LES ACTES DES APOTRES ET LES LETTRES DE PAUL
Posté : 07 janv.24, 05:02
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LES ACTES DES APÔTRES ET LES LETTRES DE PAUL
Publié le août 22, 2009 par masseocaloz
Pendant longtemps, on a lu les Actes des Apôtres comme une histoire des premières années de l’Eglise et on a tiré, tout naturellement, de la deuxième partie du récit de Luc, une histoire de l’apôtre Paul
Et effectivement les Actes nous dressent un portrait de Paul et nous présentent son travail missionnaire : Saul de Tarse, un Juif fervent très attaché aux traditions de ses pères et férocement opposé au mouvement des disciples de Jésus, jusqu’au jour où, sur le chemin de Damas, il rencontre le Seigneur. A partir de ce moment, il engage toute sa vie à faire connaître l’Evangile qu’il voulait détruire. Luc, dans les Actes, consacre à cette mission de Saul / Paul plus de la moitié de son livre (Ac 13-28).
Jusqu’à une époque récente, pour présenter la vie de Paul, on partait des Actes des Apôtres que l’on agrémentait de quelques passages empruntés aux Lettres de Paul, mais l’essentiel venait du récit de Luc.
Dans la deuxième moitié du 20ème siècle, un travail important a été fait sur les Evangiles (que l’on lisait souvent comme des « vies de Jésus »). Des études ont montré de plus en plus clairement que les Evangiles ne sont pas des biographies de Jésus, mais la présentation de Jésus et de son message, telle qu’elle était proposée dans une Eglise particulière. C’est ce qui explique la diversité des Evangiles (des Synoptiques et de Jn) et c’est aussi ce qui fait leur richesse.
Or les Actes des Apôtres sont, de l’aveu même de leur auteur (Ac 1, 1), la deuxième partie de son œuvre. Avant d’être séparés par l’Evangile de Jn, Lc et Ac se suivaient et un lecteur attentif peut retrouver dans les Actes des traits particuliers de l’auteur du 3ème Evangile.
Cependant il y a, pour le lecteur, une différence entre l’Evangile de Luc et les Actes des Apôtres. Quand il lit l’Evangile de Luc, il peut comparer le récit de Luc avec celui des autres Evangiles (Mc et Mt, ainsi que Jn) : il lui est ainsi possible de découvrir ici ce que l’on peut attribuer au style et à la pensée particulière de l’Evangéliste.
Mais quand nous nous trouvons en face de ce qui est rapporté dans les Actes des Apôtres, nous n’avons pas cette chance : Luc est ici le seul témoin. Ou presque ! En effet, celui qui s’intéresse aux débuts de l’Eglise, – dont nous parle le récit de Lc -, aura intérêt à consulter également les Lettres de Paul, dont curieusement les Actes ne nous parle pas du tout
Les Lettres de Paul forment pourtant le quart du NT ; elles sont les textes chrétiens les plus anciens qui nous sont parvenus.
Or, si l’on compare les Lettres de Paul avec le récit que Luc nous donne de la mission de l’Apôtre, nous découvrons des différences qui ne se laissent pas facilement harmoniser. Que faire ? Faut-il faire confiance à Paul ou bien à Luc ? Depuis les années 50, on a formulé une position intermédiaire (le principe de Knox) : « On peut avec précautions utiliser les Actes pour compléter les données autobiographiques des Lettres, jamais pour les corriger ». Comme le note R.E. Brown, « ce principe est valide, à condition d’accepter que l’autobiographie soit parfois orientée (fût-ce inconsciemment) par l’optique de l’écrivain. » (R.E. BROWN, Que savons-nous du Nouveau Testament ?, Bayard 2000, p. 485).
Comme on le voit, l’historien qui s’interroge sur Paul et son activité missionnaire, se trouve placé en face de choix difficiles et souvent insolubles. Je ne vais pas essayer de résoudre ces problèmes. Je me propose simplement de vous présenter deux approches de Paul : l’une à partir des Actes des Apôtres, la seconde à partir des Lettres de Paul. Puis je conclurai en tirant quelques enseignements de ces deux portraits qui nous sont parvenus.
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Le portrait de Paul selon les Actes des Apôtres
C’est dans les Actes que nous trouvons le plus d’indications concernant la vie de Paul. C’est là que nous apprenons son nom juif : Saul / Saoul, sa ville d’origine : Tarse en Cilicie, sa formation à Jérusalem, aux pieds de Gamaliel (cf. Ac 22, 3) ; c’est dans les Actes aussi que Paul nous est présenté comme un fabricant de tentes (Ac 18, 3), c’est là encore que nous le voyons revendiquer la citoyenneté romaine acquise dès sa naissance (Ac 22, 25-28).
L’auteur des Actes est un très bon narrateur : il sait introduire ses personnages. Celui qui lit les Actes découvre Paul, – plus exactement Saul – à l’occasion de la lapidation d’Etienne : « les témoins avaient déposé leurs vêtements auprès d’un jeune homme appelé Saul » (Ac 7, 58). Puis, après avoir rapporté la mort d’Etienne, Luc écrit « Saul, lui, approuvait ce meurtre » (Ac 8, 1), et deux versets plus loin, il nous le montre, à l’œuvre, ravageant l’Eglise : « allant de maison en maison, il en arrachait hommes et femmes et les jetait en prison ». (Ac 8, 3)
Vient alors le chapitre 9 des Actes, où Lc raconte longuement la vocation de Saul : en route vers Damas, il est terrassé par le Seigneur qui se présente à lui : « Je suis Jésus que tu persécutes ». Aveuglé, il entre à Damas où il reste trois jours sans manger ni boire, avant de recevoir la visite d’un chrétien de Damas, Ananie, qui lui impose les mains et lui dit : « Saoul, mon frère, celui qui m’envoie, c’est le Seigneur, celui qui t’es apparu sur le chemin par où tu venais ; et c’est afin que tu retrouves la vue et sois rempli de l’Esprit Saint. »
Baptisé, Saul commence immédiatement à prêcher Jésus et à proclamer qu’il est le Fils de Dieu, à Damas d’abord, puis à Jérusalem. Mais à cause des concertations des Juifs en vue de le tuer, les frères le font partir pour Césarée, et de là, pour Tarse. (Ac 9, 30)
Et c’est à Tarse que Barnabé ira le chercher, quelques années plus tard, pour l’amener à Antioche où s’est développée une communauté de disciples issus du monde juif et du monde païen. (Ac 11, 25-26).
Luc peut alors passer à la seconde partie des Actes (Ac 13-28). On y retrouve Saul et il est désormais le personnage principal du récit de Luc.
Cependant avant d’aborder cette deuxième partie des Actes, Luc a pris soin de signaler la mission des Hellénistes, dispersés par la persécution qui avait suivi la lapidation d’Etienne (spécialement la mission de Philippe : Ac 8, 4ss) et de mettre en lumière l’intervention de Pierre chez Corneille (Ac 10, 1 – 11, 18), marquant par là, l’ouverture de la foi chrétienne au monde païen.
