Un article de très bonne facture et qui, pour une fois, comporte des cartes des religions en Europe plutôt pertinentes... Ça fait plaisir: pour une fois du sérieux! Je me permets de me livrer à un commentaire sur celui-ci dans ce forum...
Pour ce que je sais... Il est certain qu'à travers toute l'Europe Occidentale (sauf Malte et la Suisse semble-t-il), il y aura poursuite du processus de sécularisation, avec son corolaire d'agnosticisme et d'athéisme. En Europe Orientale, beaucoup moins, sauf peut-être en Pologne où l'église catholique cherche à s'immiscer dans des affaires un tantinet liberticide (;)), ce qui entrainera a priori une désaffection chez les jeunes. Dans cette région, le christianisme sera par contre en croissance, modérée mais continue, notamment en Russie et en Albanie. Le plein est déjà fait a priori en Roumanie, en Serbie, en Croatie, en Pologne, en Lituanie. La seule région sécularisée dans cette zone qui peut voir encore d'avantage le sécularisme substantiellement s'accroître, c'est en Tchéquie, et ce pour plusieurs raisons, entre autres d'ordre historique...S’il est permis de généraliser, la géographie de cette baisse voire quasi-absence de religiosité (qui n’empêche pas les pays et leurs populations d’être imprégnés de tradition judéo-chrétienne) ressemble à celle d’une Europe du nord-ouest, avec la Scandinavie, les États finno-ougriens et la France en figure de proue. À l’opposé, l’Europe du sud-est et ses marges font preuve d’une grande religiosité
Un réveil du catholicisme n'est possible en Europe, qu'au niveau des régions d'Europe Orientale où l'on trouve des uniates. Et surtout là où existent des églises orthodoxes en querelle juridictionnelle comme en Ukraine. Europe de l'Ouest? Je n'y crois pas trop... A part (peut-être) si l'anglicanisme se casse définitivement la g... en GB, avec une opinion qui ne suivrait pas cette église dans son jusqu'au boutisme: là est l'espoir de cette église en Occident, mais franchement ailleurs.... hem!Ces tendances vont-t-elles s’accentuer ou bien s’estomper ? Assisterons-nous à un réveil du catholicisme et des cultes protestants non évangéliques ? Assisterons-nous au contraire à un essoufflement de l’orthodoxie et de l’islam ?
Les églises protestantes historiques sont situées en Europe Occidentale pour leur majeure part: elles sont dans le même cas de figure que le catholicisme à ce niveau, donc là aussi ce sont des perspectives de renouveau assez limitées... En Europe Orientale pas mieux, car ce protestantisme n'est pas arrivé à se refaire une santé après la chute du mur: le calvinisme s'efface relativement face au catholicisme en Hongrie, de même dans les pays baltes (sauf Lituanie) au profit de l'orthodoxie (d'ailleurs c'est un peu signalé dans l'article)... Le protestantisme historique recule d'ailleurs plus vite que le catholicisme dans bien des endroits, essentiellement au profit d'un sécularisme pragmatique...
Le néo-protestantisme de type évangélique a réussi à s'implanter en Europe Occidentale surtout grâce à ses missions dans les milieux immigrés et chez les roms. Il a un petit potentiel qui peut s'accroître en fonction des circonstances. Pour l'Europe Orientale, il pourrait s'implanter à terme plus solidement dans des populations autochtones déchristianisées (Tchéquie notamment) et dans des pays de tradition protestante (Lettonie et Estonie notamment). Mentionnons aussi l'Ukraine, où les évangéliques profitent des mêmes conditions que les catholiques, et les minorités religieuses des Balkans, où les évangéliques s'implantent aux dépends de musulmans comme en Bulgarie et en Albanie. Dans ce dernier pays, catholiques et orthodoxes gagnent aussi du terrain selon des sources...
L'orthodoxie bénéficie d'un renouveau général et s'exporte même avec ses immigrés en Europe Occidentale (et ce depuis plusieurs décennies). S'il y a une certaine crise en Ukraine, ailleurs cela se passe plutôt bien, et cette dénomination s'implante même à nouveau dans des populations islamisées de gré ou de force par le passé, comme en Albanie, en Bulgarie (chez les Pomacks) ou en Transcaucasie (notamment l'Ossétie). L'Adjarie, région autrefois à majorité musulmane à la chute du mur, est redevenue à majorité orthodoxe dans la Géorgie d'aujourd'hui...
Il faut surtout voir que la sécularisation empêchera tout mouvement conservateur d'avoir le dernier mot... Mais aussi que des tensions pourraient apparaître et la mettre en difficulté, si derechef la communautarisation gagne les esprits. Dès lors, des tensions sociales seraient déstabilisatrices pour l'État même, dans le pire des cas: Bénélux, GB, pays scandinaves notamment. Pour l'Europe Orientale, tout dépendra de la politique d'immigration, de l'avancement économique, des valeurs sociales reconnues... Les choses sont moins faciles à cerner qu'à l'Ouest à ce niveau: 20 ans de chute de mur, c'est peu...À quel type de discours politique assisterons-nous ? Sera-t-il homogène ? Assisterons-nous à une promotion ou non de la laïcité ? Assisterons-nous à des tentatives accrues d’instrumentalisation politique des confessions ? Verrons-nous l’émergence de nouveaux partis créés sur une base confessionnelle ? Plus globalement, quelle place la religion prendra, et quelle place lui sera-t-elle accordée dans l’Europe de demain et au cœur de chacun de ses États, très divers en la matière ? Quel sera l’impact de la religion sur des questions très concrètes comme l’avortement, impact qui semble par exemple déjà se faire sentir en Slovaquie ? S’il apparaît difficile d’anticiper, la probabilité de profonds désaccords entre les États mais aussi en leur sein semble quant à elle une quasi-certitude.
