettraient à leurs exigences, nos ennemis les loueraient et les honoreraient… Mais lors des persécutions présentes, au contraire, autant que nous puissions paraître obéir à leurs instructions abandonner la nôtre, ils appesantissent notre joug et rendent notre travail plus difficile… Observer les duretés des apostats de notre communauté qui ont totalement abandonné la foi, et ont changé de tenue à la suite de ces persécutions… Mais leur conversion ne leur était d’aucune utilité, car ils étaient soumis aux mêmes vexations que ceux restés fidèles à leur foi. De fait, même la conversion de nos pères ou grands-pères ne leur a été d’aucun avantage (…).
Si nous devions prévoir les persécutions qui nous sont tombées dessus dans les années récentes, nous ne trouverions rien de comparable dans les annales de nos ancêtres. Nous sommes l’objet d’inquisitions ; des grands et des petits témoignent contre nous, et des jugements sont prononcés, dont le moindre rend légal de verser notre sang, la confiscation de nos biens, et le déshonneur de nos épouses. (…)
Les gardiens musulmans peuvent disposer de nos jeunes enfants, et de leurs biens à leur guise. S’ils ont été donnés à un individu craignant Allah, il s’efforcera alors d’éduquer les enfants dans leur religion, car l’un de leurs principes est que tous les enfants sont à l’origine nés musulmans, et ce sont leurs parents qui les élèvent comme Juifs, Chrétiens ou Zoroastriens. Ainsi, si leur gardien les éduque dans ce qu’ils déclarent être leur religion originale (c.a.d. l’islam) et ne laisse pas les enfants à leurs parents - les Juifs - il obtiendra une récompense considérable d’Allah. (…)
Il nous était interdit de pratiquer le commerce, qui est notre ressource vitale, car on ne peut vivre sans la nourriture pour sustenter nos corps, et sans vêtements pour les protéger du chaud et du froid. Ces derniers ne peuvent être obtenus que par le commerce, car il est leur ressource et leur origine, sans lequel son effet, c.a.d. notre existence, disparaîtrait. Ce faisant, leur idée était d’affaiblir nos forts et d’annihiler nos faibles. (…)
Puis ils nous imposés des vêtements distincts. De même que pour le décret imposant le port de longues manches, son objet était de nous faire ressembler à l’état inférieur des femmes, qui sont dénuées de force. Ils avaient pour objet, par leur longueur, de nous rendre disgracieux, alors que leur couleur devait nous rendre répugnants. Le but de ces vêtements distinctifs est de nous différencier d’entre eux, de façon à être reconnus dans nos échanges avec eux sans le moindre doute, pour qu’ils puissent nous dénigrer et nous humilier… De plus, cela permet de répandre notre sang dans l’impunité, car quand nous voyageons sur le chemin d’une ville à l’autre, nous sommes attaqués par des voleurs et des brigands, et sommes secrètement assassinés la nuit ou tués en plein jour. (…)
Maintenant, l’objet de la persécution par Ismaël, qu’ils nous demandent de renoncer à notre religion en public ou en privé, est seulement d’annihiler la foi en Israël, et par conséquent, on acceptera plus sûrement la mort que de commettre le moindre pêché… Comme le firent les martyrs de Fez, de Sijilmassa, et de Dar’a.
L’épître de Maïmonide aux Juifs du Yémen fut écrite vers 1172 en réponse aux questions de Jacob ben Netan’el al-Fayyûmi, qui dirigeait la communauté juive au Yémen. A cette époque, les Juifs du Yémen enduraient une expérience familière à Maïmonide – alors qu’ils étaient obligés de se convertir à l’islam - campagne lancée vers 1165 par Abd-al-Nabî ibn Mahdi. Maïmonide adressa des recommandations au chef de la communauté juive du Yémen, et les encouragements qu’il put rassembler. L’épître aux Juifs du Yémen apporte une vision honnête et sans hésitation de ce que Maïmonide pensait du prophète musulman Mohammed, ou «Le Fou» comme il l’appelle, et au sujet de l’Islam en général. Maïmonide écrit :
Vous écrivez que le chef rebelle au Yémen a décrété une apostasie obligatoire pour les Juifs, obligeant les habitants juifs de toutes les places qu’ils avait soumises à abandonner la religion juive, exactement comme les Berbères les avaient obligés à le faire au Maghreb [c.a.d. l’occident islamique]. Et sans délai. Voilà de bien mauvaises nouvelles (…). «Et celui qui les entend, ses deux oreilles frissonnent (I, Samuel 3:11)». En vérité, nos cœurs sont affligés, nos esprits sont meurtris, et la force du corps épuisée à cause des terribles infortunes que nous ont apportées des persécutions religieuses aux deux extrémités de la terre, l’Orient et l’Occident, «de sorte que l’ennemi était au milieu d’Israël, certains de ce côté, et certains de l’autre côté» (Joshua 8:22).
