Si Dieu existe, pourquoi le mal ?
Posté : 19 févr.15, 23:47
Si Dieu existe, pourquoi le mal ?
Cette question, qui interroge l’humanité depuis des siècles, a souvent été une pierre angulaire de l’argumentation athée soutenant l’inexistence de Dieu. Devant l’horreur du monde, devant les guerres, les massacres, les génocides, les catastrophes naturelles, les famines, les épidémies, les maladies incurables… bref, devant le mal et la souffrance, Dieu ne pourrait pas exister. Pourquoi ce petit enfant qui gémit, atrocement brûlé ? Pourquoi cet homme qui agonise trois jours durant ? Pourquoi Auschwitz ? Pourquoi mourir à 16 ans d’un accident de scooter ? Pourquoi les gentils meurent quand les méchants vivent ? Pourquoi s’aimer puisqu’il faut se séparer ?
Il y a tellement de souffrances dans le monde que Dieu, s’il existe, ne m’intéresse pas de toute façon ; car ou bien il n’est pas bon, ou bien il n’est pas tout puissant. Françoise Sagan
Si Dieu existe, pourquoi le mal ? La question est presque aussi vieille que l’humanité. Comment serait-il possible, ne serait-ce qu’en théorie, de concilier un Dieu d’amour et un monde de souffrance ? Comment serait-il possible de soutenir l’existence d’un Dieu de miséricorde et de justice devant la mort d’un innocent ? Dieu peut-il être à la fois Tout-Puissant et Tout-Amour ? Aborder cette question, c’est commencer par reconnaître qu’il est vain d’en donner une réponse péremptoire : devant le mal, la première des choses à faire est de se taire ou de hurler, la seule réponse acceptable reste le silence ou la révolte. Pour les proches : la compassion et le soutien, plutôt que les grands discours philosophiques. Qui peut réellement comprendre la souffrance ? La souffrance est révoltante, à tous points de vue. Et puis, chercher à tout prix à expliquer le mal, c’est aussi prendre le risque soit de le nier (le mal n’est qu’un point de vue), soit de le justifier (si tu as mal, c’est qu’il y a une raison).
L’histoire de Job
La question de Dieu et du mal, c’est toute l’histoire de Job: homme de grande probité, pieux et vertueux, Job vivait riche et heureux entouré de ses sept fils et de ses trois filles. La Bible raconte: « Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses, et un très grand nombre de serviteurs. Et cet homme était le plus considérable de tous les fils de l’Orient ». Un jour, des serviteurs viennent annoncer à Job qu’une catastrophe a détruit tous ses biens et son troupeau, ses brebis, ses bœufs et ses chameaux, que tous les serviteurs ont été passés au fil de l’épée par les Chaldéens et les Sabéens; un autre lui annonce peu après que tous ses enfants sont mort sous l’écroulement de la maison où ils festoyaient. Alors, Job se lève, se rase la tête et dit: « Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. L’Éternel a donné, et l’Éternel a repris; que le nom de l’Éternel soit béni! ». Les malheurs continuent pourtant de s’abattre sur le pauvre homme, qui contracte bientôt un ulcère malin sur tout le corps, à un point tel qu’il « prend un tesson et s’assied sur la cendre ». Mais si Job crie contre le jour maudit de ses malheurs (« Pourquoi ne suis-je pas mort dans le ventre de ma mère ? Pourquoi n’ai-je pas expiré au sortir de ses entrailles ? (…) Mon âme est dégoûtée de la vie! Je donnerai cours à ma plainte, Je parlerai dans l’amertume de mon âme. »), il demeure ferme dans son espérance de Dieu.
La suite du texte raconte que deux positions s’affrontent. Ses amis, Éliphaz, Bildad et Tsophar, lui donnent de la théodicée: puisque Dieu est nécessairement bon, et puisque Job a souffert, c’est évident que Job est fautif contre Dieu. Ses fils ont péché, Job a péché, il ne doit pas « mépriser la correction du Tout-puissant ». Ils reprochent à Job de se plaindre : s’il meurt, c’est qu’il n’a pas acquis la sagesse. Qu’il revienne vers Dieu, et il recouvrera son bonheur. Sa femme, de son côté, lui sert la position athée: « Maudis Dieu, et meurs! ».
A celle-ci, Job répond: « Tu parles comme une femme insensée. Quoi ! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ! » mais il est plus sévère encore avec ses amis: « Vraiment vous êtes les seuls hommes, et avec vous mourra la sagesse! ».
