Les pères québécois se voient rarement en simples pourvoyeurs.
Les champions des papas !
https://www.lapresse.ca/debats/chroniqu ... -papas.php
Deux p’tites syllabes, un mot usé
Et te voilà réinventé
Tu te sens tout à coup comme un roi
Parce qu’un p’tit boutte t’appelle papa
— Papa, d’Yvon Deschamps et Judy Richards
En Amérique du Nord, en matière de paternité, le modèle à suivre est celui du père québécois. Notre leadership est incontestable, nous sommes les champions des papas.
À l’aube de la fête des Pères, il est bon de se célébrer un peu.
En 2021, la firme Léger a fait un sondage pancanadien sur la perception que les pères ont de leur rôle, sondage dont les résultats sont impressionnants. On y voit clairement la rupture avec la conception traditionnelle du rôle des pères et l’émergence d’un nouveau modèle1.
La question la plus percutante du sondage en est la première. Léger a demandé aux pères de mettre en ordre de priorité ce que voulait dire, pour eux, être père. On leur soumettait cinq définitions, ils pouvaient donner deux réponses parmi les suivantes : protecteur, modèle, donneur de soins et d’affection, éducateur et pourvoyeur.
Le choix le plus populaire des pères québécois était « modèle » (48 %), celui des pères canadiens était « pourvoyeur » (43 %).
Le choix le moins populaire des pères québécois était « pourvoyeur » (12 %), le moins populaire chez les pères canadiens était « éducateur » (16 %). Autre fait intéressant, significativement plus de pères québécois trouvent qu’il est très important d’être présent à l’accouchement, d’accompagner l’enfant dans ses apprentissages et de lui démontrer de l’affection. Finalement, les Québécois se sentent plus valorisés dans leur rôle de père que les autres Canadiens.
Les pères, en tant que partie d’un couple, changent aussi. Ils croient significativement plus que les autres Canadiens en l’importance du travail d’équipe dans le couple, ils affirment partager les tâches parentales plus équitablement, ils revendiquent plus que les autres des mesures gouvernementales de conciliation famille-travail et souhaitent plus fréquemment la garde partagée de leurs enfants.
En plus de ce sondage, plusieurs autres données illustrent la performance des papas québécois.
Par exemple, ils sont les champions incontestés des congés de paternité. Si on prend uniquement les congés pris dans le cadre du Régime québécois d’assurance parentale et de ses équivalents au Canada anglais, en 2020, 70 % des pères québécois contre 20 % des pères canadiens prenaient un congé à la naissance d’un enfant. Si on tient compte de l’ensemble des formes de congé de paternité (programme de l’employeur, congés non payés, etc.), selon Statistique Canada, le chiffre monte à 93 % des pères québécois et à 24 % des pères canadiens.
La fiscalité québécoise allège considérablement le fardeau financier des familles, elle donne donc, elle aussi, aux pères (et aux mères) les moyens de se réinventer. En fait, dans ce domaine, nous laissons tout le continent loin derrière, les quelques rares pays qui peuvent nous concurrencer sont en Europe.
Si le Québec était un pays, son taux d’unions libres (43 %) le placerait loin devant la Suède, pays où la proportion d’unions libres est la plus forte au monde (33 %) – le taux du Canada sans le Québec est de 17 %. C’est un autre signe que l’ancien modèle ne domine plus, mariages et unions libres sont maintenant des choix tout aussi valables l’un que l’autre, on gagne en liberté.
Ces avancées ne se sont pas faites toutes seules. Le mouvement féministe québécois a remporté des victoires comme nulle part ailleurs dans les Amériques, des victoires qui ont eu un impact considérable sur les pères. L’accès des femmes à l’emploi (leur taux d’emploi est parmi les plus élevés au monde), l’accès à la contraception, l’équité salariale, la perception automatique des pensions alimentaires, les centres de la petite enfance, etc., sont toutes des avancées qui ont redéfini le cadre de la famille, donné à tous des espaces de liberté, et amené les pères à se redéfinir.
Des pères ont, eux aussi, favorisé ces changements. Ils ont investi la place publique pour valoriser leur rôle de père. Ils ont revendiqué la garde de leurs enfants.
Ils ont étudié et tenté d’expliquer les hommes. Ils ont montré de nouveaux modèles. Ils ont puissamment contribué à changer les mentalités et à construire les pères d’aujourd’hui. Nous leur devons beaucoup, à eux aussi.
Une dernière chose. Les données sur les pères, même au Québec, sont rares. Par exemple, nous savons peu de choses sur le rôle des pères dans les interactions de la famille avec le réseau de la santé et des services sociaux, avec les milieux scolaires, avec les garderies. Pour continuer à assurer un leadership qui nous fait honneur, nous devons mieux documenter les défis qui nous restent à relever.
En attendant, bonne fête des Pères !