Plutôt d'accord... Affaire à suivre!En ce sens, malgré certains discours alarmistes et le poids de la thèse huntingtonienne du "choc des civilisations" (seul concept retenu, et souvent simplifié à l’extrême, d’une œuvre pourtant bien plus riche), l’opposition (si elle existe) ne semble pas forcément se situer de manière frontale entre l’islam et la chrétienté (ainsi le démographe Emmanuel Todd ne voit en l’islam aucune menace pour l’Europe) mais plutôt entre les grandes métropoles et le reste des pays (voire entre différents quartiers d’une même ville) et entre les différentes groupes sociaux, davantage qu’entre les confessions historiquement présentes (certes largement chrétiennes) et les nouvelles confessions (certes largement musulmanes).
Pour l'Islam en Europe Occidentale, il y a implantation de cette religion, mais plutôt que développement, je dirais qu'il y aura à la fois rejet (des mouvements islamistes) mais aussi acculturation (religion à la carte, musulmans sociologiques). Implantation de cette religion chez les locaux certes, mais aussi apparition de nouvelles minorités religieuses au sein de ces populations de culture musulmane (chrétiens, bahaïs, et autres, y compris juifs). Ainsi qu'un développement d'une sécularisation d'ensemble (hors de constitution éventuelle de ghettos). En Europe Orientale, l'Islam se maintiendra (Bosnie, Macédoine), périclitera (Albanie, Transcaucasie), mais n'aura pas beaucoup de potentiels de développement, à moins de mouvements migratoires comme dans les années 60 à l'Ouest... A ce niveau, rien n'est certain.Quelles seront alors les conséquences de cette situation et les réactions des populations concernées ? Observerons-nous une recrudescence de tolérance ou de défiance ? Quel poids aura alors la religion, pourrait-elle jouer un rôle pacificateur et de (re)découverte de valeurs et d’éléments culturels ou bien s’effacera-t-elle devant le matérialisme et la vie urbaine ? Comment s’imbriquera-t-elle avec les autres composantes qui participent de la formation des identités ? Assisterons-nous plutôt à un enchevêtrement de populations, groupes ethniques et confessions à l’instar d’une ville comme Marseille où catholiques, juifs, musulmans, apostoliques arméniens et tant d’autres cohabitent avec peu de heurts et de clivages ? Ou bien au contraire assisterons-nous à une communautarisation sans cesse accrue sur le modèle anglo-saxon
Les autres religions sont à mentionner également. S'il y a accroissement de la diversité religieuse, ce sera d'abord et avant tout en GB et en Allemagne, pays phare en ce domaine. On parle souvent de l'Islam, mais sachez qu'en Europe, la première religion en vitesse de développement, qui croit la plus vite... c'est le bouddhisme. Phénomène surtout perceptible en Europe Occidentale: la France se démarque à ce niveau le mieux. En Europe Orientale, dans une certaine mesure mais moindre... mais la Kalmoukie (près de la Caspienne) fait figure de sanctuaire inviolable du bouddhisme tibétain.En tout état de cause, et malgré le cliché éculé que représente cette expression, il s’agit bien dans tous les cas de "vivre ensemble". Il semble à cet égard que les nombreux échanges passionnés, mais manquant souvent de clarté et de hauteur, autour du métissage, du communautarisme, du multiculturalisme, de l’assimilation, du dialogue ou du choc des civilisations, des cultures et des religions…
Le bahaïsme a un énorme potentiel au sein de populations d'origine immigrée en Europe Occidentale, et pourquoi pas aussi à terme parmi les populations musulmanes en Europe Orientale (Albanie et Bosnie notamment), ou parmi les populations profondément déchristianisées comme en Tchéquie ou en ex-Allemagne de l'est... En Azerbaïdjan, chiite, il se développe assez fortement avec l'Islam sunnite, du fait de l'influence turque: la Turquie serait-elle aussi le terrain futur pour cela?
Le judaïsme se reconstitue dans les proportions évoquées par l'article plus haut, je n'ai rien à rajouter de plus... quoique l'assimilation devrait se poursuivre, à l'ouest comme à l'est. La seule chance pour ces populations serait une dégradation de la situation géopolitique en Israël ou en Russie, pour que d'avantage de populations juives s'installent en Europe Occidentale... Des pays comme l'Allemagne (Berlin) ou la Russie ont même vu de nouveau affluer des populations juives.
L'hindouisme, le sikhisme, voire le jaïnisme devraient peu quitter leur sphère traditionnelle des populations indiennes. Les autres religions et autres traditions religieuses historiques sont trop minoritaires et/ou de moindre importance historique voire géopolitique pour voir quelque chose de discernable à l'échelle du continent même. Mais rien n'interdit de penser que ces derniers accompagnent + ou - les mouvements d'accroissement de la diversité religieuse ici ou là...
Voilà, j'ai finis mes apports complémentaires, fruit de mes lectures diverses et variées, et notamment d'une: "Atlas des religions dans le monde", collection Autrement N°4 Vos commentaires, réflexions et critiques sont les bienvenus!