Lecture critique : la sourate « de l'épée »
Posté : 27 mai09, 02:02
À la demande de l'un de nos camarades, j'ouvre un sujet particulier consacré à la célèbre « Sourate de l'épée ».
C'est une sourate que beaucoup de critiques de l'Islam brandissent, souvent, je dois humblement l'admettre, de manière impropre, et parfois en revanche, me semble-t-il, à bon escient.
La rubrique « Athéisme et religion » me semble la plus propice à l'examen que je vous propose, dans la mesure où c'est le lieu de ce forum où l'on a le plus de chance d'avoir une discussion dépassionnée et avec recul.
Aussi vous proposé-je une sélection(1) de versets de la sourate 9 du Coran dont le titre est « Le Repentir ou La Dénonciation »(2).
Ceci devrait permettre à toutes et à tous :
- de prendre connaissance de ces fameux versets (pour celles et ceux qui ne les connaissaient pas) ou d'en offrir une nouvelle lecture (pour celles et ceux qui en connaissaient une version différente),
- d'apporter un regard critique(3) sur ces versets,
- de discuter des enjeux qu'ils représentent pour un Islam contemporain, ouvert et modéré,
- d'ouvrir éventuellement un débat sur le rapport entre éthique et religion, violence et religion, éthique et athéisme, violence et athéisme.
Dernière remarque avant de vous livrer les versets : j'ai opté pour la traduction française de Jacques Berque(4).
Sourate IX : LE REPENTIR ou LA DÉNONCIATION
1. Dénonciation, de par Dieu et Son Envoyé à l'adresse de ceux des associants(5) auxquels vous liait un pacte.
2. Ainsi donc, allez et venez par la terre durant quatre mois. Et sachez bien que vous n'êtes pas (de taille) à rendre Dieu impotent, mais que Dieu accable les dénégateurs.
3. Notification, de par Dieu et de Son Envoyé, le jour du Pèlerinage solennel : Dieu dénonce (les accords consentis) aux associants, Son Envoyé aussi. Si vous vous repentez, mieux sera-ce pour vous. Si vous vous dérobez, sachez que vous n'êtes pas de taille à rendre Dieu impotent. Et fais l'annonce aux dénégateurs d'un douloureux châtiment.
4. Exception est faite en faveur des associants qui, liés à vous par un pacte, n'y auront pas fait la moindre brèche, non plus que soutenu personne contre vous : dans ce cas, honorez pleinement leur pacte pour la durée de leur engagement.
— Dieu aime ceux qui se prémunissent.*
5. — Une fois dépouillés les mois sacrés, tuez les associants où vous les trouverez, capturez-les, bloquez-les, tendez-leur toutes sortes d'embûches. Seulement, s'ils se repentent, accomplissent la prière, acquittent la purification, dégagez-leur le chemin.
— Dieu est Tout pardon, Miséricordieux.
[...] 11. En revanche, s'ils se repentent envers Dieu, accomplissent la prière, acquittent la purification, alors les voici vos frères en religion...
— Nous articulons Nos signes à l'intention d'un peuple (capable) de science.
[...] 26. Alors Dieu fit descendre Sa sérénité sur Son Envoyé et sur les croyants, fit descendre des armées jusque-là invisibles et châtia les dénégateurs.
— Voilà bien la rétribution des dénégateurs !
27. — Mieux encore Il s'est repenti après (la victoire) en faveur de qui Il voulait.
— Dieu est Tout pardon, Miséricordieux.
28. — Ô vous qui croyez les associants : ce n'est qu'être impur. Qu'ils n'approchent pas du Sanctuaire consacré après cette année-ci. Si vous craignez de ce fait un marasme, Dieu y pourvoie pour vous de Sa grâce, s'Il le veut.
— Il est le Connaissant, le Sage*.
29. — Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu ni au Jour dernier, ni n'interdisent Dieu et Son Envoyé, et qui, parmi ceux qui ont reçu l'Écriture(7), ne suivent pas la religion du Vrai — et cela jusqu'à ce qu'ils paient d'un seul mouvement une capitation en signe d'humilité.*
30. Les Juifs disent Esdras fils de Dieu ; les Chrétiens disent le Messie fils de Dieu : ce n'est là qu'un propos de leur bouche analogue à celui des dénégateurs de jadis
— Dieu les combatte ! Comment à ce point se fourvoyer !
[...]39. Faute de vous mobiliser, (Dieu) vous châtierait d'un châtiment douloureux ; Il vous substituerait un peuple autre que vous, sans que vous puissiez Lui faire le moindre mal.
— Dieu est omnipotent.
40. — Si vous ne portez pas assistance (à l'Envoyé), Dieu l'assista quand, banni par les dénégateurs avec un seul compagnon, tous deux se trouvaient dans un grotte. Lors il dit à son compagnon : « Ne sois pas triste : Dieu est avec nous ». Et Dieu fit descendre sur lui Sa sérénité, le conforta d'armées invisibles à vos yeux, et mit à bas la parole des dénégateurs, alors que la Parole de Dieu fut la plus haute.
— Dieu est Tout-Puissant et Sage.
41. — Mobilisez-vous, (avec un équipement) lourd ou léger, efforcez-vous de vos biens et de votre personne sur le chemin de Dieu. En quoi réside pour vous un bien, pour peu que vous sachiez.*
[...]
______
Notes de Jacques Berque :
* v 1-4. Les v 1 et 2 d'une part, 3 et 4 de l'autre, semblent consigner deux versions du même acte.
* v 28. (6).
* v 29. Première (et très tardive) mention du devoir conditionnel de guerre contre les Gens du Livre.
* v 41. Il s'agit ici de l'effort au combat, ou jihâd, notion popularisée en Occident sous le nom de « guerre sainte ». Rappelons que l'« effort majeur », al-jihâd-al-akbar, est d'ordre spirituel.
________
(1) Mon souci a surtout été d'économiser du temps (pour nos lecteurs) et de la place (pour le forum). J'ai pris garde à ce que ces versets conservent leur sens malgré leur décontextualisation. Si d'aucuns pensent malgré tout que le verset est ainsi dénaturé, je citerai les versets venant avant et après.
(2) Notons que le surnom de « Sourate de l'épée » semble ne dater que du 9ème siècle, soient près de deux siècles après l'écriture du Coran.
(3) Rappelons que "critique" signifie "qui met en crise". Il n'y a donc aucune malveillance (ni aucune bienveillance non plus) dans ce terme. C'est dans le même ordre d'idées que lorsqu'on tapote la surface d'un étang gelé avant de s'y élancer (en quelque sorte on "critique" la solidité de la glace). Seule une approche critique est garante d'objectivité.
(4) Jacques Berque, Le Coran : essai de traduction, Paris, Albin Michel, 1995 (r&c).
De toutes les traductions que j'ai eues entre les mains, j'ai choisi celle-ci pour les raisons suivantes :
- Jacques Berque ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Berque ) est un érudit dont la précaution et l'intégrité intellectuelles ne sont plus à démontrer.
- C'est une traduction qui ne se veut pas littéraire mais au plus proche du sens originel. Ainsi a-t-il préféré que certaines phrases sonnent mal ou bizarrement en français plutôt que de les arranger en défaveur du sens.
Elle est faite très sérieusement, avec recoupements, analyse et méthode, à partir des versions originales. (Il a mis seize ans à la réaliser, puis quatre nouvelles années à la réviser après avoir accueilli toutes les remarques et critiques constructives qu'on lui a faites.)
- C'est la seule traduction qui fait consensus au sein des milieux universitaires et savants, qu'ils soient ou non croyants.
Si toutefois cette version ne vous satisfaisait pas, n'hésitez pas à fournir la vôtre, en veillant toutefois à expliquer votre traduction (méthode, raisons).
(5) Associants, terme choisi par Berque pour coller au plus près du texte original, désigne les opposants à l'Islam procédant de l'animisme, de l'idolâtrie et de l'anthropolâtrie, laissant donc de côté des juifs et les chrétiens.
(6) Justification de la traduction, que je vous épargne ici.
