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Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 01 juil.20, 00:07
par J'm'interroge
Stances d'hommage

Hommage au Parfait Éveillé,
Le meilleur des instructeurs,
Qui enseigne que tout ce qui apparaît en dépendance,
N'étant ni produit ni détruit,
Ni néant ni permanence,
Ni venue ni départ,
Ni diversité ni unité,
Est parfaitement libre de tout concept.

Chapitre premier:

Examen des conditions

Examen des causes

- Examen d'une production par cause ou sans cause

Ce qu'on appelle cause est un phénomène substantiel,
Possédant en lui une potentialité substantielle
Capable d'apporter un effet.
Où que ce soit, quels qu'ils soient,
Les phénomènes ne se produisent pas
Par eux-mêmes, par autre chose,
Par les deux à la fois ou sans cause.
Si les phénomènes étaient leur propre cause,
Ils devraient s'engendrer de nouveau
Et se reproduiraient indéfiniment.
Si les phénomènes étaient produits
Par des causes substantiellement différentes,
Ils seraient sans lien avec elles,
Et tout pourrait être produit à partir de n'importe quoi.
Les phénomènes ne peuvent pas non plus
Être produits par eux-mêmes et autre chose à la fois,
Car ceci est la somme de deux impossibilités.
Aucun phénomène ne peut non plus être produit sans cause:
A-t-on déjà vu quelque chose apparaître sans aucune raison?

- Examen de la potentialité substantielle

Si un phénomène avait en lui une potentialité substantielle
Qui expliquerait comment les causes produisent des effets,
Alors, puisque rien n'est produit sans cause,
On doit expliquer d'où vient la potentialité
De la cause de cette potentialité, dans un processus sans fin.
Relativement, on peut affirmer que les conditions
Ont en eux une potentialité d'apporter des effets,
Mais cette potentialité n'a ultimement aucune substance.

Examen des conditions

- Définition des conditions

Une condition est un phénomène non substantiel
Lié à d'autres phénomènes par une relation de cause à effet.
Il en existe quatre sortes:
La condition causale, d'objet de perception,
Immédiate, et de support.
La condition causale est comme la graine pour la pousse;
La condition d'objet de perception
Est comme la fleur que l'on perçoit;
La condition immédiate est le maillon de la chaîne causale
Qui s'efface pour faire place au suivant;
La condition de support est comme la table
Qui supporte le vase.

- Réfutation de la substantialité des conditions

- condition causale

Pour une chose existante,
C'est-à-dire substantielle, indépendante,
Ou pour une chose inexistante,
Une condition causale substantielle est inacceptable:
Comment une chose existante, indépendante
D'autres phénomènes, aurait-elle des conditions?
Comment une chose inexistante aurait-elle des conditions?
Comment peut-on parler ici de condition causale réelle?

- condition d'objet de perception

Lorsque l'on considère une perception,
Au moment de celle-ci, l'objet de perception n'existe plus.
Si la perception est sans objet de perception existant,
Il n'y a pas de condition d'objet de perception substantielle.

- condition immédiate

Si les conditions immédiates étaient substantielles,
Elles ne pourraient venir à l'existence en dépendance
D'une autre et cesser d'exister pour faire place à la suivante:
Tant qu'un phénomène n'est pas né,
La cessation du précédent est impossible,
Et si la condition précédente a cessé,
La condition suivante ne peut apparaître.

- condition de support

Si les choses étaient substantielles,
Elles seraient indépendantes les unes des autres,
Et la condition de support “Quand ceci est, cela est”,
Ne serait alors pas acceptable.

-Les conditions sont anticipatrices ou rétrospectives

On parle de conditions
Lorsque quelque chose se produit en dépendance d'elles.
Aussi longtemps que rien n'est engendré par elles,
Pourquoi ne sont-elles pas des non-conditions?
Et si les conditions ont produit un effet,
Alors les conditions n'existent plus,
Puisqu'elles ont fait place à l'effet.
Comment parler alors de conditions?
Les conditions sont donc toujours soit anticipatrices,
Soit rétrospectives, et n'ont aucune existence réelle.
Pour une chose existante ou pour une chose inexistante,
Les conditions sont inacceptables:
Si une chose n'existe pas, comment parler de condition?
Si une chose existe déjà, à quoi bon des conditions?

- Réfutation de l'essence d'un phénomène dans les conditions

Si l'essence des phénomènes dépendait des conditions,
Alors l'essence des conditions dépendrait aussi de conditions,
Et on se trouverait dans un cycle sans fin.
Et si la substance d'un phénomène dépend des conditions,
Comment ce phénomène peut-il avoir une substance,
Puisqu'une substance est censée être indépendante?
Puisque l'essence d'un phénomène
Ne peut être trouvé dans les conditions,
Comment un phénomène substantiel que l'on affirme
Dépendre de conditions pour sa production mais dont
L'essence n'est pas contenu en elles pourrait-il en être issu?
Et même si un phénomène substantiel était produit
A partir de conditions alors que son essence
Ne peut être trouvée en elles,
Alors il pourrait aussi bien s'élever de non-conditions.
Si un phénomène avait son essence dans les conditions,
Puisque les conditions n'ont pas d'essence,
Comment ce phénomène dont l'essence se trouverait
Dans les conditions pourrait-il venir
De quelque chose sans essence?
Ainsi, on ne trouve aucun phénomène substantiel
Ayant pour essence les conditions.
S'il n'y a pas de tels phénomènes,
Comment des conditions substantielles existeraient-elles?

Chapitre deux:

Examen du mouvement

Réfutation de l'existence d'un mouvement substantiel

- Réfutation par rapport aux trois trajets

Ce qui était en mouvement n'est plus en mouvement;
Ce qui n'est pas encore en mouvement n'est pas en mouvement;
En dehors du mouvement accompli et non encore accompli,
On ne peut trouver aucun mouvement.
«Quand il y a changement, il y a mouvement.
Puisqu'il y a changement dans ce qui est en mouvement,
Et pas dans ce qui a été ou ce qui sera en mouvement,
Le mouvement est une propriété de l'agent en mouvement.»
Mais le mouvement est-il séparable de l'agent de mouvement?
Mouvement et agent en mouvement
Peuvent ils exister l'un sans l'autre?
Pour qui le mouvement est une propriété substantielle,
Séparée de l'agent en mouvement,
Il en découle l'existence d'un agent en mouvement
Sans mouvement, ce qui est irrationnel.
Si le mouvement appartenait à l'agent en mouvement,
Alors il y aurait deux mouvements:
Un pour l'agent en mouvement et un pour le mouvement.
Et s'il y avait deux mouvements,
Il y aurait deux agents en mouvement,
Puisque sans agent il ne peut y avoir mouvement.
En analysant ainsi le mouvement d'un seul agent en mouvement,
On se retrouve avec deux agents en mouvement,
Ce qui est irrationnel.

- Réfutation par l'analyse du début et de la fin du mouvement

Le mouvement ne débute pas dans le mouvement déjà accompli,
Ni dans le mouvement non encore accompli,
Mais il ne commence pas non plus dans le mouvement en cours.
Alors, où donc commencerait un mouvement substantiel?
S'il y a mouvement, il doit commencer quelque part,
Mais avant le début du mouvement,
Il n'existe aucun mouvement en cours,
En train de s'accomplir, ou non-encore accompli,
Où le mouvement pourrait commencer.
De même, le mouvement ne s'arrête pas
Dans le mouvement déjà arrêté, qui ne s'est pas encore arrêté.
Ou dans le mouvement en cours.
Puisque le début ou la cessation du mouvement
N'est perçu d'aucune manière,
Comment peut-on établir substantiellement
Un mouvement accompli, inaccompli ou en cours?

- Réfutation de l'existence d'un agent en mouvement substantiel

Comment pourrait-on imputer un mouvement substantiel
A un agent de mouvement séparé de lui,
Puisqu'il ne peut exister un agent en mouvement
Qui ne soit pas en mouvement?
Un agent en mouvement n'accomplit pas
Un mouvement substantiel par lequel il reçoit son nom,
Car avant le mouvement, cet agent en mouvement n'existe pas.
Un agent en mouvement n'accomplit pas
Un mouvement substantiel autre
Que celui par lequel il reçoit son nom,
Car deux mouvements sont illogiques
Pour un seul agent en mouvement.

Analyse d'une identité ou altérité du mouvement et de l'agent en
mouvement

Si l'on considère le mouvement
Et l'agent en mouvement comme des entités réelles,
Alors le mouvement et l'agent en mouvement
Ne peuvent être ni identiques, ni différents.
Si le mouvement et l'agent de mouvement étaient identiques,
Alors l'agent et l'action ne feraient qu'un,
Et on ne pourrait parler ni d'agent, ni d'action.
Si le mouvement et l'agent de mouvement étaient distincts,
On aurait un agent en mouvement sans mouvement,
Et un mouvement sans agent en mouvement,
Ce qui n'est pas concevable.
Lorsque deux entités
Ne peuvent être établies ni comme identiques,
Ni comme différentes,
Quelle existence réelle pourrait-on leur attribuer?

Conclusion

Un agent en mouvement réel n'effectue pas un mouvement réel,
Qu'il soit accompli, inaccompli, ou en cours.
Sans agent en mouvement, pas de mouvement;
Sans mouvement, pas d'agent en mouvement.
L'un et l'autre sont interdépendants,
Et n'ont donc aucune existence indépendante, substantielle.

Chapitre trois:

Examen des sens

Réfuter une vision existant de manière substantielle

Si la vision existait substantiellement,
Elle existerait indépendamment de tout objet de vision,
Et ne pourrait qu'être vision d'elle-même.
De plus, elle existerait avant un objet de vision,
Serait séparée de lui, et ne verrait donc aucun objet.
Comment serait-il alors logique de dire que la vision voit?

Réfuter un agent de vision existant de manière substantielle

Sans vision, il ne peut exister un agent de vision substantiel,
Car comment existerait-il un agent de vision qui ne voit pas?
Avec vision, il ne peut exister un agent de vision substantiel,
Car un tel agent substantiel doit être indépendant de la vision.
S'il n'y a pas d'agent de vision substantiel,
Comment y aurait-il vision ou objet de vision substantiels?

Mode d'existence de la vision, de son agent et de son objet

Vision, agent de vision et objet de vision
Sont donc des phénomènes interdépendants,
N'ayant aucune existence autonome,
Dépendants les uns des autres pour leur existence.
Puisque la vision et l'objet de vision n'existent pas en essence,
La conscience, le contact, la sensation, le désir,
L'attachement, l'existence, la naissance et la cessation
N'existent pas substantiellement non plus.

Application du raisonnement aux autres facultés

De même que pour la vision, on réfute que l'audition,
L'odorat, le goût, le toucher, l'esprit,
L'agent d'audition, le son, l'agent de l'odorat, l'odeur,
L'agent du goût, la saveur, l'agent du toucher, l'objet du toucher,
L'agent de l'esprit et l'objet de l'esprit
Puissent exister de manière substantielle.

Chapitre quatre:

Examen des agrégats

Réfutation d'une nature propre de la matière-énergie

- Matière-énergie et sa cause ne sont pas perçues séparément

La matière-énergie n'est pas perçue
Séparément de la cause de la matière-énergie.
La cause de la matière-énergie n'est pas perçue
Séparément de la matière-énergie.

