Cova Florian a écrit :Donc, le "malhonnête" vous salue bien, et vous rappelle que c'est souvent quand l'ignorance commence à se faire sentir que l'on ressent le besoin de déprécier ses interlocuteurs.
Ah non, ah non ! Permettez moi d'expliciter ma position :
C'est d'abord le concept de la théière de Russel que je critiquais dans mon précédent message, et non ses partisans. À mon sens le problème réside, comme je l'ai déjà expliqué, dans les préjugés induits par le choix de l'exemple. Je vais y revenir.
Ensuite, je taxais de malhonnête non pas les personnes -ce serait indélicat de ma part, vraiment- mais le fait de prendre position quant à la question du divin. Je voyais en effet dans le terme malhonnête une manière d'exprimer la position non-absolue intellectuellement parlant en découlant. Vous l'avez dit vous même, on ne peut être sûr à 100% ni dans un sens ni dans l'autre. Je rapprochais donc cela du terme vérité -au sens absolu du terme- utilisé par l'auteur du sujet. Parler de vérité en matière de spiritualité est à mon sens une hérésie totale. La science est d'ailleurs bien plus pragmatique à ce sujet, elle évite de tomber dans la logique spécieuse de "probabilité que ce soit vrai" et parle en terme de modèle qui sont validés puis valides jusqu'à preuve du contraire. Aucun scientifique n'osera jamais dire, enfin je crois, qu'un modèle est
absolu.
Maintenant, en me relisant, je m'aperçois que le terme malhonnête était mal choisi, et je m'en excuse. (C'était 3 heure du mat, en rentrant de soirée, samedi soir, tout ça...)
Je rajouterai que s'il devait exister une position intellectuellement raisonnable quant à la question du divin, ce serait tout simplement de ne pas se poser la question, ou plutôt admettre l'absurdité du questionnement (Camus inside).
Justification de cette proposition ?
Je m'explique : prendre position en matière d'existence du divin est par définition non raisonnable, parce que non soumis à la vérification empirique. On ne peut que présupposer de son existence. Avant d'en venir à notre point d'achoppement, à savoir qu'il est justement plus raisonnable de ne
pas présupposer de l'existence d'une chose invérifiable, je m'en vais justifier cette proposition :
L'absurde nait de la confrontation de l'appel humain avec le silence déraisonnable du Monde - Albert Camus
(Je suppose que vous connaissez Camus mieux que moi, mais permettez-moi d'en expliciter l'idée afin de clarifier mes pensées.)
Pour Camus la quête de sens de l'homme est vaine et vouée à l'échec : le monde, la science, la religion, la philosophie, n'y répondront pas, resteront à tout jamais silencieux. Dès lors, face à cette absurdité du questionnement (et par là même de l'Existence), l'homme ne doit pas continuer dans sa vaine quête de sens. Sa solution ? Se révolter.
Et c'est là la force de Camus : il admet l'absurdité du questionnement existentiel et pousse l'homme dans une absurde révolte.
C'est en cela que cette position est, à mon sens, intellectuellement pleinement raisonnable : le seul moyen de la contester serait de prouver l'existence d'un sens intrinsèque, démarche qui est de toute façon vaine et, au final, absurde.
Pour le dire autrement : si l'athéisme camusien est si puissant (selon moi) c'est justement parce qu'il n'a pas besoin de déconstruire l'hypothèse de Dieu ; le divin en est de facto exclu ! Camus n'as pas à présupposer que Dieu n'existe pas, il ne fait que présupposer l'absurde. C'est un choix.
J'ai donc tenté (maladroitement, peut-être) de réduire cette proposition camusienne au seul concept de Dieu.
Bon, j'en reviens à la question principale : pourquoi serait-il plus raisonnable de ne pas présupposer l'existence de Dieu ?
Mettre Dieu au même niveau que la théière revient à faire de Dieu un objet céleste soumis à l'expérimentation scientifique.
