jusmon de M. & K. a écrit :
Le sionisme avant d'avoir été une question politique fut, et est toujours, un concept religieux fondamental dans le judaïsme.
Dès son origine le peuple d'Israël, les juifs, sont associés à la terre d'Israël. Lorsque Avraham quitte sa terre il est écrit dans Genèse (XII, 1) :
« Va pour toi de ton pays....vers la terre que je te montrerais »
et Genèse (XII, 5) :
« ...et ils sortirent pour aller au pays de Canaan. Et ils arrivèrent au pays de Canaan »
Dans Genèse (XII, 7) il sera dit :
« Et l'Eternel apparut à Avram et lui dit : Je donnerai ce pays à ta postérité... »
La sortie d'Avraham de sa terre n'est pas casuelle mais résulte d'une volonté précise de D. vers un pays précis et avec un but tout aussi précis, comme il est écrit dans Genèse (XV, 18-21) :
« Et ce jour là D. conclut avec Avram une alliance, en disant : « A ta descendance j'ai donné cette terre depuis le fleuve d'Egypte jusqu'au grand fleuve, le fleuve Euphrate. Le pays des Kénites, des Kénizites et des Kadmonites. Des Hittites, des Périzites et des Rephaim. Des Emorites, des Canaanites, des Girgashites et des Yevoussites. »
Tout au long du livre de la Genèse cette promesse va être répétée aux patriarches mais aussi par la suite nous trouvons d'autres versets comme lors de la sortie d'Egypte où à nouveau cela est confirmé à Moise et aux juifs comme dans Exode (XII, 5) :
« Et lorsque l'Eternel t'aura fait entrer dans la terre du Cananéen, du Héthien, de l'Amorréen, du Hévéen et du Jébuséen, qu'il a juré à tes pères de te donner, terre coulant de lait et de miel... »
ou aussi Deutéronome (XXXII, 49) :
« ...regarde le pays de Canaan que je donne en propriété aux fils d'Israël. »
Je pourrais apporter encore plusieurs versets tant du livre de Josué que des Prophète mais ce n'est l'intérêt ici. Cependant nous voyons déjà que le lien entre le peuple « Israël » et une terre particulière est définie dès son origine.
Une question s'est posée très tôt qui était : pourquoi, si l'histoire du peuple juif commence réellement avec l'exode, a-t-il fallu commencer par la Genèse ?
Plusieurs réponses existent mais une ici nous intéresse en particulier pour notre sujet c'est celle de Rashi, commentateur du XIe siècle vivant à Troyes. A la question : Pourquoi la Torah commence par la création de l'univers ? Rashi répond ainsi en citant un midrash ancien :
les nations du monde diront un jour au peuple juif : « Vous êtes des voleurs ! Vous avez volé votre pays aux tribus Canaanites ! » Aussi D. commence la Torah avec la création de l'univers, afin de signifier au monde : « je suis le Créateur de l'univers. Tout m'appartient. C'est Moi qui ai choisi de donner la terre d'Israël au peuple juif ».
Donc le lien entre le peuple Israël et la terre est un lien particulier. De fait il faut noter aussi ceci : le peuple juif s'appelle en hébreux : Am Israël, peuple d'Israël et contrairement aux autres peuples la terre prend le nom du peuple et non pas l'inverse puisque le nom Israël est le nom que reçoit le troisième patriarche Yaacov après sa lutte avec l'ange. Le lien entre les juifs et la terre d'Israël est inscrit dans la culture même du judaïsme.
Cette introduction simplement pour comprendre qu'un lien profond, immuable existe entre le peuple juif et la terre d'Israël. Mais si ce lien n'est pas toujours contesté, beaucoup conteste que cette relation ait continuée avec l'exil.
C'est maintenant que j'affronte donc le concept de « sionisme » de la Torah et du judaïsme. Je préciserais plus avant les différences avec le mouvement sioniste qui apparaîtra à la fin de XIXème et début du XXème siècle. En effet le lien entre la terre d'Israël et le peuple juif, tout en étant immuable, est conditionné par D. . Cette terre est sainte (Kadosh) [qui dans un sens littéral signifie séparé, différent] et elle ne peut tolérer les écarts de conduites du peuple car elle le rejettera c'est ce qui est écrit dans le Lévitique (XVIII, 26-28) :
« Vous conserverez mes décrets et mes lois, vous ne commettrez pas toutes ces abominations, ni vous, ni les étrangers qui résident parmi vous. Car toutes ces abominations, les hommes du pays, qui y ont été avant vous, les ont commises, et la terre en a été souillée. Ainsi la terre ne vous vomira pas pour l'avoir souillée, comme elle a vomi la nation qui y a été avant vous »
Donc la présence du peuple juif est perçue, dès le début, par les juifs comme conditionnelle. La terre est un don que D. offre au peuple qui devra se la mériter. Dès lors que le peuple n'applique plus la justice et l'éthique que la Torah lui ordonne, il sera rejeté par elle. Mais à ce moment, pendant l'exil, une nouvelle relation se nouera entre la terre et le peuple : celle de l'espoir du retour et de l'idéal de la relation avec ce pays qui sera symbolisée par l'aspiration du retour à Tzion colline de Jérusalem. Chaque année sera répétée, lors du Seder de Pessa'h, cet espoir : « L'année prochaine à Jérusalem reconstruite», mais aussi lors des mariages où le marié, en rompant le verre qui symbolise le fait qu'aucune joie complète n'existe en Israël tant que le Temple n'existera pas, dit (Psaume CXXXVII, 5-6):
«Si je t'oublie Jérusalem, que ma (main) droite m'oublie. Que ma langue se colle à mon palais si je ne me souviens pas de toi, si je n'élève Jérusalem au dessus de toutes mes joies.»
