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La corruption à Malte, un sujet sensible pour l’Église

Posté : 01 avr.22, 01:13
par medico
La corruption à Malte, un sujet sensible pour l’Église
Analyse Le pape François, en visite dans l’archipel les 2 et 3 avril, est très attendu sur cette question sensible. Héritière d’un passé qui tend à la discréditer sur le sujet, l’Église maltaise apparaît pour sa part embarrassée, et semble peiner à se positionner.
Mélinée Le Priol (à Malte), le 01/04/2022 à 06:10
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La corruption à Malte, un sujet sensible pour l’Église
Devant l'église Saint-François-d'Assise à La Valette (Malte), en avril 2018. Une messe a été donnée à la mémoire de la journaliste d’investigation Daphne Caruana Galizia, assassinée en 2017
Le pape dénoncera-t-il ouvertement la corruption qui sévit à Malte, au cours de son séjour dans l’archipel méditerranéen, samedi 2 et dimanche 3 avril ? C’est le souhait de nombreux catholiques maltais, dont Alessandra Dee Crespo. Vice-présidente de l’ONG anticorruption Repubblika, elle travaille pour un tribunal ecclésiastique du petit pays insulaire. « J’espère que François, qui n’est pas un grand fan du protocole, va oser dire clairement à notre gouvernement ce qu’il pense de ses pratiques ! Comme Jean-Paul II l’avait fait en Sicile en 1993, avec la mafia… »

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À Malte, beaucoup redoutent toutefois que le « timing » ne se prête pas à une dénonciation en bonne et due forme. La visite du pape intervient en effet une semaine après les élections générales du samedi 26 mars. « Rien qu’en rencontrant le premier ministre (Robert Abela) réélu et en posant avec lui sur les photos, le pape va donner l’impression de le "bénir" ! », a-t-on souvent entendu sur l’île, dans les jours qui précédaient le scrutin. Sans surprise, celui-ci a consacré une nouvelle victoire du Parti travailliste, au pouvoir depuis 2013 mais accusé de corruption


« Ce pape, en particulier, a des choses à nous dire sur ce sujet !Mais une semaine après la confortable réélection d’un gouvernement corrompu, que voulez-vous qu’il dise ? Et qui l’écoutera ? », tempête Vicki Ann Cremona. Comme d’autres Maltais, l’ancienne ambassadrice de Malte en France a écrit au Vatican pour demander le report du voyage. En vain.

Scène politique clivée
Près de cinq ans après le meurtre, en 2017, de la journaliste Daphne Caruana Galizia, qui enquêtait sur ces scandales, et alors que justice n’a toujours pas été rendue, le sujet reste explosif. Et l’Église, institution longtemps omniprésente à Malte mais en perte de vitesse – bien que le catholicisme reste religion d’État –, semble peiner à se positionner.

« Depuis quelques années, notre archevêque, Mgr Scicluna, s’exprime moins sur les sujets politiques : peut-être lui en a-t-on fait le reproche ? », avance le père Joe Borg, prêtre diocésain et spécialiste des médias. Les critiques de l’archevêque vis-à-vis du gouvernement lui avaient en effet valu d’être « étiqueté » nationaliste (le principal parti d’opposition). Or, sur une scène politique aussi clivée, et dans un pays où la politique est vue comme une « deuxième religion » pour de nombreuses familles, cela semblait imprudent.

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Mais ce n’est pas tout. Dans les années 1960, un important différend a opposé le Parti travailliste et l’Église de Malte, méfiante à l’égard de ce qui pouvait s’apparenter à du « communisme ». De 1962 à 1968, les sympathisants ou militants travaillistes furent interdits de sacrements, et même enterrés sans bénédiction religieuse.

« Gagner leur argent honnêtement »
« Cette blessure reste ouverte chez de nombreux Maltais. Pour l’Église, parler de politique aujourd’hui, alors qu’elle est l’héritière de cette histoire, est un vrai défi », reconnaît le père Jimmy Bonnici, secrétaire général de l’épiscopat. Il faut, selon lui, trouver un équilibre pour « soulever les problèmes sans attaquer les personnes ».

Ce souci pourrait expliquer la relative prudence de Mgr Scicluna, ainsi que l’absence de mention des récentes élections dans une lettre pastorale signée des deux évêques maltais (de Malte et de Gozo) – bien qu’il s’agisse d’une tradition enracinée.

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Comment comprendre que Malte soit sujette à la corruption, pourtant aux antipodes du message chrétien ? Mark Cachia, membre de la commission Justice et paix du diocèse de Malte, regrette que ses compatriotes ne saisissent pas davantage la portée politique des Évangiles : « Ils veulent bien que l’Église leur parle de l’amour de Dieu ou de morale sexuelle, mais ils ne voient pas du tout en quoi elle serait dans son rôle en les invitant à gagner leur argent honnêtement ou à payer leurs impôts. »

L’Église « complice » du système ?
Mark Cachia voit dans la corruption un « échec collectif », dont il serait « simpliste » d’imputer la responsabilité uniquement à l’Église. Mais d’autres le font à demi-mot. « L’idéalisation de la famille, pendant toutes ces années, a eu ses mauvais côtés », estime ainsi Michael Gresh, professeur de philosophie. « Aujourd’hui, de nombreux Maltais jugent normal de favoriser, s’ils en ont la possibilité, un membre de leur “clan”. »

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Certains vont plus loin, accusant l’Église d’être activement « complice » du système actuel, qui « achèterait » ainsi son silence. Le gouvernement maltais finance en effet la restauration et l’aménagement de nombreux lieux de culte, et paie pour les salaires de l’enseignement privé catholique, toujours puissant dans le pays.

Encore récemment, le renouvellement de l’éclairage de la rotonde Sainte-Marie de Mosta, vaste église du centre de l’île, a, par exemple, bénéficié de 800 000 € d’argent public provenant de la vente de passeports, pratique contestée mais très lucrative pour le plus petit pays de l’Union européenne.

Plusieurs acteurs du diocèse assurent vouloir « peser » en interne sur de telles décisions, pour éviter ce qu’ils considèrent comme des compromissions. Mais ils le font alors en privilégiant le dialogue et la discrétion, « pour ne pas étaler nos divisions ».
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