Entre rapport fusionnel, crise identitaire et pression familiale, deux internautes du Figaro.fr nous ont fait part du lien singulier qui les unit à leur jumeau.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france ... gnent-.php«Notre éducation a eu raison de notre gémellité», par Serge Chevalier.
«Nous sommes venus au monde, mon frère et moi en 1958 à la demande de ma soeur aînée de 8 ans qui s'ennuyait et qui voulait un petit frère. Durant les premières années de notre existence, jusqu'à l'âge de 8 ans environ, nous étions très complices et ne jouions qu'entre nous, faisant complète abstraction des autres, que ce soit nos parents, ma soeur ou les autres enfants. Nous avions notre propre langage, nos codes et par simple regard on se comprenait parfaitement.
Mes parents n'ont jamais accepté cette situation et ont tout fait pour détruire cette complicité y présageant un danger pour leur autorité. Ma sœur, quant à elle, était profondément jalouse de nos liens. Tout était bon pour essayer de nous monter l'un contre l'autre, punissant l'un et récompensant l'autre de façon ostentatoire et vexatoire.
Je dois également ajouter que mes parents sont témoins de Jéhovah. Tout ce qui n'était pas compris en ce qui concerne les relations que mon frère et moi entretenions, relevait alors du domaine des démons et du diable. Plusieurs fois, nous avons eu des remarques quant à notre homosexualité supposée et imaginée.
Autant dire que notre enfance, jusqu'à 17 ans, n'a été ponctuée que de violences physiques et morales. A force de harcèlement et de maltraitance au sein de la famille, nous avons commencé à nous haïr, entrant en concurrence directe et frontale. La haine engendre la haine.
L'acquis, comprenez notre éducation, a fait ses ravages en détruisant notre amour et notre complicité. En fait, avec le recul, mon frère était devenu le miroir de celui que je ne pouvais plus regarder en face, moi. Je pense qu'il en était de même pour lui. Nous avions honte d'être des jumeaux, des “anormaux”, des “pas-comme-les-autres”.
Tout n'était que railleries à notre sujet, y compris chez les témoins de Jéhovah qui se plaisaient à rire de nous parce qu'on était habillés pareil. Ils nous appelaient “l'un et l'autre”. Mon frère a très mal accepté cette situation et me le reprochait. A cause de moi, on se moquait de lui. Si je n'avais pas été son jumeau, il aurait été plus heureux.
Mon frère est décédé en 2000. Je ne l'ai appris que cinq ans après car depuis plus de 20 ans nous ne nous voyions plus et il avait rompu les liens avec mes parents de façon définitive.
Dans un premier temps, j'ai beaucoup souffert de ce désamour de la part de mon frère, mais j'ai dû m'y faire pour continuer à vivre sans lui. C'est sûr, il me manque.
Ce n'est pas de sa faute, mais celle de ceux qui nous ont apporté tant de haine et d'incompréhension, ceux qui ont forgé notre acquis, cet acquis qui eu raison de notre gémellité.»