naissance de l'islamisme

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florence.yvonne

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naissance de l'islamisme

Ecrit le 14 févr.06, 22:58

Message par florence.yvonne »

A l'ombre du Coran

Le 24/03/2004 à 10 h 02 par Raphael Mergui



L’horreur des attentats fait souvent oublier que, si l’islamisme est djihad et action, il est aussi un corps de doctrine. Une doctrine sophistiquée. La guerre que Ben Laden a déclarée à l’Occident n’est ni politique ni militaire. Elle est théologique. L’objectif de cette lutte est de débarrasser l’âme musulmane des souillures de la démocratie libérale. La taille de l’enjeu est tel qu’il ne peut pas s’embarrasser de sensiblerie humaniste sur la valeur de la vie. Le livre de l’Américain Paul Berman , Les habits neufs du terrorisme, qui vient de paraître à Paris, est une brillante analyse du corpus doctrinaire de l’islamisme.




L’islamisme et le panarabisme baasiste sont contemporains. Leurs corps de doctrine respectifs ont le même point de départ. Le théoricien du baasisme, le chrétien Michel Aflaq, les résument bien : « les philosophies et les enseignements venus d’Occident corrompent l’esprit arabe et lui volent son identité ». Le mouvement des Frères musulmans est né en Egypte en 1928. Son fondateur, Hassan Al Banna, leur n’hésite pas à exprimer « sa considérable admiration pour les chemises brunes nazies ». Ces deux citations résument bien la théorie de Paul Berman dans Les habits neufs du terrorisme : il est droit le chemin qui mène du nazisme à l’islamisme ; il s’appelle totalitarisme.

L’écrivain américain considère l’égyptien Sayyid Qutb comme le penseur islamiste le plus profond. Il est né en 1906, la même année que Hassan Al Banna. A 10 ans, il est capable de réciter le Coran par cœur. Après des études au Caire, il devient fonctionnaire au ministère de l’Education nationale. Puis il voyage aux Etats-Unis où il fait quelques études. De retour en Egypte, il s’engage aux côtés des Frères musulmans dont il devient le principal théoricien.

Arrivé au pouvoir, Nasser interdit le mouvement des Frères musulmans. Nombre de ses intellectuels se réfugient en Arabie saoudite où le régime wahabite leur offre honneurs, chaires universitaires et argent. Le frère cadet de Sayyid Qutb, Mohamed est de ceux-là. Il aura pour étudiant un certain Oussama Ben Laden. Sayyid Qutb, lui, a préféré rester en Egypte. Mal lui en prit. Nasser le fait emprisonner en 1954. A l’exception de quelques mois de liberté, il y restera jusqu’à sa pendaison en 1966. Il est alors âgé de 61 ans. C’est dans sa cellule qu’il rédige son livre majeur, A l’ombre du Coran, une énorme somme de 30 volumes d’exégèse du livre saint.

A l’instar des marxistes, Qutb met au centre de sa réflexion le nécessaire lien entre pensée et action dans l’Islam. Paul Berman écrit : « …la vérité du Coran n’exige pas seulement un engagement religieux, mais un engagement révolutionnaire ; seule l’action lui donnera son prix ». L’engagement peut mener au sacrifice suprême. Vérité et martyre ne font qu’un.

La réflexion de Qutb part du diagnostic de l’état de l’homme musulman victime « d’une hideuse schizophrénie » héritée du christianisme. Ce dernier opère une coupure radicale entre Dieu d’un côté et le monde physique de l’autre, entre la foi et la science. L’Islam originel, lui, proclame l’unité de Dieu et de la nature. En tant que représentant de Dieu sur terre, son « vice-régent », l’homme a le devoir de l’explorer en son nom. L’Islam, donc, valorise la science. Mais, sous l’influence du christianisme, les musulmans sont devenus schizophréniques, vivant douloureusement leur aliénation au quotidien.