Comme le dit la note de BJ sur Ac 11, 17 : « D’après Luc, c’est Pierre qui, au moins idéalement, a le premier agrégé des païens à l’Eglise, cela quelle que soit la portée du baptême de l’eunuque éthiopien, 8, 26-39, et quelle que soit la chronologie de l’évangélisation d’Antioche, dont le récit est réservé pour la suite, v19ss. »
Nous pouvons maintenant passer à la deuxième partie des Actes des Apôtres. Comme je l’ai dit, Luc consacre pratiquement les chapitres 13-28 des Actes à Paul et à sa mission, une mission qui le conduira par étapes jusqu’à Rome, au cœur du monde tel que Luc le connaît.
Luc avait déjà évoqué en Ac 11, 19-26 l’ouverture aux non juifs de la communauté d’Antioche, mais à partir d’Ac 13, il nous présente cette Eglise comme le centre missionnaire, le point de départ des missions de Paul vers l’ouest.
Cela commence par l’envoi en mission de deux des responsables de cette Eglise : Barnabé et de Saul (Ac 13, 1-3). Emmenant avec eux Jean-Marc, ils gagnent Chypre, la patrie de Barnabé. Ils s’adressent d’abord aux Juifs, dans les synagogues, à Salamine, puis à Paphos. C’est à cette occasion que Luc donne pour la première fois à Saul son nom romain – Paul – (Ac 13, 9) et qu’il le fait passer au premier plan : désormais c’est Paul qui est le chef de la mission (v. 13 et la note TOB).
De Chypre, Paul et Barnabé (sans Jean-Marc) s’embarquent pour Pergé, en Asie Mineure, d’où ils gagnent Antioche de Pisidie et, suite à des persécutions de la part des Juifs, ils pénètrent davantage dans le pays jusqu’à Iconium, Lystres et Derbé.
Sur le chemin du retour, Paul et Barnabé visitent et affermissent, dans les différentes villes, ceux qui sont devenus disciples (Ac 14, 21-22), puis ils regagnent Antioche où ils rapportent à la communauté « tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi. » (Ac 14, 27)
Mais cette ouverture aux païens, provoque, nous dit Luc, des réactions de la part de « certaines gens descendus de Judée » (Ac 15, 1) qui estiment que la circoncision est indispensable pour être sauvé. Pour trancher l’affaire, Paul et Barnabé se rendent à Jérusalem où a lieu « ce qui peut être considéré comme la rencontre la plus importante tenue dans l’histoire du christianisme, car implicitement l’assemblée de Jérusalem (15, 14-29) décida que le mouvement de Jésus irait bientôt au-delà du judaïsme, pour devenir une religion séparée, s’étendant jusqu’aux extrémités de la terre. » (R.E. BROWN, op. cit. p. 347)
Après quelque temps passé à Antioche, commence alors vraiment la mission de Paul jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 15, 36 – 28, 31).
Paul veut retourner visiter les communautés qui sont nées à l’occasion du premier voyage missionnaire. Mais il refuse d’emmener à nouveau Jean-Marc (qui les avait quitté lors du premier voyage) et il se sépare de Barnabé.
Avec Silas qu’il a choisi comme compagnon, Paul traverse la Syrie et la Cilicie (15, 41), puis se rend à Troas, d’où à la suite d’une vision, il s’embarque pour la Macédoine (Ac 16, 9-10). Après des séjours à Philippes, Thessalonique, Bérée, Athènes, il arrive à Corinthe où il restera presque deux ans. C’est là qu’il doit comparaître devant Gallion (ce qui permet de dater le séjour de Paul à Corinthe entre 50/51-52). De Corinthe, en passant par Ephèse (Ac 18, 19-21), Paul retourne à Césarée puis à Antioche (Ac 18, 22-23).
Dans le récit de ce deuxième voyage, Luc s’intéresse surtout à l’activité de Paul à Philippe, à Thessalonique et à Corinthe. Il nous le montre aussi s’adressant aux intellectuels d’Athènes.
Si nous suivons toujours les Actes, en Ac 18, 23), Paul quitte de nouveau Antioche et, via la Galatie et la Phrygie, il arrive à Ephèse (Ac 19, 1) où il va rester environ trois ans.
En Ac 19, 21, Luc nous signale pour la première fois la volonté de Paul d’aller à Rome, préparant ainsi la finale de son récit.
Effectivement Paul quitte Ephèse après l’émeute des orfèvres (Ac 20, 1) et part en Macédoine, puis en Grèce, d’où il avait le projet de s’embarquer pour la Syrie. Mais à cause d’un complot des Juifs, il doit modifier son itinéraire. Il aborde à Tyr (Ac 21, 3), puis à Ptolémaïs (Ac 21, 7) et de là, il continue son voyage vers Jérusalem. C’est dans cette ville qu’il sera arrêté (Ac 21, 27ss). Transféré à Césarée à cause d’un complot des Juifs, il y restera deux ans avant d’être embarqué pour Rome, suite à sa demande pour que son cas soit jugé par le tribunal impérial (Ac 25, 11-12). Ac 27 nous raconte le voyage jusqu’à Malte où le navire s’échoue à cause d’une tempête. Après un séjour de trois mois à Malte, le voyage se poursuit jusqu’à Pouzzoles, et delà, par terre, Paul arrive jusqu’à Rome (Ac 28, 11-14)
Comme il l’a fait souvent, Paul à Rome rencontre d’abord les Juifs (Ac 28, 17ss) avant de citer les paroles d’Isaïe 6, 9-10 et de conclure : « Sachez donc, c’est aux païens qu’a été envoyé le salut de Dieu. Eux du moins, ils écouteront. »
Et dans un court épilogue, Luc nous dit que Paul demeure deux ans à Rome, « proclamant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec pleine assurance et sans obstacle. » (Ac 28, 31)
Ainsi après les cinq premiers chapitres des Actes qui illustraient l’annonce de l’Evangile à Jérusalem, après les chapitres 6-12 qui montraient comment, à la suite de la persécution des Hellénistes, l’Evangile atteignait la Samarie et débordait même jusqu’à Antioche, à partir du chapitre 13 des Actes, grâce à la mission de Paul, la Bonne Nouvelle sort du monde juif et elle sera proclamée jusqu’au au cœur du monde. L’ordre donné par le Ressuscité en Ac 1, 8 : « vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre », cet ordre est maintenant accompli en Ac 28.
Pour l’auteur des Actes, Paul est la grande figure de son récit, qu’il présente en parallèle avec celle de Pierre : les deux guérissent un paralytique (Ac 3, 1-8 et 14, 8-10) ; les deux ressuscitent un mort (Ac 10, 39-42 et 20, 7-12); les deux sont délivrés miraculeusement de leur prison (Ac 12, 1-11 et 16, 25-28).
Mais surtout Paul réalise en grand ce que Pierre avait commencé en accueillant Corneille dans l’Eglise. Il est vraiment celui qui donne à l’Eglise sa véritable dimension universelle. C’est lui aussi qui souligne que le salut ne peut pas être obtenu par la loi de Moïse (Ac 13, 38-39 et la note TOB).
Les Actes nous présentent Paul comme un Juif fidèle et fier de sa tradition. Son message, Paul l’adresse d’abord aux Juifs, mais devant la réponse très partagée des Juifs, il se tourne résolument vers les païens et l’auteur des Actes place dans la bouche de Paul deux discours où la foi est proposée directement à des non-juifs : Ac 14, 15-17 et surtout 17, 22-31 (voir les notes BJ et TOB sur ces passages).