Désolé mais je n'accorde aucune spécificité aux opinions religieuses. Ce sont des opinions qui sont à traiter comme les autres, point à la ligne. Et on ne peut pas dire "a priori" qu'il faut les traiter différemment.
(Plutôt que d'opinions religieuses, parlons de convictions spirituelles, c'est plus général.)
Selon moi, et je conviens volontiers que cette opinion est contestable, la question du divin, est plus généralement la question du sens et la quête y relative transcende la science. Elle en est le fondement et la science -les mécanismes physiques- n'en sont qu'un reflet. Dès lors, tenter de prouver l'existence d'un concept avec des outils (les lois physiques et leur obeservations) eux-même transcendés par ce concept est un non-sens. Permettez-moi une analogie mathématique simple : Cela revient à tenter de définir des nombres complexes à l'aide des nombres réels (IR). Les nombres complexes sont en un certain sens supérieurs aux nombres réels est donc "hors de portée" d'une compréhension portée sur ces derniers.
Bon, là vous me rétorquerez : c'est bien beau tout ça, mais par cette pirouette rhétorique vous introduisez le NOMA et vous vous mettez à l'abri de mon argumentation !
Restons donc à l'intérieur de la science et considérons Dieu comme un objet purement scientifique.
Autre raison pour laquelle l'analogie est bonne : le coût de l'hypothèse. Une théière autour du soleil serait une hypothèse couteuse (rare). Postuler comme ça un être surpuissant, omniscient, sage, etc. - c'est une hypothèse couteuse ! Postuler un astéroïde de plus ou de moins, ça l'est moins.
Imaginons que l'on prouve l'existence de cette fichue théière. Quel bénéfice en tirerions-nous scientifiquement parlant ? Aucun ! Cela ne ferait qu'amener des questions du genre : qui l'a mise là ? Est-ce des extraterrestres ? Dieu ? Est-ce un bug dans la Matrice ? Enfin bref, vous avez utiliser le terme coût (qui doit être un outil de philosophie analytique, domaine que je ne connais absolument pas, comme la philosophie d'ailleurs), permettez-moi de parler de bénéfice. Le bénéfice de l'hypothèse de la théière est donc quasiment nul.
Imaginons maintenant que l'on prouve l'existence de ce fichu Dieu. Le coût de cette hypothèse est certes élevée, mais son bénéfice serait quasiment infini : la quête de sens serait achevé, le questionnement de l'origine (Dieu se suffisant à lui-même) n'aurait plus lieu d'être, la physique serait réunifiée, le but de l'existence élucidé, les gens seraient plus attentifs à Ses commandements, etc,...
Je reproche donc à Russel de ne pas avoir pleinement saisi l'implication du concept de Dieu en le comparant à une théière. Il aurait fallu le comparer à quelque chose au ratio coût/bénéfice comparable.
Non non ! La théière est un bien meilleur exemple pour une raison très simple. Des astéroïdes en orbite, ou même une sonde en orbite, on en a déjà vu autour d'une planète ou d'une autre (ce qui rend leur existence plus probable) - de théière point. Or : Dieu, on ne l'a jamais vu (dans une expérience reproductible, non personnelle). L'analogie est donc meilleure entre Dieu et la théière.
Contre exemple : il existe actuellement en science quelque chose que personne n'a jamais vu ni observé, même pas dans une expérience reproductible personnelle mais dont les implications et l'utilité (bénéfice!) serait extrêmement important : l'Energie noire !
Elle n'est pas observée (elle serait, selon certains, impossible à observée), pas prouvée, simplement présupposée. Pourquoi ? Parce que sans elle les modèles des physiciens théoristes tomberait à l'eau, l'accélération de l'expansion de l'univers serait alors encore plus mystérieuse et incompréhensible et que son existence est la seule manière aujourd'hui ne pas remettre en question toute la physique relativiste.