- Irrationalité d'une cause ou d'une absence de cause d'une

matière-énergie substantielle

Si une matière-énergie substantielle avait une cause,
Cette cause doit être la même ou différente de la matière-énergie.
Si elle est la même, alors on a une régression à l'infini.
Si elle est différente, alors une chose immatérielle
Pourrait causer une chose matérielle.
Si une matière-énergie substantielle existait séparément
D'une cause de la matière-énergie
Alors la matière-énergie serait sans cause,
Mais il n'y a rien qui ne puisse exister sans cause.
S'il existait une cause de la matière-énergie
Séparément de la matière-énergie,
Il y aurait une cause sans effet,
Mais il n'existe pas de cause sans effet.
Si la matière-énergie existe déjà,
Sa cause n'existe plus.
Si la matière-énergie n'existe pas encore,
Sa cause n'existe pas.

- Conclusion

Donc, une matière-énergie existant de façon inhérente,
Sans cause, est irrationnelle.
C'est pourquoi on ne doit entretenir aucune conception
Relative à une essence de la matière-énergie.

Application du raisonnement aux autres agrégats

Les sensations, les perceptions, les formations mentales,
La conscience, toutes choses
Doivent être comprises
De la même façon que pour la matière-énergie.

Chapitre cinq:

Examen des caractères

Réfutation d'une entité indépendante de caractères

Il n'existe aucune entité qui, séparée de ses caractères,
Viendrait les acquérir par la suite,
Car on aurait alors un élément préexistant
A ces caractères dépourvu de caractères.
Or, une chose sans caractères
N'existe nulle part.
Puisque rien n'existe sans caractères,
A quoi les caractères pourraient-ils s'appliquer?

Réfutation d'un caractère indépendant d'une entité

Un caractère ne s'élève pas
Dans un élément dépourvu de caractères,
Car rien n'existe sans caractères,
Ni dans un élément pourvu de caractères,
Car il les possède déjà.
Les caractères n'existent donc pas par eux-même.

Réfutation d'un caractérisable indépendant de caractères

Puisque les caractères n'existent pas de façon inhérente,
Un caractérisable est irrationnel.
Puisque le caractérisable est irrationnel,
Les caractères ne sauraient exister de manière inhérente.

Conclusion

Caractères et caractérisable sont donc dépendants l'un de l'autre,
Et il n'existe ni caractères, ni caractérisable
Existant de manière substantielle.
Or, en dehors de caractères et de caractérisables,
Quelle entité pourrait-elle exister?
Ceux qui conçoivent une existence
Ou une non-existence des choses
Ne perçoivent pas la pacification, la félicité.

Chapitre six:

Examen du désir et de son sujet

Réfutation d'une nature propre du désir et du sujet de désir

- Réfuter l'existence d'un sujet de désir antérieur au désir

Si un agent de désir existait de manière inhérente
Avant le désir, il serait exempt de désir;
On aurait donc un sujet de désir sans désir,
Et le désir existerait ultérieurement
En dépendance de l'agent du désir.
Mais où peut-on trouver un sujet de désir sans désir?
Il n'existe donc pas de sujet de désir existant
De façon inhérente avant l'apparition du désir.
Et en l'absence de sujet de désir,
Comment un désir pourrait-il apparaître?

- Réfuter l'existence d'un désir antérieur au sujet de désir

Si le désir existait de manière inhérente
Avant le sujet de désir, il serait exempt d'agent de désir;
On aurait donc un désir sans sujet de désir,
Et le sujet de désir existerait ultérieurement
En dépendance du désir.
Mais où peut-on trouver un désir sans sujet de désir?
Il n'existe donc pas de désir existant
De façon inhérente avant l'apparition du sujet de désir.
Et en l'absence de désir,
Comment un sujet de désir pourrait-il apparaître?

- Réfuter leur venue à l'existence simultanément

- Enseignement général

Un désir et un sujet de désir existant de façon inhérente
Ne peuvent apparaître ensemble tout en étant reliés entre eux,
Car deux entités qui apparaissent ensemble ne peuvent être
dépendantes l'une de l'autre.

- Réfutation d'une simultanéité dans l'identité

Si désir et agent de désir ne font qu'un, ils ne sont pas simultanés,
Car la simultanéité requiert deux choses distinctes,
Et une chose ne peut pas être associée avec elle-même.
Et s'il y avait simultanéité dans l'identité du désir et de son sujet,
Alors il y aurait une simultanéité même sans association,
Mais une simultanéité requiert une association,
Et puisqu'une identité est incompatible avec une association,
Il n'y a pas simultanéité dans l'identité du désir et de son sujet.

- Réfutation d'une simultanéité dans l'altérité

Si le désir et le sujet de désir apparaissaient simultanément
Et existaient séparément, étant distincts par nature,
Comment pourront-ils avoir une quelconque relation entre eux?
Comment pourrait-on voir une association entre deux phénomènes
Simultanés n'ayant aucune relation entre eux?
Et s'il y avait simultanéité pour un désir et un sujet de désir
Séparés et existant de façon inhérente, indépendante,
Alors il y aurait simultanéité même sans association,
Et on aurait donc un sujet de désir sans désir,
Et un désir sans sujet de désir.
Puisqu'on ne peut établir leur existence séparément,
Un sujet de désir et un désir différents substantiellement
L'un de l'autre ne peuvent apparaître simultanément.

- Résumé des réfutations

Ainsi, un désir et un sujet de désir existant de manière inhérente
Ne peuvent être établis, simultanément ou non.

Généralisation à tous les phénomènes

Il en va de même pour tous les phénomènes et leurs propriétés:
Ils ne peuvent être établis indépendamment les uns des autres.

Chapitre sept:

Examen du composé

Réfutation générale d'une nature propre des caractères

Montrer que les caractères sont composés

Si les trois caractères du composé sont eux-même composés,
Alors ils possèdent les trois caractères du composé:
Naissance, durée, et cessation.
S'ils n'étaient pas composés,
Alors ils seraient dépourvus de caractères,
Et se produiraient par eux-même et sans cause,
Ce que l'on a déjà réfuté auparavant.
Si les trois caractères du composé ne sont pas composés,
Comment, dépourvus de caractères,
Pourraient-ils alors être des caractères du composé?

Réfutation d'une nature propre des caractères par rapport au composé

Si les trois caractères caractérisent les composés,
Ils les caractériseront soit en étant séparés, soit ensemble.
Si les trois caractères, existant de façon inhérente,
Étaient séparés, ils n'auraient pas la capacité,
Individuellement, de caractériser le composé,
Car tous les composés possèdent les trois caractéristiques.
Mais comment pourraient-ils caractériser un composé
En étant réunis dans un même lieu au même moment
S'ils existaient intrinsèquement?

Réfutation d'un autre caractère du composé

Si l'on dit que la naissance, la durée et la cessation
Possèdent un caractère autre que celui du composé,
Alors on doit encore expliquer les caractères de ce caractère,
Dans une régression à l'infini.
Et si elles ne possèdent ni les caractères du composé,
Ni un caractère autre, elles ne sont pas des composés,
Et rien ne peut expliquer leur existence.

Réfutation d'une production fondamentale

Une production fondamentale existant de manière inhérente,
Qui explique la naissance, la durée
Et la cessation des phénomènes est irrationnelle,
Car comment l'expliquer?
Si elle provenait d'un autre phénomène
Qui lui-même proviendrait de la production fondamentale,
On se retrouve avec un cercle vicieux:
Comment la production fondamentale produirait-elle
Ce phénomène sans avoir été produit par lui,
Puisqu'elle dépend de lui pour son existence?
Comment ce phénomène produirait-il
La production fondamentale sans avoir été produit par elle,
Puisqu'il dépend d'elle pour son existence?
Serait-elle alors production fondamentale par elle-même
Ou par une autre production fondamentale?
Si elle se produisait d'elle-même,
Quel besoin, déjà existante, de se produire encore?
Et comment, non-encore existante, s'engendrerait-elle?
Si elle était production fondamentale
En vertu d'une autre production fondamentale,
On doit encore expliquer cette production fondamentale,
Dans une régression à l'infini.
Proviendrait-elle de rien?
Mais aucun phénomène ne provient de rien.

Réfuter la nature propre de la naissance

Réfuter les trois caractères pour la naissance

Réfuter une naissance réelle de la naissance

Une naissance qui est déjà née ne naît pas;
Une naissance qui n'est pas encore née ne naît pas;
Une naissance en cours de naissance ne naît pas non plus,
Car il n'existe aucune naissance en cours distincte
De ce qui est né et de ce qui n'est pas né:
Lorsqu'il y a une naissance en cours,
Aucun naissance n'est encore née,
Comment peut-on alors parler
D'une naissance en cours réelle de la naissance,
Puisque l'on n'a aucune référence pour son existence?
S'il existait quelque part une naissance
Existant de manière inhérente non-encore née,
Cette naissance pourrait venir à naître.
Mais puisque cette naissance est inexistante,
Comment pourrait-elle naître?
Une naissance existante ne naît pas, puisqu'elle existe déjà.
Une naissance inexistante ne naît pas, puisqu'elle n'existe pas.
La naissance de la naissance est irrationnelle,
Car comment expliquer cette naissance?
Serait-elle naissance par elle même
Ou par une autre naissance?
Si la naissance se produisait elle-même,
Quel besoin, déjà existante, de se produire encore?
Et comment, non-encore existante, s'engendrerait-elle?
Si elle était naissance en vertu d'une autre naissance,
On doit encore expliquer cette naissance,
Dans une régression à l'infini.
Proviendrait-elle de rien?
Mais aucun phénomène ne provient de rien.
Proviendrait-elle d'autre chose?
Alors la naissance naîtrait sans naissance!
Et puisque la naissance est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une naissance substantielle de la naissance est irrationnelle.

Réfuter une durée réelle de la naissance

Puisque la nature de toutes les choses
Est de vieillir et de mourir,
Quelle naissance pourrait durer de manière inhérente,
Sans vieillissement et mort?
Une durée substantielle de la naissance est irrationnelle,
Car la durée est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Et parce la naissance n'est pas un phénomène
Qui dure dans le temps.

Réfuter une cessation réelle de la naissance

Une naissance qui a déjà cessé ne cesse pas.
Une naissance qui n'a pas encore cessé ne cesse pas.
Une naissance en cours de cessation ne cesse pas non plus,
Car il n'existe aucune cessation en cours distincte
De ce qui a cessé et de ce qui n'a pas cessé:
Lorsqu' il y a une cessation en cours,
Aucun cessation n'a encore cessé,
Comment peut-on alors parler
D'une cessation en cours réelle de la naissance,
Puisque l'on n'a aucune référence pour son existence?
Puisque la naissance de la naissance est irrationnelle,
Alors la cessation de la naissance est irrationnelle.
La cessation d'une naissance
Existant de manière inhérente est irrationnelle,
Car alors cette naissance deviendrait inexistante,
Mais une seule chose ne peut à la fois
Être existante et inexistante.
Et puisque la cessation est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une cessation substantielle de la naissance est irrationnelle.

