Moins d'inégalités = 10 milliards $ de plus pour le 99 %
Posté : 28 oct.16, 05:48
http://quebec.huffingtonpost.ca/nicolas ... 29354.html
Cela fait 30 ans que les inégalités de revenus de marché augmentent au Québec, par poussées épisodiques. Comme une part de plus en plus importante de la croissance économique s'est concentrée au sommet, le fameux 1 % le plus riche a été le grand gagnant en termes de croissance des revenus : de 1982 à 2012, la part captée par le 1% le plus riche (avant impôts et transferts) est passée de 7 % à 12 % de tous les revenus empochés par les Québécois. Nous allons voir que cette concentration de richesse a coûté cher au reste de la population.
Le graphique ci-dessous présente la croissance du revenu moyen du 1 % le plus riche, lequel a augmenté de 87 % en 30 ans. Pendant la même période, le revenu moyen du 99 % restant n'a progressé que de 5 %.
Larry Summers, ancien Secrétaire au Trésor américain et ex-conseiller économique du président Obama, soutient que la dérégulation des marchés et la rémunération parfois stratosphérique des PDG et financiers aux États-Unis a produit des distorsions et des inégalités importantes. Il estime d'ailleurs que ces distorsions représentent un gain annuel de 1 000 milliards $ pour le 1 % le plus fortuné et une perte équivalente pour le 80 % le moins riche.
Et si le Québec était resté plus égalitaire ?
S'inspirant de ce calcul, qu'en aurait-il été si la distribution du revenu avant impôts et transferts au Québec était restée identique à celle appliquée en 1982 ? Dans la mesure où les taux de croissance des revenus du 1 % et du 99 % étaient restés les mêmes au cours des trente dernières années, le portrait serait-il significativement différent ?
La réponse courte est oui, en particulier pour le premier centile, comme le démontre le tableau ci-dessous. Si, en 2012, la part des revenus captée par le 1 % était restée la même qu'en 1982, le revenu moyen du 1 % le plus riche serait passé de 213 000 $ à 238 000 $ (en dollars de 2012), plutôt qu'à 397 000 $. Quant au 99 % restant, son revenu moyen serait passé de 28 700 $ en 1982 à 31 800 $ en 2012, plutôt qu'à 30 200 $. Ce gain moyen de 1 600 $ pour chaque contribuable représente plus de 10 milliards $ de plus dans les poches de monsieur et madame Tout-le-monde au Québec, à chaque année.
revenu marche
Soulignons que cette simulation ne concerne pas le rôle redistributif du gouvernement; elle n'analyse pas l'effet de la simulation sur la répartition après impôts et transferts, notamment parce que le système fiscal a beaucoup changé entre 1982 et 2012. Par exemple, le taux marginal d'imposition était à près de 70% au milieu des années 1980, comparativement à 50% aujourd'hui. Il est toutefois possible qu'une répartition plus égalitaire des revenus de marché aurait eu pour conséquence de réduire certains transferts gouvernementaux destinés aux moins nantis dont le revenu aurait augmenté. Il est également possible que le gouvernement aurait perçu davantage d'impôt sur les revenus de la classe moyenne (qui aurait un revenu légèrement plus élevé), tout en en percevant moins sur les revenus des mieux nantis.
Quel effet sur la croissance économique ?
Il y a cependant une limite à cette petite simulation : elle ne prend pas en compte de possibles effets de la nouvelle répartition de ce 10 milliards $ sur la croissance économique. Or, nous avons fait comme si ce serait un jeu à somme nulle. Si nous avions gardé la même distribution du revenu qu'en 1982 (par un rapport de force plus équilibré dans le marché du travail, et non pas par l'impôt et les transferts), l'un de ces trois scénarios serait possible : 1) la croissance économique augmenterait, car le 99 % le moins riche consommerait plus, épargnant moins que le 1 % le plus riche, 2) la croissance économique ralentirait, car taxer plus les riches les inciterait à travailler moins, et donc à produire moins, 3) il n'y aurait pas d'effet, cette redistribution n'étant qu'un jeu à somme nulle.
Dans une nouvelle étude sur les inégalités, cinq économistes du Fonds monétaire international (FMI) concluent que plus les riches seront riches, plus la croissance économique sera faible. C'est plutôt l'enrichissement des moins nantis et de la classe moyenne qui stimule la croissance économique, affirment-ils.
De plus, nous avons vu dans un billet précédent que les changements à l'impôt n'ont que très peu d'effet sur les heures travaillées par les mieux nantis, sans compter qu'une rémunération plus élevée accordée aux mieux nantis est contre-productive sur le plan économique. Cela signifie que si les inégalités étaient restées au même niveau que 1982, la croissance économique et les revenus du 99 % auraient pu être plus élevés que ce que notre simulation a estimé. Le premier scénario l'aurait donc emporté.
