Bonjour « Blah-blah ».
Il y a plusieurs manière d'aborder le sujet.
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La première consiste à aborder l'angle de la mémétique (1).
On peut considérer la culture comme un ensemble de savoirs qui se transmettent d'une génération à l'autre (diffusion verticale) et d'un individu à l'autre (diffusion horizontale) au sein d'une même génération.
L'itération d'un individu à l'autre connaît des variations, des mutations, des hybridations, etc. à l'instar des itérations génétiques. Ainsi la culture entre-t-elle dans un mécanisme darwinien de sélection/reproduction qui, de génération en génération, fait survivre les éléments culturels les plus efficaces.
Ainsi une tribu qui aurait développé une culture favorisant les conduites suicidaires aurait très peu de chance de survivre autant qu'une autre qui aurait favorisé l'échange et l'entraide.
Il a été récemment montré que les cultures animales constituaient des facteurs important de survie de certaines espèces, que des individus qui s'échangeaient certaines pratiques (par exemple l'emploi d'outils primitifs, de cris d'alerte spécifiques, etc.) accroissaient ainsi leurs chances de survivre, donc de se reproduire, donc de transmettre cette culture.
La religion doit à ce titre être considérée comme un système de représentations culturelles qui, par sélection de génération en génération, a permis à ses hôtes de survivre. Dans le même temps, ce système a fait en sorte d'être particulièrement bien adapté à la structure du cerveau humain (2), de telle sorte qu'il est désormais très difficile pour un croyant de s'en débarrasser, quelles irréalistes et farfelues soient ses croyances.
Ainsi la religion ne rend-elle pas doux et bon : on est doux et bon malgré la religion, laquelle se sert de cette tendance pour s'ancrer dessus.
Les religions monothéistes sont issues de peuples nomades qui vivaient dans le bassin Méditerranéen méridional et oriental qui se sont pour certains sédentarisés très progressivement. Ainsi nombre de leurs croyances sont liées à leur mode de vie. Par exemple l'interdit de la consommation de la viande de porc s'explique par le fait que le climat gâte très vite cette viande et que cet animal a un mode de vie incompatible avec le mode de vie nomade. (3) De même, la rudesse de la vie nomade, les combats intertribaux incessants ont provoqué une mortalité masculine plus importante, qui s'est traduite culturellement par la polygamie. La propriété n'étant pas liée à la terre mais à ce qu'on peut emmener, la femme et sa virginité (garantissant une descendance exclusive, donc une transmission directe des biens) sont naturellement devenus des biens.
Les autres religions ne transmettent pas les mêmes types d'interdits et de recommandations dès lors qu'elles sont issues de conditions de vie différentes. Par exemple chez les vikings, les quelques informations que l'on a sur leur religion montre un rôle de la femme beaucoup plus important et une sexualité plus débridée. Cela s'explique par le caractère matriarcal de ce peuple de navigateurs-pêcheurs (les femmes restant à terre, ce sont elles qui commandent, en fait, comme chez les bretons) et par le rude climat posant des problèmes de fécondité. Les enjeux de survie tournent ici autour de la naissance d'enfants au sein de la communauté, quels qu'en soient les parents. Ainsi les femmes ont-elles un époux que pour une durée limitée et il n'est pas rare qu'elles aient des enfants de plusieurs époux. (4)
C'était une très courte introduction sur l'approche mémétique. Si cet angle d'attaque t'intéresse pour ton cours (devoir à rendre bientôt ?), je te laisse poursuivre.
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Un autre angle pourrait être l'angle éthologique.
Je m'explique : de 1947 à nos jours les études se multiplient montrant que nous ne partageons pas que la quasi-totalité de nos gènes avec nos cousins les grands singes, mais que nos mœurs sont également très similaires.
Or si l'idée de dieu a pu s'imposer dans les esprits de nos congénères aussi profondément, c'est parce qu'elle est particulièrement adaptée à une série d'instincts grégaires qui nous habitent et qu'elle « parasite » en quelque sorte. (5)
Chez tous les grands singes (bonobo, chimpanzé, gorille, humain, etc.) fonctionne un système social basé sur une double hiérarchie masculine et féminine. Et nous constatons tous les jours autour de nous des individus dominants et dominés, et pouvons être étonnés parfois de voir avec quelle docilité certains se laissent traiter. (6)
Dieu prend ici la place d'un super-mâle dominant (7) et tous les croyants se comportent en super-dominés.