Réfuter une existence réelle de la naissance

Ce qui est déjà né ne naît pas;
Ce qui n'est pas encore né ne naît pas;
Ce qui est en cours de naissance ne naît pas non plus,
Car il n'existe aucune naissance en cours distincte
De ce qui est né et de ce qui n'est pas né:
Lorsque il y a une naissance en cours
Aucun phénomène n'est encore né,
Comment peut-on alors parler d'une naissance en cours réelle,
Puisque l'on n'a aucune référence pour son existence?
S'il existait quelque part un phénomène
Existant de manière inhérente non-encore né,
Ce phénomène pourrait venir à naître.
Mais puisque ce phénomène est inexistant,
Comment pourrait-il naître?
Une chose existante ne naît pas, puisqu'elle existe déjà.
Une chose inexistante ne naît pas, puisqu'elle n'existe pas.
Une naissance existant en soi est irrationnelle:
Car comment expliquer cette naissance?
Serait-elle naissance par elle-même
Ou par une autre naissance?
Si elle se produisait d'elle-même,
Quel besoin, déjà existante, de se produire encore?
Et comment, non-encore existante, s'engendrerait-elle?
Si elle était naissance en vertu d'une autre naissance,
On doit encore expliquer cette naissance,
Dans une régression à l'infini.
Proviendrait-elle de rien?
Mais aucun phénomène ne provient de rien.
Proviendrait-elle d'autre chose?
Alors la naissance naîtrait sans naissance!
Et puisque la naissance est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une naissance substantielle est irrationnelle.

Réfutation d'une nature propre de la durée

Réfuter les trois caractères pour la durée

Réfuter une naissance réelle de la durée

Une durée qui est déjà née ne naît pas;
Une durée qui n'est pas encore née ne naît pas;
Une durée en cours de naissance ne naît pas non plus,
Car il n'existe aucune naissance en cours distincte
De ce qui est né et de ce qui n'est pas né:
Lorsqu'il y a une naissance en cours,
Aucun naissance n'est encore née,
Comment peut-on alors parler
D'une naissance en cours réelle de la durée,
Puisque l'on n'a aucune référence pour son existence?
S'il existait quelque part une durée
Existant de manière inhérente non-encore née,
Cette durée pourrait venir à naître.
Mais puisque cette durée est inexistante,
Comment pourrait-elle naître?
Une durée existante ne naît pas, puisqu'elle existe déjà.
Une durée inexistante ne naît pas, puisqu'elle n'existe pas.
Et puisque la naissance est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une naissance substantielle de la durée est irrationnelle.

Réfuter une durée réelle de la durée

Puisque la nature de toutes les choses
Est de vieillir et de mourir,
Quelle durée pourraient durer de manière inhérente,
Sans vieillissement et mort?
La durée de la durée est irrationnelle,
Car comment expliquer cette durée?
Serait-elle durée par elle-même ou par une autre durée?
Si la durée se produisait elle-même,
Quel besoin, déjà existante, de se produire encore?
Et comment, non-encore existante, s'engendrerait-elle?
Si elle était durée en vertu d'une autre durée,
On doit encore expliquer cette durée,
Dans une régression à l'infini.
Proviendrait-elle de rien?
Mais aucun phénomène ne provient de rien.
Proviendrait-elle d'autre chose?
Alors la durée durerait sans durée!
Et puisque la durée est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une durée substantielle de la durée est irrationnelle.

Réfuter une cessation réelle de la durée

Une durée qui a déjà cessé ne cesse pas.
Une durée qui n'a pas encore cessé ne cesse pas.
Une durée en cours de cessation ne cesse pas non plus,
Car il n'existe aucune cessation en cours distincte
De ce qui a cessé et de ce qui n'a pas cessé:
Lorsqu'il y a une cessation en cours
Aucun cessation n'a encore cessé,
Comment peut-on alors parler
D'une cessation en cours réelle de la durée,
Puisque l'on n'a aucune référence pour son existence?
Puisque la naissance de la durée est irrationnelle,
Alors la cessation de la durée est irrationnelle.
La cessation d'une durée existant de manière inhérente
Est irrationnelle, car alors cette durée deviendrait inexistante,
Mais une seule chose ne peut à la fois
Être existante et inexistante.
Et puisque la cessation est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une cessation substantielle de la durée est irrationnelle.

Réfuter une existence réelle de la durée

Une durée existant en soi est irrationnelle:
Car comment expliquer cette durée?
Serait-elle durée par elle-même ou par une autre durée?
Si elle se produisait d'elle-même,
Quel besoin, déjà existante, de se produire encore?
Et comment, non-encore existante, s'engendrerait-elle?
Si elle était durée en vertu d'une autre durée,
On doit encore expliquer cette durée,
Dans une régression à l'infini.
Proviendrait-elle de rien?
Mais aucun phénomène ne provient de rien.
Proviendrait-elle d'autre chose?
Alors la durée durerait sans durée!
Une chose qui dure ne dure pas en soi,
Car, puisque tout est impermanent,
Une durée substantielle n'est applicable à aucun phénomène.
Puisque la nature de toutes les choses
Est de vieillir et de mourir,
Quelles choses pourraient durer de manière inhérente,
Sans vieillissement et mort?
Et puisque la durée est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une durée substantielle est irrationnelle.

Réfuter une nature propre de la cessation

Réfuter les trois caractères pour la cessation

Réfuter une naissance réelle de la cessation

Une cessation qui est déjà née ne naît pas;
Une cessation qui n'est pas encore née ne naît pas;
Une cessation en cours de naissance ne naît pas non plus,
Car il n'existe aucune naissance en cours distincte
De ce qui est né et de ce qui n'est pas né:
Lorsqu'il y a une naissance en cours,
Aucune naissance n'est encore née,
Comment peut-on alors parler
D'une naissance en cours réelle de la cessation,
Puisque l'on n'a aucune référence pour son existence?
S'il existait quelque part une cessation
Existant de manière inhérente non-encore née,
Cette cessation pourrait venir à naître.
Mais puisque cette cessation est inexistante,
Comment pourrait-elle naître?
Une cessation existante ne naît pas, puisqu'elle existe déjà.
Une cessation inexistante ne naît pas, puisqu'elle n'existe pas.
Et puisque la cessation est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une naissance substantielle de la cessation est irrationnelle.

Réfuter une durée réelle de la cessation

Puisque la nature de toutes les choses
Est de vieillir et de mourir,
Quelle cessation pourrait durer de manière inhérente,
Sans vieillissement et mort?
Une durée substantielle de la cessation est irrationnelle,
Car la durée est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Et parce la cessation n'est pas un phénomène
Qui dure dans le temps.

Réfuter une cessation réelle de la cessation

Une cessation a déjà cessé ne cesse pas.
Une cessation qui n'a pas encore cessé ne cesse pas.
Une cessation en cours de cessation ne cesse pas non plus,
Car il n'existe aucune cessation en cours distincte
De ce qui a cessé et de ce qui n'a pas cessé:
Lorsqu'il y a une cessation en cours
Aucun cessation n'a encore cessé,
Comment peut-on alors parler
D'une cessation en cours réelle de la cessation,
Puisque l'on n'a aucune référence pour son existence?
Puisque la naissance de la cessation est irrationnelle,
Alors la cessation de la cessation est irrationnelle.
La cessation d'une cessation
Existant de manière inhérente est irrationnelle,
Car alors cette cessation deviendrait inexistante,
Mais une seule chose ne peut à la fois
Être existante et inexistante.
La cessation de la cessation est irrationnelle,
Car comment expliquer cette cessation?
Cesserait-elle par elle-même ou par une autre cessation?
Si la cessation se produisait elle-même,
Quel besoin, déjà existante, de se produire encore?
Et comment, non-encore existante, s'engendrerait-elle?
Si elle était cessation en vertu d'une autre cessation,
On doit encore expliquer cette cessation,
Dans une régression à l'infini.
Proviendrait-elle de rien?
Mais aucun phénomène ne provient de rien.
Proviendrait-elle d'autre chose?
Alors la cessation cesserait sans cessation!
Et puisque la cessation est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une cessation substantielle de la cessation est irrationnelle.

Réfuter une existence réelle de la cessation

Ce qui a déjà cessé ne cesse pas.
Ce qui n'a pas encore cessé ne cesse pas.
Ce qui est en cours de cessation ne cesse pas non plus,
Car il n'existe aucune cessation en cours distincte
De ce qui a cessé et de ce qui n'a pas cessé:
Lorsqu'il y a une cessation en cours
Aucun phénomène n'a encore cessé,
Comment peut-on alors parler d'une cessation en cours réelle,
Puisque l'on n'a aucune référence pour son existence?
Puisque la naissance de toute chose est irrationnelle,
Alors la cessation de toute chose est irrationnelle.
La cessation d'une chose existant de manière inhérente
Est irrationnelle, car alors cette chose deviendrait inexistante,
Mais une seule chose ne peut à la fois
Être existante et inexistante.
Et pour une non-chose, la cessation est irrationnelle,
Car quelque chose qui n'existe pas ne peut cesser.
Une cessation existant en soi est irrationnelle:
Car comment expliquer cette cessation?
Serait-elle cessation par elle-même ou par une autre cessation?
Si elle se produisait d'elle-même,
Quel besoin, déjà existante, de se produire encore?
Et comment, non-encore existante, s'engendrerait-elle?
Si elle était cessation en vertu d'une autre cessation,
On doit encore expliquer cette cessation,
Dans une régression à l'infini.
Proviendrait-elle de rien?
Mais aucun phénomène ne provient de rien.
Proviendrait-elle d'autre chose?
Alors la cessation cesserait sans cessation!
Et puisque la cessation est elle-même composée
De la naissance, de la durée et de la cessation,
Une cessation substantielle est irrationnelle.

Conclusion

Puisque la naissance, la durée et la cessation,
Qui sont les caractères de toute chose composée,
N'existent pas substantiellement,
Aucune chose composée n'existe de manière inhérente.
Tels un rêve, une illusion, une ville dans le ciel,
Voici ce que sont la naissance, la durée et la cessation,
Des phénomènes n'ayant aucune existence substantielle!
Toutes les choses interdépendantes
Sont naturellement en paix quant à une nature propre!

Chapitre huit:

Examen de l'agent et de l'action

Réfutation d'une nature propre de l'agent et de l'action

- Réfutation d'un agent substantiel

- Par une action substantielle

Un agent substantiel n'accomplit pas une action substantielle:
Si un agent substantiel possédait une activité séparée de lui,
Il y aurait une action sans agent et un agent sans action,
Ce que l'on réfute en reprenant l'analyse
Du mouvement et de l'agent en mouvement.
Si agent et action étaient substantiels,
Ils seraient indépendants l'un de l'autre,
Et l'action serait sans cause,
Puisqu'elle existerait sans agent.
La causalité serait donc irrationnelle,
Et aucun fruit résultant des actions ne saurait exister.
Sans les fruits des actions, pas de libération possible,
Et toutes les activités seraient dépourvues de sens.

- Par une action inexistante

Un agent substantiel n'effectue pas une action inexistante,
Car il serait dépourvu d'activité,
Et il n'existe pas d'agent sans activité.

- Par une action à la fois substantielle et inexistante

Un agent substantiel n'effectue pas
Une action à la fois substantielle et inexistante,
Car substantialité et inexistence sont contradictoires.

- Réfutation d'un agent inexistant

Un agent inexistant ne saurait accomplir une action,
Qu'elle soit substantielle, inexistante, ou les deux à la fois,
Car un tel agent n'existe pas.

