Quand Voltaire parle de notre prophétesse locale
Posté : 24 mars23, 02:06
- Le silence dura un quart d’heure. Enfin un d’eux se leva, ôta son chapeau, et, après quelques soupirs, débita, moitié avec la bouche, moitié avec le nez, un galimatias tiré, à ce qu’il croyait, de l’Évangile, où ni lui ni personne n’entendait rien.
Quand ce faiseur de contorsions eut fini son beau monologue, et que l’assemblée se fut séparée tout édifiée et toute stupide, je demandai à mon homme pourquoi les plus sages d’entre eux souffraient de pareilles sottises.
« Nous sommes obligés de les tolérer, me dit-il, parce que nous ne pouvons pas savoir si un homme qui se lève pour parler sera inspiré par l’esprit ou par la folie ; dans le doute, nous écoutons tout patiemment, nous permettons même aux femmes de parler. Deux ou trois de nos dévotes se trouvent souvent inspirées à la fois, et c’est alors qu’il se fait un beau bruit dans la maison du Seigneur. »