(7) Référence aux juifs et aux chrétiens, bien entendu.
C'est une sourate que beaucoup de critiques de l'Islam brandissent, souvent, je dois humblement l'admettre, de manière impropre, et parfois en revanche, me semble-t-il, à bon escient.
La rubrique « Athéisme et religion » me semble la plus propice à l'examen que je vous propose, dans la mesure où c'est le lieu de ce forum où l'on a le plus de chance d'avoir une discussion dépassionnée et avec recul.
Aussi vous proposé-je une sélection(1) de versets de la sourate 9 du Coran dont le titre est « Le Repentir ou La Dénonciation »(2).
Ceci devrait permettre à toutes et à tous :
- de prendre connaissance de ces fameux versets (pour celles et ceux qui ne les connaissaient pas) ou d'en offrir une nouvelle lecture (pour celles et ceux qui en connaissaient une version différente),
- d'apporter un regard critique(3) sur ces versets,
- de discuter des enjeux qu'ils représentent pour un Islam contemporain, ouvert et modéré,
- d'ouvrir éventuellement un débat sur le rapport entre éthique et religion, violence et religion, éthique et athéisme, violence et athéisme.
Dernière remarque avant de vous livrer les versets : j'ai opté pour la traduction française de Jacques Berque(4).
Sourate IX : LE REPENTIR ou LA DÉNONCIATION
1. Dénonciation, de par Dieu et Son Envoyé à l'adresse de ceux des associants(5) auxquels vous liait un pacte.
2. Ainsi donc, allez et venez par la terre durant quatre mois. Et sachez bien que vous n'êtes pas (de taille) à rendre Dieu impotent, mais que Dieu accable les dénégateurs.
3. Notification, de par Dieu et de Son Envoyé, le jour du Pèlerinage solennel : Dieu dénonce (les accords consentis) aux associants, Son Envoyé aussi. Si vous vous repentez, mieux sera-ce pour vous. Si vous vous dérobez, sachez que vous n'êtes pas de taille à rendre Dieu impotent. Et fais l'annonce aux dénégateurs d'un douloureux châtiment.
4. Exception est faite en faveur des associants qui, liés à vous par un pacte, n'y auront pas fait la moindre brèche, non plus que soutenu personne contre vous : dans ce cas, honorez pleinement leur pacte pour la durée de leur engagement.
— Dieu aime ceux qui se prémunissent.*
5. — Une fois dépouillés les mois sacrés, tuez les associants où vous les trouverez, capturez-les, bloquez-les, tendez-leur toutes sortes d'embûches. Seulement, s'ils se repentent, accomplissent la prière, acquittent la purification, dégagez-leur le chemin.
— Dieu est Tout pardon, Miséricordieux.
[...] 11. En revanche, s'ils se repentent envers Dieu, accomplissent la prière, acquittent la purification, alors les voici vos frères en religion...
— Nous articulons Nos signes à l'intention d'un peuple (capable) de science.
[...] 26. Alors Dieu fit descendre Sa sérénité sur Son Envoyé et sur les croyants, fit descendre des armées jusque-là invisibles et châtia les dénégateurs.
— Voilà bien la rétribution des dénégateurs !
27. — Mieux encore Il s'est repenti après (la victoire) en faveur de qui Il voulait.
— Dieu est Tout pardon, Miséricordieux.
28. — Ô vous qui croyez les associants : ce n'est qu'être impur. Qu'ils n'approchent pas du Sanctuaire consacré après cette année-ci. Si vous craignez de ce fait un marasme, Dieu y pourvoie pour vous de Sa grâce, s'Il le veut.
— Il est le Connaissant, le Sage*.
29. — Combattez ceux qui ne croient pas en Dieu ni au Jour dernier, ni n'interdisent Dieu et Son Envoyé, et qui, parmi ceux qui ont reçu l'Écriture(7), ne suivent pas la religion du Vrai — et cela jusqu'à ce qu'ils paient d'un seul mouvement une capitation en signe d'humilité.*
30. Les Juifs disent Esdras fils de Dieu ; les Chrétiens disent le Messie fils de Dieu : ce n'est là qu'un propos de leur bouche analogue à celui des dénégateurs de jadis
— Dieu les combatte ! Comment à ce point se fourvoyer !