Déjà durant le premier exil, celui babylonien existe cette aspiration sioniste, il suffit de lire Isaïe (II, 3) :
« Car de Tzion sort la Torah et la parole de D. de Jérusalem »
Tout cela démontre donc que l'aspiration au retour vers la terre perdue sera un élément central du judaïsme qui s'articule sur trois points : D., la Torah et la terre. Un lien mystique va se développer entre le peuple Israël, Jérusalem et son Temple et la terre Israël Cette relation mystique fera que jamais l'espoir de retrouver sa terre ne quittera plus les juifs. La prière quotidienne est pleine de requêtes de retour tel celle-ci :
« .... Ramène le culte dans le Devir, le Saint des saint, de Ta demeure »
ou
« ...reconstruis Jérusalem.... »
La Halakhà (la loi rabbinique) aussi traitera de la question du retour et de la présence effective sur la terre d'Israël. Une contre-verse fameuse existe d'ailleurs sur cette question entre Maimonide, le Rambam (Rabbi Moshé ben Maimon), et le Nachmanide, le Ramban (Rabbenou Moshé ben Nahman Gerondi qui naît à Gérone [Catalogne] en 1194, 10 ans avant la mort de Maimonide). En effet dans son livre Sefer Ha-Mitzvoth (Livre des commandements) le Maimonide ne cite pas l'obligation de prendre possession et d'habiter la terre Israël Le Ramban critiquera vivement cela en disant :
« Nous avons reçu l'ordre d'hériter de la terre que Dieu a donné à nos pères, Abraham, Isaac et Jacob, de ne l'abandonner à aucun autre peuple, ni de la laisser désolée. ... La preuve qu'il s'agit bien d'un commandement est ce qui est dit lors de l'épisode des Explorateurs (Deutéronome I, 21): [Moïse avait dit à Israël] : "Monte et hérite [de la terre] comme l'Eternel, Dieu de tes Pères te l'a dit, sois sans crainte ni frayeur". Et lorsqu'ils n'ont pas voulu monter il est dit: "Vous vous êtes révoltés contre l'ordre de l'Eternel". Il s'agit donc bien d'un commandement et non d'une promesse... Et c'est ce que confirme le Talmud (Traité Sota, 44b): la guerre de conquête par Josué a le statut de guerre commandée (milkhemet mitzvà), la guerre d'extension de David a le statut de guerre facultative (milkhemet rechout) ».
Le Ramban démontre ensuite que ce commandement n'est pas uniquement valable pour l'époque de Josué mais qu'il est valable pour toutes les générations. La question reste cependant de savoir si cela est encore en vigueur lorsque les juifs sont condamnés à l'exil ? Encore une fois sa réponse est positive :
« Et moi je dis que le commandement sur lequel les Sages ont tellement insisté, à savoir le fait de résider en Terre d‘Israël, au point qu'ils ont dit dans le Talmud (Traité Ketouvot, 100b): "quiconque quitte la Terre d'Israël pour résider à l'extérieur, qu'il soit à tes yeux comme un idolâtre", et toutes les autres formules de ce type, je dis que cela dérive de l'obligation d'hériter de la terre et de s'y installer. Il s'agit donc d'une obligation valable pour toutes les générations qui oblige chacun d'entre nous même en période d'exil. ». Mais il nous faut noter que le Ramban ne parle pas de conquête mais de résider sur la terre et l'obligation n'est plus collective mais individuelle. C'est ce que confirmera un descendant du Nachmanide, Rabbi Shelomo Bar Shimon qui écrit : « Mon ancêtre Nachmanide a compté la résidence en Terre d'Israël parmi les obligations de la Torah selon ce qui est dit: "vous en prendrez possession et vous y habiterez". Cependant, pendant toute la durée de ce dur exil, ce n'est pas une obligation collective reposant sur la communauté d'Israël. Bien au contraire, sa réalisation nous est défendue en vertu des serments que Dieu a fait jurer à Israël de ne pas hâter la fin des temps et de ne pas monter en force. Il s'agit donc [seulement] d'un commandement concernant chaque individu de venir résider en Terre d'Israël ».
