David a fauté avec Jonathan, n'est ce pas ?
David et Jonathan : un couple gai dans la Bible?
(1 Samuel 19,1; 20,17 et 2 Samuel 1,26)
Saviez vous que certains lecteurs de la Bible voient en David et Jonathan un couple gai! Qu’en est-il? Cette histoire est rapportée dans les deux livres de Samuel. Il est à noter qu’elle se situe après le mariage de David et Mikal. Jonathan est le fils du roi Saül. Il entre en contact avec David après son combat avec le géant Goliath, une autre page insolite de la Bible. David est le plus jeune fils de Jessé. La Bible dit qu’il possédait « de beaux yeux et bonne apparence » (1 S 26,12). Encore jeune, il est amené à la cour et il est élevé auprès de Saül. Jonathan, le fils aîné de Saül, tombe sous le charme de David, dès leur première rencontre :
Or, dès que David eut fini de parler à Saül, Jonathan s’attacha à David et l’aima comme lui-même. Ce jour-là, Saül retint David et ne le laissa pas retourner chez son père. Alors, Jonathan fit alliance avec David, parce qu’il l’aimait comme lui-même. Jonathan se dépouilla du manteau qu’il portait et le donna à David, ainsi que ses habits, et jusqu’à son épée, son arc et son ceinturon. (1 S 18,1-4)
La popularité de David finit par provoquer la colère et la jalousie de Saül qui essaiera de le tuer à plusieurs reprises. Mis au courant de l’une de ces tentatives, Jonathan avertit David et lui recommande de se cacher, parce que « Jonathan, fils de Saül, aimait beaucoup David. » (1 S 19,1) David est forcé de fuir devant Saül pour protéger sa vie. Un moment, lorsqu’ils se retrouvent seuls, David dit à Jonathan : « Ton père sait très bien que je suis en faveur auprès de toi. » (1 S 20,3) Alors, Jonathan lui dit : « Ce que tu désires, je le ferai pour toi. » (1 S 20,4) Ils développent ensemble un plan et « Jonathan fit encore prêter serment à David, dans son amitié pour lui, car il l’aimait comme lui-même. » (1 S 20,17)
David accepte de se cacher jusqu’à ce que Jonathan puisse affronter son père et s’assurer que son ami pourra revenir au palais en toute sécurité. Au cours d’un repas, alors que Jonathan prenait le parti de David, Saül laissa éclater sa fureur : « Fils d’une dévoyée! Je sais bien que tu prends parti pour le fils de Jessé [David], à ta honte et à la honte du sexe de ta mère! » (1 S 20,30)
Jonathan en est si peiné qu’il en perd l’appétit. Le lendemain, il va trouver David dans sa cachette pour lui faire part de la situation. Il est clair que Saül veut tuer David, il vaut mieux qu’il quitte la cour du roi.
David se leva du côté du midi. Il se jeta face contre terre, et se prosterna trois fois. Puis ils s’embrassèrent et pleurèrent ensemble jusqu’à ce que David eût pris le dessus. Jonathan dit à David : « Va tranquille, puisque nous avons l’un et l’autre prêté ce serment au nom du Seigneur : que le Seigneur soit entre toi et moi, entre ta descendance et ma descendance, à jamais! » (1 S 20,41-42)
David quitte donc la région, tandis que Jonathan rentre chez son père. Saül continue de pourchasser David, mais celui-ci lui échappe constamment. Finalement, Saül se tue pour échapper à la main des Philistins et ses trois fils sont aussi tués dans la même bataille à Guilboa. Quand il apprend la mort de Jonathan, David pleure et laisse monter une complainte : « Que de peine j’ai pour toi, Jonathan, mon frère! Je t’aimais tant! Ton amitié était pour moi une merveille plus belle que l’amour des femmes. » (2 S 1,26)
Avec cette histoire, on peut comprendre comment elle peut inspirer les chrétiens homosexuels. Les livres de Samuel racontent bien que David et Jonathan s’aimaient, mais peut-on parler d’une relation homosexuelle? Regardons deux opinions contraires.
Pour le professeur suisse Thomas Römer, l’homosexualité de cour est attestée dans la Bible
. Elle correspond à un fait de civilisation dans les cours royales de l’époque. Il signale par exemple que, dans le récit de l’introduction de David à la cour de Saül, certaines expressions sont celles de l’introduction de la fiancée chez le mari. Il souligne aussi que, dans les pleurs de David sur la mort de Jonathan, le mot utilisé pour dire son amour est bien le même que celui qui est utilisé dans le Cantique des cantiques pour décrire la relation entre un amant et son amante. Römer repère dans le récit de la relation entre David et Jonathan des termes et des métaphores de l’érotisme.
Pour le pasteur Innocent Himbaza
, coauteur du livre Clarification sur l’homosexualité dans la Bible
, donner un sens homosexuel au passage qui concerne David et Jonathan est faire violence au texte. Selon lui, rien ne permet de conclure à une relation érotique, pas même le fait que Jonathan embrasse David.
Nous restons donc avec notre question et nous pouvons tout au plus conclure que le récit biblique présente simplement deux jeunes hommes qui s’aiment et partagent une cause commune.
La question des relations homosexuelles reste encore taboue dans plusieurs milieux religieux. Quelques passages de la Bible condamnent l’homosexualité. Mais une interprétation littérale de ces textes s’avère impossible puisqu’ils recommandent de mettre à mort tous ceux qui pratiquent l’homosexualité [4]. Pour nous, lecteurs et lectrices de la Bible aujourd’hui, il faut nous demander comment comprendre la question et comment interpréter ces textes. Premièrement, notre interprétation doit prendre en compte les connaissances actuelles sur l’homosexualité. Elle n’est plus vue comme un désordre ou un choix, mais bien comme un état de fait, une donnée de la réalité psychosexuelle. Deuxièmement, notre interprétation doit aussi prendre en compte les principes d’amour et d’inclusion énoncés par Jésus, le Christ.
Professeur d’Ancien Testament à Lausanne, en Suisse, coauteur de L’homosexualité dans le Proche-Orient ancien et la Bible, Genève, Labor et Fides, Essais bibliques 37, 2005.
Innocent Himbaza, né au Rwanda, est pasteur et exégète de l’Église évangélique réformée en Suisse.
Jean-Baptiste Edart, Innocent Himbaza et Adrian Schenker. Clarifications sur l’homosexualité dans la Bible, Paris, Le Cerf, 2007.
[4] Encore aujourd’hui, plus de 80 pays, situés principalement en Afrique et au Moyen-Orient, condamnent les homosexuels à des peines plus ou moins importantes, allant jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité ou à la peine de mort.