Le libéralisme représente la quintessence de cette aliénation : il met la religion dans un coin et l’Etat dans un autre, hissant l’homme au rang d’arbitre du comportement moral. C’est à ce moment précis de son raisonnement que Qutb fait intervenir les juifs. Ce n’est pas tant le sionisme qui l’inquiète que leur rôle dans le monde des idées. Ils utilisent l’idéal démocratique – dont ils seraient les principaux concepteurs et propagateurs – pour détruire tout ce que l’islam compte de sacré. Tel est le fameux complot juif. Il est d’ordre théologique et non politique. La tolérance et l’ouverture d’esprit font disparaître le divin. En Islam, Dieu englobe tout. Il doit tout diriger. L’Occident n’est pas dangereux à cause de sa politique étrangère anti-arabe ou de son racisme mais, à cause de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Encore une fois, la critique islamiste est radicale parce qu’elle est théologique et non politique :

« …c’est avant tout sur des bases idéologiques que le sionisme mondial et les croisés des Eglises, tout autant que le communisme mondial,mènent l’attaque contre l’islam et la communauté musulmane…L’enjeu de la confrontation n’est pas un contrôle de territoire ou des ressources économiques, pas plus qu’une domination militaire ».

L’enjeu, c’est de voir les doctrines libérales occidentales anéantir l’islam, corrompre l’âme musulmane. L’ennemi est aussi intérieur : les musulmans laïcs contaminés par l’occident dont le prototype est Kemal Atatürk. Mais l’islam est le plus fort. Il vaincra, en particulier, grâce une avant-garde islamique, une espèce de micro-société dotée d’une contre-culture islamique. Un bon musulman s’engage dans une lutte, le djihad, pour répandre l’islam dans le monde et, au bout du bout, recréer l’Etat musulman originel régi par la charia.

Ici, la pensée de Qutb ne manque pas d’originalité. L’Etat musulman primitif prône la liberté des individus. En effet, uniquement soumis à Dieu, et non les uns aux autres, ils sont libres et égaux en droits. Un tel Etat garantit une sécurité sociale universelle, l’égalité de l’homme et de la femme et même la liberté de conscience puisque, les non musulmans ont le droit de pratiquer leur religion. Ce sont, en conclut Paul Berman, « presque des idées anarchistes ». C’est, à peu de choses près, ce que pense Tariq Ramadan. L’Occident, selon le philosophe genevois, valorise la révolte, donc le doute et le scepticisme. L’Islam lui est soumission, laquelle conduit « à la justice sociale, à la paix de l’âme et permet de vivre en harmonie avec le monde ». La charia, la loi musulmane, telle qu’on vient de la décrire est une utopie. Seul le djihad, la guerre sainte, peut la faire advenir.

Jusqu’à ce point, l’islamisme, aux yeux des occidentaux, est une solution plus qu’un problème. Une solution dans la lutte contre le communisme. Il a pu aussi, dans sa forme khomeyniste de théologie de la libération, séduire des intellectuels de gauche comme Foucault.

Mais Khomeiny mit aussi en pratique la face la plus atroce de l’islamisme : le suicide et la mort en masse. D’une façon générale, les révoltes et révolutions islamistes des années 80 et 90 pratiquèrent le massacre à une échelle comparable à celle du fascisme et du communisme.

Al Qaida finit par émerger de ce tumulte. Elle est, tout à la fois, le produit du khomeynisme, des universités saoudiennes, de l’enseignement des théologiens égyptiens et du djihad afghan.

Fidèle à la doctrine de Qutb selon laquelle le conflit avec l’Occident est d’abord théologique, Ben Laden reprend à son compte la formule de son ancien maître palestinien, Cheikh Abdullah Azzam : « Pas de négociations, pas de conférences, pas de dialogue ». En somme, comme dit Paul Berman, le djihad et le fusil et rien d’autre. L’obsession du djihad débouche naturellement sur la glorification de la mort. C’est toujours Azzam qui écrit : « L’histoire ne s’écrit qu’avec du sang. L’imposant monument de la gloire est bâti sur des ossements. On ne peut bâtir l’honneur et le respect que sur une base de cadavres et d’infirmes ».

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