Histoire de l'exégèse de la Bible (2)

Différentes traductions, selon différents groupes religieux.
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Janot

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Histoire de l'exégèse de la Bible (2)

Ecrit le 12 déc.17, 08:21

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Histoire de l’exégèse de la bible (6)

L’histoire de l’exégèse devient de plus en plus celle de l’inerrance biblique : Dieu étant l’Inspirateur, le véritable rédacteur, tout est vrai, on n’y peut rien changer, car il n’y a pas d’errement. Cette doctrine deviendra le pivot de la lutte contre le modernisme, qui constitue l’essentiel du livre de François Laplanche « La crise de l’origine » (où, disons-le franchement, la part belle est faite aux exégètes catholiques ; mais étant donné à la fois l’ampleur des problèmes et la stature de leurs contradicteurs, ce livre intéressera des lecteurs d’horizons idéologiques divers).

Entre alors en scène Alfred Loisy (1857-1940), personnage considérable, dont il nous faut esquisser la biographie. En 1874, il entre au Grand Séminaire de Chalons-en-Champagne . Après avoir été ordonné sous-diacre, il est envoyé à l’École de Théologie de l'Institut catholique de Paris. Tombé malade, il revient en Champagne où il est ordonné diacre (mars 1879) puis prêtre (juin 1879). Il est alors brièvement curé de Landricourt avant d'être nommé à Paris. À l'Institut catholique de Paris, où il entra par la suite, il avança si vite dans l'étude de l'hébreu que le recteur, Mgr d'Hulst, lui confia rapidement un cours. Dès 1886 il est chargé de l'enseignement de l’Écriture sainte à l'Institut Catholique de Paris tout récemment ouvert. La publication de sa leçon de clôture de l'année 1891-1892, intitulée La composition et l'interprétation historique des Livres Saints l'expose à l'hostilité de sa hiérarchie ; Mgr d'Hulst, qui l'avait soutenu jusque-là, le suspend d'abord d'enseignement, puis le révoque définitivement en 1893. Il est nommé aumônier, chargé de l'éducation des jeunes filles dans un couvent de dominicaines à Neuilly. Il n'en continue pas moins ses recherches, mais se trouve en porte-à-faux de plus en plus prononcé avec les dogmes de l'Église romaine. Tombé gravement malade en 1899, il quitte son aumônerie et croit devoir l'année suivante renoncer par honnêteté à la petite pension que l'archevêché sert aux prêtres infirmes. C'est alors que des amis le font nommer à l'École pratique des hautes études, ce qui prenait de court sa hiérarchie : « censurer un enseignement donné en Sorbonne paraissait un coup trop hardi, et l'on n'y pensa pas, au moins sous Léon XIII6. »

En 1902, entendant réfuter L'Essence du Christianisme (Das Wesen des Christentums) du théologien protestant Adolf von Harnack, Loisy fait paraître L'Évangile et l'Église. Ce livre, qu'on appellera le petit livre rouge, pour son format et la couleur de la couverture, fait un énorme scandale ; il est condamné dans plusieurs diocèses. En décembre 1903, cinq de ses livres sont mis à l'index. Ayant refusé de souscrire à l'encyclique Pascendi, promulguée en 1907, Loisy fait l'objet d'un décret d'excommunication vitandus par la Congrégation du Saint-Office le 7 mars 1908 — ce qui interdisait à tout catholique de lui adresser la parole. L'année suivante, il est nommé à la chaire d'histoire des religions du Collège de France (où il enseigne jusqu.à son départ à la retraite en 1932).

