Se gourer avec le gourou
Posté : 16 juin16, 06:09
Se gourer avec le gourou
Certaines personnes sont dangereuses, manipulatrices ; d’autres sont simplement bizarres et farfelues. Celles qui sont bien intentionnées sont rares, voire inexistantes. Cependant, il a ce paradoxe que je trouve bon de signaler : Avoir un gourou en Inde est quasiment ce qu’il y a de plus banal. En France, on s’en méfie. Il y a en France cette peur de tout ce qui peut briser l’homogénéité culturelle, alors que l’Inde, fort de sa tradition religieuse multimillénaire, est même tolérante avec toutes les sectes de l’Islam. Outre cette merveilleuse mais prétentieuse indépendance intellectuelle que revendiquent beaucoup de français, n’y-a-t-il pas matière à critiquer cet apparent repli sur soi-même ?
Le rejet du religieux
La culture française a été imprégnée de la pensée romaine en matière de religion. Le bien public, l’intérêt collectif doivent primer sur l’opinion privée. L’art et la religion des romains ont été extrêmement influencés par les usages grecs mais aussi, par syncrétisme, par les différents peuples gouvernés à l’époque antique. Seul le culte impérial fut a proprement parlé romain. Ce manque d’indépendance religieuse des romains se retransmet dans l’inconscient français, sous forme de refus de la chose religieuse et comme négation de son utilité.
Si on devait résumer, on pourrait dire que le désir d’indépendance intellectuelle des français a été saturé par un millénaire de foi religieuse, représenté par le pouvoir de l’église romaine. Avec la révolution, on jette le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire qu’on repousse toute forme de spiritualité à cause d’un pouvoir temporel trop prégnant. C’est ainsi que les français n’éprouvent plus aucune curiosité pour la chose religieuse. Ils considèrent cela, au mieux comme de gentilles légendes à raconter, au pire comme des histoires qui se valent toutes, sans vigueur intellectuelle et même dangereuses. Considérer l’église romaine et ses dogmes comme une impasse sur un plan global me parait totalement justifié, par contre, penser qu’en niant l’utilité de la spiritualité on gagne en indépendance, intellectuelle ou autre, est un leurre.
A notre époque où les français ont peur de perdre les principes de la république, notamment la laïcité, la faiblesse spirituelle de l’identité française apparait au grand jour. Pour résumer, nos élites essayent de nous rendre actuellement plus religieux, en essayant de nous faire adhérer à des principes prétendument humanistes et/ou universels et notamment par une propagande médiatique importante qui portent vers des considérations d’unité mondiale.
Indépendance ?
Les français ont la réputation d’être arrogants. La France est un joli pays, avec une gastronomie parmi les meilleures au monde. Le tourisme est florissant. Le passé culturel de la France est imposant. Tout cela ne nous rend pas forcément arrogants, mais plutôt autosuffisants. Nous croyons qu’avec une grille de lecture franco-française, due à notre présent et notre passé, on peut comprendre l’essentiel de toutes les choses du monde. Les médias en profitent en flattant cela. Leur travail n’est pas de remettre nos habitudes en question, juste nous rendre un peu plus religieux.
Globalement, nous espérons pouvoir tout miser sur la raison, qui est le principe même de l’autosuffisance. Notre méfiance vis-à-vis des gourous est le reflet de notre propre "gouroutisation" à petite échelle. Nous refusons le fait religieux pour mieux nous croire indépendants. Goethe disait : « nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être ». C’est ainsi que nous restons dans l’espoir de la venue du héros qui, prenant en main la France, impose une indépendance souveraine et anti-impérialiste. De Gaulle était parfait à ce sujet.
