Grande rencontre orthodoxe sur fond de crise en Ukraine
Posté : 04 mars14, 18:53
Grande rencontre orthodoxe sur fond de crise en Ukraine
MARIE-LUCILE KUBACKI AVEC APIC
CRÉÉ LE 04/03/2014 / MODIFIÉ LE 04/03/2014 À
Bartholomée Ier Bartholomée Ier
Une réunion de responsables des Eglises orthodoxes, convoquée par le patriarche oecuménique de Constantinople Bartholomée Ier, qui est le “chef spirituel“ de 300 millions de chrétiens et bénéficie de la primauté d'honneur au sein de l'orthodoxie, s'ouvrira le 6 mars 2014 à Istanbul. Cette rencontre, qui se déroulera sur fond de conflit en Ukraine, risque d'être très délicate. En effet, le patriarche de Moscou, Cyrille, a fait savoir qu'il entendait obtenir un consensus de ses confrères pour continuer à considérer l'Ukraine comme "territoire canonique" de l'orthodoxie russe.
Cette réunion a failli ne jamais avoir lieu. Il y a quelques jours, le patriarche de Roumanie, Daniel Ciobotea exigeait que la question du schisme des Eglises tchèque et slovaque soit réglée au préalable. Plus encore, le risque principal était que le patriarche de Moscou ne fasse pas le déplacement. Finalement, la réunion a été maintenue. Elle a même été anticipée et prolongée sur 3 jours. Si le véritable ordre du jour concernait la préparation du concile panorthodoxe et son ouverture possible en 2015, la crise ukrainienne pourrait bien tout chambouler.
La situation ecclésiale en Ukraine est particulièrement complexe. A l'ouest, on trouve l'Eglise orthodoxe du patriarcat de Kiev, non reconnue par les églises canoniques, et l'Eglise gréco-catholique (uniate), tandis qu'à l'est (russophone) est installée l'Eglise orthodoxe du patriarcat de Moscou, branche principale de l'orthodoxie en Ukraine. Coexistent donc sur le territoire ukrainien deux Eglises orthodoxes, dont une, celle de Kiev, considérée comme « dissidente ». Comme l'expliquait Antoine Arjakovsky, directeur de recherche au Collège des Bernardins et fondateur de l'institut d'études oecuméniques de Lviv en Ukraine à JOL Press : « Dans l’Église orthodoxe, il y a eu un schisme en 1991 : un évêque, Philarète Denysenko, a décidé de créer sa propre Église que l’on appelle aujourd’hui le patriarcat de Kiev, qui célèbre en ukrainien et a refusé cette tutelle russe. Moscou ne reconnaît pas cette Église, même si elle rassemble aujourd’hui en Ukraine plusieurs millions de fidèles parmi les 25 millions d’orthodoxes. »
Ainsi, poursuit le chercheur, « L'Eglise orthodoxe russe n’a elle-même jamais accepté que l’évêque de Kiev dispose de sa propre autonomie par exemple. L’Ukraine est aujourd’hui religieusement vassale de la Russie. Une situation paradoxale parce qu’en réalité, c’est la Russie, ou plutôt la Moscovie au XVIe siècle, qui a reçu son « baptême » des Ukrainiens. Au départ, l’Église orthodoxe est en effet venue de Constantinople par Kiev en 988, puis au XIVe siècle, les évêques de l’actuelle Ukraine sont partis en Moscovie. La Russie, qui dit aujourd’hui être l’Église-mère, est en réalité l’Église-fille. C’est donc elle, à bien des égards, qui empêche non seulement l’Église ukrainienne d’être autonome, mais également l’Ukraine, parce qu’il y a quand même près de 25 millions d’orthodoxes en Ukraine, c’est la principale religion. »
Aujourd'hui, le patriarcat de Moscou craint que les événements ne favorisent la partie dissidente de l'orthodoxie ukrainienne dite du “patriarcat de Kiev“. Ce d'autant plus que le métropolite orthodoxe russe de Kiev, Vladimir, vient d'être déclaré inapte pour cause de maladie. Le métropolite de Tchernovitsy et de Bucovine, Onuphre, a été désigné pour le remplacer, mais seulement comme 'locum tenens', c'est-à-dire sans en avoir le titre. Selon les sondages, les deux ailes de l'orthodoxie en Ukraine comptent environ le même nombre de fidèles, même si l'Eglise de Moscou rassemble plus de paroisses. Des deux côtés les responsables ont lancé des appels à la “réunification“.
Le chef de l’Eglise orthodoxe ukrainienne rattachée au Patriarcat de Moscou, le métropolite Vladimir, s’est adressé directement aux patriarche orthodoxe russe Cyrille pour lui demander de mettre son poids dans la balance afin que soit évitée toute effusion de sang tandis que le chef de l'Eglise gréco-catholique, Mgr Shevtchuk, a déclaré sur une chaîne de TV, à propos d'un éventuel conflit armé avec la Russie : « Si nécessaire, nous sacrifierons nos vies ».
