Voila j'ai retrouvé, je met le passage qui nous intéresse en gras :
Après des études à l’université d’Al-Azhar au Caire, Mahmoud Azab obtient en France un Doctorat en études sémitiques (Sorbonne 1978). Il a été professeur de langues sémitiques à l’université d’Al-Azhar au Caire. Il a été professeur coopérant chargé de l’enseignement bilingue au sein de nombreuses universités africaines (Niger, Tchad…). Il a également été délégué de l’Université d’Al-Azhar aux conférences internationales de dialogues interculturels. Il a été nommé en 1996 à Paris comme professeur associé d’arabe classique (langue et littérature) à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (langues « O ») où il est professeur titulaire d’islamologie depuis 2002. Il répond pour Oumma.com à une interview mise en ligne le vendredi 8 février 2008, et ayant pour titre : Mahmoud Azab : « Dans le Coran, il n’y a aucune trace d’incitation à la lapidation. »
L’interviewé nous apprend qu’Historiquement, je cite : « la lapidation nous vient de la Loi juive. Les juifs lapidaient les femmes et les hommes adultères. Cela existe dans la Loi de Moïse. » L’Ancien Testament nous dit en effet : « Quand un homme commet l’adultère avec la femme de son prochain, ils seront mis à mort, l’homme adultère aussi bien que la femme adultère. » (1] La Bible condamne également à la lapidation l’homme ou à la femme qui voue le culte à d’autres dieux. (2]
Puis, Mr Azab enchaîne : « Le Christ est le premier à contester cette pratique. La lapidation est l’objet d’un débat « polémique » entre le Christ et les membres du Sanhédrin (les juges et juristes juifs). Ces derniers présentent au Christ une femme adultère, lui disent que selon la Loi de Moïse, elle doit être lapidée et lui demandent son avis. Le Christ leur répond « que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre », et « ils se retirèrent à commencer par les plus âgés » nous disent les textes chrétiens. A mon avis, ce moment est une révolution extraordinaire dans l’histoire de la Loi sémitique monothéiste. »
Dire que le Christ est le premier à contester cette pratique est une affirmation gratuite. La rigueur scientifique réclame d’en apporter la preuve matérielle, mais ne nous attardons pas sur ce détail qui, pourtant, est de taille ; penchons-nous plutôt sur la fameuse histoire de la « femme adultère » que relate la Bible.
Selon l’Évangile de Jean plus exactement, une fois descendu du mont des oliviers au point du jour, « Jésus revint au temple et, comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les Pharisiens amenèrent alors une femme qu’on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe. « Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » Ils parlaient ainsi dans l’intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l’accuser. Mais, Jésus, se baissant, se mit à tracer du doigt des traits sur le sol. Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » Et, s’inclinant à nouveau, il se remit à tracer des traits sur le sol. Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle, Jésus se redressa et lui dit : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur », et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus. » (3]
Cette histoire est émouvante, mais il reste à prouver son authenticité. Mr Azab ne nous dit pas que l’Évangile selon « saint » Jean est plus que controversé au sein même de l’Église. [4] Depuis longtemps, il est reconnu comme différent des Évangiles synoptiques [5] qui lui sont antérieurs. Les différences les plus importantes touchent à la christologie. Jean présente également des faits inconnus des autres Évangiles comme le signe de Cana, la rencontre avec Nicodème, la Samaritaine, la résurrection de Lazare. D’importantes différences chronologiques apparaissent entre l’Évangile selon Jean et les synoptiques.
