Juifs en terres arabes - XIXème siècle
Posté : 18 juin19, 08:22
Bonjour,
Ce sujet est la suite du post https://www.dieu.pub/viewtopic.php?f=7&t=64892 pour exposer plus avant les conditions d'existence du peuple juif dans le monde arabo musulman au XIXème siècle. Ces conditions ne seront pas exposées du point de vue juridique mais seulement humain selon des témoignages et des données réelles observées par des contemporains.
Pourquoi au XIXème siècle ? Parce que c'est à ce moment-là que tout a changé.
Nous avons vu que contrairement à ce que prétendent les musulmans, les juifs n’étaient si bien traités que ça par les arabes. La preuve concrète étant que les colons, français au Maghreb ou italiens en Tripolitaine, ont été accueillis en sauveurs. Je me bornerai en effet à traiter ces régions pour la raison simple que ça nous concerne nous les français ou accessoirement nos amis italiens.
Le juif était donc un dhimmi en terre d’islam, soit un protégé. Cela se réfère directement aux commandements d’Allah dans le Coran. Les juifs en tant qu’ahl al-Kitâb (gens du livre) ne doivent pas être convertis de force et doivent être respectés à la condition qu’ils paient un impôt (la djizîa) en s’humiliant. Verset 29 sourate 9.
« Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, en état d'humiliation »
L’expression « en s’humiliant ou en état d’humiliation » a une importance capitale, car c’est littéralement en s’humiliant qu’ont vécu et payé l’impôt les juifs en terre du Maghreb pendant des siècles.
------
Si on part du principe qu’aucun peuple au monde n’est génétiquement programmé pour se comporter en traitre, surtout vis-à-vis d’un voisin avec lequel il a partagé, entre autres, des famines et des épidémies pendant plus de mille ans, il faut chercher ailleurs la raison du ralliement presque complet des juifs à la colonisation.
Où doit-on le chercher ? Exactement dans les conditions exécrables dans lesquelles ils vivaient à l’arrivée des colons.
Les juifs, en terre d’islam, étaient non seulement considérés comme des inférieurs mais ils pâtissaient d’un mépris sourd, profond, quasiment concomitant à sa condition de juif.
Charles de Foucault - 1883 : « Dans les marchés, nul ne faisait attention, nul ne daignait parler au pauvre juif, il évoluait au milieu de populations qui considèrent le juif comme un être utile mais inférieur ».
Au Maroc les juifs vivaient confinés dans le mellah (quartier juif).
Pierre Loti – 1889 : « En promenant mes yeux autour de la terrasse, j’ai un instant de compréhension et d’effroi de ce que peut être la vie des israélites, astreints craintivement aux observances de la loi de Moïse, et murés dans leur quartier étroit, au milieu de cette ville momifie, séparée du monde entier. »
Quand les juifs sortaient du mellah ils devaient se déchausser.
Joseph Halévy – 1876 : « D’un côté des hommes d’une mine provocante, enveloppés dans de magnifiques burnous aux riches bordures, la tête entourée de gros turbans coquettement pliés, les pieds chaussés de belles babouches jaunes (…) ; de l’autre une foule timide et déguenillée, ayant pour toute coiffure un mouchoir bleu, tacheté de noir, négligemment attachés autour du cou, portant dans la main des pantoufles rustiques, mais continuant à marcher pied nu malgré les cailloux tranchants du pavé. »
Saïd Ghallab, auteur marocain, évoquant son enfance dans les années 1930 : « Nous aimions 3 choses au monde : jouer au foot, voler et emmerder les juifs au mellah ».
Le pire sort juif en terre musulmane revient aux juifs yéménites.
Ils étaient astreints à ramasser les excréments et les charognes d’animaux dans les quartiers musulmans. Les ottomans ont essayé en 1880 de mettre un terme à cette violence, on leur a répondu « qu’il s’agit là d’un vieil usage arabe qu’on ne saurait modifier ».
Un tel sort qui ne laisse apparaître aucune perspective favorable mène la résignation et à un certain abaissement moral. Le juif se montre toujours humble et craintif, il baisse la tête par habitude.
Ainsi le juif est considéré kif el mra (« comme une femme »), incapable de se défendre et soumis à la violence du premier venu. Si tu veux insulter quelqu’un, le traiter de lâche, traite-le de « juif ».
Saïd Ghallab : « Nul ne craint le juif, cet apeuré » … « s’ils (les juifs) ne protestent pas, pensent les enfants, c’est parce qu’ils se sentent coupables ».
L’islam, religion de la soumission à Dieu est aussi le monde de la soumission de certains hommes à d’autres hommes et de toutes les femmes aux hommes.
Bien que le dhimmi soit un homme libre, il reste un être soumis, un être diminué. Il n’y a d’égalité qu’entre musulmans d’un même rang politique et social. Il n’y a d’égalité qu’entre ceux qui dominent des dominés. Un esclave est affranchi ? Il reste un ancien esclave et malgré qu’il soit musulman, il ne sortira pas de sa condition de diminué, il continuera de servir.
