Éthique et culture religieuse (au Québec)
Posté : 25 nov.08, 06:00
Monsieur Dumont
J’aimerais réagir à vos propos sur le cours d’Éthique et de culture religieuse. Dans l’édition du 10 novembre 2008, Le Devoir titrait : Le cours Éthique et culture religieuse - «Une négation de l'identité québécoise», dit Dumont, et l’article débutait par une de vos savoureuses affirmations «qui se battent, par toute sorte de moyens détournés, pour qu'il n'y ait plus d'arbres de Noël dans les classes. C'est le même monde qui se battent [sic] pour faire disparaître les mots comme Pâques des classes».
Commençons par ce que vous appelez l’identité québécoise. Les sociologues vous le diront, l’identité d’un peuple repose sur des fondements multiples et parfois contradictoires. Quatre cents années d’Histoire ont fait de nous ce que nous sommes, c’est-à-dire un peuple issu de la colonisation française et britannique, fortement influencé par la culture états-unienne, vivant une relation profondément ambivalente avec le reste du Canada. Catholique par tradition, notre société s’est graduellement sécularisée depuis le début de ce qu’on appelle la Révolution tranquille, de telle sorte qu’à notre époque l’appareil de l’État, l’éducation et la santé sont complètement dissociés du pouvoir religieux qui avait certaines prérogatives dans ces domaines par le passé. Cette désacralisation de la vie ne s’est pas opérée sans heurt et il est facile de constater que les Québécois n’ont plus d’identité religieuse collective. Cependant, le désir de spiritualité des individus est toujours présent, mais s’exerce différemment selon les choix des personnes, ou demeure latent faute de réponses satisfaisantes aux questions existentielles autrefois fournies par la religion. Ainsi, une bonne partie des Québécois sont torturés intérieurement, parce qu’ils ne savent plus à quels saints se vouer.
Quand au fait que certains luttent depuis longtemps pour enlever les crucifix des écoles, n’y voyez là qu’une réaction normale de ceux et celles qui se rappellent les trahisons du clergé, en oubliant parfois les bonnes choses qui ont été accomplies par ce même clergé. Cela dit, il est important de se rappeler notre Histoire, tout en acceptant la nouvelle réalité que notre peuple vit en ce début de vingt-et-unième siècle, à savoir l’ouverture sur le monde du multiculturalisme. Certes, une telle ouverture est souhaitable, sans toutefois qu’elle ne débouche sur la négation de notre identité. À cet égard, je vous rejoins, monsieur Dumont. Mais là s’arrête ma complicité car ma formation académique (diplômé de l’UQAM, maîtrise en sciences des religions) et mon expérience professionnelle (professeur d’enseignement moral et religieux depuis 1988) me crient d’applaudir les efforts (et le résultat, malgré quelques réserves) de ceux qui ont élaboré le programme d’Éthique et de culture religieuse.
Ma pratique professionnelle (j’enseigne en quatrième secondaire) me permet de constater que les cours d’enseignement religieux étaient déconnectés de la réalité des jeunes qui les suivaient. Le nouveau cours permettra aux élèves de réfléchir sur des enjeux éthiques (ce que le cours d’enseignement moral et religieux faisait aussi) et de recevoir des informations qui leur assureront une meilleure compréhension du phénomène religieux, lequel est encore aujourd’hui très actuel dans le contexte de la mondialisation. Avec le temps, les penseurs du programme espèrent que les jeunes deviendront des adultes capables de dialoguer avec le reste de la planète tout en étant conscients de la différence qui sépare les cultures. Pour cette raison, le programme accorde une place prépondérante aux religions qui ont marqué notre histoire, le christianisme et le judaïsme, et, pour la première fois, accueille les spiritualités amérindiennes et reconnait l’influence que celles-ci ont eut sur notre identité religieuse collective. Cela ne peut être autre chose que positif.
Le multiculturalisme est loin d’être, comme vous le dites monsieur Dumont, « une forme de négation, la négation d'une histoire, la négation de ce qui a existé sur un territoire. La négation d'un vécu ». C’est au contraire une ouverture sur l’avenir, une brave tentative d’éliminer une fois pour toute l’obscurantisme qui nous a si souvent imposé le petit pain d’un peuple sans envergure. Nous ne sommes pas un petit peuple, loin de là. Le cours d’Éthique et de culture religieuse sera une grande contribution à la redéfinition de l’identité québécoise. Personnellement, j’y travaillerai, sans relâche, car je suis convaincu que nos enfants le méritent.
