Complexité de l'objection du mal
Posté : 01 juin21, 14:19
Pour montrer la complexité de l’objection du mal :
1)Supposons l’absence totale de vivants. Ne resterait que l’univers matériel inanimé, doué de mouvement local et de liens chimiques. Il est vrai que en un sens (en langage classique on appelle ca corruption) une molécule de sel se décomposant en sodium et chlore « meurt », comme un vivant qui se décompose, Mais personne ne juge cela un mal. Il y aurait dans cet univers des volcans, les explosions d’étoiles , des tsunamis, des désertifications de planètes, le refroidissement de l’univers, mais semble-t-il, aucun mal, juste des imperfections naturelles, car tout ce qui n’est pas Dieu est limité. Seules les imperfections non dues sont des maux, des perfections manquantes comme la cécité ou le vice moral.
Donc aucun mal.
2) Supposons L’absence totale de personnes, d’humanité. Le mal moral est inexistant car les animaux en sont incapables. Reste le mal physique, que St Thomas appelle mal de peine. Ne pas confondre avec la douleur, qui sert à écarter les maux et blessures en les fuyant. Serions nous prêts à dire que les lions qui mangent les gazelles qui mangent de l’herbe constituent une situation mauvaise? – oui pour les gazelles, non pour les lions Certes le mal, dans la conception la plus classique , est une perfection manquante, et une vie écourtée ou estropiée par un lion est un manque, c’est incontestable. Il ne s’agit donc pas de nier une existence réelle du mal.
Ici intervient un argument très important dans la tradition : l’existence des maux particuliers pour le bien de l’ensemble, dans l’exemple, l’ensemble de la vie animale. Les animaux n’étant pas des personnes, on peut penser que leur individualité passe en second par rapport à l’espèce, et il se crée ainsi un équilibre global dans les interactions. Considérant que ces interactions maTÉrielles ont lieu entre des êtres nécessairement imparfaits, il semble que dans tout monde possible quel qu’il soit, des maux se produiront par les rouages de la machine, les lois de la nature produiront des accidents, pour ainsi dire, ou des subordinations partiellement destructrices d’éléments. Aucun être matériel ne peut être invulnérable, ce serait un cercle carré. Pour prendre le mot de Leibniz, cette invulnérabilité n’est pas compossible, compatible avec les autres événements, et ce dans quelque univers que ce soit. Donc Dieu reste tout puissant en créant ce qu’il crée car la toute puissance ne consiste aucunement à créer des cercles carrés.
3)Plus difficile est le cas de l’homme, bien qu’ici nos réticences peuvent nous faire soupconner de l’anthropomorphisme égotiste qui voudrait que Dieu nous obéisse et nous interprétons la bienveillance à l’avenant (surtout dans les pastos cucu).
D’abord, nous sommes responsables du mal moral, donc ne reste que le mal de peine. Mais nous sommes des créatures, dépendantes à chaque seconde de l’action divine pour exister, donc continuellement débiteurs, et nous devons être prêts à rembourser à tout instant, ce qui est dans l’ordre naturel des choses. Nous n’avons aucun droit devant Dieu car nous devons absolument tout. Donc, sous l’angle divin, la mort des vivants qui se produit chaque jour et se produira quand la terre ne sera plus habitable, sous causalité des lois naturelles créées par Dieu, la mort des vivants n’est aucunement une injustice de sa part. Ceci inclut la mortalité infantile. Ceci du coté divin.
Du coté humain, c’est plus compliqué et paradoxal. Il est incontestable que la cécité ou la mortalité infantile soient des maux, des manques de croissance-développement naturels (au sens de essentiel, dans la ligne des potentialités de la nature de chaque être). Mais d’un autre coté nous recevons la vie matérielle avec ses limitations, incluant la mortalité infantile. Tout être matériel placé dans une nature en mouvement va subir les interactions avec la nature et avec le temps des êtres , en quantité minoritaire généralement, seront endommagés. C’est la rancon de la vie matérielle complexe avec fonctions élaborées : elle est plus fragile que la matière simple car plus susceptible de se décomposer (ce que nous appelons la mort). Impossible d’avoir le beurre et l’argent du beurre. La fragilité est la rancon de la complexité, c’est pcq nous sommes plus parfaits que nous avons plus à perdre. A supposer donc que cela soit inévitable, autant que l’impossibilité d’un cercle carré, la seule solution pour Dieu aurait été de ne créer aucune matière, ce qui est le néant, ce qui est encore pire dans la ligne de l’imperfection. C’est le sens de l’argument de Leibniz sur le meilleur des mondes possibles, malgré le mal.
Reste un problème peut être plus épineux. Une fois admises les lois de la matière et leurs effets parfois créateurs de maux, il demeure possible à Dieu de modifier ces lois temporairement et rien n’empêcherait qu’il le fasse en cas de tout dérapage grave. Or il ne le fait pas.
