Les Genevois sans religion sont toujours plus nombreux
Les Genevois sans religion sont toujours plus nombreux
Dieu et ses ouailles La part des habitants sans confession a dépassé celle des catholiques. Les protestants ne forment plus que 10% de la population.
Les catholiques romains, qui forment la première communauté religieuse du canton depuis les grandes migrations italienne, espagnole et portugaise, sont désormais dépassés par les habitants qui s'affichent sans appartenance religieuse mais pas sans spiritualité (ils figuraient sous «Autres religions» avant 1960). Les musulmans étaient jusqu'au recensement de l'an 2000 compris dans la catégorie «Autres religions». Source: OCSTAT et OFS)
Les catholiques romains, qui forment la première communauté religieuse du canton depuis les grandes migrations italienne, espagnole et portugaise, sont désormais dépassés par les habitants qui s'affichent sans appartenance religieuse mais pas sans spiritualité (ils figuraient sous «Autres religions» avant 1960). Les musulmans étaient jusqu'au recensement de l'an 2000 compris dans la catégorie «Autres religions». Source: OCSTAT et OFS)
A la question «Croyez-vous qu'il y a une vie après la mort?», 44% des Genevois répondent par l'affirmative, 30% par la négative et 26% ne savent pas. Croient-ils en un Dieu créateur du ciel et de la terre, comme le raconte la Genèse, le premier livre de la Bible et l'affirme le symbole de Nicée?
La question ne figurait pas en tant que telle parmi celles, nombreuses, que l'Office fédéral de la statistique (OFS) a soumises en 2014 à 1800 Genevois et 16'487 habitants du pays. Leurs réponses ont été publiées ce printemps par l'OFS et, pour le volet genevois, le 12 décembre dernier par l'OCSTAT, soit juste avant Noël, la fête chrétienne la plus populaire du calendrier universel, dont l'an 1 coïncide conventionnellement avec la naissance de Jésus-Christ.
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L'étude concoctée par l'OFS, sous la direction d'Amélie de Falugerques, révèle que deux habitants du canton sur trois jugent que «la théorie de l'évolution des espèces de Darwin est l'explication la plus cohérente de l'origine de l'être humain». Les autres sont-ils des adeptes des théories créationnistes? Sans doute pas, mais la question n'a pas été spécifiquement posée. Les autres doutent tout simplement, ne croient pas à la théorie de Darwin ou affichent leur méconnaissance en la matière.
Toujours au chapitre des croyances, un Genevois sur cinq dit adhérer à l'idée d'une réincarnation après la mort. La même proportion jure ou presque qu'on peut entrer en contact avec les morts. D'autres, à peine plus nombreux, pensent qu'il n'existe pas d'autre réalité que celle du monde matériel. En revanche, plus d'un habitant du canton sur deux soutient que certaines personnes possèdent un don de guérison ou de voyance.
La Suisse est l'un des rares pays à dresser la carte des croyances et à sonder les âmes sur ce sujet délicat. Le questionnaire a été élaboré par des spécialistes qui ont pris langue notamment avec la Conférence des Départements de l'instruction publique, les Eglises et des experts dans le domaine. «Les personnes sondées ont répondu volontiers à ces questions, indique Amélie de Falugerques, ce qui montre que les questions religieuses ne sont pas taboues.» De nombreux chercheurs sont en train d'exploiter ces données.
Les croyances métaphysiques et scientifiques en 2014
A quoi sert Dieu?
A quoi sert Dieu? A affronter les moments difficiles de la vie. Un Genevois sur deux y pense dans ces situations. Ils sont un peu plus de 40% à l'invoquer lors d'une maladie. La religion ou la spiritualité détermine l'attitude envers l'environnement pour 36% des habitants, l'éducation des enfants (35%), les fêtes de famille (33%), la vie professionnelle (20%). Les Genevois sont peu nombreux à conformer leur alimentation (15%), leur positionnement politique (13%), leur vie sexuelle (12%) ou encore leur habillement (6%) en accord avec des prescriptions religieuses.
Les données du graphique ci-dessus (qui s'agrandit d'un clic) valent pour la Suisse, l'échantillon genevois n'est pas assez grand pour établir le même graphique pour Genève.
Les Suisses et les universitaires moins religieux
Les réponses varient plus ou moins si l'on est croyant ou pas, Suisse ou étranger, jeune ou âgé. Les femmes s'avèrent un peu plus religieuses que les hommes, les jeunes bien moins que les anciens.
La religiosité est nettement liée au niveau de formation, relève l'OCSTAT. A Genève, 54% des personnes n'ayant fréquenté que l'école obligatoire se disent religieuses, la proportion est de 27 % pour celles qui disposent d'un titre universitaire ou assimilé. En Suisse, le constat est similaire. 42% des étrangers se disent religieux contre 30 % des Suisses. Cet écart est moins grand à l’échelon national: 44 % des étrangers et 39 % des Suisses se disent religieux. Les personnes qui se décrivent comme «très» ou «plutôt» religieuses sont 84 % à croire en un Dieu unique.
Les personnes sans religion ne sont pas forcément athées ou indifférentes. Il leur arrive de fréquenter une cérémonie religieuse de temps en temps. L'étude ne révèle pas leurs motivations.