Agent et action sont mutuellement dépendants

Ainsi, l'action est dépendante d'un agent.
Et l'agent est dépendant d'une action,
On ne peut voir cela autrement.

Application aux autres phénomènes

Par l'analyse de l'action et de l'agent,
On comprendra de même l'appropriation
Et toutes les autres choses.

Chapitre neuf:

Examen du préexistant

Argument de l'adversaire

"Puisque la vision, l'audition, et les autres facultés,
Les sensations et les autres facteurs mentaux existent,
Celui qui les possède et les utilise
Doit exister antérieurement à eux.
S'il n'y avait pas d'entité préexistante,
Comment pourrait-il y avoir la vision et le reste?"

Réfuter une entité préexistante aux facultés

Comment pourrait-on connaître
Une entité préexistante à la vision et les autres facultés?
Si une telle entité pouvait exister
Sans la vision et les autres facultés,
Alors celles-ci pourraient aussi exister sans elle.
Un appropriateur se manifeste par un objet d'appropriation.
Un objet d'appropriation se manifeste par un appropriateur.
Comment un appropriateur existerait-il sans objet d'appropriation?
Comment un objet d'appropriation existerait-il sans appropriateur?

Objection

"Une entité préexistante à l'ensemble des facultés n'existe pas,
Mais il existe une entité qui se manifeste tour à tour
A travers les différentes facultés à différents moments."

Réponse

Si une même entité était agent de vision, d'audition,
Et du reste, alors l'agent de vision,
Bien que dépourvu d'activité d'audition,
Serait agent d'audition, et l'agent d'audition,
Bien que dépourvu de l'activité de vision,
Serait agent de vision, ce qui n'a aucun sens.
Si l'agent de vision, l'agent d'audition et les autres agents
Étaient distincts les uns des autres,
Alors l'agent de vision existerait en même temps
Que l'agent d'audition,
Et il y aurait de nombreux soi au même instant!

Conclusion

Ainsi, une entité n'existe en elle-même ni dans la vision et le reste,
Ni dans les causes d'où elles proviennent.
Si un sujet des facultés n'existe pas indépendamment d'elles,
Alors les facultés n'existent pas non plus
Indépendamment de leur sujet.
Puisqu'on ne trouve ni une entité préexistante,
Simultanée, ou postérieure à la vision et au reste,
Les conceptions “cela existe” ou “cela n'existe pas”
Sont absurdes.

Chapitre dix:

Examen du feu et du combustible

Réfuter une identité entre feu et combustible réels

Si le feu était le combustible,
L'agent et l'action ne feraient qu'un.
Si le combustible était identique au feu,
Comment le combustible pourrait-t-il brûler,
Puisqu'il n'y aurait pas de feu autre que le combustible,
Et que le combustible a besoin de feu pour brûler?

Réfuter une différence entre feu et combustible réels

Si le feu était en essence autre que le combustible,
Il existerait sans combustible,
Et brûlerait continuellement tout en ne brûlant rien!
Il serait allumé sans cause, n'aurait aucun commencement,
Et sa préparation serait inutile.
Si le feu était autre que le combustible,
Alors il n'y aurait ni feu, ni combustible!
Comment existerait-il un feu sans combustible?
Comment le combustible brûlerait-il sans feu?

Réfuter une dépendance entre feu et combustible réels

Si le feu dépend du combustible,
Et le combustible dépend du feu,
Qui vient en premier?
Si le feu dépendait du combustible, on aurait un double feu:
Le feu dépendant du combustible
Et le feu dont le combustible dépend,
Ou alors on trouverait quelque chose qui brûlerait sans feu!
Si ce sur quoi une chose dépend
Est elle-même dépendante de cette chose,
Alors qu'est-ce qui dépend réellement de quoi?
Comment une chose réelle pourrait-elle être établie
En dépendance avant que son existence soit établie?
Comment une chose réelle pourrait-elle être établie
En dépendance après que son existence ait été établie?
Un feu dépendant du combustible n'existe pas en soi,
Pas plus qu'un feu indépendant du combustible.
Un combustible dépendant du feu n'existe pas en soi,
Pas plus qu'un combustible indépendant du feu.

Autre raisonnement

L'analyse du mouvement accompli, inaccompli et en cours
S'applique au combustible:
Ce qui a déjà brûlé ne brûle pas;
Ce qui n'a pas encore brûlé non plus;
En dehors de ce qui a brûlé et ce qui n'a pas encore brûlé,
On ne trouve rien qui soit en train de brûler.

Conclusion

Le feu n'est ni le combustible, ni autre que le combustible,
Le feu ne possède pas le combustible.
Le combustible ne se trouve pas dans le feu,
Et le feu ne se trouve pas dans le combustible.
Par l'examen du feu et du combustible,
On explique le soi et les agrégats,
Le pot et l'argile, le vêtement et le tissu, etc...
Quelle source de confusion que de concevoir
Une identité ou une différence
Vis-à-vis du soi et des phénomènes!

Chapitre onze:

Examen du commencement et de la fin

Réfuter une nature propre de l'existence

- Généralité

Il n'y a rien à savoir à propos
D'un commencement ou d'une fin réels:
L'existence cyclique est sans début ni fin réels,
Il n'y a rien qui commence ou finisse réellement.
Là où il n'y a ni commencement ni fin,
Comment y aurait-il un milieu?
Par conséquent, attribuer une substantialité à l'antériorité,
La simultanéité ou la postériorité est irrationnel.

- Réfuter des parties antérieures, simultanées ou postérieures

- Réfuter une naissance avant la vieillesse et la mort

Si une naissance inhérente avait lieu en premier,
Et la vieillesse et la mort ensuite,
Alors la naissance serait sans vieillesse et mort,
Et rien ne mourrait jamais!
Et puisque la naissance d'un phénomène dépend de la mort
D'un autre phénomène, alors rien ne naîtrait jamais!

- Réfuter une naissance après la vieillesse et la mort

Si une naissance inhérente avait lieu
Après la vieillesse et la mort,
Alors il y aurait vieillesse et mort sans naissance!
Comment donc y aurait-il vieillesse et mort de ce qui n'est pas né?

- Réfuter une simultanéité de naissance, vieillesse et mort

Naissance, vieillesse et mort ne peuvent être simultanées,
Sinon ce qui naît serait en train de mourir,
Et naissance et mort seraient sans cause,
Puisque deux choses simultanées
N'ont aucun lien de causalité entre elles.

- Résumé du sens

Comment imputer une substance
A la naissance, la vieillesse, et la mort,
Puisque pour elles une séquence d'antériorité,
De simultanéité ou de postériorité est irrationnelle?

Conclusion

Il n'y a pas que l'existence cyclique qui soit
Sans commencement, milieu ou fin réels:
La cause et l'effet, le caractère et le caractérisé,
La sensation et celui qui ressent,
Toute chose est sans réel commencement, milieu ou fin.

Chapitre douze:

Examen de la souffrance

Réfutation générale de l'existence réelle de la souffrance

Une souffrance réelle ne se produit ni par elle-même,
Ni par autre chose, ni par les deux à la fois, ou sans cause.

Réfuter qu'elle se crée elle-même

Si la souffrance se créait elle-même,
Alors elle n'existerait pas en dépendance,
Mais la souffrance dépend de la confusion,
Du désir, de l'aversion, etc...

Réfuter qu'elle se crée par autre chose

Si la souffrance était produite par autre chose,
Elle le serait par celui qui souffre ou par un autre que lui.
Si la souffrance était créée par celui qui souffre,
Qui, existant séparément de la souffrance,
Pourrait la créer?
Si la souffrance était créée par un autre,
Qui, existant séparément de la souffrance,
Serait affecté par cette souffrance créée par un autre?
Si la souffrance était créée par un autre,
Qui, existant séparément de la souffrance,
Pourrait la transmettre?
Puisque la souffrance produite par elle-même n'est pas établie,
Comment pourrait-elle être produite par un autre?
En effet, celui qui crée la souffrance d'un autre
Doit avoir causé sa propre souffrance,
Sinon on se retrouverait avec une régression à l'infini.
La souffrance ne se produit pas elle-même,
Car rien ne peut se produire soi-même.
Si un autre ne se crée pas lui-même,
Comment la souffrance pourrait-elle être produite
Substantiellement par autre chose qu'elle-même?

Réfuter qu'elle se crée par elle-même et autre chose à la fois

La souffrance n'est pas produite en même temps
Par elle-même et autre chose,
Puisqu'elle n'est pas produite par chacun des deux séparément.

Réfuter qu'elle se créée sans cause

Ni créée par elle-même, ni par autre chose,
Comment la souffrance pourrait-elle être produite sans cause?

Généralisation

Il n'y a pas que la souffrance qui ne se produise ni par elle-même,
Ni par autre chose, les deux à la fois, ou sans cause:
Rien ne se produit par soi-même, par autre chose,
Les deux à la fois, ou sans cause.


[.....] [note : chapitre 13 manquant ???]

Re: Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 01 juil.20, 00:38
par J'm'interroge
Chapitre quatorze:

Examen du contact

Thèse: non-existence réelle du contact

La vision, l'objet de vision et l'agent de vision ne sont pas reliés,
Que ce soit deux à deux ou tous ensemble.
Il en est de même pour le désir, l'objet de désir, le sujet du désir,
Les autres perturbations et les autres sources de perception.

Preuves: pas de contact puisque pas de différence

Il n'y a de contact qu'entre des choses différentes entre elles,
Mais puisque dans la vision, l'objet de vision et l'agent de vision
Il n'y a pas de différence réelle, il ne peut y avoir de contact réel.
Non seulement il n'existe pas de différence réelle
Entre la vision, l'objet de vision et l'agent de vision,
Mais une différence réelle entre quoi que ce soit est irrationnelle.
Une chose autre dépend d'une autre chose pour sa différence.
Une chose autre ne serait pas différente sans autre chose.
Il est donc irrationnel que ce qui dépend d'autre chose
Pour établir sa différence soit autre en lui-même.
Si une chose autre était différente d'une autre chose,
Une chose autre pourrait exister sans autre chose.
Mais une chose autre ne peut exister sans autre chose,
Et n'existe donc pas réellement.
Une différence réelle ne se trouve ni dans une chose autre,
Ni dans une chose non-autre.
Puisque nulle part on ne trouve de différence existant en soi,
Il n'existe ni chose autre, ni chose identique existant réellement.

Conclusion

Une chose n'est pas en contact avec elle-même,
Et des choses différentes en soi ne peuvent être en contact.
Il n'y donc aucun contact ou objet de contact existant en soi.

Chapitre quinze:

Examen de l'essence

Réfuter une essence ou une essence-autre

L'émergence d'une essence à partir
De causes et de conditions est irrationnelle,
Car cette essence serait alors fabriquée.
Or, une essence n'est pas fabriquée
Et ne dépend pas d'autre chose qu'elle-même.
S'il existait quelque chose avec une essence,
Celle-ci ne pourrait devenir inexistante,
Car il est irrationnel qu'une essence puisse se transformer.
«S'il n'y a pas d'essence, qu'est-ce qui se transforme?»
S'il y avait une essence, comment pourrait-elle se transformer?
S'il n'y a pas d'essence, comment y aurait-il une essence autre?
Ce qu'on appelle essence-autre n'est que l'essence d'un autre.

