Le Coran et les prérogatives divines de Jésus
Posté : 20 déc.16, 09:42
Bonjour à tous.
En lisant très tranquillement, il y a peu, un article d’A. Meradtraitant du personnage de Jésus dans le Coran, j’ai pris connaissance d’un élément à la fois surprenant et dérangeant de la christologie coranique, que j'aimerais brièvement vous présenter ici.
Nous savons tous que le Coran nie la divinité de Jésus ; c’est là l’une des principales pierres d’achoppement, et non des moindres, entre doctrine chrétienne et islamique. L’islam se revendiquant être le champion du monothéisme unitaire, dénonçant à de nombreuses reprises l’associationisme réel ou supposé des gens du Livre, apparaît à cet égard dans la mentalité commune peu susceptible d’idolâtrie, c’est-à-dire de donner des caractéristiques divines à ce qui n’est pas divin.
Et pourtant. Si nous connaissons l’arabe, nous observons qu’à deux reprises, le Christ est affirmer avoir créé : III, 48 ; V, 110. Le Coran emploie à ce titre le verbe خلق, que l’on pourrait transcrire ainsi : khalaqa. Le verbe khalaqa signifie créer ; dans sa forme première, il est employé 184 fois par la Révélation, et possède à chaque occurrence le même sens lié à la création, à l’acte et au pouvoir créateur qu’Allah seul possède, contrairement aux idoles. « Le verbe ḫalaqa consacré à la création dont Allah est l’auteur exclusif, » peut ainsi écrire D. Masson, « paraît 93 fois à la 3e personne du singulier du parfait ; 41 fois à la 1re personne du pluriel du parfait, dont 37 fois avec la mention de l’objet propre de l’action créatrice, c’est-à-dire des cieux et de la terre. Cependant, », continue notre auteur, « à deux reprises, il a Jésus pour sujet (III, 49 et V, 110) et une dizaine de fois les faux dieux pour noter leur impuissance à imiter le Créateur. » Naturellement, le Coran s’empresse dans les deux cas de rappeler que Jésus créa avec la seule permission d’Allah. Cela étant, il reste que le Jésus coranique posséda, même avec la permission d’Allah, des caractéristiques proprement divines parmi lesquelles… l’acte de créer ! En effet, autant dans la théologie chrétienne que musulmane, seul Dieu est créateur. « C’est Lui Allah, le Créateur, Celui qui donne un commencement à toute chose […] », affirme ainsi, par exemple, le Coran à de nombreuses reprises (LIX, 49). Ce qui pose, ce me semble, certaines difficultés à la théologie islamique, et nombre de questions pour l’ami chrétien. Si vous le voulez bien, j’en aurai deux à vous soumettre pour évoquer la question :
a) Comment concevoir dans la théologie islamique, si agressive dans son monothéisme, si radicale en sa confession de l’unicité, de la transcendance et de l’altérité de Dieu, que celui-ci ait pu « partager » certaines de ses prérogatives proprement divines avec une créature ? Il y a de toute évidence ici un problème délicat à résoudre.
b) Si nous partons du postulat que la foi en la divinité du Christ repose sur certaines prétentions divines que le Christ a pu, implicitement ou non, présenté lors de son ministère terrestre, comment blâmer les chrétiens de confesser la divinité de Jésus si le Coran lui-même affirme que le Christ posséda, même avec la permission d'Allah, au moins une caractéristique proprement divine ?
MERAD A., « Le Christ selon le Coran », in Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, n° 5, 1968, pp. 79-94.
MASSON D., « Monothéisme coranique et monothéisme biblique. Doctrines comparées », Desclée de Brouwer, 1976, p. 123.
En lisant très tranquillement, il y a peu, un article d’A. Meradtraitant du personnage de Jésus dans le Coran, j’ai pris connaissance d’un élément à la fois surprenant et dérangeant de la christologie coranique, que j'aimerais brièvement vous présenter ici.
Nous savons tous que le Coran nie la divinité de Jésus ; c’est là l’une des principales pierres d’achoppement, et non des moindres, entre doctrine chrétienne et islamique. L’islam se revendiquant être le champion du monothéisme unitaire, dénonçant à de nombreuses reprises l’associationisme réel ou supposé des gens du Livre, apparaît à cet égard dans la mentalité commune peu susceptible d’idolâtrie, c’est-à-dire de donner des caractéristiques divines à ce qui n’est pas divin.
Et pourtant. Si nous connaissons l’arabe, nous observons qu’à deux reprises, le Christ est affirmer avoir créé : III, 48 ; V, 110. Le Coran emploie à ce titre le verbe خلق, que l’on pourrait transcrire ainsi : khalaqa. Le verbe khalaqa signifie créer ; dans sa forme première, il est employé 184 fois par la Révélation, et possède à chaque occurrence le même sens lié à la création, à l’acte et au pouvoir créateur qu’Allah seul possède, contrairement aux idoles. « Le verbe ḫalaqa consacré à la création dont Allah est l’auteur exclusif, » peut ainsi écrire D. Masson, « paraît 93 fois à la 3e personne du singulier du parfait ; 41 fois à la 1re personne du pluriel du parfait, dont 37 fois avec la mention de l’objet propre de l’action créatrice, c’est-à-dire des cieux et de la terre. Cependant, », continue notre auteur, « à deux reprises, il a Jésus pour sujet (III, 49 et V, 110) et une dizaine de fois les faux dieux pour noter leur impuissance à imiter le Créateur. » Naturellement, le Coran s’empresse dans les deux cas de rappeler que Jésus créa avec la seule permission d’Allah. Cela étant, il reste que le Jésus coranique posséda, même avec la permission d’Allah, des caractéristiques proprement divines parmi lesquelles… l’acte de créer ! En effet, autant dans la théologie chrétienne que musulmane, seul Dieu est créateur. « C’est Lui Allah, le Créateur, Celui qui donne un commencement à toute chose […] », affirme ainsi, par exemple, le Coran à de nombreuses reprises (LIX, 49). Ce qui pose, ce me semble, certaines difficultés à la théologie islamique, et nombre de questions pour l’ami chrétien. Si vous le voulez bien, j’en aurai deux à vous soumettre pour évoquer la question :
a) Comment concevoir dans la théologie islamique, si agressive dans son monothéisme, si radicale en sa confession de l’unicité, de la transcendance et de l’altérité de Dieu, que celui-ci ait pu « partager » certaines de ses prérogatives proprement divines avec une créature ? Il y a de toute évidence ici un problème délicat à résoudre.
b) Si nous partons du postulat que la foi en la divinité du Christ repose sur certaines prétentions divines que le Christ a pu, implicitement ou non, présenté lors de son ministère terrestre, comment blâmer les chrétiens de confesser la divinité de Jésus si le Coran lui-même affirme que le Christ posséda, même avec la permission d'Allah, au moins une caractéristique proprement divine ?
MERAD A., « Le Christ selon le Coran », in Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, n° 5, 1968, pp. 79-94.
MASSON D., « Monothéisme coranique et monothéisme biblique. Doctrines comparées », Desclée de Brouwer, 1976, p. 123.