Une hypothèse voudrait que ce soit par manque de bonté.
Une autre hypothèse serait celle de Leibniz et de la tradition : les maux sont là pour un bien total de l’ensemble plus grand, en vertu de plusieurs facteurs, par exemple les vertus qui peuvent être stimulées par les maux : la patience, le rappel des limites, l’apprentissage de la mort; ou encore et surtout les conséquences du péché originel, par lequel toute l’humanité a tendance au mal, qui doit être puni pour être combattu. Bref la supériorité infinie des biens de l’ame sur les biens du corps.
St Thomas se concentre sur ce type de réponse, ce qui est significatif étant donné sa si grande clairvoyance : Somme I :
« Objections :
1. De deux contraires, si l’un est infini, l’autre est totalement aboli. Or, quand on prononce le mot
Dieu, on l’entend d’un bien infini. Donc, si Dieu existait, il n’y aurait plus de mal. Or l’on trouve du
mal dans le monde. Donc Dieu n’existe pas.
.....
A l’objection du mal, S. Augustin répond : “ Dieu, souverainement bon, ne permettrait
aucunement que quelque mal s’introduise dans ses œuvres, s’il n’était tellement puissant et bon que
du mal même il puisse faire du bien. ” C’est donc à l’infinie bonté de Dieu que se rattache sa
volonté de permettre des maux pour en tirer des biens. »
Il y aura toujours un coté insatisfaisant dans cette explication à cause de son caractère hypothétique, qui peu apparaitre fabriqué, la situation étant si infiniment complexe qu’il nous est impossible de prouver rigoureusement que les maux finissent par donner nécessairement un bien plus grand. C’est pourquoi certains tels Jean Delumeau restent agnostiques sur la question.
Cependant il n’est pas nécessaire de prouver pour faire face à l’objection qui dirait que Dieu manque de bonté, car une simple hypothèse suffit à bloquer la conclusion de l’objection, à la rendre elle aussi simplement hypothétique, et non catégorique.
Sans compter l’autre angle possible : si Dieu donne tout, il ne manque pas de bonté en reprenant, puisque ce plan fait partie de sa bonté originale en donnant; et il peut utiliser le mal terrestre pour ce faire, puisque de toute facon tout est repris un jour ou l’autre. Dieu n’est pas bon en donnant tout sans aucune limite.
1)Supposons l’absence totale de vivants. Ne resterait que l’univers matériel inanimé, doué de mouvement local et de liens chimiques. Il est vrai que en un sens (en langage classique on appelle ca corruption) une molécule de sel se décomposant en sodium et chlore « meurt », comme un vivant qui se décompose, Mais personne ne juge cela un mal. Il y aurait dans cet univers des volcans, les explosions d’étoiles , des tsunamis, des désertifications de planètes, le refroidissement de l’univers, mais semble-t-il, aucun mal, juste des imperfections naturelles, car tout ce qui n’est pas Dieu est limité. Seules les imperfections non dues sont des maux, des perfections manquantes comme la cécité ou le vice moral.
Donc aucun mal.
2) Supposons L’absence totale de personnes, d’humanité. Le mal moral est inexistant car les animaux en sont incapables. Reste le mal physique, que St Thomas appelle mal de peine. Ne pas confondre avec la douleur, qui sert à écarter les maux et blessures en les fuyant. Serions nous prêts à dire que les lions qui mangent les gazelles qui mangent de l’herbe constituent une situation mauvaise? – oui pour les gazelles, non pour les lions Certes le mal, dans la conception la plus classique , est une perfection manquante, et une vie écourtée ou estropiée par un lion est un manque, c’est incontestable. Il ne s’agit donc pas de nier une existence réelle du mal.
Ici intervient un argument très important dans la tradition : l’existence des maux particuliers pour le bien de l’ensemble, dans l’exemple, l’ensemble de la vie animale. Les animaux n’étant pas des personnes, on peut penser que leur individualité passe en second par rapport à l’espèce, et il se crée ainsi un équilibre global dans les interactions. Considérant que ces interactions maTÉrielles ont lieu entre des êtres nécessairement imparfaits, il semble que dans tout monde possible quel qu’il soit, des maux se produiront par les rouages de la machine, les lois de la nature produiront des accidents, pour ainsi dire, ou des subordinations partiellement destructrices d’éléments. Aucun être matériel ne peut être invulnérable, ce serait un cercle carré. Pour prendre le mot de Leibniz, cette invulnérabilité n’est pas compossible, compatible avec les autres événements, et ce dans quelque univers que ce soit. Donc Dieu reste tout puissant en créant ce qu’il crée car la toute puissance ne consiste aucunement à créer des cercles carrés.