Réfuter l'existence d'entités ou de non-entités

Sans essence ou essence-autre,
Comment une entité pourrait-elle exister?
Car une entité ne peut exister
Qu'avec une essence ou une essence autre.
Si une entité n'est pas établie,
Une non-entité ne l'est pas non plus,
Car une non-entité est une entité qui s'est transformée.

Conséquences éternalistes et nihilistes

Si l'on dit "ceci est", on saisit la permanence.
Si l'on dit "ceci n'est pas", on adopte une vue nihiliste.
"Ce qui existe par essence ne peut devenir inexistant",
Voilà la thèse éternaliste.
"Ceci existait avant mais n'existe plus maintenant"
Voilà la thèse nihiliste.
Celui qui est sage ne s'attache ni à l'être, ni au non-être.

Conclusion

Ceux qui conçoivent une essence, une essence-autre,
Des entités ou des non-entités,
Ne voient pas la vraie nature des choses.
Par la connaissance du réel et de l'irréel,
On réfute à la fois les vues d'existence et d'inexistence.

Chapitre seize:

Examen du lien et de la libération

Réfuter une transmigration substantielle

Les phénomènes composés ne peuvent pas
Transmigrer s'ils sont permanents,
Car ce qui est permanent ne change pas,
Et la transmigration implique un changement.
Impermanents, ils ne peuvent transmigrer non plus,
Car ce qui est impermanent ne dure pas dans le temps,
Et ce qui ne dure pas dans le temps ne peut transmigrer.
Puisque, lorsqu'on cherche un individu par un examen
Approfondi des agrégats et des sphères des sens,
On ne le trouve nulle part, qu'est-ce qui transmigre?
Et si rien ne transmigre réellement,
Comment y aurait-il une transmigration et un lien réels?
Si quelqu'un transmigre d'une appropriation à une autre,
Il n'a pas d'existence substantielle.
Sans transmigrateur réel, pas d'appropriation réelle:
Comment voir un être réel transmigrer?

Réfuter un au-delà des peines substantiel

Puisqu'il n'existe aucune chose qui transmigre réellement,
Il n'existe aucun au-delà des peines existant réellement.

Réfuter une substance du lien et de la libération

Les phénomènes composés apparaissent et disparaissent,
Ils ne sont pas liés, et ne se libèrent donc pas.
De même, les êtres ne sont pas liés et ne se libèrent pas.
Si l'appropriation était un lien en substance,
Celui qui s'approprie ne serait pas lié,
Car il serait différent en essence de l'appropriation.
Et si l'on ne s'approprie rien, on n'est pas lié non plus.
Comment un être pourrait-il est lié en substance?
Si le lien existait en substance avant ce qui est lié,
Alors le lien pourrait lier ce qui est lié,
Mais un lien ne peut exister séparément de ce qui est lié.
Celui qui est lié n'est pas libéré.
Celui qui n'est pas lié ne se libère pas.
En dehors de ce qui est lié et de ce qui n'est pas lié,
Qui pourrait se libérer?
Si un être lié substantiellement pouvait être libéré,
Alors l'enchaînement et la libération seraient simultanés.

Conclusion

"Un jour, sans appropriation, je passerai au-delà des peines,
Et j'atteindrai la libération."
Quiconque s'attache à cette pensée
A un très grand attachement!
Pourquoi concevoir un passage dans l'au-delà des peines?
Pourquoi concevoir une disparition de l'existence cyclique?
Tous les deux sont vides d'existence réelle!

Chapitre dix-sept:

Examen des actes et de leurs fruits

Introduction

Il existe trois sortes d'actes:
Ceux de l'esprit, de la parole, et du corps.
La discipline personnelle et la bienveillance pour autrui
Sont les graines qui portent fruit dans cette vie et les autres.
Si les actes possédaient une existence réelle,
Et qu'ils duraient jusqu'au moment de leur fruit,
Ils seraient permanents;
S'ils cessaient, comment donneraient-ils des fruits,
Puisqu'ils seraient détruits?

Première réplique: l'exemple de la pousse

"Il en est de même que pour le continuum d'une pousse
Qui se développe à partir d'une graine et qui donne un fruit.
Sans graine, le continuum ne se développe pas.
Puisque le continuum provient de la graine,
Et que le fruit provient du continuum,
La graine précède le fruit.
Il n'y a donc ni permanence ni non-existence.
De même, le continuum mental se développe à partir
D'un état d'esprit et de là provient le fruit.
Sans lui, le continuum ne se développe pas.
Puisque le continuum provient de l'état d'esprit,
Et que le fruit provient du continuum,
L'acte précède le fruit.
Il n'y a donc ni permanence ni non-existence."

Deuxième réplique: l'exemple de la dette

"Cette analyse entraîne de nombreuses erreurs.
Voici ce qui est approprié:
L'acte est comme une dette irrévocable inscrite sur un registre:
Il y a une conservation de l'acte.
On ne peut éliminer cette conservation simplement,
Mais seulement par la méditation et la réalisation
De la nature ultime des phénomènes.
Autrement, les fruits des actes
Sont immanquablement engendrés par cette conservation.
La conservation de tous les actes, similaires ou distincts,
Engendre, lors du passage d'un mode d'existence à un autre,
Le nouveau mode d'existence.
Chaque état du continuum d'un individu est ainsi
La conséquence de la totalité des actes accomplis auparavant."

Les actes n'ont pas d'existence inhérente.

Vacuité, non-cessation, existence cyclique et impermanence:
Les actes sont sans existence inhérente et ne se perdent pas.
Si les actes avaient une essence, ils seraient éternels,
Et ne pourraient être créés, car ce qui est éternel ne peut être créé.
Si les actes n'étaient pas créés,
On redouterait d'être atteint par des actes non accomplis,
Toutes les conventions seraient contredites,
Et il serait impossible de distinguer le bien du mal.
Les actes ayant porté fruit fructifieraient encore et encore,
Car s'ils avaient une essence, ils resteraient inchangés.
L'acte possède la nature des perturbations;
Les perturbations n'ayant aucune d'existence réelle,
Comment l'acte en aurait-il une?
Puisque les actes sont sans essence, ils ne sont pas produits.
Puisqu'ils ne sont pas produits, ils ne sont pas détruits.
Les actes et les perturbations sont les conditions du corps.
Si les actes et les perturbations sont vides d'existence inhérente,
Que dire du corps?
Puisqu'un acte substantiel n'est ni produit par des conditions,
Ni produit sans conditions,
L'agent effectuant cet acte n'existe pas réellement.
"S'il n'y a ni actes, ni agents,
Comment pourrait-il y avoir des fruits?
S'il n'y avait pas de fruits, qui pourrait les consommer?"
De même que, par magie, on peut créer une illusion,
Et que cette illusion peut elle-même en créer une autre,
L'agent est comme une illusion.
Et l'acte accompli par lui est comme l'illusion de l'illusion.

Conclusion

Les perturbations, les actes, les corps, les agents et les fruits
Sont comme une ville dans le ciel, un mirage ou un rêve.

Chapitre dix-huit:

Examen du soi et des phénomènes

Réfutation du moi et du mien

Si le soi était identique aux agrégats,
Alors, comme eux, il se produirait et cesserait.
S'il était différent des agrégats,
Il serait sans relation avec eux, ce qui est irrationnel.
S'il n'y a pas de soi,
Comment ce qui appartient au soi pourrait-il exister?
Lorsque le moi et le mien s'apaisent, on ne les appréhende plus,
Et celui qui n'appréhende pas un «je» et un «mien»
N'existe pas réellement.
Lorsque les vues du moi et du mien sont éteintes,
Les appropriations cessent, et ainsi la naissance cesse.
Par la cessation des actes et des passions vient la libération.
Actes et passions proviennent de la pensée conceptuelle,
Et la pensée conceptuelle cesse par la réalisation de la vacuité.
Conventionnellement, on peut parler de «soi» ou de «non-soi»,
Mais ultimement, ni «soi» ni «non-soi» n'existent.

Caractères de la réalité

Lorsque la pensée conceptuelle cesse,
Ce que le langage exprime n'apparaît plus.
Ni produite, ni détruite, la nature des choses est apaisement.
Tout est réel conventionnellement, tout est irréel ultimement,
Tout est à la fois réel conventionnellement et irréel ultimement,
Tout est à la fois ni réel ultimement ni irréel conventionnellement.
Non transmissible à autrui, apaisement,
Inexprimable, non conceptuel, sans distinctions,
Tels sont les caractères de ce qui est.
Tout ce qui vient à l'existence en dépendance d'autre chose
N'est ni identique à cette chose, ni différent d'elle,
Et n'est donc ni non-existant, ni permanent.
Ni identité, ni diversité, ni non-existence, ni permanence,
Voici le sublime enseignement!

Chapitre dix-neuf:

Examen du temps

Réfuter une nature propre des trois temps

Si un présent et un futur existant en soi dépendaient du passé,
Alors ils existeraient dans le passé,
Et présent et futur n'auraient pas de passé.
Si un présent et un futur existant en soi
Dépendaient du passé sans exister dans le passé,
Comment pourraient-ils en être dépendants,
Puisque présent et futur existeraient alors sans passé,
Et le passé existerait sans présent et futur?
De plus, un présent et un futur existant en soi
Ne peuvent dépendre du passé,
Car ce qui est établi en dépendance ne peut exister en soi.
Si présent et futur étaient indépendants du passé,
Ils ne pourraient pas exister.
Par conséquent, le présent et le futur
N'existent pas de manière inhérente,
Que ce soit en dépendance ou indépendamment du passé.
Il en est de même pour le passé et l'avenir par rapport au présent,
Le passé et le présent par rapport à l'avenir,
Le haut, le milieu et le bas, le bien, le mal et le neutre,
L'unité et la dualité, etc...

Réfuter une nature propre du temps

Un temps changeant ne peut être appréhendé:
On ne peut en saisir que des instants.
Un temps immuable ne peut être appréhendé,
Car alors passé, présent et futur existeraient ensemble.
Pourquoi parler d'un temps que l'on ne peut saisir?
Si le temps existait en dépendance d'autres choses,
Comment pourrait-il exister sans elles?
Puisqu'aucune chose n'existe réellement,
Comment un temps dépendant d'autres choses
Pourrait-il exister réellement?

Chapitre vingt:

Examen de l'assemblage

Réfuter une production par l'assemblage des causes

Réfuter une production par l'assemblage antérieur

Il est illogique qu'un effet produit
Par un assemblage de causes et de conditions,
Existe en lui-même dans cet assemblage,
Car il serait alors produit une deuxième fois.
Mais s'il n'existait pas en lui-même dans cet assemblage,
Comment pourrait-il être produit en soi par lui,
Puisqu'il serait alors inexistant?
Si un effet réel existait dans l'assemblage,
Il pourrait être appréhendé dans cet assemblage,
Mais ce n'est pas le cas.
Si l'effet n'existait pas dans l'assemblage,
Alors les causes et conditions seraient pareilles
A une absence de causes et de conditions.

Réfuter une production par l'assemblage simultané

Si un effet réel se produisait en même temps que l'assemblage,
Alors ce qui est produit et ce qui produit seraient simultanés,
Mais il n'y a pas simultanéité dans une relation de cause à effet.

Réfuter une production par l'assemblage ultérieur

Si un effet réel était produit avant l'assemblage,
Alors l'effet serait produit sans cause.