Cela paraît incroyable ?
On suppose à dieu un comportement parfaitement rationnel, lui qui n'est soumis à aucune contingence physique.
- Dans ce cas, pourquoi lui prête-t-on de la colère ? C'est un comportement irrationnel d'urgence présent chez tous les primates, permettant de sauvegarder ou déplacer une situation sociale au sein du groupe.
- Également, pourquoi ressent-il et donne-t-il de l'amour ? Ce type de lien social s'explique dans une perspective de survie d'un groupe d'animaux évoluant dans un biotope. Les amibes également sont considérées comme ses créatures, mais elles sont étrangères à l'amour. Tous les primates et beaucoup de mammifères ressentent de l'amour.
- Également, il invoque souvent une hiérarchie sociale (au sommet de laquelle il est placé d'office). Là encore, tous les animaux ne sont pas sociaux.
- Il s'exprime par gestes et par la voix, comme le font les primates. Pourquoi ne le fait-il pas chimiquement (phéromones) par exemple ?
- Il régule les relations sexuelles entre les individus qu'il domine : il dit qui a le droit de faire quoi et avec qui. En revanche, les autres animaux font comme ils le veulent. Il se s'adresse donc bien qu'aux coucheries au sein de sa tribu.
- Parfois il pleure, il se repose, il contemple le travail accompli, il met les siens à l'épreuve, etc. Exactement comme le ferait en particulier un dos-gris.
Là encore, je ne fais qu'effleurer le sujet, pour te laisser approfondir si cet angle t'intéresse.
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J'aimerais finir sur une remarque quant à la réponse de Lechemaindroit. Avec tout le respect que je lui dois, je crois que sa réponse constitue un matériau de choix pour une analyse sur la question du rapport sexe/religion. Observe la nature de ses arguments : ce ne sont pas des arguments rationnels, mais basés sur des valeurs, des tabous, des interdits, une hiérarchie des représentations culturelles donnée comme allant de soi.
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(1) Ce qu'est la mémétique :
http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9m%C3%A9tique
(2) De tous temps de très nombreuses croyances apparaissent et disparaissent. Lorsque des individus se rencontrent et échangent sur leurs croyances, celles qui sont moins résistantes à la persuasion et à la transmission se transmettent statistiquement un peu moins. Cette tendance va en s'accentuant en multipliant les individus et les générations. Après plusieurs centaines de générations, les croyances les plus propices à s'insinuer dans l'esprit humain, les plus tenaces, donc, sont celles qui ont survécu.
(3) Les tribus de la région qui ne connaissaient pas cet interdit n'ont sans doute pas survécu, et leur culture non plus. Alors qu'en Europe du Nord consommer du porc était davantage adapté à la culture, donc si un interdit est apparu, il ne s'est guère répandu.
(4) Je te renvoie aux livres de Régis Boyer si tu souhaites te renseigner davantage sur la civilisation Viking.
(5) Voir à ce sujet les textes de Boris Cyrulnik qui sont très éclairants.
(6) J'imagine que ces propos peuvent être choquants. Mais si l'on s'entend bien sur ce que veut dire "domination" en éthologie, force est de constater que ce phénomène existe bel et bien chez l'humain.
(7) Pour mieux comprendre ce que j'entends par "prendre la place", je prendrai l'exemple des grenouilles. Peut-être as-tu déjà entendu des grenouilles s'exciter et coasser très bruyamment au passage d'un avion. L'explication en est que lorsqu'une grenouille mâle étrangère arrive près d'une communauté, les autres mâles la repoussent en coassant fort (« Va-t-en, ce sont nos femelles ! »). Il se trouve que le moteur d'avion vibre à une fréquence très proche de la voix des mâles batraciens. Lorsque les grenouilles entendent ça, elles coassent comme jamais pour repousser ce super-mâle qui se pointe. L'avion a ici "pris la place" d'une grenouille mâle. Pourtant il n'a nulle envie de s'accoupler avec les femelles de la mare...