Un faux pasteur, Haim Goel ("Le Rédempteur vivant" en hébreu), visé par une enquete pénale
Posté : 05 nov.22, 08:55
Article publié en Suisse par le journaliste Philippe Maspoli, dans 24heures.ch
https://www.24heures.ch/de-graves-accus ... 6801277858
Enquête pénale: De graves accusations visent un gourou actif à Ballaigues
Huit adeptes de l’Église Lève-toi ont dénoncé des pressions financières et psychologiques de leur «pasteur» H. G. Il est poursuivi pour usure et contrainte.
Dans le calme et la discrétion du Jura vaudois, Ballaigues est un havre de paix pour les mouvements religieux . «Beaucoup de mouvances évangéliques sont établies dans la région, c’est connu», relève l’ancien syndic Raphaël Darbellay, qui a occupé ce poste pendant quinze ans, jusqu’en juin 2021. «C’est un milieu assez fermé. Ce sont des gens corrects et il n’y a jamais eu de problème.»
Des rumeurs inquiétantes se sont pourtant répandues depuis 2018 à propos d’un groupe qui se réunissait régulièrement à Ballaigues pendant une quinzaine d’années. Il s’agit de Lève-toi , qui se définit comme «juif messianique», dont le nom spirituel est H. G., le «rédempteur vivant» en hébreu.
Actif dans les Ardennes belges dès le milieu des années 1980, ce père de famille, aujourd’hui septuagénaire, s’est par la suite déplacé en France (Alpes-de-Haute-Provence), dans le cadre d’un projet de «Refuge». Il se trouve actuellement à Jérusalem, d’où il publie ses prêches en vidéo sur le site internet de Lève toi international.
Usure et contrainte
Les bruits inquiétants sur ce mouvement, qui comptait une quinzaine d’adeptes en Suisse, ont des fondements concrets. Le Ministère public vaudois a en effet ouvert une enquête pénale contre Haïm Goël pour usure et contrainte, en raison notamment d’allégations de pressions financières sur certains membres, après avoir reçu une dénonciation d’un organisme spécialiste des mouvements religieux.
En 2018, huit anciens adeptes se sont en effet rendus au Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC) , à Genève, qui ne souhaite pas s’exprimer sur cette affaire. Le CIC a transmis le dossier au Ministère public central vaudois. Le procureur Anton Rüsch a ensuite ordonné des auditions policières ainsi que des perquisitions. Et il a enregistré sept plaintes.
Demande d’expertise psy
Une décision de la Chambre des recours pénale (CREP) du Tribunal cantonal, publiée à la fin du mois de septembre , apporte un éclairage détaillé sur l’affaire. Ce jugement appuiela requête d’une expertise psychiatrique émise par le procureur, contre laquelle le prévenu avait recouru sans succès.
Selon le texte des juges cantonaux, l’enquête policière relève que le chef de Lève-toi «fait lamorale à ses fidèles lors des entretiens individuels et des «cures d’âme», s’immisçant dans leur vie privée pour pouvoir les manipuler et les diviser et n’hésitant pas à les humilier en public. Il les tient sous son influence. L’Église fonctionne en vase clos.»
«Une emprise telle qu’elle lui permette de les asservir à ses volontés, que celles-ci portent sur des travaux à exécuter ou sur des fonds à verser pour subvenir à ses besoins.»
Le procureur, cité par le Tribunal cantonal
Le jugement signale aussi des enregistrements qui, pour le procureur, font craindre que «le prévenu se soit livré à l’infantilisation, au dénigrement, à l’humiliation, à l’intimidation, à l’admonestation, au clivage, à la culpabilisation, voire à la diabolisation aux fins de briser la capacité de résistance des membres de la communauté et d’exercer sur les intéressés une emprise telle qu’elle lui permette de les asservir à ses volontés, que celles-ci portent sur des travaux à exécuter ou sur des fonds à verser pour subvenir à ses besoins».
«Les membres finançaient le train de vie confortable du prévenu au détriment de leur propre situation financière.»
La police, citée par le Tribunal cantonal
Des plaignants ont affirmé que les adeptes étaient «incités à faire don d’héritages entiers,à vendre des biens, à retirer leur deuxième pilier et à mettre leur situation financière personnelle en danger». Selon eux, les besoins mensuels de leur chef étaient évalués à 14’000 francs.
La police a de son côté «constaté que les membres finançaient le train de vie confortable du prévenu au détriment de leur propre situation financière, que plusieurs ex-adeptes avaient dû suivre des traitements médicaux après avoir quitté le mouvement, certains ayant cru devenir fous, et que la plupart d’entre eux enduraient toujours des séquelles.»