La mission de Paul, comme celle des Hellénistes qui avaient fait sortir la foi chrétienne de Jérusalem, est marquée par des épreuves, des tribulations (cf. Ac 14, 22), mais elle porte aussi la marque de la puissance du Ressuscité.
D’autre part, le récit des Actes nous dépeint un apôtre parfaitement à l’aise dans le monde gréco-romain, parlant grec, faisant pleine confiance à l’administration romaine et à sa justice (qui reconnaît, par trois fois, son innocence face aux accusations des Juifs).
En bref, si dans la première partie des Actes, Luc donnait à Pierre le rôle principal, la seconde partie est entièrement dominée par la figure de Paul. Pour l’auteur des Actes, Paul est l’apôtre qui proclame Jésus Christ, avec pleine assurance, jusqu’au cœur même de l’empire romain.
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Paul dans ses Lettres
Les Actes des Apôtres ont été écrits vers la fin du 1er siècle (vers 80-90). Nous y trouvons le point de vue de Luc : sa présentation de l’apôtre, de l’importance de son activité missionnaire, telle qu’on pouvait la voir dans l’Eglise de son époque.
Lorsque nous lisons les Lettres de Paul, nous avons en main des textes plus anciens et qui proviennent de l’intéressé lui-même.
Ces Lettres de Paul, qui nous sont parvenues, – habituellement on lui en attribue 13 (14 avec He) – peuvent se répartir en trois catégories :
– 7 lettres authentiques datées des années 50-58 et sur lesquelles tous les critiques sont pratiquement d’accord : 1 Th ; 1-2 Co ; Ph ; Ga ; Ro ; Phm
– Un second groupe, dont l’authenticité est discutée ou, au moins, limitée (rédaction importante d’un secrétaire, éventuellement réutilisation de textes authentiques) : Col ; 2 Th ; Ep.
– Enfin un troisième groupe, comprenant les « Pastorales » : 1-2 Tm ; Tit ; des lettres que l’on situe généralement après la mort de Paul.
Dans les Lettres, nous ne trouvons pas une présentation systématique de Paul et de son activité apostolique. Les Lettres sont des écrits occasionnels où Paul répond à des questions qui lui ont été posées, réagit à des nouvelles qu’il a reçues, ou encore exprime ce qu’il est en train de découvrir du mystère chrétien.
Dans l’ensemble, on peut dire que les Lettres confirment ce que l’auteur des Actes nous disait à sa manière : Paul est un Juif fidèle, très attaché aux traditions de son peuple, à tel point que, dans sa jeunesse, il a cru de son devoir de s’opposer très fortement aux disciples de Jésus, jusqu’au jour où Dieu « daigna révéler en (lui) son Fils pour qu’il l’annonce parmi les païens » (Ga 1, 15).
Juif de la Diaspora, Paul lit la Bible en grec (LXX). Sa connaissance parfaite du grec, ses qualités littéraires témoignent d’une très bonne formation, reçue probablement dans sa ville natale. Paul se révèle comme un écrivain de talent.
A-t-il étudié à Jérusalem ? Lui-même n’en parle pas, et certains en doutent. Ce qui est sûr, c’est que Paul sait argumenter à partir des Ecritures, à la manière des rabbins.
Dans ses Lettres, Paul insiste sur sa vocation particulière ; une vocation qu’il a reçue directement de Dieu et qu’il compare à celle de Jérémie ou du Serviteur d’Isaïe : « quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis à part et appelé par sa grâce, daigna révéler en moi son Fils, pour que je l’annonce parmi les nations, aussitôt sans monter à Jérusalem, trouver les apôtres, mes prédécesseurs, je m’en allais en Arabie… » (cf. Ga 1, 15-17).
C’est aussi ce qu’il exprime aussi dans l’adresse de ses Lettres :
– Rm 1, 1…5 : « Paul serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation pour annoncer l’Evangile de Dieu […] concernant son Fils […] Jésus Christ notre Seigneur, par qui nous avons grâce et apostolat, pour prêcher à l’honneur de son nom,, l’obéissance de la foi parmi tous les païens. »
– Ga 1, 1 : « Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par l’intermédiaire des hommes, mais par Jésus Christ et Dieu, le Père, qui l’a ressuscité des morts… »
Mais Paul sait aussi souligner ce qui le relie aux autres apôtres : dans 1 Co, il fait appel, par deux fois, à des traditions qu’il a reçues dans l’Eglise :
– 1 Co 11, 23 : « J’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai moi-même transmis : le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré… »
– 1 Co 15, 3 : « Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’ai moi-même reçu : Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures … »
et il termine ce passage de la lettre en soulignant son accord avec la foi prêchée par les Douze : « Bref, eux et moi, voilà ce que nous prêchons. Et voilà ce que vous avez cru. » (1 Co 15, 11)
Même dans la lettre aux Galates, où il insiste sur sa vocation et sa mission particulières, Paul dit clairement qu’il a voulu exposer aux notables de Jérusalem (Jacques, Céphas, Jean) l’Evangile qu’il prêchait parmi les païens « de peur de courir ou d’avoir couru pour rien. » (Ga 2, 2)
D’autre part, le soin de Paul pour la collecte (Ga 2, 10 ; 1 Co 16, 1 ; 2 Co 8 – 9) montre son souci de marquer l’unité des croyants venus du monde juif et des nations. En Rm 15, 31, il demande à ses correspondants de prier pour que ce partage – la collecte – soit agréé par les frères de Judée et marque ainsi les liens qui unissent tous ceux qui croient au Christ.
Cependant il est sûr que les Lettres de Paul nous permettent de connaître le ministère de l’apôtre d’une manière beaucoup plus réaliste que le récit des Actes. Nous y voyons l’engagement de Paul et les difficultés qu’il a rencontrées dans son ministère (2 Co 4, 8-10 ; 11, 23-29). Les Lettres témoignent de sa joie quand il apprend que des jeunes communautés persévèrent (1 Th 2, 13-14), de sa colère face à ceux qui viennent semer la zizanie chez les Galates (cf. Ga).
En suivant les Actes, on avait pensé reconnaître trois voyages missionnaires de Paul, partant d’Antioche et y retournant. A partir des Lettres, les choses ne semblent pas si simples. Comme l’exprime bien J. Guillet, Paul a perçu dès le début de sa vocation la dimension universelle du salut dans le dessein de Dieu : « La parole des témoins du Ressuscité doit être annoncée au monde entier, et le dernier repas du Seigneur doit rassembler tous ceux pour qui Jésus a livré son corps et donné son sang. » (J. GUILLET, Paul, l’apôtre des nations, Bayard 2002, p. 103)
Nous sommes certes peu renseignés sur la dizaine d’années qui s’écoulent entre la vocation de Paul et les Lettres, mais une chose apparaît cependant clairement à partir d’Ac 15 et de Ga 2 : l’entrée des païens dans l’Eglise et surtout leur intégration (la communauté de table) a fait problème. Certains cherchent un compromis, mais Paul « n’accepte pas ce compromis qui lui semble ne pas donner toute sa place au salut dans le Christ. Il se sépare de Barnabé, quitte Antioche, ses appuis et ses missions. Il n’est plus l’envoyé de personne : il est seulement l’apôtre du Christ Jésus. » (J. GUILLET, op. cit. p. 105)
Paul prend résolument le chemin vers les païens : « Il sait exactement où il ne doit pas aller : sur les territoires défrichés par d’autres avant lui. Et s’il ne le dit pas ouvertement, il laisse bien entendre le principe de ses choix et de son action : c’est à la fois le mouvement de l’Esprit saint et les perspectives raisonnables ouvertes à l’Evangile. Paul garde les yeux fixés sur les grands centres urbains Ephèse, Troas, Corinthe, Thessalonique. » (J. GUILLET, op. cit. p. 106)
Paul ne s’attarde pas en chemin ; il plante, d’autres peuvent arroser, mais il sait que c’est Dieu qui donne la croissance (cf.1 Co 3, 6). Pour lui, il veut porter l’Evangile toujours plus loin (cf. Rm 15, 23-24 et note BJ). Annoncer l’Evangile est pour lui une nécessité : « Oui, malheur à moi, si je n’annonçais pas l’Evangile ! »(1 Co 9, 16).