[...]39. Faute de vous mobiliser, (Dieu) vous châtierait d'un châtiment douloureux ; Il vous substituerait un peuple autre que vous, sans que vous puissiez Lui faire le moindre mal.
— Dieu est omnipotent.
40. — Si vous ne portez pas assistance (à l'Envoyé), Dieu l'assista quand, banni par les dénégateurs avec un seul compagnon, tous deux se trouvaient dans un grotte. Lors il dit à son compagnon : « Ne sois pas triste : Dieu est avec nous ». Et Dieu fit descendre sur lui Sa sérénité, le conforta d'armées invisibles à vos yeux, et mit à bas la parole des dénégateurs, alors que la Parole de Dieu fut la plus haute.
— Dieu est Tout-Puissant et Sage.
41. — Mobilisez-vous, (avec un équipement) lourd ou léger, efforcez-vous de vos biens et de votre personne sur le chemin de Dieu. En quoi réside pour vous un bien, pour peu que vous sachiez.*
[...]
______
Notes de Jacques Berque :
* v 1-4. Les v 1 et 2 d'une part, 3 et 4 de l'autre, semblent consigner deux versions du même acte.
* v 28. (6).
* v 29. Première (et très tardive) mention du devoir conditionnel de guerre contre les Gens du Livre.
* v 41. Il s'agit ici de l'effort au combat, ou jihâd, notion popularisée en Occident sous le nom de « guerre sainte ». Rappelons que l'« effort majeur », al-jihâd-al-akbar, est d'ordre spirituel.
________
(1) Mon souci a surtout été d'économiser du temps (pour nos lecteurs) et de la place (pour le forum). J'ai pris garde à ce que ces versets conservent leur sens malgré leur décontextualisation. Si d'aucuns pensent malgré tout que le verset est ainsi dénaturé, je citerai les versets venant avant et après.
(2) Notons que le surnom de « Sourate de l'épée » semble ne dater que du 9ème siècle, soient près de deux siècles après l'écriture du Coran.
(3) Rappelons que "critique" signifie "qui met en crise". Il n'y a donc aucune malveillance (ni aucune bienveillance non plus) dans ce terme. C'est dans le même ordre d'idées que lorsqu'on tapote la surface d'un étang gelé avant de s'y élancer (en quelque sorte on "critique" la solidité de la glace). Seule une approche critique est garante d'objectivité.
(4) Jacques Berque, Le Coran : essai de traduction, Paris, Albin Michel, 1995 (r&c).
De toutes les traductions que j'ai eues entre les mains, j'ai choisi celle-ci pour les raisons suivantes :
- Jacques Berque ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Berque ) est un érudit dont la précaution et l'intégrité intellectuelles ne sont plus à démontrer.
- C'est une traduction qui ne se veut pas littéraire mais au plus proche du sens originel. Ainsi a-t-il préféré que certaines phrases sonnent mal ou bizarrement en français plutôt que de les arranger en défaveur du sens.
Elle est faite très sérieusement, avec recoupements, analyse et méthode, à partir des versions originales. (Il a mis seize ans à la réaliser, puis quatre nouvelles années à la réviser après avoir accueilli toutes les remarques et critiques constructives qu'on lui a faites.)
- C'est la seule traduction qui fait consensus au sein des milieux universitaires et savants, qu'ils soient ou non croyants.
Si toutefois cette version ne vous satisfaisait pas, n'hésitez pas à fournir la vôtre, en veillant toutefois à expliquer votre traduction (méthode, raisons).
(5) Associants, terme choisi par Berque pour coller au plus près du texte original, désigne les opposants à l'Islam procédant de l'animisme, de l'idolâtrie et de l'anthropolâtrie, laissant donc de côté des juifs et les chrétiens.
(6) Justification de la traduction, que je vous épargne ici.
(7) Référence aux juifs et aux chrétiens, bien entendu.