L'enquête de l'OFS 2014 sur laquelle repose le Coup d’œil publié sur quatre pages par l'OCSTAT le 12 décembre reste muette sur la pratique des rites de passage qui scandent la vie humaine (le baptême après la naissance, la confirmation à l'adolescence, le mariage religieux et les obsèques).
Combien sont-ils, les croyants et les incroyants?
Combien de croyants et d'incroyants, de catholiques, de protestants, de juifs et de musulmans à Genève? L'Office cantonal de la statistique ne le sait pas exactement. La faute au mode de recensement des âmes et aux questions posées pour déterminer leur appartenance religieuse.
Selon le relevé structurel, la part des catholiques romains dans la population genevoise est de 36%, celle de ceux qui sont sans appartenance religieuse de 37% et celle des protestants de 10%. Cette source enregistre aussi 6% de musulmans et 1% de juifs. 7,4% des gens déclarent une «autre religion». Cette catégorie incorporait aussi les gens sans religion avant 1960. 3,1% des sondés n'ont pas répondu à cette question.
Cependant, dans le document «Coup d’œil», publié le 12 décembre, on lit que Genève abrite 43% de catholiques romains, 27% de sans-confession et 10% de protestants.
Le diable se cache-t-il dans quelques détails? D'où viennent ces différences?
La première raison dérive du fait que la Suisse a abandonné le décompte systématique des habitants, qui nécessitait l'envoi tous les dix ans à toute la population d'un grand questionnaire. La deuxième raison proviendrait de la manière de poser les questions et d’y répondre.
Depuis l'an 2000, le dénombrement et la connaissance sociologique des habitants résultent de trois sources distinctes.
Les registres des habitants (les derniers chiffres publiés datent du 15 décembre), tenus par l'Office cantonal de la population, livrent vingt et une informations par personne (identifiant AVS, sexe, âge, origine, état civil, etc. et aussi l'«appartenance à une communauté religieuse reconnue de droit public ou reconnue d’une autre manière par le canton». En raison de la laïcité de l'Etat, Genève ne relève toutefois pas ce renseignement. Neuchâtel non plus).
Le relevé structurel est une enquête réalisée chaque année auprès d'une partie de la population. A Genève, l'OCSTAT adresse tous les ans à 20'000 habitants âgés de 15 ans un questionnaire de 33 questions. Sur le site de l'OCSTAT, les chiffres clés publiés sont la moyenne des données récoltées en 2012, 2013 et 2014, en tout quelque 60'000 réponses (en principe, les enquêtes annuelles interrogent des personnes différentes).
Enfin, pour mieux connaître les habitants, leurs us et coutumes, leur santé, etc., l'OFS mène des enquêtes thématiques quinquennales qui approfondissent les sujets abordés dans le relevé structurel, voire en abordent d’autres. En 2013, l'enquête thématique portait sur la famille et les générations, en 2014 la langue la culture et la religion, en 2015 la mobilité et les migrations, en 2016 la formation continue, en 2017 la santé.
L'enquête thématique porte sur un échantillon représentatif de la population de 15 ans et plus. A Genève, les internationaux et leurs familles ne sont pas sondés, pas plus que les personnes vivant dans des EMS ou des foyers. Bref, l'échantillon est représentatif de 360'000 habitants du canton de Genève alors qu'il hébergeait 482'500 âmes à la fin de 2014. Les quelque 110'000 travailleurs pendulaires vivant hors des frontières cantonales, dont une part de Genevois chassés du canton par la crise du logement, ne sont évidemment pas non plus concernés.
La deuxième raison de la différence tient à la manière de poser les questions et d’y répondre. Le relevé structurel demande aux gens d’indiquer, par écrit, quelle est leur appartenance religieuse. L’enquête par sondage 2014 demande, via deux questions distinctes, d’indiquer, spontanément et par oral, sa religion (ou confession) et son appartenance religieuse officielle (voir à ce sujet le questionnaire pages 33 et 34). Il semble, explique Hervé Montfort, chef du Service production et études statistiques de l'OCSTAT, que ces deux modes de questionnement livrent des réponses différentes. Le phénomène frappe surtout les catholiques et les sans-confession, pas du tout les protestants, qui dans les deux enquêtes restent à 10%.
Collaboration mise en cause
Genève a payé pour étendre le nombre des Genevois sondés par l'OFS dans le cadre de l'enquête sur la culture, les langues et la religion à 1800 personnes. Cette option est facultative. Tous les cantons n'ont pas mis la main au porte-monnaie, de sorte que l'OFS ne publie pas de comparaisons intercantonales.
L'échantillon genevois reste cependant encore trop petit. «Dès qu'on veut en savoir plus sur les petites communautés religieuses ou entrer dans le détail des informations, la précision des résultats se réduit fortement (voir le graphique ci-dessous), note Hervé Montfort à Genève. Dans cette situation, il devient difficile, voire impossible, de savoir si, par exemple, les résultats spécifiques au canton de Genève diffèrent ou non de ceux établis pour la Suisse dans son ensemble. L'OCSTAT s'interroge donc sur l'opportunité de reproduire l’exercice.»
Les protestants sont vieux, les musulmans jeunes