Mais les Lettres nous permettent surtout de mieux connaître ce qui le fait vivre. Comme il le dit : « il a été saisi par le Christ » (Ph 3, 12) ; il a découvert l’amour dont il est l’objet : « Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. » (Ga 2, 20 ; cf. 2 Co 5, 14) Au centre de sa vie, il y a désormais le Christ et le Christ crucifié (cf. 1 Co 2, 2 ; Ga 3, 1). Il n’a pas connu le Christ selon la chair (cf. 2 Co 5, 16) et pourtant « le Christ de Paul est aussi vivant pour lui que le Jésus qui retenait Pierre en train de couler dans le lac et confiait son secret au disciple qu’il aimait. […] Jésus n’était pas plus proche des Douze en Galilée que de Paul sur les routes de l’empire romain. » (J. GUILLET, op. cit. p, 168-169)
Dans ses Lettres, nous découvrons aussi avec émerveillement la théologie de Paul. Il est le premier, à notre connaissance, à exprimer dans la culture et la langue grecques le mystère chrétien du salut. Il le fait, non pas d’une manière systématique, mais pour répondre aux questions qui lui ont été posées ou pour partager avec ses correspondants la foi qui l’habite. Ecrites sur une dizaine d’années, ses Lettres nous permettent souvent de suivre l’évolution de sa pensée.
Je ne retiendrai ici que deux points : sa présentation du salut chrétien et sa vision de l’Eglise.
Le salut, comme Paul le souligne, est un don totalement gratuit de la part de Dieu ; il est offert à tous les hommes, indépendamment de la Loi de Moïse (cf. Ga 3) ; tous, Juifs ou païens, ne peuvent que l’accueillir dans la foi (cf. Rm 1, 16 – 4, 25). Ce salut est la révélation d’un amour inouï de Dieu pour l’homme, l’amour du Père et du Fils :
« C’est en effet, alors que nous étions sans force, au temps fixé que le Christ est mort pour les impies ; à peine en effet, voudrait-on mourir pour un homme juste […] mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. » (Rm 5, 6-8) et « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute faveur ? » (Rm 8, 32). Ce salut marque la réconciliation du monde avec Dieu (2 Co 5, 17-21), et grâce à l’Esprit qui nous est donné, il nous permet de nous tourner vers Dieu en l’appelant « Abba, Père » (Rm 8, 15-16).
L’Eglise : c’est à Paul que nous devons l’image de l’Eglise, Corps du Christ. Mais c’est aussi chez lui, dans ses Lettres, que le mot Eglise désigne pour la première fois les communautés, issues du monde païen, qui croient au Christ : « à l’Eglise de Dieu, établie à Corinthe … » (1 Co 1, 2 et note BJ) ; « à l’Eglise qui se réunit dans ta maison / chez eux. » (Phm 2 ; cf. Rm 16, 5 ; 1 Co 16, 19 ; Col 4, 15).
Or ce mot Eglise est la traduction (dans la LXX) du mot qahal qui désignait dans l’AT le peuple élu de Dieu rassemblé au Sinaï (cf. Dt 9, 10 et note BJ). Paul ne craint pas de donner ce titre aux communautés qui désormais rassemblent « Juif et Grec, esclave et homme libre, homme et femme » (cf. Ga 3, 28).
Cependant si elle abolit les divisions habituelles que nous mettons entre les hommes, cette réunion en Eglise ne se fait pas dans le désordre, comme le rappelle Paul en 1 Co 12. Pour s’expliquer, il a recours à l’apologue classique de la société comparée à un corps humain. Mais Paul dépasse l’apologue : il ne dit pas aux Corinthiens si turbulents : or vous êtes un corps mais il écrit : « or vous êtes, vous, le corps du Christ et membre chacun pour sa part. » (1 Co 12, 27)
La Lettre aux Colossiens va lui permettre de compléter sa pensée : c’est le Christ qui est « la Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Eglise […] car Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude, et par lui à réconcilier tous les êtres avec lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. » (Col 1, 17-20 ; cf. aussi Col 2, 19)
L’auteur de la Lettre aux Ephésiens mettra la dernière touche à cette image : l’Eglise devient la manifestation du « mystère » caché en Dieu depuis les siècles (Ep 3, 9-10) et elle est appelée à réunir en une seule famille tous les hommes (Ep 3, 5-6).
En citant les Lettres aux Colossiens et aux Ephésiens, je voulais introduire une dernière touche à ce visage de Paul que nous trouvons dans ses Lettres : ses héritiers.
Si, comme on le pense aujourd’hui, certaines Lettres ne sont pas directement de Paul, elles appartiennent cependant à un cercle qui a été marqué par la personnalité de l’apôtre et qui a su adapter et prolonger la pensée de Paul. Comme l’écrit R. E. Brown : « Imiter le maître est une forme de reconnaissance ; être inspiré par lui pour aller encore plus loin est une contribution plus grande encore à son héritage. » (R.E. BROWN, Que sait-on du Nouveau
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Pour conclure : un portait et un autoportrait
Dans les Actes, l’auteur nous peint son portrait de Paul. « On l’a souvent critiqué pour n’avoir pas pleinement compris la théologie de Paul, […] pour avoir simplifié le parcours de Paul, et laissé de côté nombre de controverses dans sa vie. On ne peut cependant faire le difficile devant son extraordinaire contribution : il consacre à Paul la moitié de sa longue description de la naissance et de l’expansion du christianisme. Que Paul ait été ou non à ce point important pour les chrétiens non pauliniens, le livre des Actes a placé pour toujours Paul à côté de Pierre au ‘panthéon’ chrétien comme les deux personnages les plus importants à la suite de Jésus. » (R.E. BROWN, op. cit. p.495)
Ce que nous trouvons dans les Lettres est sans doute trop fragmentaire pour constituer un véritable autoportrait de Paul. Il reste que ces Lettres nous livrent ce qu’il y a de plus autobiographique dans le Nouveau Testament, et même dans toute la Bible. C’est dans ces Lettres que s’affirme la personnalité de Paul, son attachement au Christ, le sens de sa mission et de la vie chrétienne dans des formules souvent inoubliables. C’est là aussi que nous pouvons découvrir les richesses de sa pensée théologique.
Alors les Actes ou les Lettres ? Heureusement nous n’avons pas à choisir : les deux ont été reçus par la communauté croyante ; les deux appartiennent au canon ; les deux nous aident encore aujourd’hui à rejoindre l’apôtre.