Sans compter que l’auteur de ce livre reste, à nos jours, anonyme. Bien qu’il cherche ensuite à noyer le poisson dans l’eau, dans son introduction à l’Évangile selon « saint » Jean, André Chouraqui fait le triste aveu : « L’identification de l’auteur du quatrième évangile fait problème. La plus ancienne tradition chrétienne l’attribuait à Iohanân bèn Zabdi, devenu en français Jean, fils de Zébédée, qui l’aurait écrit dans sa vieillesse à Éphèse. Mais à partir du XIXe siècle, même dans l’Église, des exégètes élèvent des doutes : le véritable auteur serait un certain Jean le Presbytre, ou pour d’autres, tout simplement un inconnu… » Ce qui jette d’autant plus le discrédit sur l’authenticité de cet évangile.
Une deuxième étape, encore plus difficile, consiste à prouver l’authenticité de l’histoire de la « femme adultère ». Le livre de Jean est le seul évangile à la rapporter. Sans compter, comme le reconnaissent les auteurs de la version française œcuménique de la Bible, que le passage 7.53-8.11 de ce fameux évangile ne figure pas dans les manuscrits les plus anciens et les versions latine, syriaque, etc. Quelques manuscrits le situent ailleurs, en particulier à la fin de l’Évangile. Plus catégoriques, certains exégètes à l’image de l’anglais Peake, considèrent qu’il n’a aucun lien avec cet évangile. [6]
Mr Azab, vous n’êtes pas sans savoir, comme le souligne Ibn Taymiyyah, vous, un spécialiste en langues sémitiques, que les adeptes des religions falsifiées et les égarés en général, s’appuient généralement sur des arguments ambigus au détriment des arguments formels, trahissant ainsi qu’ils sont plus animés par les passions que par la recherche de la vérité. [7] Ce manque de bonne foi ou, pour le moins, ce manque de rigueur les fait sombrer dans les contradictions les plus aberrantes.
Or, d’un côté, vous jetez la suspicion sur l’authenticité de certains hadîth qui parlent de l’adultère, sous prétexte que le Coran n’est pas explicite sur la question ; comme si le Prophète (sallallahu ’alayhi wa sallam) pouvait aller à l’encontre de la Parole du Seigneur, lui, qui ne parle pas sous l’effet des passions ! D’un autre côté, vous remettez en cause une loi que corroborent les religions célestes, sous prétexte qu’un texte pour le moins obscur donne l’impression de ne pas y adhérer. En sachant que ce n’est qu’une impression, car aucun élément du passage en question ne prête à dire que la loi de la lapidation fut abrogée à ce moment précis, si, bien sûr, il y a eu abrogation un jour. Ces fameux hadîth que vous dénigrez ont au moins le mérite d’avoir une chaîne narrative, ce qui n’est pas le cas pour l’histoire à laquelle vous vous accrochez éperdument. Il ne peut vous échapper qu’un hadîth dont l’authenticité est controversée a une plus grande valeur historique que des annales dont on ne connait pas l’auteur. Je ne veux pas m’étendre ici sur les implications terribles qu’entrainent vos paroles.
P.-S.
À suivre…
Notes
(1] Le Lévitique ; 20.10 La Bible condamne également à la lapidation l’homosexualité (Le Lévitique ; 20.13), et la zoophilie (Le Lévitique ; 20.15-16). Un sort plus grave est réservé à l’homme qui prend pour épouse une femme et sa mère ; il faut en effet les brûler tous les trois (Le Lévitique ; 20.14).
[2) Deutéronome ; 13.7-12 et 17.1-7
(3] Jean ; 8.11
[4] Voir : Massâdir e-nasrâniya dirâsa wa naqd qui est une thèse ès magistère du D. ‘Abd e-Razzaq Ûlârû (1/444-468).
[5] Les évangiles synoptiques : les évangiles selon « saint » Matthieu, « saint » Marc et « saint » Luc, dont les plans sont semblables.
[6] Voir : el-Massîhiya de Sâjid Mîr (p. 288).
[7] Voir notamment : El-Jawâb e-Sahîh li man baddala din el-Massîh (2/710) et majmû’ el-fatâwa (3/62-63).
Pour ceux qui veulent les autres parties de ce sujet épineux :
La lapidation