MARIE-LUCILE KUBACKI AVEC APIC
CRÉÉ LE 04/03/2014 / MODIFIÉ LE 04/03/2014 À
Bartholomée Ier Bartholomée Ier
Une réunion de responsables des Eglises orthodoxes, convoquée par le patriarche oecuménique de Constantinople Bartholomée Ier, qui est le “chef spirituel“ de 300 millions de chrétiens et bénéficie de la primauté d'honneur au sein de l'orthodoxie, s'ouvrira le 6 mars 2014 à Istanbul. Cette rencontre, qui se déroulera sur fond de conflit en Ukraine, risque d'être très délicate. En effet, le patriarche de Moscou, Cyrille, a fait savoir qu'il entendait obtenir un consensus de ses confrères pour continuer à considérer l'Ukraine comme "territoire canonique" de l'orthodoxie russe.
Cette réunion a failli ne jamais avoir lieu. Il y a quelques jours, le patriarche de Roumanie, Daniel Ciobotea exigeait que la question du schisme des Eglises tchèque et slovaque soit réglée au préalable. Plus encore, le risque principal était que le patriarche de Moscou ne fasse pas le déplacement. Finalement, la réunion a été maintenue. Elle a même été anticipée et prolongée sur 3 jours. Si le véritable ordre du jour concernait la préparation du concile panorthodoxe et son ouverture possible en 2015, la crise ukrainienne pourrait bien tout chambouler.
La situation ecclésiale en Ukraine est particulièrement complexe. A l'ouest, on trouve l'Eglise orthodoxe du patriarcat de Kiev, non reconnue par les églises canoniques, et l'Eglise gréco-catholique (uniate), tandis qu'à l'est (russophone) est installée l'Eglise orthodoxe du patriarcat de Moscou, branche principale de l'orthodoxie en Ukraine. Coexistent donc sur le territoire ukrainien deux Eglises orthodoxes, dont une, celle de Kiev, considérée comme « dissidente ». Comme l'expliquait Antoine Arjakovsky, directeur de recherche au Collège des Bernardins et fondateur de l'institut d'études oecuméniques de Lviv en Ukraine à JOL Press : « Dans l’Église orthodoxe, il y a eu un schisme en 1991 : un évêque, Philarète Denysenko, a décidé de créer sa propre Église que l’on appelle aujourd’hui le patriarcat de Kiev, qui célèbre en ukrainien et a refusé cette tutelle russe. Moscou ne reconnaît pas cette Église, même si elle rassemble aujourd’hui en Ukraine plusieurs millions de fidèles parmi les 25 millions d’orthodoxes. »
Ainsi, poursuit le chercheur, « L'Eglise orthodoxe russe n’a elle-même jamais accepté que l’évêque de Kiev dispose de sa propre autonomie par exemple. L’Ukraine est aujourd’hui religieusement vassale de la Russie. Une situation paradoxale parce qu’en réalité, c’est la Russie, ou plutôt la Moscovie au XVIe siècle, qui a reçu son « baptême » des Ukrainiens. Au départ, l’Église orthodoxe est en effet venue de Constantinople par Kiev en 988, puis au XIVe siècle, les évêques de l’actuelle Ukraine sont partis en Moscovie. La Russie, qui dit aujourd’hui être l’Église-mère, est en réalité l’Église-fille. C’est donc elle, à bien des égards, qui empêche non seulement l’Église ukrainienne d’être autonome, mais également l’Ukraine, parce qu’il y a quand même près de 25 millions d’orthodoxes en Ukraine, c’est la principale religion. »
Aujourd'hui, le patriarcat de Moscou craint que les événements ne favorisent la partie dissidente de l'orthodoxie ukrainienne dite du “patriarcat de Kiev“. Ce d'autant plus que le métropolite orthodoxe russe de Kiev, Vladimir, vient d'être déclaré inapte pour cause de maladie. Le métropolite de Tchernovitsy et de Bucovine, Onuphre, a été désigné pour le remplacer, mais seulement comme 'locum tenens', c'est-à-dire sans en avoir le titre. Selon les sondages, les deux ailes de l'orthodoxie en Ukraine comptent environ le même nombre de fidèles, même si l'Eglise de Moscou rassemble plus de paroisses. Des deux côtés les responsables ont lancé des appels à la “réunification“.
Le chef de l’Eglise orthodoxe ukrainienne rattachée au Patriarcat de Moscou, le métropolite Vladimir, s’est adressé directement aux patriarche orthodoxe russe Cyrille pour lui demander de mettre son poids dans la balance afin que soit évitée toute effusion de sang tandis que le chef de l'Eglise gréco-catholique, Mgr Shevtchuk, a déclaré sur une chaîne de TV, à propos d'un éventuel conflit armé avec la Russie : « Si nécessaire, nous sacrifierons nos vies ».