Comment Loisy aborde-t-il la question de l’inerrance fin 1893 ? Avec subtilité et fidélité envers Rome : La Bible vient, selon lui, tout à la fois de Dieu et de l’homme. Les énoncés bibliques sont vrais pour leur temps ; Dieu parle aux hommes de chaque époque le langage qu’ils peuvent comprendre ; ce langage est donc relativement vrai ; la perpétuité de la doctrine chrétienne est celle d’une doctrine qui vit et qui grandit sans cesser d’être identique à elle-même... La vérité religieuse contenue dans la Bible ne peut être mise au jour que par le travail de l’interprétation.. La vérité des Écritures est coordonnée à l’infaillibilité de l’Église qui l’interprète. Monseigneur D’Hulst exprime des pensées voisines. L’effort de l’apologétique se porte maintenant sur l’affirmation de la continuité sans faille entre Jésus-Christ et l’Église.

Histoire de l’exégèse de la bible (7)

Une des tendances de l’exégèse des religions du XIXè siècle sera la mythologie comparée, dont le principal représentant fut Max Müller (1823 – 1900). D’origine allemande, il vint en Angleterre pour étudier des documents indiens et il devait y vivre le restant de ses jours. Il devint professeur de philologie comparée à Oxford puis professeur de théologie comparée (1868-75). Il analysait les mythologies comme des rationalisations de phénomènes naturels, les débuts primitifs de la science dans une perspective évolutionniste. Müller cherchait notamment à étudier dans les textes de la culture védique les fondements des cultures indo-européennes en général. Il prépara une édition critique des Rig-Vedas qui lui prit près de 25 ans. Mais des objections sérieuses sont faites à cette méthode, notamment par William Whitney, linguiste et orientaliste américain. D’abord, l’extrapolation : valable s’il s’agit d’aires culturelles très rapprochées (Germains et Scandinaves, Indiens et Iraniens), la méthode de la mythologie comparée noie toutes les différences pour les ramener à l’unité. Ensuite, le privilège accordé aux récits mythiques dans l’intelligence des religions lui semble exorbitant. Les rites, dans leur organisation systématique et leur fonction sociale apparaissent de plus en plus importantes pour l’étude des religions.

En 1876 est lancée la Revue historique, dont le premier directeur sera Maurice Vernes (études de théologie aux facultés de Montauban et de Strasbourg et docteur en théologie en 1874. Nommé en 1877 maître de conférence d’histoire de la philosophie à la Sorbonne, il devint professeur à la Faculté de théologie protestante (1879) puis en 1880 directeur d’études). Celui-ci rejette à la fois la mythologie comparée, le traditionalisme catholique et l’évolutionnisme religieux ; il propose d’étudier chaque religion en fonction des conditions socio-culturelles où naissent les textes. Dans le domaine des études bibliques, Vernes va insister sur la relation de la littérature apocalyptique juive à l’écriture du Nouveau Testament, son intérêt principal étant le messianisme juif.
Vernes s’inscrit là dans un courant initié par des Allemands : Lücke (Essai d’une introduction à l’Apocalypse de Jean et à la littérature apocalyptique en général, 1848), et Hilgenfeld (l’apocalyptique juive dans son développement historique, 1857). Ils ont attiré de bonne heure l’attention des érudits sur ce domaine, notamment dans le mivre de Daniel et des livres juifs non canoniques. Ces croyances, assurent-ils, forment le matériau de la première eschatologie chrétienne, avant la pénétration du christianisme par la théologie du judaïsme hellénistique (peu encline à l’apocalyptique).

« Que devait, que pouvait signifier telle parole de Jésus aux yeux de ses contemporains, s’interroge Vernes. Quand il envoie ses disciples annoncer la prochaine venue du royaume de Dieu, que signifiait cette proclamation aux yeux de gens simples ? Une seule chose, très claire tant données les préoccupations du temps : L’ère messianique va incessamment commencer. Quand Jésus dit, lui aussi : Le royaume de Dieu approche, il ne veut pas dire autre chose, et il croit voir à l’horizon prochain la venue du règne divin, la révolution à laquelle il aspire comme ses compatriotes et à laquelle il donne un tour éminemment religieux. » Vernes reproche notamment à Reuss de confondre la proclamation de la bonne nouvelle, dont l’effet intérieur est immédiat, et la venue du royaume de Dieu, qui n’est pas encore réalisée.
L’irruption de l’apocalypse juive dans l’exégèse chrétienne du NT va peser lourd dans l’évolution de cette dernière.