La richesse que nous créons est donc mal partagée dès le départ. Ça n'a pas toujours été le cas. Est-ce ce que nous voulons pour notre société
Cela fait 30 ans que les inégalités de revenus de marché augmentent au Québec, par poussées épisodiques. Comme une part de plus en plus importante de la croissance économique s'est concentrée au sommet, le fameux 1 % le plus riche a été le grand gagnant en termes de croissance des revenus : de 1982 à 2012, la part captée par le 1% le plus riche (avant impôts et transferts) est passée de 7 % à 12 % de tous les revenus empochés par les Québécois. Nous allons voir que cette concentration de richesse a coûté cher au reste de la population.
Le graphique ci-dessous présente la croissance du revenu moyen du 1 % le plus riche, lequel a augmenté de 87 % en 30 ans. Pendant la même période, le revenu moyen du 99 % restant n'a progressé que de 5 %.
Larry Summers, ancien Secrétaire au Trésor américain et ex-conseiller économique du président Obama, soutient que la dérégulation des marchés et la rémunération parfois stratosphérique des PDG et financiers aux États-Unis a produit des distorsions et des inégalités importantes. Il estime d'ailleurs que ces distorsions représentent un gain annuel de 1 000 milliards $ pour le 1 % le plus fortuné et une perte équivalente pour le 80 % le moins riche.
Et si le Québec était resté plus égalitaire ?
S'inspirant de ce calcul, qu'en aurait-il été si la distribution du revenu avant impôts et transferts au Québec était restée identique à celle appliquée en 1982 ? Dans la mesure où les taux de croissance des revenus du 1 % et du 99 % étaient restés les mêmes au cours des trente dernières années, le portrait serait-il significativement différent ?
La réponse courte est oui, en particulier pour le premier centile, comme le démontre le tableau ci-dessous. Si, en 2012, la part des revenus captée par le 1 % était restée la même qu'en 1982, le revenu moyen du 1 % le plus riche serait passé de 213 000 $ à 238 000 $ (en dollars de 2012), plutôt qu'à 397 000 $. Quant au 99 % restant, son revenu moyen serait passé de 28 700 $ en 1982 à 31 800 $ en 2012, plutôt qu'à 30 200 $. Ce gain moyen de 1 600 $ pour chaque contribuable représente plus de 10 milliards $ de plus dans les poches de monsieur et madame Tout-le-monde au Québec, à chaque année.
revenu marche
Soulignons que cette simulation ne concerne pas le rôle redistributif du gouvernement; elle n'analyse pas l'effet de la simulation sur la répartition après impôts et transferts, notamment parce que le système fiscal a beaucoup changé entre 1982 et 2012. Par exemple, le taux marginal d'imposition était à près de 70% au milieu des années 1980, comparativement à 50% aujourd'hui. Il est toutefois possible qu'une répartition plus égalitaire des revenus de marché aurait eu pour conséquence de réduire certains transferts gouvernementaux destinés aux moins nantis dont le revenu aurait augmenté. Il est également possible que le gouvernement aurait perçu davantage d'impôt sur les revenus de la classe moyenne (qui aurait un revenu légèrement plus élevé), tout en en percevant moins sur les revenus des mieux nantis.
Quel effet sur la croissance économique ?
Il y a cependant une limite à cette petite simulation : elle ne prend pas en compte de possibles effets de la nouvelle répartition de ce 10 milliards $ sur la croissance économique. Or, nous avons fait comme si ce serait un jeu à somme nulle. Si nous avions gardé la même distribution du revenu qu'en 1982 (par un rapport de force plus équilibré dans le marché du travail, et non pas par l'impôt et les transferts), l'un de ces trois scénarios serait possible : 1) la croissance économique augmenterait, car le 99 % le moins riche consommerait plus, épargnant moins que le 1 % le plus riche, 2) la croissance économique ralentirait, car taxer plus les riches les inciterait à travailler moins, et donc à produire moins, 3) il n'y aurait pas d'effet, cette redistribution n'étant qu'un jeu à somme nulle.
Dans une nouvelle étude sur les inégalités, cinq économistes du Fonds monétaire international (FMI) concluent que plus les riches seront riches, plus la croissance économique sera faible. C'est plutôt l'enrichissement des moins nantis et de la classe moyenne qui stimule la croissance économique, affirment-ils.
De plus, nous avons vu dans un billet précédent que les changements à l'impôt n'ont que très peu d'effet sur les heures travaillées par les mieux nantis, sans compter qu'une rémunération plus élevée accordée aux mieux nantis est contre-productive sur le plan économique. Cela signifie que si les inégalités étaient restées au même niveau que 1982, la croissance économique et les revenus du 99 % auraient pu être plus élevés que ce que notre simulation a estimé. Le premier scénario l'aurait donc emporté.
La richesse que nous créons est donc mal partagée dès le départ. Ça n'a pas toujours été le cas. Est-ce ce que nous voulons pour notre société