J'ai déjà évoqué ce sujet dans un topic consacré aux éclipses lunaires, et les arguments présentés ont tout naturellement été noyés dans un flot de messages sans aucun rapport avec cette question. Voilà pourquoi j'estime important d'ouvrir un nouveau fil de discussion, ne serait-ce que pour pouvoir y renvoyer facilement et rapidement les lecteurs au moyen d'un hyperlien direct.
Voici tout d'abord ce que j'avais écrit, et ensuite je reviendrai sur cette question en détails.
Revenons un peu plus en détails sur ce qui a été expliqué ici.On considère aujourd'hui que Ptolémée, Bérose, Flavius Josèphe, et tous les autres historiens classiques ne sont que des témoins "secondaires" et sujets à caution. Depuis plus d'un demi-siècle les dates absolues de la chronologie néo-babylonienne sont fixées à l'aide de témoins "primaires" constitués par des tablettes cunéiformes et autres témoignages gravés dans la pierre (cylindres, stèles mortuaires, etc).
Illustration:
Imaginons un braquage de banque. Quelques semaines plus tard on appréhende des suspects, et on demande à des clients de la banque qui étaient présents durant le braquage de témoigner de ce qu'ils ont vu. Certains témoignages concordent mais pas tous. Certains disent que les braqueurs étaient quatre, d'autres n'en ont aperçu que trois. Certains pensent qu'il y avait une femme, mais ils n'en sont pas certains.
Mais bon, faute de mieux, on est bien obligé de se fier à ces témoignages et d'essayer de les harmoniser comme on peut.
Et puis voilà que tout à coup un type arrive en courant en disant "Laissez tomber !".
- Quoi ??? s'étonnent les enquêteurs. Que se passe-t-il ?
- J'ai retrouvé l'enregistrement vidéo de la banque ! On voit tout se qui s'est passé durant le braquage, et sous plusieurs angles !
Voilà ce qu'il s'est passé avec la chronologie néo-babylonienne. Durant des siècles on était obligé de se fier à des témoins secondaires tels que Bérose ou Ptolémée, et c'était déjà pas si mal. Et puis à la fin du 19è siècle, on a découvert "l'enregistrement vidéo" de tout ce qui s'est passé, sous la forme de dizaines de milliers de tablettes cunéiformes.
L'examen minutieux de ces tablettes a pris plusieurs décennies, mais cela a permis d'établir de façon absolue les dates des règnes des monarques néo-babyloniens et, bien entendu, la date de la destruction de Jérusalem, à savoir 587/586 avant notre ère.
Et les témoins secondaires tel que les historiens classiques ne peuvent en aucune manière remettre en question les conclusions sans appel archéologiques et astronomiques, pas plus qu'un témoin du braquage ne pourra nous convaincre qu'il n'y avait que trois braqueurs si la vidéo en montre quatre.
Que sont les "témoins primaires" ?
Il s'agit tout d'abord des dizaines de milliers de documents cunéiformes qui fournissent des informations de type chronologique concernant la période néo-babylonienne qui nous intéresse.
Ces dizaines de milliers de documents cunéiformes sont constitués principalement de tablettes d'argile dites "d'affaires" ou "administratives". On en recense à ce jour plus de cinquante mille.
À ces documents d'affaires et administratifs viennent s'ajouter des "chroniques", c'est à dire des tablettes, des cylindres, ou des bas-reliefs qui relatent des événements historiques, tels que des batailles, des conquêtes, etc.
Ajoutons à cela des documents dits "royaux" comme des listes de rois, ou des stèles mortuaires indiquant la biographie ou la généalogie de tel ou tel personnage royal.
Comme témoins primaires, il faut encore ajouter des dizaines de tablettes astronomiques qui associent des positions lunaires et planétaires à des années de règne des monarques néo-babyloniens.
Pourquoi ces dizaines de milliers de documents sont-ils qualifiés de "témoins primaires" ?
Pour une raison très simple : ils sont contemporains des événements qu'ils relatent.
Par honnêteté, il faut cependant nuancer nos propos. Certains de ces documents sont seulement des "copies" de documents contemporains des événements. Signalons tout de suite que les plus de cinquante mille documents d'affaires et administratifs sont des originaux. Il ne s'agit pas de copies, tous les experts sont unanimes sur ce point. On ne voit pas pourquoi, des siècles après les faits, on se serait donné la peine de recopier la transaction financière d'un bédouin qui prête sa chèvre à son voisin.
En revanche, certaines tablettes astronomiques, chroniques ou stèles sont des copies datant de l'époque des Séleucides, c'est à dire qu'elles datent d'environ trois à quatre siècles après les originaux.
Est-ce un problème ? Pas vraiment. Comparons avec la Bible. Tout le monde sait très bien qu'il n'existe aucun manuscrit "original" ni de l'Ancien Testament, ni du Nouveau. Les bibles actuelles sont basées sur des manuscrits qui sont des copies datant d'environ trois siècles après les originaux pour le Nouveau Testament, et pratiquement le double pour l'Ancien Testament.
Il existe bien des manuscrits du Nouveau Testament datant de moins d'un siècle après les originaux, mais ils sont généralement très fragmentaires, quelques lignes ou quelques pages tout au plus, et dans un état pitoyable, par exemple comme ceci :
Le plus célèbre reste le papyrus Rylands P52, qui serait une copie datant de seulement quelques dizaines d'années après l'original. Le voici :
Pas vraiment transcendant, n'est-ce pas ?
En comparaison, rappelons que les "témoins primaires" de la période néo-babylonienne sont constitués de plus de cinquante mille tablettes d'argiles originales, pas des copies, qui pour la plupart sont parfaitement bien conservées.
Enfin, en ce qui concerne la période néo-babylonienne, la plupart des historiens considèrent la Bible hébraïque (Ancien Testament) comme un "témoin primaire" également. En effet, même si les manuscrits qui nous sont parvenus ne sont que des copies datant d'au moins cinq à six siècles après les faits, on peut néanmoins estimer que les copistes hébreux sont assez fiables pour avoir transmis un texte fidèle aux documents plus anciens qu'ils ont recopiés.
Voilà pour ce résumé des témoins dits "primaires".
Dans la suite de ce topic, je vais bien entendu aussi parler des "témoins secondaires" de manière à préciser quelle est leur utilité, si tant est qu'ils en aient encore une.
À suivre...