@Karlo, Trump est pragmatique
Le risque Trump pour Israël
Julien Tourreille
31 décembre 2016 |Julien Tourreille | États-Unis | Chroniques
Les derniers gestes du gouvernement Obama concernant le conflit israélo-palestinien (l’abstention lors d’un vote au Conseil de sécurité de l’ONU le 23 décembre et le discours du secrétaire d’État, John Kerry, le 28 décembre) ont suscité l’ire du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, et du président américain désigné, Donald Trump. Se qualifiant de meilleur allié d’Israël à Washington, ce dernier a annoncé l’avènement d’une nouvelle ère dans les relations israélo-américaines après son investiture le 20 janvier prochain. Elle pourrait être périlleuse pour Israël.
L’inimitié personnelle entre Barack Obama et Benjamin Nétanyahou est de notoriété publique. Elle ne fut cependant pas synonyme de refroidissement dans les relations entre les États-Unis et Israël. Barack Obama aura en fait été le président américain qui a accordé le soutien diplomatique le plus indéfectible et l’aide militaire la plus généreuse à cet État.
Obama, l’allié fidèle
Permettre l’adoption de la résolution 2334 par le Conseil de sécurité ne fut pas un geste de trahison sans précédent dans la relation entre les États-Unis et Israël comme l’ont affirmé les détracteurs du président américain sortant, Nétanyahou en tête. Depuis 1967, tous les présidents américains ont laissé passer (soit en s’abstenant de voter, soit en votant pour) de telles résolutions critiquant les agissements israéliens vis-à-vis des Palestiniens, ou plus largement des voisins arabes.
Selon un décompte réalisé par Lara Friedman dans le New York Times en avril 2016, cela est arrivé 7 fois sous Johnson, 15 fois sous Nixon, 2 fois sous Ford, 14 fois sous Carter, 21 fois sous Reagan, 9 fois sous Bush père, 3 fois sous Clinton et 6 fois sous W. Bush. En s’opposant systématiquement jusqu’au 23 décembre dernier à l’adoption de résolutions critiquant l’État hébreu, Barack Obama était donc en rupture avec une tradition bien établie de la politique étrangère américaine.
L’objectif d’Obama était d’inciter le gouvernement Nétanyahou à engager des négociations de paix constructives avec les Palestiniens. Cette approche conciliante a clairement échoué et s’est avérée contre-productive. Depuis 2009, la construction de colonies s’est poursuivie et les confiscations de terres palestiniennes se sont multipliées, rendant de plus en plus irréalisable la solution de deux États.
Outre un soutien diplomatique indéfectible, le gouvernement Obama a accordé à Israël une aide militaire sans précédent. Mi-septembre 2016, Washington et Tel-Aviv se sont entendus sur une aide militaire de 38 milliards de dollars répartis sur une décennie, soit une hausse de plus de 25 % par rapport à la précédente entente signée en 2007.
Dans le contexte de la campagne présidentielle, Barack Obama souhaitait ainsi satisfaire les républicains au Congrès et éviter de faire de l’aide à un allié majeur un enjeu de débat. Un peu plus d’un an après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien, cette aide militaire accrue devait également rassurer l’allié israélien. Même si l’accord de 2015 devrait geler les ambitions nucléaires de Téhéran pour les 10 à 15 prochaines années, le premier ministre Nétanyahou considère toujours que l’Iran constitue une menace sérieuse, voire vitale.
Enfin, cette augmentation de l’aide militaire américaine apparaît comme une prise en compte de l’environnement régional dégradé avec lequel doit composer Israël, que ce soit le chaos en Syrie, l’influence du Hezbollah au Liban, la menace islamiste dans le Sinaï égyptien ou les capacités balistiques croissantes de l’Iran.
L’effritement du consensus pro-israélien
Au sein de l’élite politique à Washington, l’appui tant diplomatique que militaire à Israël fait encore l’objet d’un large consensus bipartisan. Celui-ci pourrait néanmoins s’éroder en raison de la dérive droitière de la politique israélienne et de l’évolution de l’opinion publique américaine.
Un sondage Gallup de 2016 démontre que 60 % des Américains ont une opinion plus favorable des Israéliens que des Palestiniens. Les divergences partisanes sont pourtant marquées. 80 % des républicains appuient les Israéliens, alors qu’ils sont un peu plus de 50 % chez les démocrates.
Plus préoccupant, un sondage réalisé par la Brookings met en évidence le fait que la moitié des démocrates (auxquels s’identifient 70 % des juifs américains) estiment qu’Israël a trop d’influence sur la politique étrangère des États-Unis. Il apparaît en outre que les jeunes Américains sont moins favorables à Israël que leurs aînés. Un sondage réalisé en 2014 par Gallup illustre que 50 % des 18-34 ans favorisent Israël dans le conflit qui l’oppose aux Palestiniens, contre 58 % pour les 35-54 ans et 74 % pour les plus de 55 ans.
Nétanyahou fait un pari risqué en se réjouissant de l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. En choisissant un ambassadeur en Israël qui milite pour le déplacement de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem et pour la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, Trump appuie des options qui sont largement critiquées.
En plus d’être contraire aux préférences d’une portion croissante de la population américaine, de ternir l’image des États-Unis et de les disqualifier comme honnêtes courtiers dans le conflit israélo-palestinien, la politique de Trump risque finalement de contribuer à l’isolement diplomatique d’Israël sur la scène internationale.