interdit au nom de la neutralité les crucifix
Posté : 26 nov.09, 09:00
La Cour europénne des droits de l’homme a interdit au nom de la neutralité les crucifix dans les écoles publiques. Cohérent. Et les sapins de Noël? Et les oeufs de Pâques? Non, leur signification commerciale et festive les sauve. Pas d’amalgames.
Le 3 novembre dernier, dans l’arrêt Lautsi c. Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que l’affichage de crucifix dans les salles de classe italiennes restreignait le droit des parents d’éduquer leurs enfants selon leurs convictions ainsi que le droit des enfants scolarisés de croire ou de ne pas croire et que ces restrictions étaient "incompatibles avec le devoir incombant à l’Etat de respecter la neutralité dans l’exercice de la fonction publique, en particulier dans le domaine de l’éducation".
Avouons le d’emblée: nous nous interrogeons déjà depuis bien longtemps sur l’opportunité de la présence de crucifix dans les salles de classe d’écoles publiques qui tombent sous l’obligation de neutralité de l’Etat et qui sont censées dispenser un enseignement laïc et pluraliste. La disparition des crucifix des murs des écoles publiques, qu’elles soient italiennes, belges ou françaises, nous semble aller de soi. Par ailleurs, dans l’affaire présente, l’attitude du gouvernement italien ne brille guère par sa cohérence. Lorsqu’il défend le crucifix devant la Cour, il minimise son caractère religieux et son importance, puisque, pour le citer, "( ) le crucifix est en effet exposé dans les salles de classe mais il n’est nullement demandé aux enseignants ou aux élèves de lui adresser le moindre signe de salut, de révérence ou de simple reconnaissance, et encore moins de réciter des prières en classe. En fait, il ne leur est même pas demandé de prêter une quelconque attention au crucifix. " Suivant cette argumentation, le crucifix ne sert donc à rien. Mais d’autre part, et malgré le fait qu’il ne serve à rien, le même gouvernement se bat avec beaucoup d’acharnement pour le conserver et il a très vivement réagi contre la décision de la Cour tout en manifestant son intention d’aller "en appel" en Grande Chambre contre la décision en question.
Sur le plan juridique, la Cour prolonge sa jurisprudence dans l’application du droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques et de la liberté de conscience. En effet, la jurisprudence de la Cour a consacré, à plusieurs reprises, l’interdiction faite à l’Etat de poursuivre un but d’endoctrinement qui puisse être considéré comme ne respectant pas les convictions religieuses et philosophiques des parents et visait surtout le contenu des cours dispensés dans l’enseignement public, donc le fond de l’enseignement. La Cour passe ici à une obligation plus formelle pour l’Etat, notamment "de s’abstenir d’imposer, même indirectement, des croyances dans les lieux où les personnes sont dépendantes de lui ou encore dans les endroits où elles sont particulièrement vulnérables". Or, pour la Cour, les crucifix exposés sont des signes religieux et donc, ils violent le devoir de neutralité de l’Etat.
L’arrêt suscite un tollé en Italie. Le numéro deux du Vatican, le cardinal-secrétaire d'Etat Tarcisio Bertone, a immédiatement déploré, que "cette Europe du troisième millénaire ne nous laisse que les citrouilles des fêtes récentes". Sous-entendu, les symboles des fêtes à connotation religieuse seraient à présent interdits. Cette idée a été également relayée par Madame Mariapaola Cherchi (dans une opinion publiée par "La Libre" le mardi 17 novembre) qui, s’insurgeant contre une Cour bafouant les traditions chrétiennes, a précisé que le maintien des festivités d’origine chrétienne serait, à suivre la même Cour, contraire au pluralisme et au devoir de neutralité de l’Etat. Les fêtes de fin d’année approchant à grand pas, cette affirmation ne manquera pas d’inquiéter les enfants ou, plus généralement, ceux qui préfèrent le chocolat à la soupe au potiron.
