la couleur de peau n'a aucune réalité scientifique
Posté : 10 mars14, 01:49
Didier Raoult : la couleur de peau n'a aucune réalité scientifique
Le Point.fr - Publié le 10/03/2014 à 06:00
Le professeur Raoult dénonce la propagation de stéréotypes, notamment la représentation de Cro-Magnon et celle de Neandertal, qui participent au racisme.
Par LE PROFESSEUR DIDIER RAOULT
Notre cerveau aime la symétrie, ce qui influence notre vision des choses et nous pousse souvent à diviser le monde en deux parties ou en ensembles clairement distincts. Nous raisonnons de façon binaire : bien ou mal, vrai ou faux, gentil ou méchant... C'est d'ailleurs contre cette distinction nette que la théorie du genre s'élève en faisant remarquer qu'il existe des humains qui ne sont ni entièrement masculins, ni entièrement féminins, ce que disaient déjà les Grecs anciens à propos des hermaphrodites.
"Noir" et métis
La question se pose avec plus d'acuité encore pour la classification de la couleur de la peau. La séparation noir/blanc, et avec elle le dénigrement des Noirs africains, a alimenté les théories racistes et justifié l'esclavage durant des siècles. Cette classification noir/blanc n'avait pas de seuil : dans les États du Sud, une seule goutte de sang "incriminé" suffisait à vous classer "noir" et donc bon pour l'esclavage ! Ce que décrit très bien William Faulkner dans Absalom Absalom. Cela a d'ailleurs été l'un des éléments déclencheurs de la guerre de Sécession. La vente d'une esclave ayant 1/8 de "sang noir", mais qui, élevée dans la famille de son père blanc, ressemblait à n'importe quelle aristocrate blanche du Sud, a choqué jusqu'aux partisans de l'esclavage, tous d'accord pour vendre les Noirs mais pas les Blancs !
Cette définition de l'homme "noir" n'a aucune réalité scientifique, elle est seulement raciste, pourtant ses conséquences perdurent dans les glissements successifs de la dénomination des "Noirs". Ainsi, le mot "nègre", alors qu'il n'a aucune signification péjorative - il vient de niger en latin qui veut dire noir -, a été considéré comme insultant, et remplacé par "noir", qui commence à être délaissé au profit de black. Aux États-Unis, il a déjà été remplacé par "homme de couleur" puis par "afro-américain". Mais les habitants d'Amérique, ceux qui y vivent depuis plusieurs générations, ont défini comme "noirs" des métis, car l'idée demeure : il suffit d'avoir un ancêtre noir pour être "classé" comme "noir". C'est le cas par exemple de Mohamed Ali (ex-Cassius Clay), dont le père était blanc, ou de Jimi Hendrix, dont de nombreux membres de la famille étaient des Indiens cherokees.
Traite négrière
Pour se rendre compte que cette dichotomie n'a pas de sens, il suffit de traverser l'Algérie du Nord au Sud, pour passer d'une population à la peau très claire à une population entièrement noire, sans limite nette à aucun endroit. Plus encore, cette définition de couleur ne résiste pas à la mondialisation. La traite négrière a été une forme de mondialisation à l'origine d'une population métisse qui est proche de ses ancêtres africains aussi bien qu'indiens ou européens.
L'accumulation récente de données génétiques sur les premiers hommes confirme que le métissage est consubstantiel au développement de l'humanité. Nous avons des ancêtres Cro-Magnon, Neandertal, Denisova et d'autres non encore identifiés. En représentant Cro-Magnon en homme blanc et Neandertal, que nous croyions archaïque, en noir, nous avons participé à la propagation de stéréotypes. Aujourd'hui, Cro-Magnon, qui est considéré comme notre ancêtre commun à tous, est représenté en Noir, et Neandertal, dont les gènes sont surtout présents en Eurasie, est représenté en Blanc aux yeux bleus ! D'une certaine manière, il est réhabilité, car il est de nos ancêtres, un blanc
Le Point.fr - Publié le 10/03/2014 à 06:00
Le professeur Raoult dénonce la propagation de stéréotypes, notamment la représentation de Cro-Magnon et celle de Neandertal, qui participent au racisme.
Par LE PROFESSEUR DIDIER RAOULT
Notre cerveau aime la symétrie, ce qui influence notre vision des choses et nous pousse souvent à diviser le monde en deux parties ou en ensembles clairement distincts. Nous raisonnons de façon binaire : bien ou mal, vrai ou faux, gentil ou méchant... C'est d'ailleurs contre cette distinction nette que la théorie du genre s'élève en faisant remarquer qu'il existe des humains qui ne sont ni entièrement masculins, ni entièrement féminins, ce que disaient déjà les Grecs anciens à propos des hermaphrodites.
"Noir" et métis
La question se pose avec plus d'acuité encore pour la classification de la couleur de la peau. La séparation noir/blanc, et avec elle le dénigrement des Noirs africains, a alimenté les théories racistes et justifié l'esclavage durant des siècles. Cette classification noir/blanc n'avait pas de seuil : dans les États du Sud, une seule goutte de sang "incriminé" suffisait à vous classer "noir" et donc bon pour l'esclavage ! Ce que décrit très bien William Faulkner dans Absalom Absalom. Cela a d'ailleurs été l'un des éléments déclencheurs de la guerre de Sécession. La vente d'une esclave ayant 1/8 de "sang noir", mais qui, élevée dans la famille de son père blanc, ressemblait à n'importe quelle aristocrate blanche du Sud, a choqué jusqu'aux partisans de l'esclavage, tous d'accord pour vendre les Noirs mais pas les Blancs !
Cette définition de l'homme "noir" n'a aucune réalité scientifique, elle est seulement raciste, pourtant ses conséquences perdurent dans les glissements successifs de la dénomination des "Noirs". Ainsi, le mot "nègre", alors qu'il n'a aucune signification péjorative - il vient de niger en latin qui veut dire noir -, a été considéré comme insultant, et remplacé par "noir", qui commence à être délaissé au profit de black. Aux États-Unis, il a déjà été remplacé par "homme de couleur" puis par "afro-américain". Mais les habitants d'Amérique, ceux qui y vivent depuis plusieurs générations, ont défini comme "noirs" des métis, car l'idée demeure : il suffit d'avoir un ancêtre noir pour être "classé" comme "noir". C'est le cas par exemple de Mohamed Ali (ex-Cassius Clay), dont le père était blanc, ou de Jimi Hendrix, dont de nombreux membres de la famille étaient des Indiens cherokees.
Traite négrière
Pour se rendre compte que cette dichotomie n'a pas de sens, il suffit de traverser l'Algérie du Nord au Sud, pour passer d'une population à la peau très claire à une population entièrement noire, sans limite nette à aucun endroit. Plus encore, cette définition de couleur ne résiste pas à la mondialisation. La traite négrière a été une forme de mondialisation à l'origine d'une population métisse qui est proche de ses ancêtres africains aussi bien qu'indiens ou européens.
L'accumulation récente de données génétiques sur les premiers hommes confirme que le métissage est consubstantiel au développement de l'humanité. Nous avons des ancêtres Cro-Magnon, Neandertal, Denisova et d'autres non encore identifiés. En représentant Cro-Magnon en homme blanc et Neandertal, que nous croyions archaïque, en noir, nous avons participé à la propagation de stéréotypes. Aujourd'hui, Cro-Magnon, qui est considéré comme notre ancêtre commun à tous, est représenté en Noir, et Neandertal, dont les gènes sont surtout présents en Eurasie, est représenté en Blanc aux yeux bleus ! D'une certaine manière, il est réhabilité, car il est de nos ancêtres, un blanc