Le Rambam (Maimonide) ne mentionne donc pas une obligation de permanence mais il n'en demeure pas moins que la terre d'Israël garde une importance fondamentale. Dans un de ses textes il statut que d'un point de vue de la Halakhà il est interdit à celui qui réside déjà en terre d'Israël de la quitter sauf pour des motifs graves (comme la nécessité de gagner un salaire afin de nourrir sa famille par exemple) et dans son livre le Yad Ha-Khazakà (Mishné Torah), Hilkhoth Melakhim (les règles des rois) (V, 10) il écrit :
« Les plus grands savants embrassaient les pierres de la Terre d'Israël et se roulaient dans sa poussière ainsi qu'il est dit [de Sion] dans le psaume de David (CII, 15): Tes serviteurs affectionnent ses pierres, ils chérissent jusqu'à sa poussière. »
Nous voyons donc que par définition si le sionisme consiste en une aspiration individuelle ou collective à un retour sur la terre Israël alors le judaïsme est sioniste depuis au moins deux milles ans. Bien entendu ce sionisme est une aspiration avec une forte connotation eschatologique, même si je n'ai insisté sur la dimension messianique de ce retour. En effet la venue du Messie s'accompagne de la fin de l'exil et du Kibboutz Galouioth (Retour à Tzion).
C'est sur ces bases que naîtra le sionisme moderne. Il nous faut comprendre que la situation des juifs en cette fin du XIXème siècle est marquée par un événement qui sera une « bombe » et il s'agit de l'affaire Dreyfus. Cette affaire fera prendre conscience à de nombreux juifs assimilés que l'assimilation est un échec. Pourquoi eux et pas, comme on pouvait s'y attendre, les religieux ? Simplement parce que cette affaire touche un juif assimilé. Alfred Dreyfus est un juif d'origine alsacienne, laïc et parfaitement intégré. Il fait une carrière militaire qui est fortement en contraste avec une pratique du judaïsme et demande un renoncement à ses particularismes. Et c'est lui qui est utilisé comme bouc émissaire justement parce que juif. Cette affaire marquera un homme qui vit la même situation, Théodore Herzl, journaliste autrichien lui aussi assimilé. Il considérera que le seul moyen de permettre aux juifs de ne pas subir une telle humiliation ne sera possible que si le peuple juif aura un foyer. Mais son aspiration est politique et non pas religieuse au point que pour lui l'important ne sera pas le lieu (puisqu'il pensait que l'on pouvait créer cet état en Amérique du Sud ou même en Afrique) ni la langue (il pensait au Yiddish ou l'allemand et certainement pas à l'hébreu). En fait sa vision sioniste est et reste assimilationniste puisque le but de donner un pays aux juifs est de permettre de faire du peuple juif un peuple comme les autres. Ce sont d'autres sionistes qui imposeront l'idée que ce soit en Israël et avec l'hébreu que le futur état juif soit créé.
L'idée sioniste de Herzl rencontrera beaucoup d'opposition parmi les juifs religieux qui, tout en étant « sioniste » et malgré de petites Alyà individuelle, ne concevaient un retour de la majorité des juifs que dans un mouvement messianique. Il existe de nos jours encore un petit groupe de juifs farouchement antisioniste qui sont des ultra orthodoxe comme les Naturey Karta et les Hassidim de Satmar qui arrivent même à demander la destruction de l'état Israël considérant qu'un état juifs qui n'est pas sous les règles du judaïsme et encore moins créé sous l'impulsion du Messie ne peut que détruire le judaïsme même. Mais il y a aura aussi une opposition forte de la part des juifs « socialiste » qui lutte pour une intégration dans les pays de résidence comme le BUND par exemple. Mais eux seront balayés parla Shoà. Le sionisme moderne s'inscrit aussi dans le courant des mouvements nationalistes qui fleurissent et déferlent sur l'Europe en cette fin du XIXème siècle. C'est donc la pression de l'antisémitisme et des pogroms de l'Europe centrale qui provoqueront la naissance du sionisme moderne et politique et la Shoà, avec la mauvaise conscience que cela provoquera dans la société européenne, qui sera le déclencheur de la création effective de l'état Israël en 1948.
