Le ministère a mis en lignes des ressources pédagogiques à destination des enseignants. Déconstruire les théories conspirationnistes est un impératif selon Loïc Nicolas, chercheur en rhétorique du complot.
Depuis le vendredi 13 novembre et les attentats de Paris, plusieurs rumeurs et théories du complot se diffusent largement. Une vidéo sur YouTube remet en cause l’existence de l’attentat du boulevard Voltaire. Un article issu d’un site complotiste remet en cause la volonté de nuire des trois kamikazes du Stade France, et désigne le gouvernement, «complice de Daech», comme responsable des attentats. Le ministère de l’Education nationale, conscient du phénomène, a diffusé mercredi des ressources pédagogiques à destination des enseignants: articles de presse, résumé de colloques sur le sujet, vidéos explicatives.
«Les collégiens et lycéens ne s’informent pas avec les médias traditionnels mais sur les réseaux sociaux, explique-t-on au ministère. Pour eux, les informations des grands médias arrivent en même temps que des rumeurs et articles de sites complotistes, et ils ne savent pas forcément faire la différence».
«Il y aura toujours du fantasme et de l’intrigue»
Pour Loïc Nicolas, chercheur à l’université Libre de Bruxelles et coauteur des Rhétoriques de la conspiration (CNRS éditions, 2010), les jeunes sont particulièrement visés par les théories conspirationistes. A leur âge, il est normal d’ «essayer de mettre en difficulté les théories officielles et les personnages publics», un «défi de l’autorité» plutôt banal. Le phénomène n’est pas nouveau, mais il serait accentué aujourd’hui par «la crise économique et le désoeuvrement que peut ressentir une certaine part de la jeunesse».
Avec les réseaux sociaux, les théories du complot touchent particulièrement les jeunes, qui les partagent parfois sans réfléchir. «Les jeunes sont très férus et fort capables d’utiliser les médias sociaux. Ils y relaient des informations très rapidement, sans les vérifier. Mais y croient-ils vraiment?» se demande le chercheur. «Ces jeunes ont été nourris par un besoin de transparence absolue. Il faut leur expliquer que la transparence ne sera jamais parfaite, qu’il y aura toujours du fantasme et de l’intrigue».
«Il ne faut pas critiquer l’outil, mais réapprendre à l’utiliser»
S’il n’existe pas aujourd’hui de «boite a outils pour lutter contre les théories complotistes», le chercheur recommande de travailler sur les outils informatiques et les sources variées qu’on y trouve. Comment et où chercher l’information, y compris sur des espaces qui se définissent comme «alternatifs», pour «comprendre leurs logiques sans y adhérer». La pire erreur serait de «faire comme si les théories du complot n’existaient pas. Cela les renforce! Il faut les affronter».
Le chercheur recommande également de «travailler le débat en classe, mais de façon sereine et informée». Il pense que «la pratique de l’oral et de la confrontation» est essentielle pour développer l’esprit critique des élèves. Finalement, Loïc Nicolas ne dramatise pas la situation et pense qu’il ne faut surtout pas stigmatiser les réseaux sociaux, simplement parce qu’on ne comprend pas comment ils fonctionnent. «Sur les réseaux sociaux, les jeunes s’informent, ils écrivent. Certes, c’est parfois hasardeux et pas forcément cohérent. Mais il ne faut pas critiquer l’outil, mais réapprendre à l’utiliser». En définitive, le chercheur est persuadé qu’il faut «avoir confiance dans la jeunesse.»
http://etudiant.lefigaro.fr/les-news/ac ... plot-17861