Comme profession de foi chrétienne, j'ai déjà vu mieux...
Salvien de Marseille (390-484)
Est-ce que ce nom vous évoque quelque chose ? Il est pourtant d’une actualité brûlante ! Examinons cela :
Quiconque désirant, de nos jours, s’enrôler dans la Milice du Christ, et se donner pour ce faire l’armement mental adéquat doit tout d’abord courir se baigner dans le “Gouvernement de Dieu” de Salvien. Et pour cause :
Salvien de Marseille fut nommé “le Maître des Évêques”. Ce Père de l’Église nous renvoie plus de 1550 ans en arrière, à l’époque des dites (!) “invasions barbares” (406), se concluant par la chute de l’Empire Romain d’Occident (476). Lisons donc quelques paragraphes de Salvien (cf. Du Roure – 1846)…
Extrait de l’Histoire de Théodoric le Grand – Par L. M. DU ROURE (1846) :
L’introduction est de l’auteur.
« Les plaintes, les malédictions de la postérité n’ont pas manqué contre les barbares ; et, il en faut convenir, leurs irruptions successives pendant plusieurs siècles composent une période lamentable de l’histoire ; mais la société romaine qu’ils ont détruite reposait-elle donc sur des roses, ou même a-t-elle été détruite par eux ? Ne s’est-elle pas plutôt dissoute d’elle-même devant eux, les invitant, les provoquant à la domination ? Et, dans cette dernière hypothèse, ne furent-ils pas le remède au mal plutôt que le mal même ? Ici ce n’est pas le compilateur moderne qu’il faut croire, ce sont les auteurs contemporains : or, que disent-ils ? qu’à la venue de ces prétendus destructeurs (notons qu’il n’est pas question des Huns, qui furent des destructeurs véritables, mais qui ne firent que passer), l’ordre, la police, les lois, les mœurs, tout était anéanti dans Rome, tout hors l’avarice, la cupidité, l’égoïsme inerte et intraitable, la débauche, la passion folle des jeux du cirque et des combats de l’amphithéâtre, rebutante image d’une valeur oubliée. Plus de droits reconnus, plus de crimes réprimés devant la justice en proie à la vénalité.
L’administration, exercée par une foule d’exacteurs que le pauvre, dans ses douleurs, surnommait tenailles (forficulæ) ; les fonctions de la curie, devenues un fardeau intolérable à cause de la solidarité qu’elles comportaient pour la rentrée d’impôts arbitraires, odieux, exorbitants ; l’agriculture défaillante à côté des vastes domaines agrandis, ornés pour le plaisir de quelques débauchés plutôt saturés que satisfaits ; le patriciat transformé en compagnie d’usuriers ; les Romains courant aux jeux publics le lendemain de l’assaut qui livrait leurs villes (cela s’était vu à Trèves), après avoir invoqué la veille le privilège obtenu depuis longtemps de ne pas les défendre ; lâche et vil comme un Romain, dictum populaire alors ; l’Évangile impuissant à corriger les vices entre ses mystères souillés et les lupercales subsistantes ; le sanctuaire lui-même infecté de la lèpre morale, et les vrais chrétiens, en petit nombre, réfugiés dans les solitudes ou gémissant dans les cités.
Mais écoutons le digne prêtre de Marseille, cet homme vertueux et modeste qui refusa les honneurs de l’Église et mérita le titre de maître des évêques :
“ Chrétiens impurs et prévaricateurs ! s’écrit-il, votre foi [ATTENTION Censuré dsl] et privée d’œuvres s’élève contre vous… On achète les dignités et les emplois et on les paie avec la substance du pauvre… Les Gaules dévastées le savent ; les Espagnes le savent, elles a qui rien n’est plus resté que le nom… L’Afrique le sait, elle qui n’est plus…
La vertu est devenue un opprobre…
Les Goths et les Vandales sont moins barbares que nous… Ils s’aiment entre eux, et nous nous haïssons… Ils se soutiennent mutuellement, et nous nous dépouillons les uns les autres… Oui, les grands, chez nous, dévorent les petits ; aussi voit-on journellement des Romains émigrer chez ces barbares, regardant leur domination comme une douceur…
Luxe et misère partout ! Nous méconnaissons les bienfaits les plus spéciaux de la Providence. Que n’avait-elle pas fait, cette bonne et généreuse mère, pour l’Aquitaine et la Novempopulanie, lieux de délices, moelle des Gaules, paradis sur terre ? En retour, ses habitants ont été les premiers en débordements ; les cités de ces pays sont changées en lupanars… Chez les Goths et les Vandales la débauche est un crime ; chez nous, c’est un honneur… Tandis qu’ils obligent les courtisanes mêmes au mariage, nous soufflons l’esprit des courtisanes dans la famille… la cruauté marque nos plus grands plaisirs… Oui, Dieu est juste : ce sont nos iniquités qui nous ont vaincus, et c’est un blasphème de crier comme nous faisons : Dieu nous a livrés aux barbares !” »
Prenons-en de la graine !
D’après Freddy Malot – ERM-F/TNP – 21/03/2014