L'analogie ne serait-elle donc pas meilleure entre Dieu et ce concept ? Mais bon, à la défense de Russel, il est mort avant d'en avoir entendu parler...
Réflechissez : vous connaissez ceux qui disent penser que le monde a été créé par un Spaghetti Géant entouré de Deux Boules de Viande. C'est une affirmation gratuite que personne ne prend la peine de prendre au sérieux. On ne va pas lancer un programme scientifique pour la réfuter. La différence avec les religions monothéistes ???
Question oratoire. Je ne répondrais pas aucune car à mon sens, il faut distinguer la tradition des religions des fondements théologiques les animant. Le fond de la forme. Mais c'est un autre débat.
La religion n'échappe pas à l'expérience. Elle s'en accomode. Prenez le fameux et éculé "problème du mal" : pourquoi les religieux ne le résolvent-ils pas tout simplement en disant que Dieu donne une vie de merde aux méchants et une bonne vie aux gentils ? parce que cela contredirait l'expérience ?
Pire, cela contredirais la notion même de Dieu : il est infiniment bon, il accorde toujours son pardon si en lui en fait la demande, il nous accorde la rédemptions, etc,...
L'expérience est donc première : elle contraint nos croyances. Tout ce que font les religions (telles les pseudo-sciences de Popper ? ou comme une véritable théorie ? c'est à discuter), c'est de se modifier et de se contorsionner pour échapper à l'expérience et rester en phase avec elle (d'où le concordisme, etc.)
Pas en physique théorique : on établi des modèles qui prédisent les observations. (Bien qu'il y ait à la base une observation non conforme pour justifie la naissance du nouveau modèle)
Maintenant, pourquoi je pense que l'hypothèse Dieu est peu probable : elle postule un être très complexe, qui rassemble en lui de nombreuses propriétés rares (donc peu probables). Si on l'avance comme ça : elle ne vaut rien, elle a un coût pour aucun bénéfice. La seule façon de me contredire, ce serait de montrer qu'elle a effectivement un bénéfice (ce que la théière de Russell n'a pas). Quels sont les bénéfices théoriques de l'hypothèse Dieu ? qu'est-ce qu'elle permet d'expliquer de façon avantageuse ?
Oups, je n'avais pas vu ce passage...mais je l'ai anticipé on dirait ! Je sens que tout ça va nous amener à discuter plus précisément des bénéfices de Dieu...
Et si l'on me répond : Dieu est là de toute éternité. Je dis : pourquoi dans ce cas ne pas se contenter de dire : "le monde a existé de toute éternité" ? pourquoi compléter inutilement en mettant Dieu dans l'équation ?
Très bonne question. Peut-être parce que l'existence n'est pas absolue.
L'une des réponses classiques : la création du monde. Le monde est complexe : il est peu probable qu'il apparaisse tout seul. Donc on met Dieu qui : poooofff ! crée le monde ! Ok ! Mais d'où vient Dieu, il est apparu tout seul ? Mais Dieu est un être encore plus complexe et improbable que le monde ? il est donc moins couteux de penser que le monde est apparu tout seul que de penser que Dieu est apparu tout seul.
Tout ça est un peu un autre débat non ? J'y répondrais donc une autre fois...mais vous m'aidez pas là, parce que j'ai beaucoup de peine à ne pas me disperser quand je réponds, alors si en plus on m'incite à le faire...
Et je suis pleinement d'accord avec vos deux autres messages (Et non, c'est pas parce que j'en ai pas marre d'écrire !)
En conclusion, je le répète, je trouve délicat de créer une échelle du raisonnable entre l'athée, l'agnostique et le croyant. (C'est pour ça que j'aime Camus, qui se trouve hors du débat).
Je n'aime pas ceux qui trouvent que les athées sont dans l'erreur, je n'aime pas ceux qui estiment que les croyants sont stupide. C'est tout.
(Ok, là j'en ai marre d'écrire...)