Laïcité: ma vision
Posté : 15 sept.12, 11:03
Je vis en Belgique, un pays où la laïcité ne fait pas vraiment partie de la constitution, et où il n'y a d'ailleurs pas de véritable séparation entre État et religions car celles-ci sont subventionnées par le gouvernement, proportionnellement au nombre de fidèles.
C'est une idée qui m'a longtemps révolté. Je suis athée et laïque et ai toujours vu la laïcité comme devant imposer la séparation la plus complète possible. Le financement des cultes devait être entretenu par le culte lui-même et rien d'autre.
Et puis j'ai lu. Beaucoup de choses sur des sujets divers, dont la religion, la croyance, les superstitions, la politique, la sociologie. Et j'en suis venu à me dire que la croyance est en fait le mode de fonctionnement "normal" de l'homme. Je préférerais le terme "modal" qui renvoie au domaine des statistiques, où le "mode" est la catégorie la plus représentée d'un échantillon. De plus, il évite une possible confusion d'interprétation qui tend à attribuer un jugement de valeur au mot "normal", surtout lorsqu'on ajoute ensuite son antagoniste: "anormal".
La croyance est donc le mode dans le fonctionnement d'un cerveau humain; c'est une autre façon de dire simplement que la majorité des humains sont croyants. Sur cette constatation également, j'ai eu mon lot d'idées variées au fil des ans. Je suis passé par toutes les explications possibles. Depuis "c'est parce qu'ils ne sont pas assez intelligents" à "c'est pour se rassurer" en passant par toutes les variantes généralement infécondes des explications de la croyance. Celle que j'ai finalement trouvé la plus convaincante, c'est celle que développe Pascal Boyer dans son livre "Et l'homme créa les dieux". Il y décrit le cerveau comme un organe ayant hérité de son passé évolutif tout un tas de fonctions diverses, plus ou moins automatiques et inconscientes, qui ont jadis donné un avantage sélectif à l'homme (quant à savoir si leur rôle a été conservé, transformé, ou a simplement disparu, c'est une autre histoire. Le fait est que ces fonctions sont là et restent, car il n'est pas facile de se débarrasser d'un trait qui a porté ses fruits dans le passé). Il appelle ces fonctions des "systèmes d'inférences". Les superstitions et croyances ont, selon lui, un fort succès car elles ont tendance à activer un grand nombre de systèmes d'inférences, lesquels rendent alors pour l'esprit les idées en question très pertinentes, faciles à mémoriser et donc à transmettre. Cette explication peut paraître assez peu satisfaisante à première vue, mais je recommande vivement cette lecture. Quand l'idée a fait son bout de chemin, on en vient à trouver là une explication bien plus solide et avec un pouvoir explicatif supérieur aux autres.
Bref. Je veux en venir au fait que la croyance est quelque chose de fondamentalement ancré dans l'esprit humain; pas de façon définitive, sinon les athées n'existeraient pas, mais comme quelque chose de "premier" et donc d'importance. Voilà: la croyance est importante pour les gens.
Et puis, j'ai réfléchi à ce qu'était la politique, ce qu'était le rôle d'un gouvernement. Et quel est-il, sinon de créer des conditions sociales telles que ses citoyens se sentent confortables et épanouis, aussi bien physiquement qu'intellectuellement? Si un État doit être laïque au sens de séparation totale avec les religions, il pourrait tout aussi bien être en séparation totale avec n'importe quelle valeur, car ce qui compte au final, c'est que les citoyens soient des gens heureux. Cela va donc forcément impliquer d'établir ce qu'on a appelé les "droits de l'homme", ou autres principes généraux de respect et de tolérance, mais c'est finalement une conséquence indirecte (quoique sans doute inévitable) d'un but premier autre. Une autre de ces conséquences indirectes est la laïcité, celle qui fait en sorte que les gens, pour qui la religion est quelque chose d'important, puissent vivre leur religion. Il me paraît désormais tout à fait logique que l'État cherche à pourvoir ses citoyens de lieux de culte afin qu'ils puissent exprimer leur croyance.
Il va de soi qu'avec la diversité des religions, l'État doit mesurer les moyens en proportion des fidèles de chaque religion... et des sans-religions! Car si les religions reçoivent du gouvernement un financement à hauteur de leurs fidèles, il faut un financement égal en proportion à ceux qui n'ont aucune religion. J'ignore à quoi servirait un tel argent puisqu'il n'y aurait de concret à financer, mais une organisation représentant officiellement les athées, et structurée de manière démocratique, n'aurait probablement aucun problème à le dépenser à des projets divers, notamment à la promotion d'une telle laïcité, ou bien à combattre l'intégrisme religieux, ou encore à une laïcité dans l'enseignement.