Noël Landry
J’aimerais réagir à vos propos sur le cours d’Éthique et de culture religieuse. Dans l’édition du 10 novembre 2008, Le Devoir titrait : Le cours Éthique et culture religieuse - «Une négation de l'identité québécoise», dit Dumont, et l’article débutait par une de vos savoureuses affirmations «qui se battent, par toute sorte de moyens détournés, pour qu'il n'y ait plus d'arbres de Noël dans les classes. C'est le même monde qui se battent [sic] pour faire disparaître les mots comme Pâques des classes».
Commençons par ce que vous appelez l’identité québécoise. Les sociologues vous le diront, l’identité d’un peuple repose sur des fondements multiples et parfois contradictoires. Quatre cents années d’Histoire ont fait de nous ce que nous sommes, c’est-à-dire un peuple issu de la colonisation française et britannique, fortement influencé par la culture états-unienne, vivant une relation profondément ambivalente avec le reste du Canada. Catholique par tradition, notre société s’est graduellement sécularisée depuis le début de ce qu’on appelle la Révolution tranquille, de telle sorte qu’à notre époque l’appareil de l’État, l’éducation et la santé sont complètement dissociés du pouvoir religieux qui avait certaines prérogatives dans ces domaines par le passé. Cette désacralisation de la vie ne s’est pas opérée sans heurt et il est facile de constater que les Québécois n’ont plus d’identité religieuse collective. Cependant, le désir de spiritualité des individus est toujours présent, mais s’exerce différemment selon les choix des personnes, ou demeure latent faute de réponses satisfaisantes aux questions existentielles autrefois fournies par la religion. Ainsi, une bonne partie des Québécois sont torturés intérieurement, parce qu’ils ne savent plus à quels saints se vouer.
Quand au fait que certains luttent depuis longtemps pour enlever les crucifix des écoles, n’y voyez là qu’une réaction normale de ceux et celles qui se rappellent les trahisons du clergé, en oubliant parfois les bonnes choses qui ont été accomplies par ce même clergé. Cela dit, il est important de se rappeler notre Histoire, tout en acceptant la nouvelle réalité que notre peuple vit en ce début de vingt-et-unième siècle, à savoir l’ouverture sur le monde du multiculturalisme. Certes, une telle ouverture est souhaitable, sans toutefois qu’elle ne débouche sur la négation de notre identité. À cet égard, je vous rejoins, monsieur Dumont. Mais là s’arrête ma complicité car ma formation académique (diplômé de l’UQAM, maîtrise en sciences des religions) et mon expérience professionnelle (professeur d’enseignement moral et religieux depuis 1988) me crient d’applaudir les efforts (et le résultat, malgré quelques réserves) de ceux qui ont élaboré le programme d’Éthique et de culture religieuse.
Ma pratique professionnelle (j’enseigne en quatrième secondaire) me permet de constater que les cours d’enseignement religieux étaient déconnectés de la réalité des jeunes qui les suivaient. Le nouveau cours permettra aux élèves de réfléchir sur des enjeux éthiques (ce que le cours d’enseignement moral et religieux faisait aussi) et de recevoir des informations qui leur assureront une meilleure compréhension du phénomène religieux, lequel est encore aujourd’hui très actuel dans le contexte de la mondialisation. Avec le temps, les penseurs du programme espèrent que les jeunes deviendront des adultes capables de dialoguer avec le reste de la planète tout en étant conscients de la différence qui sépare les cultures. Pour cette raison, le programme accorde une place prépondérante aux religions qui ont marqué notre histoire, le christianisme et le judaïsme, et, pour la première fois, accueille les spiritualités amérindiennes et reconnait l’influence que celles-ci ont eut sur notre identité religieuse collective. Cela ne peut être autre chose que positif.
Le multiculturalisme est loin d’être, comme vous le dites monsieur Dumont, « une forme de négation, la négation d'une histoire, la négation de ce qui a existé sur un territoire. La négation d'un vécu ». C’est au contraire une ouverture sur l’avenir, une brave tentative d’éliminer une fois pour toute l’obscurantisme qui nous a si souvent imposé le petit pain d’un peuple sans envergure. Nous ne sommes pas un petit peuple, loin de là. Le cours d’Éthique et de culture religieuse sera une grande contribution à la redéfinition de l’identité québécoise. Personnellement, j’y travaillerai, sans relâche, car je suis convaincu que nos enfants le méritent.
Noël Landry