LES ACTES DES APÔTRES ET LES LETTRES DE PAUL
Publié le août 22, 2009 par masseocaloz
Pendant longtemps, on a lu les Actes des Apôtres comme une histoire des premières années de l’Eglise et on a tiré, tout naturellement, de la deuxième partie du récit de Luc, une histoire de l’apôtre Paul
Et effectivement les Actes nous dressent un portrait de Paul et nous présentent son travail missionnaire : Saul de Tarse, un Juif fervent très attaché aux traditions de ses pères et férocement opposé au mouvement des disciples de Jésus, jusqu’au jour où, sur le chemin de Damas, il rencontre le Seigneur. A partir de ce moment, il engage toute sa vie à faire connaître l’Evangile qu’il voulait détruire. Luc, dans les Actes, consacre à cette mission de Saul / Paul plus de la moitié de son livre (Ac 13-28).
Jusqu’à une époque récente, pour présenter la vie de Paul, on partait des Actes des Apôtres que l’on agrémentait de quelques passages empruntés aux Lettres de Paul, mais l’essentiel venait du récit de Luc.
Dans la deuxième moitié du 20ème siècle, un travail important a été fait sur les Evangiles (que l’on lisait souvent comme des « vies de Jésus »). Des études ont montré de plus en plus clairement que les Evangiles ne sont pas des biographies de Jésus, mais la présentation de Jésus et de son message, telle qu’elle était proposée dans une Eglise particulière. C’est ce qui explique la diversité des Evangiles (des Synoptiques et de Jn) et c’est aussi ce qui fait leur richesse.
Or les Actes des Apôtres sont, de l’aveu même de leur auteur (Ac 1, 1), la deuxième partie de son œuvre. Avant d’être séparés par l’Evangile de Jn, Lc et Ac se suivaient et un lecteur attentif peut retrouver dans les Actes des traits particuliers de l’auteur du 3ème Evangile.
Cependant il y a, pour le lecteur, une différence entre l’Evangile de Luc et les Actes des Apôtres. Quand il lit l’Evangile de Luc, il peut comparer le récit de Luc avec celui des autres Evangiles (Mc et Mt, ainsi que Jn) : il lui est ainsi possible de découvrir ici ce que l’on peut attribuer au style et à la pensée particulière de l’Evangéliste.
Mais quand nous nous trouvons en face de ce qui est rapporté dans les Actes des Apôtres, nous n’avons pas cette chance : Luc est ici le seul témoin. Ou presque ! En effet, celui qui s’intéresse aux débuts de l’Eglise, – dont nous parle le récit de Lc -, aura intérêt à consulter également les Lettres de Paul, dont curieusement les Actes ne nous parle pas du tout
Les Lettres de Paul forment pourtant le quart du NT ; elles sont les textes chrétiens les plus anciens qui nous sont parvenus.
Or, si l’on compare les Lettres de Paul avec le récit que Luc nous donne de la mission de l’Apôtre, nous découvrons des différences qui ne se laissent pas facilement harmoniser. Que faire ? Faut-il faire confiance à Paul ou bien à Luc ? Depuis les années 50, on a formulé une position intermédiaire (le principe de Knox) : « On peut avec précautions utiliser les Actes pour compléter les données autobiographiques des Lettres, jamais pour les corriger ». Comme le note R.E. Brown, « ce principe est valide, à condition d’accepter que l’autobiographie soit parfois orientée (fût-ce inconsciemment) par l’optique de l’écrivain. » (R.E. BROWN, Que savons-nous du Nouveau Testament ?, Bayard 2000, p. 485).
Comme on le voit, l’historien qui s’interroge sur Paul et son activité missionnaire, se trouve placé en face de choix difficiles et souvent insolubles. Je ne vais pas essayer de résoudre ces problèmes. Je me propose simplement de vous présenter deux approches de Paul : l’une à partir des Actes des Apôtres, la seconde à partir des Lettres de Paul. Puis je conclurai en tirant quelques enseignements de ces deux portraits qui nous sont parvenus.
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Le portrait de Paul selon les Actes des Apôtres
C’est dans les Actes que nous trouvons le plus d’indications concernant la vie de Paul. C’est là que nous apprenons son nom juif : Saul / Saoul, sa ville d’origine : Tarse en Cilicie, sa formation à Jérusalem, aux pieds de Gamaliel (cf. Ac 22, 3) ; c’est dans les Actes aussi que Paul nous est présenté comme un fabricant de tentes (Ac 18, 3), c’est là encore que nous le voyons revendiquer la citoyenneté romaine acquise dès sa naissance (Ac 22, 25-28).
L’auteur des Actes est un très bon narrateur : il sait introduire ses personnages. Celui qui lit les Actes découvre Paul, – plus exactement Saul – à l’occasion de la lapidation d’Etienne : « les témoins avaient déposé leurs vêtements auprès d’un jeune homme appelé Saul » (Ac 7, 58). Puis, après avoir rapporté la mort d’Etienne, Luc écrit « Saul, lui, approuvait ce meurtre » (Ac 8, 1), et deux versets plus loin, il nous le montre, à l’œuvre, ravageant l’Eglise : « allant de maison en maison, il en arrachait hommes et femmes et les jetait en prison ». (Ac 8, 3)
Vient alors le chapitre 9 des Actes, où Lc raconte longuement la vocation de Saul : en route vers Damas, il est terrassé par le Seigneur qui se présente à lui : « Je suis Jésus que tu persécutes ». Aveuglé, il entre à Damas où il reste trois jours sans manger ni boire, avant de recevoir la visite d’un chrétien de Damas, Ananie, qui lui impose les mains et lui dit : « Saoul, mon frère, celui qui m’envoie, c’est le Seigneur, celui qui t’es apparu sur le chemin par où tu venais ; et c’est afin que tu retrouves la vue et sois rempli de l’Esprit Saint. »
Baptisé, Saul commence immédiatement à prêcher Jésus et à proclamer qu’il est le Fils de Dieu, à Damas d’abord, puis à Jérusalem. Mais à cause des concertations des Juifs en vue de le tuer, les frères le font partir pour Césarée, et de là, pour Tarse. (Ac 9, 30)
Et c’est à Tarse que Barnabé ira le chercher, quelques années plus tard, pour l’amener à Antioche où s’est développée une communauté de disciples issus du monde juif et du monde païen. (Ac 11, 25-26).
Luc peut alors passer à la seconde partie des Actes (Ac 13-28). On y retrouve Saul et il est désormais le personnage principal du récit de Luc.
Cependant avant d’aborder cette deuxième partie des Actes, Luc a pris soin de signaler la mission des Hellénistes, dispersés par la persécution qui avait suivi la lapidation d’Etienne (spécialement la mission de Philippe : Ac 8, 4ss) et de mettre en lumière l’intervention de Pierre chez Corneille (Ac 10, 1 – 11, 18), marquant par là, l’ouverture de la foi chrétienne au monde païen.
Comme le dit la note de BJ sur Ac 11, 17 : « D’après Luc, c’est Pierre qui, au moins idéalement, a le premier agrégé des païens à l’Eglise, cela quelle que soit la portée du baptême de l’eunuque éthiopien, 8, 26-39, et quelle que soit la chronologie de l’évangélisation d’Antioche, dont le récit est réservé pour la suite, v19ss. »
Nous pouvons maintenant passer à la deuxième partie des Actes des Apôtres. Comme je l’ai dit, Luc consacre pratiquement les chapitres 13-28 des Actes à Paul et à sa mission, une mission qui le conduira par étapes jusqu’à Rome, au cœur du monde tel que Luc le connaît.