Réfuter une production par les causes elles-mêmes

Réfuter une cause et un effet de même nature

Si l'effet n'était que la transformation d'une cause substantielle,
Alors la cause subsisterait après l'effet
Et produirait le même effet indéfiniment.

Réfuter une cause et un effet de natures différentes

Réfuter une production par une cause détruite ou non

Comment une cause qui a cessé,
Pourrait-elle produire un effet?
Comment une cause qui ne cesse pas
Pourrait-elle produire un effet?
Si la cause, en donnant sa cause pour le fruit,
Cessait d'avoir son statut de cause,
Elle aurait deux natures en même temps:
Donnée et permanente, détruite et impermanente.
Si la cause cessait sans avoir donné sa cause,
Alors l'effet serait produit par une cause ayant cessé,
Et il serait sans cause.

Réfuter la production d'un effet vu ou non

Si la cause n'est pas reliée à l'effet, quel effet produira-t-elle?
Une cause ne peut produire un effet qu'elle a vu, car il existe déjà;
Une cause ne peut produire un effet qu'elle n'a pas vu,
Car sinon elle produirait n'importe quoi.

Réfuter une production sans contact

Il n'y a jamais contact entre un effet réel passé
Et une cause réelle passée, future ou présente.
Il n'y a jamais contact entre un effet réel présent
Et une cause réelle passée, future ou présente.
Il n'y a jamais contact entre un effet réel futur
Et une cause réelle passée, future ou présente.
Sans contact entre cause et effet
Comment une cause réelle pourrait-elle produire un effet réel?

Réfuter une production avec contact

Et même s'il y avait contact entre cause et effet,
Comment une cause réelle produirait-elle un effet réel,
Puisque cet effet existerait déjà?

Réfuter une production par une cause vide ou non d'effet

Si une cause est vide d'effet,
Comment peut-elle produire un effet?
Si une cause n'est pas vide d'effet,
Comment peut-elle produire un effet, puisque l'effet existe déjà?

Réfuter une production d'un effet vide ou non vide

Un effet non vide de nature propre
Ne se produit pas et ne cesse pas.
Comment un effet sans nature propre se produirait-il réellement?
Comment un effet sans nature propre cesserait-il réellement?
Ce qui est vide de nature propre
Est donc également non détruit et non produit.
Si l'effet existait en soi,
Comment une cause pourrait-elle le produire?
Si l'effet n'existait pas en soi,
Alors que produirait réellement la cause?

Réfuter la production par une cause identique ou non

La cause et l'effet ne sont pas identiques en soi,
Car sinon ce qui est produit et ce qui produit seraient identiques.
La cause et l'effet ne sont pas différents en soi,
Car sinon, puisqu'une cause différente en essence d'un effet
Ne peut produire un effet différent d'elle en essence,
La cause serait alors une non-cause.

Réfuter une production par une cause réelle

Il n'est pas tenable d'attribuer une causalité,
A quelque chose qui ne produit pas d'effet.
Si une cause réelle ne produit pas d'effet réel,
Par quelle cause réelle un effet peut-il donc être produit?

Conclusion

Un effet réel n'est ni produit par un assemblage
De causes et de conditions, ni sans assemblage.
S'il n'y a pas d'effet en soi, comment pourrait-il exister
Un assemblage de conditions existant en soi?

Chapitre vingt et un:

Examen de la production et de la cessation

Réfuter une nature propre de la production et de la cessation

Les réfuter en analysant si elles sont simultanées ou non

La cessation n'existe pas sans ou avec la production.
La production n'existe pas sans ou avec la cessation.
Comment pourrait-il y avoir cessation sans production?
Comment pourrait-il y avoir mort sans naissance?
Il n'existe donc pas de cessation sans production.
Comment la cessation et la production
Pourraient-elles être simultanées?
La mort et la naissance ne sont pas simultanées.
Comment pourrait-il y avoir production sans cessation,
Puisque tout est impermanent?
Comment la production et la cessation
Pourraient-elles être simultanées?
La naissance et la mort ne sont pas simultanées.
Puisqu'une production et une cessation en soi
Ne peuvent exister ni ensemble ni séparément,
Comment pourraient-elles être établies réellement?

Les réfuter pour une chose qui cesse ou qui ne cesse pas

La production ou la cessation de ce qui cesse est irrationnelle,
Car ce qui cesse n'existe pas en soi,
Et ne peut donc ni être produit, ni cesser en soi.
La production en soi de ce qui ne cesse pas est irrationnelle,
Car il n'existe aucun phénomène qui ne cesse pas.
La destruction en soi de ce qui ne cesse pas est irrationnelle,
Car il n'existe aucun phénomène qui ne cesse pas,
Et parce que ce qui ne cesse pas ne peut être détruit.

Les réfuter en analysant leur dépendance

Il n'y a pas de production ou de cessation sans quelque chose.
Sans production et cessation, les choses n'existent pas:
Production, cessation, et choses
Ne sont pas indépendantes les unes des autres.

Les réfuter pour un support vide ou non vide

Ce qui est vide de nature propre ne peut pas
Être réellement produit ou détruit.
Ce qui n'est pas vide de nature propre non plus.

Les réfuter en analysant leur identité ou altérité

La production et la cessation ne peuvent pas être identiques,
Puisqu'elles sont contradictoires.
Elles ne peuvent pas non plus être réellement différentes,
Car elles seraient alors indépendantes l'une de l'autre.
C'est par confusion que l'on conçoit
Une production et une cessation existant réellement.

Réfuter une production par autre chose, rien ou soi-même

Une entité n'est produite ni par autre chose ni par rien.
Ce qui n'est rien n'est produit ni par quelque chose ni par rien.
Une entité n'est produite ni par elle-même, ni par autre chose,
Ni par les deux à la fois: comment pourrait-elle alors produite?

Erreurs de permanence et d'anéantissement

Thèse

Si l'on croit à l'existence des entités,
Alors on adopte des vues de permanence et d'anéantissement,
Car les entités sont à la fois permanentes,
En raison de leur statut d'entité, et impermanentes,
Puisque tout est impermanent.

Objection

"Croire en l'existence des entités
N'entraîne pas l'anéantissement et la permanence:
L'existence est une série de productions et de cessations
De causes et d'effets."

Réponse

En admettant une série existentielle

Si l'existence était une une série de causes et d'effets
Qui apparaissent et disparaissent,
Alors la cause serait anéantie, mais qu'une chose
Existant en soi vienne à ne plus être est irrationnel.

Réfuter une nature propre de la série existentielle

Lorsque un état précédant un nouvel état d'une série a cessé,
L'existence d'un nouvel état est illogique.
Mais s'il ne cesse pas,
L'existence d'un nouvel état est également illogique.
Si l'état précédant un nouvel état est en train de cesser
Pendant que le nouvel est en train de se produire,
Alors ces deux états seraient simultanés et distincts,
Sans relation entre eux.
Puisqu'un nouvel état d'une série ne peut réellement exister,
Que l'état précédent ait cessé, qu'il n'ait pas cessé,
Ou qu'il soit en cours de cessation, une série d'existence
Ne peut réellement exister dans les trois temps:
Comment pourrait-il alors y avoir une série d'existence réelle?

Chapitre vingt-deux:

Examen de Celui-ainsi-allé

Réfuter une nature propre de Celui-ainsi allé

Un Ainsi-allé existant substantiellement
N'est ni identique aux agrégats,
Ceux-ci étant plusieurs et en constant changement,
Et celui-ci étant un et inchangeant,
Ni différent d'eux, sinon il existerait sans agrégats.
Ils ne sont pas en lui, il n'est pas en eux, il ne les possède pas.
Qu'est donc alors un "Ainsi-allé"?

Réfuter sa nature propre puisque dépendante des agrégats

Puisque l'Éveillé dépend des agrégats,
Il n'existe pas en essence,
Car ce qui dépend d'autre chose ne peut exister par soi-même.

Réfuter un Ainsi-allé appropriateur des agrégats

Celui-ainsi-allé ne peut exister d'abord sans les agrégats,
Et se les approprier ensuite,
Car un Ainsi-allé ne peut pas exister sans agrégats.
Il n'y a pas d'appropriation sans appropriateur.
Il n'y a pas d'Ainsi-allé sans appropriation.
Lorsqu'on le cherche, on ne trouve aucun Ainsi-allé
Existant réellement qui soit identique ou différent des agrégats.
Comment pourrait-on alors désigner un Ainsi-allé réel
Comme appropriateur des agrégats?

Réfuter sa nature propre car les agrégats en sont dépourvus

Comment un Ainsi-allé pourrait-il exister en soi en dépendance
Des agrégats puisque eux-même sont sans essence?
Comment pourrait-on, par ce qui est vide de nature propre,
Désigner un Ainsi-allé existant réellement?
Appropriation et appropriateur sont donc complètement vides.

Enseignements sur les vues erronées

On ne peut pas déclarer «est vide», «non vide»,
«A la fois vide et non vide», ou «ni vide ni non vide».
Ce ne sont que des mots, des désignations.
Comment peut-on parler de permanence, d'impermanence,
De fini, ou d'infini pour l'Apaisé?
Celui qui croit que Celui-ainsi-allé existe
Croira aussi qu'il n'existera plus après l'au-delà des peines.
Puisque l'Éveillé est vide par nature,
Penser qu'il existe ou non après l'extinction est absurde.
Ceux qui développent des concepts au regard de l'Éveillé,
Qui est au-delà de tous concepts,
Ne voient pas Celui-ainsi-allé.

Conclusion

La nature de l'Ainsi-allé est la nature du monde.
Celui-ainsi-allé n'a pas d'essence, le monde n'a pas d'essence.

Chapitre vingt-trois:

Examen des méprises

Réfuter une nature propre des perturbations et des méprises

Réfuter les perturbations par la dépendance

Le désir, l'aversion et la confusion
Proviennent de concepts erronés.
Ils dépendent de ce que l'on conçoit
Comme agréable, désagréable, et des quatre méprises:
Concevoir comme permanent, bien-être, pur et soi
Ce qui ne l'est pas.
Ce qui dépend de l'agréable, du désagréable et des méprises
N'existe pas selon une nature propre;
Les perturbations n'existent donc pas réellement.

Réfuter les perturbations par l'absence du soi

L'existence ou l'inexistence réelle d'un soi ne peut être établie:
Sans cela, comment l'existence ou l'inexistence réelle
Des perturbations pourrait-elle être établie?
Les perturbations sont celles d'un sujet qui les éprouve.
Sans lui, par qui seraient-elles éprouvées?
De même qu'il n'existe pas réellement
Un corps identique ou différent du sujet du corps,
Ou un corps qui soit dans le sujet du corps,
Ou un sujet du corps qui soit dans le corps ou possédant le corps,
Les perturbations n'existent pas réellement
Par rapport à celui qui les éprouve.
De même qu'il n'existe pas réellement
Un sujet du corps identique ou différent du corps,
Ou un sujet du corps qui soit corps,
Ou un corps qui soit dans le sujet du corps ou le possédant,
Celui qui éprouve les perturbations
N'existe pas réellement par rapport à elles.