3)Plus difficile est le cas de l’homme, bien qu’ici nos réticences peuvent nous faire soupconner de l’anthropomorphisme égotiste qui voudrait que Dieu nous obéisse et nous interprétons la bienveillance à l’avenant (surtout dans les pastos cucu).
D’abord, nous sommes responsables du mal moral, donc ne reste que le mal de peine. Mais nous sommes des créatures, dépendantes à chaque seconde de l’action divine pour exister, donc continuellement débiteurs, et nous devons être prêts à rembourser à tout instant, ce qui est dans l’ordre naturel des choses. Nous n’avons aucun droit devant Dieu car nous devons absolument tout. Donc, sous l’angle divin, la mort des vivants qui se produit chaque jour et se produira quand la terre ne sera plus habitable, sous causalité des lois naturelles créées par Dieu, la mort des vivants n’est aucunement une injustice de sa part. Ceci inclut la mortalité infantile. Ceci du coté divin.
Du coté humain, c’est plus compliqué et paradoxal. Il est incontestable que la cécité ou la mortalité infantile soient des maux, des manques de croissance-développement naturels (au sens de essentiel, dans la ligne des potentialités de la nature de chaque être). Mais d’un autre coté nous recevons la vie matérielle avec ses limitations, incluant la mortalité infantile. Tout être matériel placé dans une nature en mouvement va subir les interactions avec la nature et avec le temps des êtres , en quantité minoritaire généralement, seront endommagés. C’est la rancon de la vie matérielle complexe avec fonctions élaborées : elle est plus fragile que la matière simple car plus susceptible de se décomposer (ce que nous appelons la mort). Impossible d’avoir le beurre et l’argent du beurre. La fragilité est la rancon de la complexité, c’est pcq nous sommes plus parfaits que nous avons plus à perdre. A supposer donc que cela soit inévitable, autant que l’impossibilité d’un cercle carré, la seule solution pour Dieu aurait été de ne créer aucune matière, ce qui est le néant, ce qui est encore pire dans la ligne de l’imperfection. C’est le sens de l’argument de Leibniz sur le meilleur des mondes possibles, malgré le mal.
Reste un problème peut être plus épineux. Une fois admises les lois de la matière et leurs effets parfois créateurs de maux, il demeure possible à Dieu de modifier ces lois temporairement et rien n’empêcherait qu’il le fasse en cas de tout dérapage grave. Or il ne le fait pas.
Une hypothèse voudrait que ce soit par manque de bonté.
Une autre hypothèse serait celle de Leibniz et de la tradition : les maux sont là pour un bien total de l’ensemble plus grand, en vertu de plusieurs facteurs, par exemple les vertus qui peuvent être stimulées par les maux : la patience, le rappel des limites, l’apprentissage de la mort; ou encore et surtout les conséquences du péché originel, par lequel toute l’humanité a tendance au mal, qui doit être puni pour être combattu. Bref la supériorité infinie des biens de l’ame sur les biens du corps.
St Thomas se concentre sur ce type de réponse, ce qui est significatif étant donné sa si grande clairvoyance : Somme I :
« Objections :
1. De deux contraires, si l’un est infini, l’autre est totalement aboli. Or, quand on prononce le mot
Dieu, on l’entend d’un bien infini. Donc, si Dieu existait, il n’y aurait plus de mal. Or l’on trouve du
mal dans le monde. Donc Dieu n’existe pas.
.....
A l’objection du mal, S. Augustin répond : “ Dieu, souverainement bon, ne permettrait
aucunement que quelque mal s’introduise dans ses œuvres, s’il n’était tellement puissant et bon que
du mal même il puisse faire du bien. ” C’est donc à l’infinie bonté de Dieu que se rattache sa
volonté de permettre des maux pour en tirer des biens. »
Il y aura toujours un coté insatisfaisant dans cette explication à cause de son caractère hypothétique, qui peu apparaitre fabriqué, la situation étant si infiniment complexe qu’il nous est impossible de prouver rigoureusement que les maux finissent par donner nécessairement un bien plus grand. C’est pourquoi certains tels Jean Delumeau restent agnostiques sur la question.
Cependant il n’est pas nécessaire de prouver pour faire face à l’objection qui dirait que Dieu manque de bonté, car une simple hypothèse suffit à bloquer la conclusion de l’objection, à la rendre elle aussi simplement hypothétique, et non catégorique.
Sans compter l’autre angle possible : si Dieu donne tout, il ne manque pas de bonté en reprenant, puisque ce plan fait partie de sa bonté originale en donnant; et il peut utiliser le mal terrestre pour ce faire, puisque de toute facon tout est repris un jour ou l’autre. Dieu n’est pas bon en donnant tout sans aucune limite.