Proposition d’aide
Les réunions du mouvement avaient débuté en Suisse en 2004. Plus exactement à Ballaigues, où elles se déroulaient dans les anciennes usines d’appareils photo Alpa transformées en immeubles d’habitation.
L’ancien syndic Raphaël Darbellay se souvient des débuts du groupe et de H. Goël dans le village qu’il dirigeait depuis 2006: «Ils s’étaient approchés de la Municipalité pour proposer des services à la collectivité. Ils ont dit que des jeunes étaient à disposition pour aider des personnes âgées ou handicapées. Il n’y a pas eu de suite.»
Sa mémoire n’évoque pas de tensions avec ce groupe: «Ils n’ont jamais posé de problème. J’ai entendu dire ensuite que c’était plus une secte qu’autre chose et que leur responsable avait joué un rôle de gourou. Mais j’ignorais qu’une enquête était en cours.»
Accusations en Belgique
Le prévenu avait déjà fait l’objet d’accusations en Belgique, décrites dans un «rapport de la commission d’enquête du parlement belge en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes», qui remonte à 1997. Le «pasteur» y apparaît sous son nom d’origine.
Une témoin, mère de trois enfants fragilisée par un divorce, raconte un «enfermement» psychologique sous l’emprise du «gourou» qu’elle décrit comme un «dictateur», auquel elle devait «verser une dîme.» Le rapport mentionne qu’elle a porté plainte.
H. G., lui, nie les faits. Selon le jugement du Tribunal cantonal, le chef de Lève-toi a affirmé au procureur qu’il «aidait les fidèles en les écoutant», tout en «réfutant globalement les accusations des plaignants et en faisant valoir que les plaintes pénales étaient truffées de mensonges». Le document de la Courre lève que le prévenu «voyait dans les sept plaintes pénales déposées un syndrome de l’échec – car lorsque des personnes quittaient l’Église en échec, c’était très pénible pour elles – et qu’il s’agissait de vengeances concertées.»
Joint sur son numéro de téléphone en Israël, H. G. a refusé de répondre à nos questions: «L’enquête suit son cours. Je n’ai rien à dire, c’est une affaire privée.» Son avocat, M Loïc Parein, confirme ce silence. Nous avons aussi pris contact avec un adepte encore actif sur le site internet de Lève-toi. Cet enseignant dans le secteur privé indique, sur son profil LinkedIn, qu’il habite à Ballaigues. Mais il a également écarté notre demande d’entretien.
https://www.24heures.ch/de-graves-accus ... 6801277858
Enquête pénale: De graves accusations visent un gourou actif à Ballaigues
Huit adeptes de l’Église Lève-toi ont dénoncé des pressions financières et psychologiques de leur «pasteur» H. G. Il est poursuivi pour usure et contrainte.
Dans le calme et la discrétion du Jura vaudois, Ballaigues est un havre de paix pour les mouvements religieux . «Beaucoup de mouvances évangéliques sont établies dans la région, c’est connu», relève l’ancien syndic Raphaël Darbellay, qui a occupé ce poste pendant quinze ans, jusqu’en juin 2021. «C’est un milieu assez fermé. Ce sont des gens corrects et il n’y a jamais eu de problème.»
Des rumeurs inquiétantes se sont pourtant répandues depuis 2018 à propos d’un groupe qui se réunissait régulièrement à Ballaigues pendant une quinzaine d’années. Il s’agit de Lève-toi , qui se définit comme «juif messianique», dont le nom spirituel est H. G., le «rédempteur vivant» en hébreu.
Actif dans les Ardennes belges dès le milieu des années 1980, ce père de famille, aujourd’hui septuagénaire, s’est par la suite déplacé en France (Alpes-de-Haute-Provence), dans le cadre d’un projet de «Refuge». Il se trouve actuellement à Jérusalem, d’où il publie ses prêches en vidéo sur le site internet de Lève toi international.
Usure et contrainte
Les bruits inquiétants sur ce mouvement, qui comptait une quinzaine d’adeptes en Suisse, ont des fondements concrets. Le Ministère public vaudois a en effet ouvert une enquête pénale contre Haïm Goël pour usure et contrainte, en raison notamment d’allégations de pressions financières sur certains membres, après avoir reçu une dénonciation d’un organisme spécialiste des mouvements religieux.
En 2018, huit anciens adeptes se sont en effet rendus au Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC) , à Genève, qui ne souhaite pas s’exprimer sur cette affaire. Le CIC a transmis le dossier au Ministère public central vaudois. Le procureur Anton Rüsch a ensuite ordonné des auditions policières ainsi que des perquisitions. Et il a enregistré sept plaintes.