Luc avait déjà évoqué en Ac 11, 19-26 l’ouverture aux non juifs de la communauté d’Antioche, mais à partir d’Ac 13, il nous présente cette Eglise comme le centre missionnaire, le point de départ des missions de Paul vers l’ouest.
Cela commence par l’envoi en mission de deux des responsables de cette Eglise : Barnabé et de Saul (Ac 13, 1-3). Emmenant avec eux Jean-Marc, ils gagnent Chypre, la patrie de Barnabé. Ils s’adressent d’abord aux Juifs, dans les synagogues, à Salamine, puis à Paphos. C’est à cette occasion que Luc donne pour la première fois à Saul son nom romain – Paul – (Ac 13, 9) et qu’il le fait passer au premier plan : désormais c’est Paul qui est le chef de la mission (v. 13 et la note TOB).
De Chypre, Paul et Barnabé (sans Jean-Marc) s’embarquent pour Pergé, en Asie Mineure, d’où ils gagnent Antioche de Pisidie et, suite à des persécutions de la part des Juifs, ils pénètrent davantage dans le pays jusqu’à Iconium, Lystres et Derbé.
Sur le chemin du retour, Paul et Barnabé visitent et affermissent, dans les différentes villes, ceux qui sont devenus disciples (Ac 14, 21-22), puis ils regagnent Antioche où ils rapportent à la communauté « tout ce que Dieu avait fait avec eux, et comment il avait ouvert aux païens la porte de la foi. » (Ac 14, 27)
Mais cette ouverture aux païens, provoque, nous dit Luc, des réactions de la part de « certaines gens descendus de Judée » (Ac 15, 1) qui estiment que la circoncision est indispensable pour être sauvé. Pour trancher l’affaire, Paul et Barnabé se rendent à Jérusalem où a lieu « ce qui peut être considéré comme la rencontre la plus importante tenue dans l’histoire du christianisme, car implicitement l’assemblée de Jérusalem (15, 14-29) décida que le mouvement de Jésus irait bientôt au-delà du judaïsme, pour devenir une religion séparée, s’étendant jusqu’aux extrémités de la terre. » (R.E. BROWN, op. cit. p. 347)
Après quelque temps passé à Antioche, commence alors vraiment la mission de Paul jusqu’aux extrémités de la terre (Ac 15, 36 – 28, 31).
Paul veut retourner visiter les communautés qui sont nées à l’occasion du premier voyage missionnaire. Mais il refuse d’emmener à nouveau Jean-Marc (qui les avait quitté lors du premier voyage) et il se sépare de Barnabé.
Avec Silas qu’il a choisi comme compagnon, Paul traverse la Syrie et la Cilicie (15, 41), puis se rend à Troas, d’où à la suite d’une vision, il s’embarque pour la Macédoine (Ac 16, 9-10). Après des séjours à Philippes, Thessalonique, Bérée, Athènes, il arrive à Corinthe où il restera presque deux ans. C’est là qu’il doit comparaître devant Gallion (ce qui permet de dater le séjour de Paul à Corinthe entre 50/51-52). De Corinthe, en passant par Ephèse (Ac 18, 19-21), Paul retourne à Césarée puis à Antioche (Ac 18, 22-23).
Dans le récit de ce deuxième voyage, Luc s’intéresse surtout à l’activité de Paul à Philippe, à Thessalonique et à Corinthe. Il nous le montre aussi s’adressant aux intellectuels d’Athènes.
Si nous suivons toujours les Actes, en Ac 18, 23), Paul quitte de nouveau Antioche et, via la Galatie et la Phrygie, il arrive à Ephèse (Ac 19, 1) où il va rester environ trois ans.
En Ac 19, 21, Luc nous signale pour la première fois la volonté de Paul d’aller à Rome, préparant ainsi la finale de son récit.
Effectivement Paul quitte Ephèse après l’émeute des orfèvres (Ac 20, 1) et part en Macédoine, puis en Grèce, d’où il avait le projet de s’embarquer pour la Syrie. Mais à cause d’un complot des Juifs, il doit modifier son itinéraire. Il aborde à Tyr (Ac 21, 3), puis à Ptolémaïs (Ac 21, 7) et de là, il continue son voyage vers Jérusalem. C’est dans cette ville qu’il sera arrêté (Ac 21, 27ss). Transféré à Césarée à cause d’un complot des Juifs, il y restera deux ans avant d’être embarqué pour Rome, suite à sa demande pour que son cas soit jugé par le tribunal impérial (Ac 25, 11-12). Ac 27 nous raconte le voyage jusqu’à Malte où le navire s’échoue à cause d’une tempête. Après un séjour de trois mois à Malte, le voyage se poursuit jusqu’à Pouzzoles, et delà, par terre, Paul arrive jusqu’à Rome (Ac 28, 11-14)
Comme il l’a fait souvent, Paul à Rome rencontre d’abord les Juifs (Ac 28, 17ss) avant de citer les paroles d’Isaïe 6, 9-10 et de conclure : « Sachez donc, c’est aux païens qu’a été envoyé le salut de Dieu. Eux du moins, ils écouteront. »
Et dans un court épilogue, Luc nous dit que Paul demeure deux ans à Rome, « proclamant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec pleine assurance et sans obstacle. » (Ac 28, 31)
Ainsi après les cinq premiers chapitres des Actes qui illustraient l’annonce de l’Evangile à Jérusalem, après les chapitres 6-12 qui montraient comment, à la suite de la persécution des Hellénistes, l’Evangile atteignait la Samarie et débordait même jusqu’à Antioche, à partir du chapitre 13 des Actes, grâce à la mission de Paul, la Bonne Nouvelle sort du monde juif et elle sera proclamée jusqu’au au cœur du monde. L’ordre donné par le Ressuscité en Ac 1, 8 : « vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre », cet ordre est maintenant accompli en Ac 28.
Pour l’auteur des Actes, Paul est la grande figure de son récit, qu’il présente en parallèle avec celle de Pierre : les deux guérissent un paralytique (Ac 3, 1-8 et 14, 8-10) ; les deux ressuscitent un mort (Ac 10, 39-42 et 20, 7-12); les deux sont délivrés miraculeusement de leur prison (Ac 12, 1-11 et 16, 25-28).
Mais surtout Paul réalise en grand ce que Pierre avait commencé en accueillant Corneille dans l’Eglise. Il est vraiment celui qui donne à l’Eglise sa véritable dimension universelle. C’est lui aussi qui souligne que le salut ne peut pas être obtenu par la loi de Moïse (Ac 13, 38-39 et la note TOB).
Les Actes nous présentent Paul comme un Juif fidèle et fier de sa tradition. Son message, Paul l’adresse d’abord aux Juifs, mais devant la réponse très partagée des Juifs, il se tourne résolument vers les païens et l’auteur des Actes place dans la bouche de Paul deux discours où la foi est proposée directement à des non-juifs : Ac 14, 15-17 et surtout 17, 22-31 (voir les notes BJ et TOB sur ces passages).
La mission de Paul, comme celle des Hellénistes qui avaient fait sortir la foi chrétienne de Jérusalem, est marquée par des épreuves, des tribulations (cf. Ac 14, 22), mais elle porte aussi la marque de la puissance du Ressuscité.