La réponse athée : Dieu n’existe pas
Traiter de la question de l’existence de Dieu face au mal, c’est donc répondre à la femme et aux amis de Job, à ces deux objections que sont, d’un côté, l’athéisme (« Dieu ne peut pas exister car il ne permettrait pas cela ») ; de l’autre, la théodicée radicale, façon Leibniz (« Le monde a un sens que tu ne comprends pas, si tu souffres c’est de ta faute, tu payes le prix de tes péchés »). Il faut répondre à la première, qui prend parti pour Job contre Dieu, et suggère que les malheurs subis lui interdisent de croire que Dieu existe ou du moins, s’il existe, de le croire bon et innocent. Il faut répondre aux seconds, qui prennent parti pour Dieu contre Job, prétendant lui démontrer que Dieu étant bon, sa souffrance n’est rien, qu’elle est très ordinaire et/ou qu’il la mérite.
Commençons par la réponse athée. Si Dieu existe, pourquoi le mal ? Quand on y réfléchit, on s’aperçoit que la question peut être assez étrange, venant d’un non-croyant. En effet, l’athée qui pose cette question commence par affirmer que Dieu n’existe pas, avant de dire que s’il n’existe pas, c’est justement parce qu’il y a du mal dans le monde, car autrement Dieu empêcherait ce mal. Il pose donc une incompatibilité entre l’existence de Dieu et l’existence du mal, et, puisqu’il constate que le mal existe, il conclut que Dieu n’existe pas. Ce qui revient à associer Dieu au bien (on admet que « Dieu ne peut pas être méchant »), et à renvoyer la responsabilité du mal sur les hommes. Le mal y trouve une explication cohérente : s’il n’y a pas de Dieu, le mal est plutôt logique, puisque les hommes sont imparfaits. Comme le dit Raphaël Anzenberger, « la souffrance, dont l’ampleur nous dépasse et qui nous est insupportable, nous rappelle à la fois notre finitude et notre aspiration à un monde sans souffrance ».
La suite ici :
https://deshautsetdebats.wordpress.com/ ... oi-le-mal/
A bon entendeur ...
Cette question, qui interroge l’humanité depuis des siècles, a souvent été une pierre angulaire de l’argumentation athée soutenant l’inexistence de Dieu. Devant l’horreur du monde, devant les guerres, les massacres, les génocides, les catastrophes naturelles, les famines, les épidémies, les maladies incurables… bref, devant le mal et la souffrance, Dieu ne pourrait pas exister. Pourquoi ce petit enfant qui gémit, atrocement brûlé ? Pourquoi cet homme qui agonise trois jours durant ? Pourquoi Auschwitz ? Pourquoi mourir à 16 ans d’un accident de scooter ? Pourquoi les gentils meurent quand les méchants vivent ? Pourquoi s’aimer puisqu’il faut se séparer ?
Il y a tellement de souffrances dans le monde que Dieu, s’il existe, ne m’intéresse pas de toute façon ; car ou bien il n’est pas bon, ou bien il n’est pas tout puissant. Françoise Sagan
Si Dieu existe, pourquoi le mal ? La question est presque aussi vieille que l’humanité. Comment serait-il possible, ne serait-ce qu’en théorie, de concilier un Dieu d’amour et un monde de souffrance ? Comment serait-il possible de soutenir l’existence d’un Dieu de miséricorde et de justice devant la mort d’un innocent ? Dieu peut-il être à la fois Tout-Puissant et Tout-Amour ? Aborder cette question, c’est commencer par reconnaître qu’il est vain d’en donner une réponse péremptoire : devant le mal, la première des choses à faire est de se taire ou de hurler, la seule réponse acceptable reste le silence ou la révolte. Pour les proches : la compassion et le soutien, plutôt que les grands discours philosophiques. Qui peut réellement comprendre la souffrance ? La souffrance est révoltante, à tous points de vue. Et puis, chercher à tout prix à expliquer le mal, c’est aussi prendre le risque soit de le nier (le mal n’est qu’un point de vue), soit de le justifier (si tu as mal, c’est qu’il y a une raison).