Demande d’expertise psy
Une décision de la Chambre des recours pénale (CREP) du Tribunal cantonal, publiée à la fin du mois de septembre , apporte un éclairage détaillé sur l’affaire. Ce jugement appuiela requête d’une expertise psychiatrique émise par le procureur, contre laquelle le prévenu avait recouru sans succès.
Selon le texte des juges cantonaux, l’enquête policière relève que le chef de Lève-toi «fait lamorale à ses fidèles lors des entretiens individuels et des «cures d’âme», s’immisçant dans leur vie privée pour pouvoir les manipuler et les diviser et n’hésitant pas à les humilier en public. Il les tient sous son influence. L’Église fonctionne en vase clos.»
«Une emprise telle qu’elle lui permette de les asservir à ses volontés, que celles-ci portent sur des travaux à exécuter ou sur des fonds à verser pour subvenir à ses besoins.»
Le procureur, cité par le Tribunal cantonal
Le jugement signale aussi des enregistrements qui, pour le procureur, font craindre que «le prévenu se soit livré à l’infantilisation, au dénigrement, à l’humiliation, à l’intimidation, à l’admonestation, au clivage, à la culpabilisation, voire à la diabolisation aux fins de briser la capacité de résistance des membres de la communauté et d’exercer sur les intéressés une emprise telle qu’elle lui permette de les asservir à ses volontés, que celles-ci portent sur des travaux à exécuter ou sur des fonds à verser pour subvenir à ses besoins».
«Les membres finançaient le train de vie confortable du prévenu au détriment de leur propre situation financière.»
La police, citée par le Tribunal cantonal
Des plaignants ont affirmé que les adeptes étaient «incités à faire don d’héritages entiers,à vendre des biens, à retirer leur deuxième pilier et à mettre leur situation financière personnelle en danger». Selon eux, les besoins mensuels de leur chef étaient évalués à 14’000 francs.
La police a de son côté «constaté que les membres finançaient le train de vie confortable du prévenu au détriment de leur propre situation financière, que plusieurs ex-adeptes avaient dû suivre des traitements médicaux après avoir quitté le mouvement, certains ayant cru devenir fous, et que la plupart d’entre eux enduraient toujours des séquelles.»
Proposition d’aide
Les réunions du mouvement avaient débuté en Suisse en 2004. Plus exactement à Ballaigues, où elles se déroulaient dans les anciennes usines d’appareils photo Alpa transformées en immeubles d’habitation.
L’ancien syndic Raphaël Darbellay se souvient des débuts du groupe et de H. Goël dans le village qu’il dirigeait depuis 2006: «Ils s’étaient approchés de la Municipalité pour proposer des services à la collectivité. Ils ont dit que des jeunes étaient à disposition pour aider des personnes âgées ou handicapées. Il n’y a pas eu de suite.»
Sa mémoire n’évoque pas de tensions avec ce groupe: «Ils n’ont jamais posé de problème. J’ai entendu dire ensuite que c’était plus une secte qu’autre chose et que leur responsable avait joué un rôle de gourou. Mais j’ignorais qu’une enquête était en cours.»
Accusations en Belgique
Le prévenu avait déjà fait l’objet d’accusations en Belgique, décrites dans un «rapport de la commission d’enquête du parlement belge en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes», qui remonte à 1997. Le «pasteur» y apparaît sous son nom d’origine.
Une témoin, mère de trois enfants fragilisée par un divorce, raconte un «enfermement» psychologique sous l’emprise du «gourou» qu’elle décrit comme un «dictateur», auquel elle devait «verser une dîme.» Le rapport mentionne qu’elle a porté plainte.
H. G., lui, nie les faits. Selon le jugement du Tribunal cantonal, le chef de Lève-toi a affirmé au procureur qu’il «aidait les fidèles en les écoutant», tout en «réfutant globalement les accusations des plaignants et en faisant valoir que les plaintes pénales étaient truffées de mensonges». Le document de la Courre lève que le prévenu «voyait dans les sept plaintes pénales déposées un syndrome de l’échec – car lorsque des personnes quittaient l’Église en échec, c’était très pénible pour elles – et qu’il s’agissait de vengeances concertées.»
Joint sur son numéro de téléphone en Israël, H. G. a refusé de répondre à nos questions: «L’enquête suit son cours. Je n’ai rien à dire, c’est une affaire privée.» Son avocat, M Loïc Parein, confirme ce silence. Nous avons aussi pris contact avec un adepte encore actif sur le site internet de Lève-toi. Cet enseignant dans le secteur privé indique, sur son profil LinkedIn, qu’il habite à Ballaigues. Mais il a également écarté notre demande d’entretien.