Histoire de l’exégèse de la bible (8)

En ce dernier quart du XIXè siècle, de vifs débats ont lieu dans le protestantisme français sur la nature exacte du royaume de Dieu annoncé par Jésus. On a déjà vu en (7) l’opinion de Vernes. Reuss écrit en 1876, dans sa présentation des évangiles synoptiques, que les propos de Jésus sont très clairs : Ils parlent d’une parousie visible, postérieure à la ruine de Jérusalem, mais la suivant immédiatement. Auguste Sabatier, qui enseigne la dogmatique réformée à Strasbourg puis à Paris, dit de son côté que « Jésus et les siens ont vécu dans la croyance qu’ils touchaient aux derniers temps, que le monde présent allait finir et que la catastrophe préparée par Dieu était imminente ». Exagérations ou justesse d’interprétation ? Pour les catholiques, dont Hogan [voir : (5)], la proximité du retour du Christ constitue sans discussion le clair message du NT. Pour lui, le problème consiste avant tout à sauver l’inerrance biblique ; il pense donc que Jésus annonçant la simultanéité de son retour et de la chute de Jérusalem, est une mauvaise compréhension de la part des apôtres ; d’autres textes suggèrent la lente progression du royaume de Dieu. Cependant, Hogan note aussi que la 2è épître de Pierre (ch 3,9) enseigne avec insistance la proximité certaine du retour du Christ. Il écrit donc, devant cette difficulté, pour sauver l’inerrance biblique : « Avant de prétendre trouver en faute une parole de la Bible, il faut commencer par s’assurer qu’on l’a comprise comme elle a dû l’être par ceux à qui elle était adressée. » L’exégèse chrétienne du XXè siècle héritera donc de grandes tâches : penser le passage de l’imminence du royaume à l’installation de l’Église dans le monde, apprécier la force subversive de l’évangile par rapport à l’ordre temporel, situer le christianisme par rapport au judaïsme.

Au début du XXè siècle, les fronts vont se durcir, et l’on va parler dans le camp catholique de la « science catholique » ; l’expression vient de loin, elle a été lancée par Lamennais dans un article de l’Avenir. Selon lui, la valeur de cette expression tient à ce que le catholicisme, et lui seul, possède l’authentique savoir de l’origine. On est là dans le domaine de la dogmatique. Que doit-on comprendre ? Que l’investigation historique bien conduite n’est pas relativiste, elle confirme la transcendance de la vérité catholique. D’Hulst, premier recteur de l’Institut catholique de Paris, explique aux lecteur du Correspondant : À mesure que l’Antiquité grecque et romaine nous livre plus complètement ses secrets, il devient plus impossible de contester aux auteurs des quatre Évangiles et du livre des Actes le caractère de témoins oculaires ou de narrateurs contemporains. C’est ainsi que, sans recourir à la Révélation, et rien qu’en faisant oeuvre de critique, l’apologiste peut établir la réalité d ela vie du Sauveur, de ses miracles, de sa mort, de s résurrection, de ses prophéties connues avant l’événement et vérifiées par l’événement. » L’Église garantit l’inspiration de l’Ancien Testament, donc la vérité historique de ses récits, parmi lesquels celui de l’origine de l’espèce humaine à partir d’un couple unique, et également celui de l’Exode. D’Hulst en conclut dans ses Conférences de Notre-Dame en 1891 à la nécessité de relier la morale à la religion catholique (l’anti-protestantisme est de rigueur) ; cette vision du monde entraîne la condamnation sans appel de la neutralité scolaire. Mais à cette belle assurance vont s’opposer des prises de position puissantes, à commencer par celle d’Alfred Loisy.

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