Maïmonide fait clairement savoir que les persécutions implacables des Juifs par les Musulmans équivalent à une conversion forcée:
Les persécutions continues en entraîneront beaucoup à s’éloigner progressivement de notre foi, d’avoir des craintes, ou de se perdre, parce qu’ils auront vu notre faiblesse, et le triomphe de nos adversaires et leur domination sur nous.
Puis il note: «Après lui s’est levé le Fou qui imita son précurseur puisqu’il lui ouvrit la voie. Mais il ajouta comme nouvel objectif d’apporter férule et soumission, et il inventa sa religion bien connue». Des écrivains juifs médiévaux désignaient souvent Mohammed comme ‘ha-Meshugga’, le Fou en hébreu, comme l’historien Norman Stillman d’un air narquois, étant «lourd d’implications».
L’essai magistral de Georges Vajda en 1937 sur les motifs anti-juifs dans les Hadith, comprend une discussion fascinante des «Teshuvot» – Responsa – de Maïmonide sur la question de savoir si les Juifs devaient tenter d’enseigner la Torah aux Musulmans, par rapport aux Chrétiens. Bien que en principe, la réponse soit négative, c.a.d. que les non juifs étaient proscrits de l’étude formelle de la Torah en soi, Maïmonide fait cette distinction frappante entre les Chrétiens et les Musulmans, concernant l’enseignement des commandements et de leurs explications, du fait de la menace unique posée par les Musulmans de par leur intolérance doctrinale :
Il est permis d’enseigner les commandements et les explications selon la loi rabbinique aux Chrétiens, mais il est interdit d’en faire de même pour les Musulmans. Vous savez en effet que selon leur croyance cette Torah n’est pas divine, et si vous leur enseignez quelque chose, il le trouveront contraire à leur tradition, parce que leurs pratiques sont confuses, et leurs opinions bizarres - mippnei she-ba’uu la-hem debariim be-ma’asiim – (parce qu’ils ont reçu un méli-mélo de pratiques diverses et étranges, et de déclarations inapplicables). Ce que l’on enseigne ne les convaincra pas de la fausseté de leurs opinions, mais ils l’interprèteront selon leurs principes erronés et ils nous opprimeront. Pour cette raison (…), ils haïssent tous les non musulmans qui vivent parmi eux. Ce serait alors le principal obstacle pour les Israélites qui, à cause de leurs pêchés, sont captifs parmi eux. Au contraire, les incirconcis (les Chrétiens) admettent que le texte de la Torah, tel que nous l’avons, est intact. Ils l’interprètent seulement de façon erronée, et l’utilisent pour des objectifs d’exégèse allégorique qui leur est propre – Ve-yirmezuu bah ha-remaziim hay-yedu’iim la-hem – (ils échangeraient des signes secrets connus seulement d’eux). Si quelqu’un les informe de l’interprétation correcte, on peut espérer qu’ils reviennent de leur erreur, et même s’ils ne le font pas, il n’y a pas d’obstacle pour Israël, parce qu’ils ne trouvent pas dans leur loi religieuse une contradiction avec la nôtre (…).
Revenant à l’Epître aux Juifs du Yémen, Maïmonide souligne l’une des raisons présumées de la haine des Musulmans contre les Juifs :
Vu que les Musulmans n’avaient pas pu trouver la moindre preuve qu’ils pourraient utiliser dans toute la Bible, ni une référence ou une allusion possible à leur prophète, ils se crurent obliges de nous accuser en disant, « Vous avez altéré la Torah, et en avez expurgé toute trace du nom de Mohammed». Ils ne purent rien trouver de plus puissant que cet argument ignominieux.