Voilà. Je voulais simplement présenter mon opinion de la laïcité, qui est sans doute un peu atypique pour un athée. Mais bon, qui sait? Peut-être changerai-je encore d'avis. Le vôtre est d'ailleurs le bienvenu!
C'est une idée qui m'a longtemps révolté. Je suis athée et laïque et ai toujours vu la laïcité comme devant imposer la séparation la plus complète possible. Le financement des cultes devait être entretenu par le culte lui-même et rien d'autre.
Et puis j'ai lu. Beaucoup de choses sur des sujets divers, dont la religion, la croyance, les superstitions, la politique, la sociologie. Et j'en suis venu à me dire que la croyance est en fait le mode de fonctionnement "normal" de l'homme. Je préférerais le terme "modal" qui renvoie au domaine des statistiques, où le "mode" est la catégorie la plus représentée d'un échantillon. De plus, il évite une possible confusion d'interprétation qui tend à attribuer un jugement de valeur au mot "normal", surtout lorsqu'on ajoute ensuite son antagoniste: "anormal".
La croyance est donc le mode dans le fonctionnement d'un cerveau humain; c'est une autre façon de dire simplement que la majorité des humains sont croyants. Sur cette constatation également, j'ai eu mon lot d'idées variées au fil des ans. Je suis passé par toutes les explications possibles. Depuis "c'est parce qu'ils ne sont pas assez intelligents" à "c'est pour se rassurer" en passant par toutes les variantes généralement infécondes des explications de la croyance. Celle que j'ai finalement trouvé la plus convaincante, c'est celle que développe Pascal Boyer dans son livre "Et l'homme créa les dieux". Il y décrit le cerveau comme un organe ayant hérité de son passé évolutif tout un tas de fonctions diverses, plus ou moins automatiques et inconscientes, qui ont jadis donné un avantage sélectif à l'homme (quant à savoir si leur rôle a été conservé, transformé, ou a simplement disparu, c'est une autre histoire. Le fait est que ces fonctions sont là et restent, car il n'est pas facile de se débarrasser d'un trait qui a porté ses fruits dans le passé). Il appelle ces fonctions des "systèmes d'inférences". Les superstitions et croyances ont, selon lui, un fort succès car elles ont tendance à activer un grand nombre de systèmes d'inférences, lesquels rendent alors pour l'esprit les idées en question très pertinentes, faciles à mémoriser et donc à transmettre. Cette explication peut paraître assez peu satisfaisante à première vue, mais je recommande vivement cette lecture. Quand l'idée a fait son bout de chemin, on en vient à trouver là une explication bien plus solide et avec un pouvoir explicatif supérieur aux autres.
Bref. Je veux en venir au fait que la croyance est quelque chose de fondamentalement ancré dans l'esprit humain; pas de façon définitive, sinon les athées n'existeraient pas, mais comme quelque chose de "premier" et donc d'importance. Voilà: la croyance est importante pour les gens.
Et puis, j'ai réfléchi à ce qu'était la politique, ce qu'était le rôle d'un gouvernement. Et quel est-il, sinon de créer des conditions sociales telles que ses citoyens se sentent confortables et épanouis, aussi bien physiquement qu'intellectuellement? Si un État doit être laïque au sens de séparation totale avec les religions, il pourrait tout aussi bien être en séparation totale avec n'importe quelle valeur, car ce qui compte au final, c'est que les citoyens soient des gens heureux. Cela va donc forcément impliquer d'établir ce qu'on a appelé les "droits de l'homme", ou autres principes généraux de respect et de tolérance, mais c'est finalement une conséquence indirecte (quoique sans doute inévitable) d'un but premier autre. Une autre de ces conséquences indirectes est la laïcité, celle qui fait en sorte que les gens, pour qui la religion est quelque chose d'important, puissent vivre leur religion. Il me paraît désormais tout à fait logique que l'État cherche à pourvoir ses citoyens de lieux de culte afin qu'ils puissent exprimer leur croyance.
Il va de soi qu'avec la diversité des religions, l'État doit mesurer les moyens en proportion des fidèles de chaque religion... et des sans-religions! Car si les religions reçoivent du gouvernement un financement à hauteur de leurs fidèles, il faut un financement égal en proportion à ceux qui n'ont aucune religion. J'ignore à quoi servirait un tel argent puisqu'il n'y aurait de concret à financer, mais une organisation représentant officiellement les athées, et structurée de manière démocratique, n'aurait probablement aucun problème à le dépenser à des projets divers, notamment à la promotion d'une telle laïcité, ou bien à combattre l'intégrisme religieux, ou encore à une laïcité dans l'enseignement.
Voilà. Je voulais simplement présenter mon opinion de la laïcité, qui est sans doute un peu atypique pour un athée. Mais bon, qui sait? Peut-être changerai-je encore d'avis. Le vôtre est d'ailleurs le bienvenu!