L’islam n’est pas égalitariste, ni égalitaire, il est le règne du clivage entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui le subissent. Pour le calife ou le sultan, il n’y a ni citoyen, ni égaux, seulement des sujets. Et les musulmans de se soumettre à cette règle dont ils ont hérité ; pourquoi la discuteraient-ils puisque c’est leur lot de s’y soumettre.
Charles de Foucault note en 1884 que dans la région de Mogador (Maroc) les juifs et les animaux sont comptés comme la moitié d’un humain. Lorsqu’une tribu accepte de se soumettre au pouvoir d’un sultan, celui-ci l’autorise « à prélever un droit sur ce qui passe sur ses terres ; ce droit est de 1 franc par tête de bête de somme et par juif ».
Les dhimmis comme les esclaves et les femmes sont ceux sur qui s’exerce la domination. « La servitude, clé de voûte de cette géographie mentale féminise la victime car la femme est l’image même de la soumission ».
Comment l’esclavage dans ces conditions pouvait-il être aboli en terre d’islam ? Il est même notable qu’aucune tête pensante, aucun intellectuel, aucune voix musulmane ne se soit jamais élevée en terre d’islam pour condamner cette pratique, tellement elle était constitutive de la société islamique.
Le juif, comme l’esclave, ne pouvait échapper à sa condition inscrite dans la foi donc dans la loi.
Le sultan du Maroc Moulay Abd el-Rahman au consul de Tanger – 1842 : « les juifs de notre pays fortuné ont reçu des garanties dont ils bénéficient moyennant l’exécution des conditions imposées par notre loi religieuse aux gens qui jouissent de notre protection (dhimma). Si les juifs respectent ces conditions notre loi défend de verser leur sang et ordonne de respecter leurs biens, mais s’ils violent une seule condition, notre loi bénie permet de verser leur sang et de prendre leurs biens. Notre religion glorieuse ne leur attribue que les marques de l’avilissement et de l’abaissement ; aussi le seul fait pour un juif d’élever la voix contre un musulman constitue une violation des conditions de la protection. Si chez vous ils sont vos égaux, s’ils sont assimilés à vous, c’est très bien dans votre pays, mais pas dans le nôtre. »
Après tout cela, comment voulait-on qu’à l’arrivée des colons, les juifs s’allient aux arabo-musulmans (leurs maîtres si méprisants) pour se dresser contre la colonisation alors que celle-ci a représenté justement pour eux la perspective de pouvoir enfin sortir de leur condition d’humiliés permanents et de «colonisés» ?
PS : Ce sujet est largement inspiré du livre de Georges Bensoussan 'Juifs en terres arabes'
A suivre :
Ce sujet est la suite du post https://www.dieu.pub/viewtopic.php?f=7&t=64892 pour exposer plus avant les conditions d'existence du peuple juif dans le monde arabo musulman au XIXème siècle. Ces conditions ne seront pas exposées du point de vue juridique mais seulement humain selon des témoignages et des données réelles observées par des contemporains.
Pourquoi au XIXème siècle ? Parce que c'est à ce moment-là que tout a changé.
Nous avons vu que contrairement à ce que prétendent les musulmans, les juifs n’étaient si bien traités que ça par les arabes. La preuve concrète étant que les colons, français au Maghreb ou italiens en Tripolitaine, ont été accueillis en sauveurs. Je me bornerai en effet à traiter ces régions pour la raison simple que ça nous concerne nous les français ou accessoirement nos amis italiens.
Le juif était donc un dhimmi en terre d’islam, soit un protégé. Cela se réfère directement aux commandements d’Allah dans le Coran. Les juifs en tant qu’ahl al-Kitâb (gens du livre) ne doivent pas être convertis de force et doivent être respectés à la condition qu’ils paient un impôt (la djizîa) en s’humiliant. Verset 29 sourate 9.
« Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, en état d'humiliation »
L’expression « en s’humiliant ou en état d’humiliation » a une importance capitale, car c’est littéralement en s’humiliant qu’ont vécu et payé l’impôt les juifs en terre du Maghreb pendant des siècles.
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Si on part du principe qu’aucun peuple au monde n’est génétiquement programmé pour se comporter en traitre, surtout vis-à-vis d’un voisin avec lequel il a partagé, entre autres, des famines et des épidémies pendant plus de mille ans, il faut chercher ailleurs la raison du ralliement presque complet des juifs à la colonisation.
Où doit-on le chercher ? Exactement dans les conditions exécrables dans lesquelles ils vivaient à l’arrivée des colons.
Les juifs, en terre d’islam, étaient non seulement considérés comme des inférieurs mais ils pâtissaient d’un mépris sourd, profond, quasiment concomitant à sa condition de juif.
Charles de Foucault - 1883 : « Dans les marchés, nul ne faisait attention, nul ne daignait parler au pauvre juif, il évoluait au milieu de populations qui considèrent le juif comme un être utile mais inférieur ».
Au Maroc les juifs vivaient confinés dans le mellah (quartier juif).