En explicitant la profondeur de la haine musulmane contre les Juifs, Maïmonide fait une nouvelle observation profonde concernant la prédilection juive pour le démenti, une caractéristique qui, insiste-t-il, hâtera leur destruction :
Souvenez-vous, mes coreligionnaires, qu’au décompte du vaste nombre de nos pêchés, D.ieu nous a précipités au milieu de ce peuple, les Arabes, qui nous ont sévèrement persécutés, et ont adopté une législation néfaste et discriminatoire contre nous, comme les Ecritures nous en ont avertis: «Nos ennemis eux-mêmes nous jugeront » (Deutéronome 32:31). Jamais une nation ne nous a frappés, dégradés, dépréciés, et haïs autant qu’eux. Bien qu’ils nous aient déshonorés au-delà de la capacité d’endurance humaine, et que nous ayons dû subir leurs diffamations, pourtant nous nous comportons comme celui qui est dépeint par l’écrivain inspiré: Mais je suis comme sourd, je n’entends pas, et je suis muet comme celui qui n’ouvre pas la bouche (Psaumes 38:14)» (…).
De même nos sages nous ont appris à supporter les tergiversations et le grotesque d’Ismaël en silence. Ils trouvèrent une allusion cachée à cette attitude dans les noms de ses fils: «Mishma, Dumah, et Massa» (Génèse 25:14, dont l’interprétation signifiait «Ecoute, garde le silence, et endure» (Targum Pseudo-Jonathan, ad locum). Nous avons acquiescé, aussi bien les vieux que les jeunes, pour nous endurcir à l’humiliation, comme Isaïe nous en a instruits: «J’ai tendu mon dos aux châtiments, et mes joues dont ils arrachèrent les poils» (50:6). Malgré tout cela, nous n’échappons pas à ce perpétuel mauvais traitement, qui nous écrase presque (…). Peu importe combien nous souffrons et choisissions de rester en paix avec eux, ils soulèvent conflits et sédition, comme David l’a prédit: «Je ne suis que paix, mais quand je parle, ils sont pour la guerre» (Psaumes 120:7).
Si donc, nous commençons à jeter le trouble et à réclamer d’eux le pouvoir de façon absurde et grotesque, nous contribuerons certainement à notre propre destruction.
800 ans plus tard exactement, ignorant tristement l’observation intemporelle de Maïmonide– comme les gouvernements israéliens, tout particulièrement, et américains, ont tant coutume de le faire – l’apaisement irresponsable du suprématisme musulman est vraiment «Meshuga», avec toutes les connotations modernes et anciennes de l’expression.
Adaptation française de Sentinelle 5768 ©
Cette basse condition chez l'être humain s'accompagne de valeurs tout aussi condamnables comme le manque de discernement, la course au pouvoir, la faiblesse devant l'argent, l'hypocrisie ou le désir intéressé de dénaturer la vérité pour porter atteinte à autrui, à une idée ou à une communauté.
Le manque de discernement, évidemment condamnable, ne peut être imputable qu'aux rigueurs des conditions de vie imposées et de développement intellectuel et moral de l'individu dans son milieu. Il sera le fruit rêvé recherché pour générer une exploitation de l'homme par l'homme, c'est-à-dire la suprématie de l'esprit fort sur l'esprit faible. Ainsi, des personnes naïves seront utilisées par des êtres dangereux pour diffuser des idées destructrices et devenir les bras armés contre des personnes et des manifestations.
C'est sur ce terrain-là que règne la propagande. Elle dispose de stratèges fourbus à l'exercice de la désinformation idéologique ou politique et vise à canaliser la pensée d'une population dans le but de faire passer des lois contre l'avis d'une majorité de citoyens, de créer l'inimitié contre une autre population puis la confrontation ou sa mise en accusation et même à la guerre entre nations. Ces procédés sont l'arme d'hommes politiques sournois ou corrompus, souvent parrainés par une presse financièrement intéressée et parfois, dans très peu de cas, elle-même désinformée.
L'histoire de l'Espagne andalouse demeure un chapitre exceptionnel de l'histoire universelle. Tout au long de cette présence islamique, l'Andalousie fut un exemple remarquable et un modèle patent de tolérance. Celle-ci se manifesta dès la conquête, puisque les conquérants musulmans s'étaient engagés auprès des Chrétiens et des Israélites à maintenir leurs libertés, à préserver leur fortune et leurs biens, à respecter leurs lieux de culte et à assurer leur défense.