Gourou en liberté
La recherche de la liberté, voilà un thème complexe, qui nécessite des précisions. La plupart des gourous ont une aura de liberté qui attire une partie de la population. Ce sont souvent des aventuriers, un peu comme Hitler qui a vécu comme artiste-vagabond, entre l’Autriche et l’Allemagne, avant de s’enrôler dans l’armée. Cela peut être aussi des enfants gâtés, à l’image probablement de Claude Vorilhon, qui veulent qu’on s’occupe de leur enfant intérieur, tout en étant eux-mêmes peu prédisposés, à cause de leur narcissisme, à prendre en charge quoi que ce soit. Celui qui n’a pas étudié la question voit le gourou comme un manipulateur, mais l’attirance que les gens peuvent éprouver est réelle. Psychiquement, nous avons tous besoin d’autonomie pour réaliser ce que nous sommes réellement. Inconsciemment, l’attirance pour des êtres en apparence exceptionnels est souvent une façon de construire ou nous faire prendre conscience de notre propre individualité. Cela rejoint bien entendu le concept d’individuation cher à C.G. Jung. Pourvu que l’on prenne progressivement conscience de notre unité, toutes les voies se valent. Certaines personnes échouent car ils n’ont pas développé leur conscience, ils ont été le jouet de leur émotion, de leur croyance, de leur espoir et ont sombré dans une structure sectaire cloisonnée.
Des énigmes vivantes
Derrière cette apparente confusion dans la chose religieuse et les voies spirituelles, il y a malgré tout des évidences que peu peuvent nier : certaines personnes ont des capacités ou des connaissances étranges, voire exceptionnelles et qui méritent qu’on s’y arrête. Gurdjieff et Carlos Castaneda sont des personnes très controversées, mais qui possèdent indéniablement du génie. Dans les deux cas, leur aura de mystère les rendait (les rende toujours) extrêmement intéressants. Les messages qu’ils ont véhiculés sont d’une cohérence indéfectible et ils se rejoignent dans leurs approches. Pour les deux, certaines pratiques permettent d’abolir le mental, de retrouver notre être d’énergie, avec un fond philosophique très intrigant.
Bien entendu, ces personnes ont été vivement critiquées : L’un a été taxé d’occultiste, l’autre d’hippie new-age, de charlatan, alors que nul ne conteste au minimum pour ce dernier son génie littéraire. Peu de gens comprennent que la controverse fait partie du message et est une invitation supplémentaire à s’intéresser davantage au fond, à passer outre le culte éventuel de la personnalité, à remettre en question notre suffisance mesquine à l’égard de ce que nous n’appréhendons pas.
A suivre : pas Zen ces escrocs !
Certaines personnes sont dangereuses, manipulatrices ; d’autres sont simplement bizarres et farfelues. Celles qui sont bien intentionnées sont rares, voire inexistantes. Cependant, il a ce paradoxe que je trouve bon de signaler : Avoir un gourou en Inde est quasiment ce qu’il y a de plus banal. En France, on s’en méfie. Il y a en France cette peur de tout ce qui peut briser l’homogénéité culturelle, alors que l’Inde, fort de sa tradition religieuse multimillénaire, est même tolérante avec toutes les sectes de l’Islam. Outre cette merveilleuse mais prétentieuse indépendance intellectuelle que revendiquent beaucoup de français, n’y-a-t-il pas matière à critiquer cet apparent repli sur soi-même ?
Le rejet du religieux
La culture française a été imprégnée de la pensée romaine en matière de religion. Le bien public, l’intérêt collectif doivent primer sur l’opinion privée. L’art et la religion des romains ont été extrêmement influencés par les usages grecs mais aussi, par syncrétisme, par les différents peuples gouvernés à l’époque antique. Seul le culte impérial fut a proprement parlé romain. Ce manque d’indépendance religieuse des romains se retransmet dans l’inconscient français, sous forme de refus de la chose religieuse et comme négation de son utilité.
Si on devait résumer, on pourrait dire que le désir d’indépendance intellectuelle des français a été saturé par un millénaire de foi religieuse, représenté par le pouvoir de l’église romaine. Avec la révolution, on jette le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire qu’on repousse toute forme de spiritualité à cause d’un pouvoir temporel trop prégnant. C’est ainsi que les français n’éprouvent plus aucune curiosité pour la chose religieuse. Ils considèrent cela, au mieux comme de gentilles légendes à raconter, au pire comme des histoires qui se valent toutes, sans vigueur intellectuelle et même dangereuses. Considérer l’église romaine et ses dogmes comme une impasse sur un plan global me parait totalement justifié, par contre, penser qu’en niant l’utilité de la spiritualité on gagne en indépendance, intellectuelle ou autre, est un leurre.