Pour péremptoire qu’elle soit, elle nous semble toutefois bien exagérée, tant elle occulte que l’arrêt de la Cour concerne l’affichage de symboles à l’école publique et que c’est ce caractère public de l’enseignement en question qui justifie le devoir de neutralité qu’elle consacre. Même en ce qui concerne la présence de symboles festifs à l’école publique, il ne nous semble pas falloir la limiter aux citrouilles d’Halloween. La Cour donne, en effet, une définition du symbole religieux qui se base tant sur la signification objective du symbole que sur sa perception. Cette définition nous semble, en tous cas, mettre les sapins de Noël à l’abri de la sentence de la Cour: les origines païennes tant de la fête que de la coutume de l’arbre de Noël sont communément admises et semblent empêcher que le sapin soit considéré comme un symbole religieux. Les amateurs d’œufs de Pâques seront plus inquiets, mais il est également fait état d’origines païennes pour cette fête et il sera toujours possible de remplacer les cloches qui reviennent de Rome par le sympathique lapin de Pâques, dont la connotation religieuse est moins forte.
Le sort de Saint-Nicolas paraît nettement plus préoccupant. Son nom l’indique, c’est un saint. Il est même évêque et porte une mitre. Va-t-il, suite à l’arrêt de la Cour européenne, falloir bannir le grand patron des écoliers du milieu scolaire public? Faut-il, sans en arriver à une solution aussi extrême, interdire à Saint-Nicolas de porter des signes religieux trop ostentatoires comme la croix sur sa mitre, à l’exemple de la VRT, qui, organisant l’arrivée de Saint-Nicolas en Belgique à Anvers, a remplacé, au grand dam de quelques catholiques préoccupés, la croix en question par un T renversé (comme celui qu’on trouve d’ailleurs sur la mitre du pape)?
N’est-ce pas le numéro deux du Vatican qui perd de vue, en comparant la croix et les symboles festifs, que ces symboles, même quand ils sont d’origine essentiellement religieuse comme Saint-Nicolas (qu’il porte une croix ou un T renversé sur sa mitre) ou les cloches de Pâques, et sans entrer ici dans le débat sur le bien-fondé des initiatives prises ici et là pour limiter leur connotation religieuse, s’en distinguent par leur signification commercialisée et festive? Cette signification commercialisée et festive n’a-t-elle pas justement pour conséquence qu’ils ont acquis dans ces cas là un mode d’existence parfaitement non religieux, largement accepté par tout ceux qui veulent faire la fête et dépenser de l’argent, et que leur présence, par ailleurs occasionnelle, à l’école publique ne peut être comparée à celle d’un christ agonisant à longueur d’année sur le mur d’une salle de classe?
http://www.lalibre.be/debats/opinions/a ... catho.html
Le 3 novembre dernier, dans l’arrêt Lautsi c. Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que l’affichage de crucifix dans les salles de classe italiennes restreignait le droit des parents d’éduquer leurs enfants selon leurs convictions ainsi que le droit des enfants scolarisés de croire ou de ne pas croire et que ces restrictions étaient "incompatibles avec le devoir incombant à l’Etat de respecter la neutralité dans l’exercice de la fonction publique, en particulier dans le domaine de l’éducation".
Avouons le d’emblée: nous nous interrogeons déjà depuis bien longtemps sur l’opportunité de la présence de crucifix dans les salles de classe d’écoles publiques qui tombent sous l’obligation de neutralité de l’Etat et qui sont censées dispenser un enseignement laïc et pluraliste. La disparition des crucifix des murs des écoles publiques, qu’elles soient italiennes, belges ou françaises, nous semble aller de soi. Par ailleurs, dans l’affaire présente, l’attitude du gouvernement italien ne brille guère par sa cohérence. Lorsqu’il défend le crucifix devant la Cour, il minimise son caractère religieux et son importance, puisque, pour le citer, "( ) le crucifix est en effet exposé dans les salles de classe mais il n’est nullement demandé aux enseignants ou aux élèves de lui adresser le moindre signe de salut, de révérence ou de simple reconnaissance, et encore moins de réciter des prières en classe. En fait, il ne leur est même pas demandé de prêter une quelconque attention au crucifix. " Suivant cette argumentation, le crucifix ne sert donc à rien. Mais d’autre part, et malgré le fait qu’il ne serve à rien, le même gouvernement se bat avec beaucoup d’acharnement pour le conserver et il a très vivement réagi contre la décision de la Cour tout en manifestant son intention d’aller "en appel" en Grande Chambre contre la décision en question.