Aujourd'hui qui sont les sionistes ? Il y a plusieurs catégories je pourrais dire:
Les sionistes laïques qui prônent l'existence d'un état ou les juifs peuvent librement exister mais en même temps ouvert. C'est-à-dire sans aucune connotation religieuse particulière. Un état démocratique ouvert a tous et ou il n'y a aucune nécessite que les juifs soient majoritaire ou non. Pour eux Israël doit être un pays comme les autres et la terre n'a pas de sacralité particulière. Donc il est possible de concéder ce qui est nécessaire pour avoir une paix.
Les sionistes religieux qui prônent l'existence d'un état juif où les lois de l'état sont soumises en partie à la Halakhà, du moins les plus importantes, comme le Shabbath et les fêtes ainsi que les lois civils du mariage et du divorce. Pour eux la terre Israël a une connotation religieuse importante et l'existence Israël même est un signe de fait ils disent que l'état Israël est: Reshit Ghéoulatenou - Le début de notre libération (fin de l'exil). Pour eux évidemment il n'est possible de ne rien concéder de ce qui est la terre Israël.
Les sionistes non juifs qui sont majoritairement des chrétiens évangélistes qui voient en la création d'Israël une étape essentielle pour la réalisation de la parousie, c'est-à-dire la fin des temps et la conversion des juifs.Bien entendu il existe entre ces catégories toutes les variations possible car l'homme est complexe et sa pensée encore plus.
Pour conclure je voudrais mettre quelques définitions pour en finir avec des confusions trop diffuses. Ces définitions proviennent du dictionnaire des religions :
Sémite : personne appartenant à un des peuples originaires d'Asie occidentale (ancienne Mésopotamie et du Moyen-Orient), que la tradition fait descendre de Sem, fils de Noé, et qui ont parlé ou parlent les langues dites sémitiques (l'hébreu, l'arabe, l'araméen, le babylonien, l'assyrien, et l'amharique). Le terme "sémite" désigne plus particulièrement les peuples et les tribus bibliques ainsi que leurs descendants actuels, incluant aussi bien les Hébreux que les Arabes. Il n'est donc pas synonyme de juif. Ce mot est tombé en désuétude.
Hébreu (selon la tradition juive, de l'hébreu ivri, dérivé de Eber, descendant de Sem qui était le fils de Noé, ou de ever, "au-delà" [du fleuve Euphrate]) : personne appartenant au peuple des Hébreux. La Bible nomme Hébreux les tribus sémitiques semi-nomades qui vivaient en Syrie depuis le XIXème ou XVIIIème siècle avant E.V. et qui, après avoir traversé l'Euphrate, se sont installées en terre de Canaan sous la conduite d'Avraham. Cet épisode est relaté par la Genèse, Chapitre XII. Ceux qui plus tard s'installèrent en Egypte avec Joseph furent contraints à l'esclavage (L'Exil) jusqu'à ce que Moïse les libère et les amène sur la Terre Promise. A partir du VIème siècle avant E.V, ils se désignent comme les Judéens d'où dérive le mot "juif". Dans les évangiles, les Hébreux sont les Juifs de Palestine qui parlent l'araméen. L'hébreu est aussi la langue, d'origine sémitique, de l'ancien peuple d'Israël (de la Bible Hébraïque) ainsi que la langue officielle de l'Etat actuel d'Israël.
Israélite : descendant du peuple d'Israël formé par les douze fils de Jacob dont l'histoire, décrite dans la Bible, commence à la sortie d'Égypte avec Moïse. Après le schisme qui suivit le règne du roi Salomon, le terme "israélite" (du royaume d'Israël) s'oppose à "judéen" (du royaume de Judée) d'où dérive le mot "juif". De nos jours, "israélite" est souvent utilisé comme euphémisme pour éviter d'employer le mot "juif".
Juif : (de l'hébreu Yehoudi, habitant de Judée, l'un des deux royaumes rivaux après le schisme du royaume d'Israël) personne appartenant à la communauté du "peuple juif", descendant des Hébreux ou de ceux "qui les ont ralliés" au cours des époques. Bien qu'il se confonde parfois avec le sens d'appartenance religieuse, le mot "juif" a plutôt une signification d'appartenance ethnique. La grande majorité des Juifs se considèrent comme formant un peuple unique et membres d'une nation disséminée dans les pays du monde (Diaspora).Dans la pratique moderne, le terme "juif" inclut à la fois l'individu qui pratique le judaïsme et l'individu qui, même sans pratiquer cette religion, s'identifie comme juif en vertu de son héritage familial et culturel. Longtemps considérés comme déicides par les chrétiens, les Juifs ont été, très souvent au cours de l'histoire, victimes de brimades, de discriminations, de pogroms (émeutes antisémites) et de persécutions... L'antisémitisme a atteint son point culminant dans la première moitié du XXème avec le racisme anti-juif des nazis et leur entreprise d'extermination, un génocide appelé Shoah ("catastrophe" en hébreu), qui a provoqué la mort de 6 millions de personnes de juifs.
Cordialement