Réfuter les causes des perturbations

Puisque les choses agréables, désagréables, et les méprises
N'existent pas réellement,
Les perturbations n'existent pas en elles-même,
Puisqu'elles en dépendent.
La forme, le son, l'odeur, le goût, le toucher
Et les objets de l'esprit sont les six fondations
Du désir, de l'aversion et de la confusion,
Et sont pareils à une ville dans le ciel, un mirage, ou un rêve.
Comment ce qui est agréable ou désagréable
Pourrait réellement venir à l'existence
Dans ce qui est comme une personne illusoire ou un reflet?
Le désagréable dépend de l'agréable,
L'agréable dépend du désagréable.
Agréable et désagréable n'existent donc pas en soi.
Puisque l'agréable n'existe pas en soi
Comment le désir existerait-il en soi?
Puisque le désagréable n'existe pas en soi,
Comment l'aversion existerait-elle en soi?

Réfuter les méprises et un sujet des méprises

La saisie, celui qui saisit et ce qui est saisi conceptuellement,
Tout cela est apaisé, tout cela n'existe pas réellement.
Si, fausse ou juste, il n'y a pas réellement de saisie,
Qui pourrait réellement être en méprise ou en non-méprise?
Une méprise est irrationnelle pour qui s'est déjà trompé.
Une méprise est irrationnelle pour qui ne s'est pas trompé.
Une méprise est irrationnelle pour qui est en train de se tromper,
Car rien n'existe en dehors du produit et du non encore produit.
En qui donc les méprises sont elles possibles?
Quand une méprise ne s'est pas encore produite,
Comment existerait-elle?
Quand une méprise ne s'est pas encore produite,
Comment existerait-il une personne en erreur?
Puisqu'il n'existe rien réellement qui se produise par soi-même,
Par autre chose, ou par les deux à la fois,
Aucune méprise n'est produite réellement;
Comment existerait-il alors une personne réelle en erreur?
Si les méprises de permanence, bien-être, pureté et soi
Existaient de manière inhérente,
Alors elles ne seraient pas des méprises!
Puisque la permanence, le bien-être, la pureté et le soi
N'existent pas de manière inhérente,
Alors l'impermanence, le non-bien-être, la non-pureté et le non-soi
N'existent pas de manière inhérente non plus.

Conclusion

Par la cessation des méprises, la confusion cesse.
Quand la confusion cesse,
Les formations et les autres liens de l'existence cessent.
Si les perturbations existaient en essence,
Comment pourraient-elles être abandonnées?
Qui pourrait éliminer ce qui existe de manière inhérente?
Puisque les perturbations n'existent pas en essence,
Il n'y a pas de passions réelles que l'on doive abandonner.
Qui pourrait éliminer ce qui n'existe pas vraiment?

Chapitre vingt-quatre:

Examen des nobles vérités

Critiques de la vacuité

"Si tout était vacuité,
Alors rien n'apparaîtrait et rien ne cesserait,
Et les nobles vérités de la compréhension de la souffrance,
De son origine, de sa cessation et de la pratique de la voie,
N'existeraient pas.
Sans cela, pas de fruit de la pratique,
Et personne pour espérer les atteindre ou les réaliser.
Sans eux, pas de communauté de pratiquants.
Sans les nobles vérités, pas d'enseignement.
Sans enseignement et communauté de pratiquants
Comment pourrait-on s'éveiller?
En professant ainsi la vacuité, on rejette les Trois Joyaux,
Les actes et leurs effets, le bien et le mal,
Et toutes les conventions du monde!"

Réponses

Mauvaise compréhension de la vacuité

Vous ne comprenez ni la nature de la vacuité,
Ni pourquoi nous l'enseignons!
Les enseignements des Éveillés repose sur deux vérités:
Celle des conventions mondaines et celle de sens ultime.
Ceux qui ne comprennent pas leur différence
Ne comprennent pas la profondeur des enseignements.
Sans prendre appui sur les conventions mondaines,
On ne peut pas enseigner le sens ultime.
Sans comprendre le sens ultime, la libération est impossible.
Une mauvaise interprétation de la vacuité
Détruit les personnes de faible intelligence,
Comme un serpent mal saisi
Ou une formule magique mal prononcée.
C'est pourquoi, sachant qu'il est difficile de comprendre
La profondeur des enseignements
L'Éveillé s'abstint tout d'abord de les enseigner.
Les objections que vous adressez à la vacuité sont dues
À votre confusion quant à sa signification et sont inacceptables.

Les erreurs s'appliquent au contradicteur lui-même

Pour celui dont la vacuité est claire, tout est clair.
Pour celui dont la vacuité n'est pas claire, rien n'est clair.
Vous faites retomber sur nous vos propres erreurs,
Oubliant le cheval sur lequel vous montez!
Si l'on perçoit que les choses existent en essence,
On les perçoit comme dépourvues de causes et de conditions,
Et l'on rejette effets et causes, agents, instruments et actions,
Productions, cessations et fruits.

Sens de la vacuité

Ce qui apparaît en dépendance,
Voici ce que nous appelons vacuité.
C'est une désignation dépendante, c'est la voie du milieu.
Il n'existe rien qui ne soit produit en dépendance,
Il n'existe donc aucun phénomène qui ne soit vacuité.

Fautes de ne pas accepter la vacuité

Impossibilité des quatre vérités

Si tout était non-vacuité,
Il n'y aurait ni production, ni cessation,
Et les nobles vérités n'existeraient pas.
Si elle n'était pas produite en dépendance,
Comment la souffrance existerait-elle?
Puisque la souffrance est impermanente,
Elle ne peut exister par sa propre essence.
Si la souffrance existait par sa propre essence,
Comment aurait-elle une cause?
Celui qui rejette la vacuité rejette l'origine de la souffrance.
Si la souffrance existait par sa propre essence,
Sa cessation n'existerait pas.
Donc, si on conçoit une essence,
On rejette la cessation de la souffrance.
Si le chemin avait une essence,
Le parcourir serait irrationnel.
Si le chemin est parcouru, il est donc sans essence.
Si la souffrance, sa cause et sa cessation n'existaient pas,
Par quel chemin obtiendrait-on la cessation de la souffrance?

Impossibilité de la compréhension et des fruits

Si la confusion existait réellement,
Comment la compréhension adviendrait-elle?
Ce qui existe en essence n'est-il pas immuable?
De même, l'élimination de l'origine de la souffrance,
La réalisation de sa cessation, la pratique de la voie
Et les fruits de la compréhension seraient impossibles.
Pour celui qui conçoit une essence dans les choses,
Les fruits non atteints ne pourront jamais l'être.

Impossibilité des trois joyaux

Sans fruits, personne pour espérer les atteindre ou les réaliser,
Et donc pas de communauté de pratiquants.
Sans les nobles vérités, pas d'enseignement;
Sans enseignement ni communauté de pratiquants,
Comment s'éveiller?
Sans vacuité, on s'éveillerait indépendamment de l'éveil,
Et l'éveil serait indépendant de celui qui s'éveille;
Celui qui par essence ne serait pas encore éveillé
Ne s'éveillerait jamais, quels que soient ses efforts.

Impossibilité de la causalité

Nul ne ferait jamais de bonnes ou de mauvaises actions.
Dans la non-vacuité, que pourrait-on faire?
Il n'y a pas d'activité dans la nature propre.
Le fruit s'élèverait
Indépendamment des bonnes et mauvaises actions.
Sans vacuité, il n'existerait pas de fruit
Causé par les bonnes et mauvaises actions.
Et si le fruit est causé par les bonnes et mauvaises actions,
Comment ne serait-il pas vacuité?

Impossibilité des conventions mondaines

Lorsque l'on rejette la production dépendante,
On rejette la vacuité,
Et l'on rejette toutes les conventions mondaines.
Si la vacuité est rejetée, il n'y aucune activité possible,
Ou alors les activités sont sans agent, et les agents sans activité.
Si la nature propre existait, rien ne naîtrait ni ne cesserait,
Tout serait à jamais immuable, sans aucune variation.
Si les choses n'étaient pas vacuité,
On ne pourrait jamais rien accomplir;
Mettre fin à la souffrance et abandonner les perturbations
Seraient alors impossibles.

Voir la production dépendance est voir les quatre vérités

Qui voit la production dépendante voit la souffrance,
Son origine, sa cessation et la voie.

Chapitre vingt-cinq:

Examen de la libération

Objection: la libération est incompatible avec la vacuité
"Si tout était vacuité,
Rien n'apparaîtrait et rien ne cesserait.
Par l'abandon de quelles passions et l'arrêt de quels agrégats
La libération adviendrait-elle alors?"

Réponse

Si tout était non-vacuité,
Il n'y aurait ni apparition ni cessation.
Par l'abandon de quelles passions et l'arrêt de quels agrégats
La libération adviendrait-elle alors?

Expliquer la libération

Non-abandon, non-obtention,
Non-anéantissement, non-permanence,
Non-cessation, non-production:
Voici la libération.

Réfuter la libération selon les quatre extrêmes

Réfuter que la libération soit une entité

La libération n'est pas une chose substantielle,
Sinon elle aurait les caractères de vieillissement et de mort,
Puisque tout a le caractère de vieillissement et de mort.
Si l'extinction était une chose substantielle, elle serait composée.
Puisqu'il n'existe nulle part de chose non-composée.
Si l'extinction était une chose substantielle,
Comment serait-elle non-dépendante?
En effet, une chose non-dépendante n'existe nulle part.

Réfuter que la libération soit une non-entité

Si la libération n'est pas une chose substantielle,
Comment pourrait-elle être une non-chose substantielle?
Là où la libération n'est pas une chose,
Elle ne peut pas être une non-chose.
Si la libération était une non-chose substantielle,
Comment pourrait-elle être non-dépendante?
En effet, une non-chose non-dépendante n'existe pas.

Réfuter que la libération soit à la fois entité et non-entité

Si la libération était à la fois une chose et une non-chose,
Elle ne serait pas non-dépendante,
Puisque toutes les choses et non-choses sont dépendantes.
Comment la libération pourrait-elle être
A la fois une chose et une non-chose?
La libération est incomposée,
Mais les choses et non-choses sont composées.
Comment la libération pourrait-elle être
À la fois une chose et une non-chose?
Choses et non-choses ne peuvent exister en un même lieu,
Tout comme la lumière et les ténèbres.

Réfuter que la libération soit ni entité ni non-entité

Puisqu'il faut abandonner l'attachement
A l'existence ou à la destruction, il est logique
Que la libération ne soit ni une chose, ni une non-chose.
Il serait juste de dire que la libération
N'est ni une chose ni une non-chose en essence
Si les choses et les non-choses en essence étaient fondées.
Si la libération n'était en essence ni une chose ni une non-chose,
Qui pourrait dire "ni chose ni non-chose"?

Non-différence entre existence cyclique et libération

Ce qui est considéré comme allant et venant,
Dépendant et conditionné, cela même,
Non considéré comme dépendant et changeant, est la libération.
Il n'y a pas la moindre différence
Entre l'existence cyclique et la libération.
Il n'y a pas la moindre différence
Entre la libération et l'existence cyclique.

Conséquences de réification de la libération, du début et de la fin.