L’histoire de Job
La question de Dieu et du mal, c’est toute l’histoire de Job: homme de grande probité, pieux et vertueux, Job vivait riche et heureux entouré de ses sept fils et de ses trois filles. La Bible raconte: « Il possédait sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses, et un très grand nombre de serviteurs. Et cet homme était le plus considérable de tous les fils de l’Orient ». Un jour, des serviteurs viennent annoncer à Job qu’une catastrophe a détruit tous ses biens et son troupeau, ses brebis, ses bœufs et ses chameaux, que tous les serviteurs ont été passés au fil de l’épée par les Chaldéens et les Sabéens; un autre lui annonce peu après que tous ses enfants sont mort sous l’écroulement de la maison où ils festoyaient. Alors, Job se lève, se rase la tête et dit: « Je suis sorti nu du sein de ma mère, et nu je retournerai dans le sein de la terre. L’Éternel a donné, et l’Éternel a repris; que le nom de l’Éternel soit béni! ». Les malheurs continuent pourtant de s’abattre sur le pauvre homme, qui contracte bientôt un ulcère malin sur tout le corps, à un point tel qu’il « prend un tesson et s’assied sur la cendre ». Mais si Job crie contre le jour maudit de ses malheurs (« Pourquoi ne suis-je pas mort dans le ventre de ma mère ? Pourquoi n’ai-je pas expiré au sortir de ses entrailles ? (…) Mon âme est dégoûtée de la vie! Je donnerai cours à ma plainte, Je parlerai dans l’amertume de mon âme. »), il demeure ferme dans son espérance de Dieu.
La suite du texte raconte que deux positions s’affrontent. Ses amis, Éliphaz, Bildad et Tsophar, lui donnent de la théodicée: puisque Dieu est nécessairement bon, et puisque Job a souffert, c’est évident que Job est fautif contre Dieu. Ses fils ont péché, Job a péché, il ne doit pas « mépriser la correction du Tout-puissant ». Ils reprochent à Job de se plaindre : s’il meurt, c’est qu’il n’a pas acquis la sagesse. Qu’il revienne vers Dieu, et il recouvrera son bonheur. Sa femme, de son côté, lui sert la position athée: « Maudis Dieu, et meurs! ».
A celle-ci, Job répond: « Tu parles comme une femme insensée. Quoi ! nous recevons de Dieu le bien, et nous ne recevrions pas aussi le mal ! » mais il est plus sévère encore avec ses amis: « Vraiment vous êtes les seuls hommes, et avec vous mourra la sagesse! ».
La réponse athée : Dieu n’existe pas
Traiter de la question de l’existence de Dieu face au mal, c’est donc répondre à la femme et aux amis de Job, à ces deux objections que sont, d’un côté, l’athéisme (« Dieu ne peut pas exister car il ne permettrait pas cela ») ; de l’autre, la théodicée radicale, façon Leibniz (« Le monde a un sens que tu ne comprends pas, si tu souffres c’est de ta faute, tu payes le prix de tes péchés »). Il faut répondre à la première, qui prend parti pour Job contre Dieu, et suggère que les malheurs subis lui interdisent de croire que Dieu existe ou du moins, s’il existe, de le croire bon et innocent. Il faut répondre aux seconds, qui prennent parti pour Dieu contre Job, prétendant lui démontrer que Dieu étant bon, sa souffrance n’est rien, qu’elle est très ordinaire et/ou qu’il la mérite.
Commençons par la réponse athée. Si Dieu existe, pourquoi le mal ? Quand on y réfléchit, on s’aperçoit que la question peut être assez étrange, venant d’un non-croyant. En effet, l’athée qui pose cette question commence par affirmer que Dieu n’existe pas, avant de dire que s’il n’existe pas, c’est justement parce qu’il y a du mal dans le monde, car autrement Dieu empêcherait ce mal. Il pose donc une incompatibilité entre l’existence de Dieu et l’existence du mal, et, puisqu’il constate que le mal existe, il conclut que Dieu n’existe pas. Ce qui revient à associer Dieu au bien (on admet que « Dieu ne peut pas être méchant »), et à renvoyer la responsabilité du mal sur les hommes. Le mal y trouve une explication cohérente : s’il n’y a pas de Dieu, le mal est plutôt logique, puisque les hommes sont imparfaits. Comme le dit Raphaël Anzenberger, « la souffrance, dont l’ampleur nous dépasse et qui nous est insupportable, nous rappelle à la fois notre finitude et notre aspiration à un monde sans souffrance ».
La suite ici :
https://deshautsetdebats.wordpress.com/ ... oi-le-mal/
A bon entendeur ...