Sur le plan juridique, la Cour prolonge sa jurisprudence dans l’application du droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques et de la liberté de conscience. En effet, la jurisprudence de la Cour a consacré, à plusieurs reprises, l’interdiction faite à l’Etat de poursuivre un but d’endoctrinement qui puisse être considéré comme ne respectant pas les convictions religieuses et philosophiques des parents et visait surtout le contenu des cours dispensés dans l’enseignement public, donc le fond de l’enseignement. La Cour passe ici à une obligation plus formelle pour l’Etat, notamment "de s’abstenir d’imposer, même indirectement, des croyances dans les lieux où les personnes sont dépendantes de lui ou encore dans les endroits où elles sont particulièrement vulnérables". Or, pour la Cour, les crucifix exposés sont des signes religieux et donc, ils violent le devoir de neutralité de l’Etat.
L’arrêt suscite un tollé en Italie. Le numéro deux du Vatican, le cardinal-secrétaire d'Etat Tarcisio Bertone, a immédiatement déploré, que "cette Europe du troisième millénaire ne nous laisse que les citrouilles des fêtes récentes". Sous-entendu, les symboles des fêtes à connotation religieuse seraient à présent interdits. Cette idée a été également relayée par Madame Mariapaola Cherchi (dans une opinion publiée par "La Libre" le mardi 17 novembre) qui, s’insurgeant contre une Cour bafouant les traditions chrétiennes, a précisé que le maintien des festivités d’origine chrétienne serait, à suivre la même Cour, contraire au pluralisme et au devoir de neutralité de l’Etat. Les fêtes de fin d’année approchant à grand pas, cette affirmation ne manquera pas d’inquiéter les enfants ou, plus généralement, ceux qui préfèrent le chocolat à la soupe au potiron.
Pour péremptoire qu’elle soit, elle nous semble toutefois bien exagérée, tant elle occulte que l’arrêt de la Cour concerne l’affichage de symboles à l’école publique et que c’est ce caractère public de l’enseignement en question qui justifie le devoir de neutralité qu’elle consacre. Même en ce qui concerne la présence de symboles festifs à l’école publique, il ne nous semble pas falloir la limiter aux citrouilles d’Halloween. La Cour donne, en effet, une définition du symbole religieux qui se base tant sur la signification objective du symbole que sur sa perception. Cette définition nous semble, en tous cas, mettre les sapins de Noël à l’abri de la sentence de la Cour: les origines païennes tant de la fête que de la coutume de l’arbre de Noël sont communément admises et semblent empêcher que le sapin soit considéré comme un symbole religieux. Les amateurs d’œufs de Pâques seront plus inquiets, mais il est également fait état d’origines païennes pour cette fête et il sera toujours possible de remplacer les cloches qui reviennent de Rome par le sympathique lapin de Pâques, dont la connotation religieuse est moins forte.
Le sort de Saint-Nicolas paraît nettement plus préoccupant. Son nom l’indique, c’est un saint. Il est même évêque et porte une mitre. Va-t-il, suite à l’arrêt de la Cour européenne, falloir bannir le grand patron des écoliers du milieu scolaire public? Faut-il, sans en arriver à une solution aussi extrême, interdire à Saint-Nicolas de porter des signes religieux trop ostentatoires comme la croix sur sa mitre, à l’exemple de la VRT, qui, organisant l’arrivée de Saint-Nicolas en Belgique à Anvers, a remplacé, au grand dam de quelques catholiques préoccupés, la croix en question par un T renversé (comme celui qu’on trouve d’ailleurs sur la mitre du pape)?
N’est-ce pas le numéro deux du Vatican qui perd de vue, en comparant la croix et les symboles festifs, que ces symboles, même quand ils sont d’origine essentiellement religieuse comme Saint-Nicolas (qu’il porte une croix ou un T renversé sur sa mitre) ou les cloches de Pâques, et sans entrer ici dans le débat sur le bien-fondé des initiatives prises ici et là pour limiter leur connotation religieuse, s’en distinguent par leur signification commercialisée et festive? Cette signification commercialisée et festive n’a-t-elle pas justement pour conséquence qu’ils ont acquis dans ces cas là un mode d’existence parfaitement non religieux, largement accepté par tout ceux qui veulent faire la fête et dépenser de l’argent, et que leur présence, par ailleurs occasionnelle, à l’école publique ne peut être comparée à celle d’un christ agonisant à longueur d’année sur le mur d’une salle de classe?
http://www.lalibre.be/debats/opinions/a ... catho.html