A notre époque où les français ont peur de perdre les principes de la république, notamment la laïcité, la faiblesse spirituelle de l’identité française apparait au grand jour. Pour résumer, nos élites essayent de nous rendre actuellement plus religieux, en essayant de nous faire adhérer à des principes prétendument humanistes et/ou universels et notamment par une propagande médiatique importante qui portent vers des considérations d’unité mondiale.
Indépendance ?
Les français ont la réputation d’être arrogants. La France est un joli pays, avec une gastronomie parmi les meilleures au monde. Le tourisme est florissant. Le passé culturel de la France est imposant. Tout cela ne nous rend pas forcément arrogants, mais plutôt autosuffisants. Nous croyons qu’avec une grille de lecture franco-française, due à notre présent et notre passé, on peut comprendre l’essentiel de toutes les choses du monde. Les médias en profitent en flattant cela. Leur travail n’est pas de remettre nos habitudes en question, juste nous rendre un peu plus religieux.
Globalement, nous espérons pouvoir tout miser sur la raison, qui est le principe même de l’autosuffisance. Notre méfiance vis-à-vis des gourous est le reflet de notre propre "gouroutisation" à petite échelle. Nous refusons le fait religieux pour mieux nous croire indépendants. Goethe disait : « nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être ». C’est ainsi que nous restons dans l’espoir de la venue du héros qui, prenant en main la France, impose une indépendance souveraine et anti-impérialiste. De Gaulle était parfait à ce sujet.
Gourou en liberté
La recherche de la liberté, voilà un thème complexe, qui nécessite des précisions. La plupart des gourous ont une aura de liberté qui attire une partie de la population. Ce sont souvent des aventuriers, un peu comme Hitler qui a vécu comme artiste-vagabond, entre l’Autriche et l’Allemagne, avant de s’enrôler dans l’armée. Cela peut être aussi des enfants gâtés, à l’image probablement de Claude Vorilhon, qui veulent qu’on s’occupe de leur enfant intérieur, tout en étant eux-mêmes peu prédisposés, à cause de leur narcissisme, à prendre en charge quoi que ce soit. Celui qui n’a pas étudié la question voit le gourou comme un manipulateur, mais l’attirance que les gens peuvent éprouver est réelle. Psychiquement, nous avons tous besoin d’autonomie pour réaliser ce que nous sommes réellement. Inconsciemment, l’attirance pour des êtres en apparence exceptionnels est souvent une façon de construire ou nous faire prendre conscience de notre propre individualité. Cela rejoint bien entendu le concept d’individuation cher à C.G. Jung. Pourvu que l’on prenne progressivement conscience de notre unité, toutes les voies se valent. Certaines personnes échouent car ils n’ont pas développé leur conscience, ils ont été le jouet de leur émotion, de leur croyance, de leur espoir et ont sombré dans une structure sectaire cloisonnée.
Des énigmes vivantes
Derrière cette apparente confusion dans la chose religieuse et les voies spirituelles, il y a malgré tout des évidences que peu peuvent nier : certaines personnes ont des capacités ou des connaissances étranges, voire exceptionnelles et qui méritent qu’on s’y arrête. Gurdjieff et Carlos Castaneda sont des personnes très controversées, mais qui possèdent indéniablement du génie. Dans les deux cas, leur aura de mystère les rendait (les rende toujours) extrêmement intéressants. Les messages qu’ils ont véhiculés sont d’une cohérence indéfectible et ils se rejoignent dans leurs approches. Pour les deux, certaines pratiques permettent d’abolir le mental, de retrouver notre être d’énergie, avec un fond philosophique très intrigant.
Bien entendu, ces personnes ont été vivement critiquées : L’un a été taxé d’occultiste, l’autre d’hippie new-age, de charlatan, alors que nul ne conteste au minimum pour ce dernier son génie littéraire. Peu de gens comprennent que la controverse fait partie du message et est une invitation supplémentaire à s’intéresser davantage au fond, à passer outre le culte éventuel de la personnalité, à remettre en question notre suffisance mesquine à l’égard de ce que nous n’appréhendons pas.
A suivre : pas Zen ces escrocs !