Toutes les vues relatives à l'existence ou l'inexistence en soi
D'un être libéré, à une fin ou non du monde en soi,
Et à la permanence ou l'impermanence en soi du monde
Présupposent les concepts de libération,
De commencement et de fin en soi.
Après sa libération, celui qui est libre
N'est en essence ni un être, ni un non-être,
Ni les deux à la fois, ni aucun des deux.
De son vivant, celui qui est libre
N'est en essence ni un être, ni un non-être,
Ni les deux à la fois, ni aucun des deux.
Puisque toutes les choses sont vacuité,
Qu'est-ce qui est fini ou infini?
Qu'est-ce qui est à la fois fini et infini?
Qu'est-ce qui est ni fini ni infini?
Qu'est-ce qui est permanent et qu'est-ce qui est impermanent?
Qu'est-ce qui est à la fois permanent et impermanent?
Qu'est-ce qui n'est ni permanent ni impermanent?
Qu'est-ce qui est identique et qu'est-ce qui est différent?

Conclusion

La paix est la dissolution de tous les objets d'observation,
La pacification des différenciations et de l'illusion.
Ceux qui sont libres n'ont jamais rien expliqué
A qui que ce soit et en aucun lieu.

Chapitre vingt-six:

Examen des facteurs de l'existence

Processus de fonctionnement des douze facteurs de l'existence

Voilés par les ténèbres de la confusion,
Les êtres accomplissent des actes qui perpétuent
Leur croyance en une existence réelle.
Ainsi leur conscience se perpétue, et avec elle les cinq agrégats.
Avec les cinq agrégats, les six sens peuvent continuer d'exister,
Et avec eux le contact entre un organe des sens,
Son objet, et la conscience peut avoir lieu.
En dépendance du contact, on éprouve diverses
Sensations agréables, désagréables et neutres;
En dépendance desquelles vient le désir;
Avec le désir vient l'attachement aux phénomènes.
Avec l'attachement, celui qui s'attache se perpétue.
Sans attachement, il serait libre et ne viendrait pas à l'existence.
L'existence n'est rien d'autre que les cinq agrégats.
Avec l'existence vient la naissance et la cessation,
Souffrances et tourments, confusion et agitation.
Tout ceci est issu de la naissance du soi,
Ainsi est produit cet océan de souffrance.

Processus d'élimination de la souffrance

Les actes sont la racine de l'existence cyclique.
Les sages, voyant les choses telles qu'elles sont,
N'agissent pas, à l'inverse des personnes confuses.
Les actes cessent par la cessation de l'ignorance.
L'ignorance cesse par la méditation et la réalisation
De la véritable nature de tous les phénomènes:
Avec la cessation du "ceci" et du "cela",
L'océan de souffrance se vide entièrement!

Chapitre vingt-sept:

Examen des vues

Citer les vues erronées

«Ai-je existé dans le passé?», «N'ai-je pas existé dans le passé?»
Ces vues et celles relatives à la permanence et l'impermanence
Du monde reposent sur la conception d'une limite antérieure.
«Existerai-je dans le futur?», «N'existerai-je pas dans le futur?»
Ces vues et celles relatives à une fin ou une non-fin du monde
Reposent sur la conception d'une limite postérieure.

Réfuter les vues d'un soi dans le passé

Réfuter la vue de l'existence passée

Dire «J'ai existé dans le passé» est irrationnel:
Celui qui existait dans le passé n'est pas identique
A celui qui est maintenant.
Si le soi passé était identique au soi présent,
Les agrégats que le soi s'approprie seraient eux aussi identiques.
Et comment existerait-il sans appropriation des agrégats?
S'il n'y a pas de soi sans appropriation,
L'appropriation serait-elle le soi?
Non, car l'appropriation va et vient.
Par ailleurs, comment l'appropriateur
Pourrait-il être identique à ce qu'il s'approprie?
Un soi distinct de ce qui est approprié est de même irrationnel,
Car on l'appréhenderait même en l'absence des agrégats.
Le soi n'est donc ni identique, ni différent de ce qui est approprié,
Et il n'y a pas de soi sans appropriation.
Mais dire que le soi n'existe pas est également erroné.

Réfuter la vue de l'inexistence passée

Dire «Je n'existais pas dans le passé» est irrationnel:
Celui qui existait dans le passé n'est pas différent en essence
De celui qui est maintenant, sinon celui qui existe à présent
Existerait indépendamment de celui qui existait dans le passé,
Et de plus ce dernier ne disparaîtrait jamais.
Il s'ensuivrait que la loi de cause à effet serait chaotique:
Les fruits des actions se perdraient n'importe où,
Et les actes d'un agent seraient éprouvées par d'autres.
Le soi ne peut non plus venir à l'existence
Après avoir été inexistant, sinon il serait sans cause.

Résumé et conclusion

Ainsi, les vues «J'existais», «Je n'existais pas»,
«J'existais et je n'existais pas»,
«Je n'étais ni existant ni non existant»
Relativement au passé sont irrationnelles.

Réfuter les vues d'un soi dans le futur

Les vues «J'existerai dans le futur»,
Ou «Je n'existerai pas dans le futur»
Sont analogues à celles concernant le passé.

Réfuter les vues de permanence et d'impermanence

Si dans un continuum l'état de quelque chose était identique
En essence à son état précédent, il y aurait permanence;
Tout nouvel état serait sans naissance,
Car tout ce qui est permanent est sans naissance.
Si dans un continuum l'état de quelque chose était différent
En essence de son état précédent, il y aurait impermanence,
Et cette différence entraînerait l'irrationalité d'un continuum.
Si une chose avait en partie un nouvel état,
Et en partie un état précédent,
Il y aurait à la fois permanence et impermanence,
Ce qui est irrationnel.
Si la permanence et l'impermanence en soi étaient établies,
Alors la non-permanence et la non-impermanence en soi
Pourraient l'être aussi.
S'il existait un être réel allant et venant,
Alors l'existence cyclique serait éternelle, sans début ni fin.
Mais un tel être n'existe pas.
Si n'existe rien de permanent, qu'est-ce qui sera impermanent,
A la fois permanent et impermanent,
Ou ni permanent, ni impermanent?

Réfuter les vues relatives à la finitude et l'infinitude

Si l'univers était fini, comment pourrait-il y en avoir un autre?
Si l'univers était infini, comment pourrait-il y avoir un autre?
Puisque le continuum des agrégats
Est comme la lumière d'une lampe,
Les notions de finitude et d'infinitude
D'un univers existant en essence sont irrationnelles.
Si les agrégats anciens étaient détruits,
Et que des agrégats nouveaux, dépendants des anciens,
N'étaient pas produits, alors le monde aurait une fin.
Si les agrégats anciens n'étaient pas détruits,
Et que des agrégats nouveaux, dépendants des anciens,
N'étaient pas produits, alors le monde serait infini.
S'il le monde était en partie fini et en partie infini,
Alors il serait à la fois fini et infini, ce qui est contradictoire.
Une partie de l'appropriateur existant en soi serait détruite
Et une autre non? Cette vue est absurde.
Une partie de l'appropriation existant en soi serait détruite
Et une autre non? Cette vue est absurde.
S'il était établi que le monde est à la fois fini et infini,
Alors il pourrait être établi qu'il ne soit ni fini ni infini.

Réfuter ces vues par la vacuité

Puisque tout est vide d'existence réelle,
Quelle est la nature des vues de permanence, d'impermanence,
De fin ou de non-fin du monde, d'existence et d'inexistence?
Sur quoi portent-elles réellement?
Dans l'esprit de qui pourraient-elles apparaître?
Pourquoi apparaissent-elles?

Conclusion du traité

Hommage à Gotama, qui, par compassion,
A énoncé le sublime enseignement
Qui mène à l'apaisement de toutes les vues.

Re: Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 03 juil.20, 09:13
par J'm'interroge
J'ajouterais ceci :


Il existe 2 valeurs de vérité et donc 4 statuts de vérité :

a écrit :- Formellement vrai :

________________________ logiquement consistant


- Formellement faux :

________________________ contradictoire
________________________ paradoxal


- Formellement vrai ou faux :

________________________ ambigu
________________________ indéterminé
________________________ indécidable


- Non formel : ni vrai ni faux :

________________________ non sens
________________________ problème de syntaxe
________________________ impossibilité de formuler
.

Re: Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 03 juil.20, 21:36
par vic
Super intéressant .
C'est à lire et à relire parce que Nagarjuna c'est compliqué à comprendre .
Mais c'est tellement profond ....

je rajouterais que l'insubstantialité n'a rien à voir avec l'immatérialité , l'immatérialité est encore un phénomène conceptuel . je dis ça pour monstre le puissant avec son supposé monde immatériel dans un au delà . :hi:

Re: Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 03 juil.20, 21:58
par ESTHER1
Pavé impossible à digérer ! Ce qui se conçoit bien s' énonce clairement et pour le dire les mots viennent aisément ! " C' est de qui ? ( sujet du bac !)

Re: Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 03 juil.20, 22:37
par vic
ESTHER1 a écrit : 03 juil.20, 21:58 Pavé impossible à digérer ! Ce qui se conçoit bien s' énonce clairement et pour le dire les mots viennent aisément ! " C' est de qui ? ( sujet du bac !)
Justement , cette phrase de sujet de bac peut être contestée , un sujet de bac ne veut pas dire approuver la phrase d'un auteur .
Je ne pense pas qu'on puisse parler de chose qu'on peut concevoir justement dans le bouddhisme , puisque ce dont parle Nagarjuna est au delà des concepts .
Nagarjuna parle plutôt d'un paradoxe d'impossibilité à concevoir la réalité et justement ça contredit l'auteur que tu cites , on ne peut pas concevoir la réalité dans son essence . Ce que nous pensons concevoir ne sont que des apparaitres .Voilà en sommes ce qu'explique Nagarjuna .
L'auteur que tu cites semble enfermer la réalité dans des concepts, hors c'est très douteux et pas clair du tout de prétendre que le concept soit la réalité justement .Ce que l'on conçoit = se qui fait référence au concept .

Re: Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 03 juil.20, 22:50
par J'm'interroge
ESTHER1 a écrit : 03 juil.20, 21:58Pavé impossible à digérer !
Pour toi sans doute.

ESTHER1 a écrit : 03 juil.20, 21:58 Ce qui se conçoit bien s' énonce clairement et pour le dire les mots viennent aisément ! " C' est de qui ? ( sujet du bac !)
Boileau.

Mais ce n'est pas parce que tu comprends pas ce qui est énoncé là que ce n'est pas dit clairement.

J'imagine que par exemple tu ne comprends pas la démonstration de Perelman, pourtant dirais-tu qu'elle n'est pas claire parce que tu ne la comprends pas ?

_________
vic a écrit : 03 juil.20, 22:37 Justement , cette phrase de sujet de bac peut être contestée , un sujet de bac ne veut pas dire approuver la phrase d'un auteur .
Je ne pense pas qu'on puisse parler de chose qu'on peut concevoir justement dans le bouddhisme , puisque ce dont parle Nagarjuna est au delà des concepts .
Ce qui est au-delà du concept ne se comprend pas, mais ce que dit Nagurjuna est pourtant conceptuellement clair. Il expose le concept cohérent d' "inconceptualisable" ainsi que la bancalité de certains concepts.

Re: Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 03 juil.20, 22:57
par vic
a écrit :J'minterroge a dit à Esther : Mais ce n'est pas parce que tu comprends pas ce qui est énoncé là que ce n'est pas dit clairement.
Tout à fait .
Et pour Nagarjuna , les mots pour le dire lui viennent aisément .
En résumé , Esther n'a rien compris à la phrase de Boileau .

Re: Le Traité du Milieu de Nagarjuna

Posté : 13 sept.20, 19:19
par Recherches22
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