D’autre part, le récit des Actes nous dépeint un apôtre parfaitement à l’aise dans le monde gréco-romain, parlant grec, faisant pleine confiance à l’administration romaine et à sa justice (qui reconnaît, par trois fois, son innocence face aux accusations des Juifs).
En bref, si dans la première partie des Actes, Luc donnait à Pierre le rôle principal, la seconde partie est entièrement dominée par la figure de Paul. Pour l’auteur des Actes, Paul est l’apôtre qui proclame Jésus Christ, avec pleine assurance, jusqu’au cœur même de l’empire romain.
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Paul dans ses Lettres
Les Actes des Apôtres ont été écrits vers la fin du 1er siècle (vers 80-90). Nous y trouvons le point de vue de Luc : sa présentation de l’apôtre, de l’importance de son activité missionnaire, telle qu’on pouvait la voir dans l’Eglise de son époque.
Lorsque nous lisons les Lettres de Paul, nous avons en main des textes plus anciens et qui proviennent de l’intéressé lui-même.
Ces Lettres de Paul, qui nous sont parvenues, – habituellement on lui en attribue 13 (14 avec He) – peuvent se répartir en trois catégories :
– 7 lettres authentiques datées des années 50-58 et sur lesquelles tous les critiques sont pratiquement d’accord : 1 Th ; 1-2 Co ; Ph ; Ga ; Ro ; Phm
– Un second groupe, dont l’authenticité est discutée ou, au moins, limitée (rédaction importante d’un secrétaire, éventuellement réutilisation de textes authentiques) : Col ; 2 Th ; Ep.
– Enfin un troisième groupe, comprenant les « Pastorales » : 1-2 Tm ; Tit ; des lettres que l’on situe généralement après la mort de Paul.
Dans les Lettres, nous ne trouvons pas une présentation systématique de Paul et de son activité apostolique. Les Lettres sont des écrits occasionnels où Paul répond à des questions qui lui ont été posées, réagit à des nouvelles qu’il a reçues, ou encore exprime ce qu’il est en train de découvrir du mystère chrétien.
Dans l’ensemble, on peut dire que les Lettres confirment ce que l’auteur des Actes nous disait à sa manière : Paul est un Juif fidèle, très attaché aux traditions de son peuple, à tel point que, dans sa jeunesse, il a cru de son devoir de s’opposer très fortement aux disciples de Jésus, jusqu’au jour où Dieu « daigna révéler en (lui) son Fils pour qu’il l’annonce parmi les païens » (Ga 1, 15).
Juif de la Diaspora, Paul lit la Bible en grec (LXX). Sa connaissance parfaite du grec, ses qualités littéraires témoignent d’une très bonne formation, reçue probablement dans sa ville natale. Paul se révèle comme un écrivain de talent.
A-t-il étudié à Jérusalem ? Lui-même n’en parle pas, et certains en doutent. Ce qui est sûr, c’est que Paul sait argumenter à partir des Ecritures, à la manière des rabbins.
Dans ses Lettres, Paul insiste sur sa vocation particulière ; une vocation qu’il a reçue directement de Dieu et qu’il compare à celle de Jérémie ou du Serviteur d’Isaïe : « quand Celui qui dès le sein maternel m’a mis à part et appelé par sa grâce, daigna révéler en moi son Fils, pour que je l’annonce parmi les nations, aussitôt sans monter à Jérusalem, trouver les apôtres, mes prédécesseurs, je m’en allais en Arabie… » (cf. Ga 1, 15-17).
C’est aussi ce qu’il exprime aussi dans l’adresse de ses Lettres :
– Rm 1, 1…5 : « Paul serviteur du Christ Jésus, apôtre par vocation pour annoncer l’Evangile de Dieu […] concernant son Fils […] Jésus Christ notre Seigneur, par qui nous avons grâce et apostolat, pour prêcher à l’honneur de son nom,, l’obéissance de la foi parmi tous les païens. »
– Ga 1, 1 : « Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par l’intermédiaire des hommes, mais par Jésus Christ et Dieu, le Père, qui l’a ressuscité des morts… »
Mais Paul sait aussi souligner ce qui le relie aux autres apôtres : dans 1 Co, il fait appel, par deux fois, à des traditions qu’il a reçues dans l’Eglise :
– 1 Co 11, 23 : « J’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai moi-même transmis : le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré… »
– 1 Co 15, 3 : « Je vous ai transmis en premier lieu ce que j’ai moi-même reçu : Christ est mort pour nos péchés selon les Ecritures … »
et il termine ce passage de la lettre en soulignant son accord avec la foi prêchée par les Douze : « Bref, eux et moi, voilà ce que nous prêchons. Et voilà ce que vous avez cru. » (1 Co 15, 11)
Même dans la lettre aux Galates, où il insiste sur sa vocation et sa mission particulières, Paul dit clairement qu’il a voulu exposer aux notables de Jérusalem (Jacques, Céphas, Jean) l’Evangile qu’il prêchait parmi les païens « de peur de courir ou d’avoir couru pour rien. » (Ga 2, 2)
D’autre part, le soin de Paul pour la collecte (Ga 2, 10 ; 1 Co 16, 1 ; 2 Co 8 – 9) montre son souci de marquer l’unité des croyants venus du monde juif et des nations. En Rm 15, 31, il demande à ses correspondants de prier pour que ce partage – la collecte – soit agréé par les frères de Judée et marque ainsi les liens qui unissent tous ceux qui croient au Christ.
Cependant il est sûr que les Lettres de Paul nous permettent de connaître le ministère de l’apôtre d’une manière beaucoup plus réaliste que le récit des Actes. Nous y voyons l’engagement de Paul et les difficultés qu’il a rencontrées dans son ministère (2 Co 4, 8-10 ; 11, 23-29). Les Lettres témoignent de sa joie quand il apprend que des jeunes communautés persévèrent (1 Th 2, 13-14), de sa colère face à ceux qui viennent semer la zizanie chez les Galates (cf. Ga).
En suivant les Actes, on avait pensé reconnaître trois voyages missionnaires de Paul, partant d’Antioche et y retournant. A partir des Lettres, les choses ne semblent pas si simples. Comme l’exprime bien J. Guillet, Paul a perçu dès le début de sa vocation la dimension universelle du salut dans le dessein de Dieu : « La parole des témoins du Ressuscité doit être annoncée au monde entier, et le dernier repas du Seigneur doit rassembler tous ceux pour qui Jésus a livré son corps et donné son sang. » (J. GUILLET, Paul, l’apôtre des nations, Bayard 2002, p. 103)
Nous sommes certes peu renseignés sur la dizaine d’années qui s’écoulent entre la vocation de Paul et les Lettres, mais une chose apparaît cependant clairement à partir d’Ac 15 et de Ga 2 : l’entrée des païens dans l’Eglise et surtout leur intégration (la communauté de table) a fait problème. Certains cherchent un compromis, mais Paul « n’accepte pas ce compromis qui lui semble ne pas donner toute sa place au salut dans le Christ. Il se sépare de Barnabé, quitte Antioche, ses appuis et ses missions. Il n’est plus l’envoyé de personne : il est seulement l’apôtre du Christ Jésus. » (J. GUILLET, op. cit. p. 105)
Paul prend résolument le chemin vers les païens : « Il sait exactement où il ne doit pas aller : sur les territoires défrichés par d’autres avant lui. Et s’il ne le dit pas ouvertement, il laisse bien entendre le principe de ses choix et de son action : c’est à la fois le mouvement de l’Esprit saint et les perspectives raisonnables ouvertes à l’Evangile. Paul garde les yeux fixés sur les grands centres urbains Ephèse, Troas, Corinthe, Thessalonique. » (J. GUILLET, op. cit. p. 106)
Paul ne s’attarde pas en chemin ; il plante, d’autres peuvent arroser, mais il sait que c’est Dieu qui donne la croissance (cf.1 Co 3, 6). Pour lui, il veut porter l’Evangile toujours plus loin (cf. Rm 15, 23-24 et note BJ). Annoncer l’Evangile est pour lui une nécessité : « Oui, malheur à moi, si je n’annonçais pas l’Evangile ! »(1 Co 9, 16).