Pierre Loti – 1889 : « En promenant mes yeux autour de la terrasse, j’ai un instant de compréhension et d’effroi de ce que peut être la vie des israélites, astreints craintivement aux observances de la loi de Moïse, et murés dans leur quartier étroit, au milieu de cette ville momifie, séparée du monde entier. »
Quand les juifs sortaient du mellah ils devaient se déchausser.
Joseph Halévy – 1876 : « D’un côté des hommes d’une mine provocante, enveloppés dans de magnifiques burnous aux riches bordures, la tête entourée de gros turbans coquettement pliés, les pieds chaussés de belles babouches jaunes (…) ; de l’autre une foule timide et déguenillée, ayant pour toute coiffure un mouchoir bleu, tacheté de noir, négligemment attachés autour du cou, portant dans la main des pantoufles rustiques, mais continuant à marcher pied nu malgré les cailloux tranchants du pavé. »
Saïd Ghallab, auteur marocain, évoquant son enfance dans les années 1930 : « Nous aimions 3 choses au monde : jouer au foot, voler et emmerder les juifs au mellah ».
Le pire sort juif en terre musulmane revient aux juifs yéménites.
Ils étaient astreints à ramasser les excréments et les charognes d’animaux dans les quartiers musulmans. Les ottomans ont essayé en 1880 de mettre un terme à cette violence, on leur a répondu « qu’il s’agit là d’un vieil usage arabe qu’on ne saurait modifier ».
Un tel sort qui ne laisse apparaître aucune perspective favorable mène la résignation et à un certain abaissement moral. Le juif se montre toujours humble et craintif, il baisse la tête par habitude.
Ainsi le juif est considéré kif el mra (« comme une femme »), incapable de se défendre et soumis à la violence du premier venu. Si tu veux insulter quelqu’un, le traiter de lâche, traite-le de « juif ».
Saïd Ghallab : « Nul ne craint le juif, cet apeuré » … « s’ils (les juifs) ne protestent pas, pensent les enfants, c’est parce qu’ils se sentent coupables ».
L’islam, religion de la soumission à Dieu est aussi le monde de la soumission de certains hommes à d’autres hommes et de toutes les femmes aux hommes.
Bien que le dhimmi soit un homme libre, il reste un être soumis, un être diminué. Il n’y a d’égalité qu’entre musulmans d’un même rang politique et social. Il n’y a d’égalité qu’entre ceux qui dominent des dominés. Un esclave est affranchi ? Il reste un ancien esclave et malgré qu’il soit musulman, il ne sortira pas de sa condition de diminué, il continuera de servir.
L’islam n’est pas égalitariste, ni égalitaire, il est le règne du clivage entre ceux qui ont le pouvoir et ceux qui le subissent. Pour le calife ou le sultan, il n’y a ni citoyen, ni égaux, seulement des sujets. Et les musulmans de se soumettre à cette règle dont ils ont hérité ; pourquoi la discuteraient-ils puisque c’est leur lot de s’y soumettre.
Charles de Foucault note en 1884 que dans la région de Mogador (Maroc) les juifs et les animaux sont comptés comme la moitié d’un humain. Lorsqu’une tribu accepte de se soumettre au pouvoir d’un sultan, celui-ci l’autorise « à prélever un droit sur ce qui passe sur ses terres ; ce droit est de 1 franc par tête de bête de somme et par juif ».
Les dhimmis comme les esclaves et les femmes sont ceux sur qui s’exerce la domination. « La servitude, clé de voûte de cette géographie mentale féminise la victime car la femme est l’image même de la soumission ».
Comment l’esclavage dans ces conditions pouvait-il être aboli en terre d’islam ? Il est même notable qu’aucune tête pensante, aucun intellectuel, aucune voix musulmane ne se soit jamais élevée en terre d’islam pour condamner cette pratique, tellement elle était constitutive de la société islamique.
Le juif, comme l’esclave, ne pouvait échapper à sa condition inscrite dans la foi donc dans la loi.
Le sultan du Maroc Moulay Abd el-Rahman au consul de Tanger – 1842 : « les juifs de notre pays fortuné ont reçu des garanties dont ils bénéficient moyennant l’exécution des conditions imposées par notre loi religieuse aux gens qui jouissent de notre protection (dhimma). Si les juifs respectent ces conditions notre loi défend de verser leur sang et ordonne de respecter leurs biens, mais s’ils violent une seule condition, notre loi bénie permet de verser leur sang et de prendre leurs biens. Notre religion glorieuse ne leur attribue que les marques de l’avilissement et de l’abaissement ; aussi le seul fait pour un juif d’élever la voix contre un musulman constitue une violation des conditions de la protection. Si chez vous ils sont vos égaux, s’ils sont assimilés à vous, c’est très bien dans votre pays, mais pas dans le nôtre. »
Après tout cela, comment voulait-on qu’à l’arrivée des colons, les juifs s’allient aux arabo-musulmans (leurs maîtres si méprisants) pour se dresser contre la colonisation alors que celle-ci a représenté justement pour eux la perspective de pouvoir enfin sortir de leur condition d’humiliés permanents et de «colonisés» ?
PS : Ce sujet est largement inspiré du livre de Georges Bensoussan 'Juifs en terres arabes'
A suivre :