Durant huit siècles, les trois religions monothéistes cohabitèrent dans une atmosphère scientifiquement et culturellement prolifique, engendrant le meilleur de l'esprit humain. A l'époque même où les Juifs d'Allemagne et de France vivaient une très sombre période, les Juifs espagnols connaissaient un âge d'or. Les Musulmans ont accordé aux Juifs ainsi qu'aux Chrétiens une autonomie considérable de même que le droit de pratiquer leur culte. Aussi, les restrictions que les Romains et les Byzantins avaient édictées ont été annulées, notamment le droit des Juifs de visiter et d'habiter Jérusalem. Beaucoup de Chrétiens et de Juifs occupèrent des postes importants sous le règne de divers califes musulmans.
Le Juif Moshé Ibn Ezra, lui-même poète vivant en Espagne, écrit : « Parfois, les Juifs de l'exil espagnol réussissent mieux que les Juifs des autres diasporas dans le domaine poétique [...]. Il y a à mon avis, dans le climat espagnol, quelque chose qui est de nature à inspirer l'âme poétique. Enfin, les citoyens de l'Espagne ont étudié la langue et la littérature arabes, y compris la poésie et en ont été influencés. »
ARTE TV Séfarades:
La domination des Arabes
La conquête de la péninsule ibérique par les Arabes en 711 met fin à la domination des Visigoths, et dans une large mesure à la discrimination et à la persécution des Juifs, bien que l'on observe quelques tentatives de conversion forcée à l'Islam.
Dans les centres intellectuels de Cordoue, Grenade, Saragosse et Tolède en particulier, les Juifs jouent à partir du 10ème siècle un rôle important dans la vie intellectuelle.
Les génies universels séfarades, qui sont souvent en même temps médecins, érudits, diplomates ou juristes, contribuent à diffuser en Occident les dernières découvertes scientifiques et les ouvrages des philosophes arabes. Des savants juifs occupent des postes importants dans les cours des rois musulmans où ils sont les protecteurs des arts, des sciences et des religions. Les écoles talmudiques et centres d'érudition de l'époque font à juste titre la fierté des Juifs séfarades. Tolède en particulier, avec son fameux collège de traducteurs, devient le centre de la culture européenne.
La crise et l'expulsion des Juifs par les Rois Catholiques
L'année 1 391 marque le début d'une ère de pogromes et de conversions forcées. Les rois chrétiens ont déjà décidé d'exclure les Juifs, et exercent des pressions de plus en plus fortes sur les communautés juives. A cette époque, tous les rois espagnols ont un " Juif de cour ", chargé de lever des fonds et de recouvrer les impôts. Ceci explique en grande partie les sentiments antijuifs observés dans la péninsule ibérique. Les Juifs sont souvent rendus responsables des charges financières, des méthodes dures de recouvrement des impôts et des exigences excessives de la Cour.
Le 4 juin 1 391, Séville est le théâtre d'un pogrome. Les biens des Juifs sont pillés et brûlés, et 4 000 Juifs sont tués. Pour sauver leur vie, les survivants doivent se convertir ou quitter le pays. Des années de terreur s'abattent alors sur les Juifs dans toute l'Espagne.
En 1492, les Rois Catholiques promulguent un décret d'expulsion du frère Tomas de Torquemada, Grand Inquisiteur. Tous les Juifs résidant en Espagne qui ne veulent pas se convertir à la foi chrétienne sont expulsés du pays, ce qui entraîne la disparition d'une culture vieille de presque 1 500 ans dans la péninsule ibérique.
Environ 160 000 Juifs se réfugient dans d'autres pays, tandis que 50 000 environ se convertissent au catholicisme. Au Portugal, des milliers de Juifs sont convertis de force à la foi chrétienne. Le décret promulgué en 1 499 qui condamne à mort tous les Juifs se trouvant encore dans le pays marque le triste paroxysme des persécutions.
L'émigration
Moins d'un tiers des émigrants reste en Europe, et la plupart d'entre eux s'installent aux Pays-Bas, en France et en Italie. La plupart des Séfarades se réfugient dans les pays méditerranéens, dans les Balkans, en Afrique du Nord et surtout dans l'Empire Ottoman.
Les Juifs espagnols s'installent dans d'autres pays tout en restant profondément attachés à leur culture. Ils ne renoncèrent jamais à retourner un jour - eux ou leurs enfants - dans leur pays d'origine, l'Espagne.
Yvonne von Zeidler Nori
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