Mais les Lettres nous permettent surtout de mieux connaître ce qui le fait vivre. Comme il le dit : « il a été saisi par le Christ » (Ph 3, 12) ; il a découvert l’amour dont il est l’objet : « Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi. » (Ga 2, 20 ; cf. 2 Co 5, 14) Au centre de sa vie, il y a désormais le Christ et le Christ crucifié (cf. 1 Co 2, 2 ; Ga 3, 1). Il n’a pas connu le Christ selon la chair (cf. 2 Co 5, 16) et pourtant « le Christ de Paul est aussi vivant pour lui que le Jésus qui retenait Pierre en train de couler dans le lac et confiait son secret au disciple qu’il aimait. […] Jésus n’était pas plus proche des Douze en Galilée que de Paul sur les routes de l’empire romain. » (J. GUILLET, op. cit. p, 168-169)
Dans ses Lettres, nous découvrons aussi avec émerveillement la théologie de Paul. Il est le premier, à notre connaissance, à exprimer dans la culture et la langue grecques le mystère chrétien du salut. Il le fait, non pas d’une manière systématique, mais pour répondre aux questions qui lui ont été posées ou pour partager avec ses correspondants la foi qui l’habite. Ecrites sur une dizaine d’années, ses Lettres nous permettent souvent de suivre l’évolution de sa pensée.
Je ne retiendrai ici que deux points : sa présentation du salut chrétien et sa vision de l’Eglise.
Le salut, comme Paul le souligne, est un don totalement gratuit de la part de Dieu ; il est offert à tous les hommes, indépendamment de la Loi de Moïse (cf. Ga 3) ; tous, Juifs ou païens, ne peuvent que l’accueillir dans la foi (cf. Rm 1, 16 – 4, 25). Ce salut est la révélation d’un amour inouï de Dieu pour l’homme, l’amour du Père et du Fils :
« C’est en effet, alors que nous étions sans force, au temps fixé que le Christ est mort pour les impies ; à peine en effet, voudrait-on mourir pour un homme juste […] mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. » (Rm 5, 6-8) et « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute faveur ? » (Rm 8, 32). Ce salut marque la réconciliation du monde avec Dieu (2 Co 5, 17-21), et grâce à l’Esprit qui nous est donné, il nous permet de nous tourner vers Dieu en l’appelant « Abba, Père » (Rm 8, 15-16).
L’Eglise : c’est à Paul que nous devons l’image de l’Eglise, Corps du Christ. Mais c’est aussi chez lui, dans ses Lettres, que le mot Eglise désigne pour la première fois les communautés, issues du monde païen, qui croient au Christ : « à l’Eglise de Dieu, établie à Corinthe … » (1 Co 1, 2 et note BJ) ; « à l’Eglise qui se réunit dans ta maison / chez eux. » (Phm 2 ; cf. Rm 16, 5 ; 1 Co 16, 19 ; Col 4, 15).
Or ce mot Eglise est la traduction (dans la LXX) du mot qahal qui désignait dans l’AT le peuple élu de Dieu rassemblé au Sinaï (cf. Dt 9, 10 et note BJ). Paul ne craint pas de donner ce titre aux communautés qui désormais rassemblent « Juif et Grec, esclave et homme libre, homme et femme » (cf. Ga 3, 28).
Cependant si elle abolit les divisions habituelles que nous mettons entre les hommes, cette réunion en Eglise ne se fait pas dans le désordre, comme le rappelle Paul en 1 Co 12. Pour s’expliquer, il a recours à l’apologue classique de la société comparée à un corps humain. Mais Paul dépasse l’apologue : il ne dit pas aux Corinthiens si turbulents : or vous êtes un corps mais il écrit : « or vous êtes, vous, le corps du Christ et membre chacun pour sa part. » (1 Co 12, 27)
La Lettre aux Colossiens va lui permettre de compléter sa pensée : c’est le Christ qui est « la Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Eglise […] car Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude, et par lui à réconcilier tous les êtres avec lui, aussi bien sur la terre que dans les cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix. » (Col 1, 17-20 ; cf. aussi Col 2, 19)
L’auteur de la Lettre aux Ephésiens mettra la dernière touche à cette image : l’Eglise devient la manifestation du « mystère » caché en Dieu depuis les siècles (Ep 3, 9-10) et elle est appelée à réunir en une seule famille tous les hommes (Ep 3, 5-6).
En citant les Lettres aux Colossiens et aux Ephésiens, je voulais introduire une dernière touche à ce visage de Paul que nous trouvons dans ses Lettres : ses héritiers.
Si, comme on le pense aujourd’hui, certaines Lettres ne sont pas directement de Paul, elles appartiennent cependant à un cercle qui a été marqué par la personnalité de l’apôtre et qui a su adapter et prolonger la pensée de Paul. Comme l’écrit R. E. Brown : « Imiter le maître est une forme de reconnaissance ; être inspiré par lui pour aller encore plus loin est une contribution plus grande encore à son héritage. » (R.E. BROWN, Que sait-on du Nouveau
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Pour conclure : un portait et un autoportrait
Dans les Actes, l’auteur nous peint son portrait de Paul. « On l’a souvent critiqué pour n’avoir pas pleinement compris la théologie de Paul, […] pour avoir simplifié le parcours de Paul, et laissé de côté nombre de controverses dans sa vie. On ne peut cependant faire le difficile devant son extraordinaire contribution : il consacre à Paul la moitié de sa longue description de la naissance et de l’expansion du christianisme. Que Paul ait été ou non à ce point important pour les chrétiens non pauliniens, le livre des Actes a placé pour toujours Paul à côté de Pierre au ‘panthéon’ chrétien comme les deux personnages les plus importants à la suite de Jésus. » (R.E. BROWN, op. cit. p.495)
Ce que nous trouvons dans les Lettres est sans doute trop fragmentaire pour constituer un véritable autoportrait de Paul. Il reste que ces Lettres nous livrent ce qu’il y a de plus autobiographique dans le Nouveau Testament, et même dans toute la Bible. C’est dans ces Lettres que s’affirme la personnalité de Paul, son attachement au Christ, le sens de sa mission et de la vie chrétienne dans des formules souvent inoubliables. C’est là aussi que nous pouvons découvrir les richesses de sa pensée théologique.
Alors les Actes ou les Lettres ? Heureusement nous n’avons pas à choisir : les deux ont été reçus par la communauté croyante ; les deux appartiennent au canon ; les deux nous aident encore aujourd’hui à rejoindre l’apôtre.