Débat sur le diaconat féminin
Après les propos de Benoît XVI sur un service ministériel confié aux femmes, la restauration du ministère de diaconesse revient dans le débat ecclésial
«Nous pensons que plus d’espace et plus de responsabilité peuvent être confiés aux femmes dans le service ministériel. » En répondant ainsi, vendredi 3 mars, à la question d’un prêtre qui lui demandait si le moment n’était pas venu d’accorder une reconnaissance « institutionnelle aux femmes », Benoît XVI a relancé un vieux débat. Celui du diaconat féminin dans l’Église catholique… Certes, nul ne sait, pour le moment, ce qu’a voulu dire le pape ce jour-là. Mais l’idée d’une éventuelle restauration des femmes diaconesses vient à l’esprit.
« Tout est possible d’un point de vue canonique », affirme d’emblée Agnès Manesse, secrétaire générale de l’Action catholique générale féminine (ACGF) qui a été permanente en pastorale dans le diocèse de Poitiers pendant une dizaine d’années. « Il y a là, en effet, une vraie tradition ecclésiale ! », poursuit cette mère de famille de 48 ans, qui vient de consacrer un chapitre à la question des diaconesses, dans un document de l’ACGF (1).
On sait avec certitude que, dans l’Église primitive du IIIe au VIIe siècle, il existait des femmes diaconesses ayant surtout un rôle dans la pastorale des femmes, notamment l’accompagnement des catéchumènes et la visite des malades. « Le baptême se faisant alors par immersion, seules des femmes pouvaient l’administrer à d’autres femmes », souligne la théologienne Jeanine Hourcade qui réfléchit de longue date à la restauration des diaconesses (2).
Mais peu à peu, le baptême des jeunes enfants rendant inutiles les diaconesses, celles-ci disparaissent. Et le IIe concile d’Orléans (533) interdira leur ordination à cause de la « fragilité du sexe ». Au XIXe siècle, ce terme de diaconesse sera repris par le protestantisme (telles les diaconesses de Reuilly, en France) pour des communautés de femmes vouées à l’entraide et l’évangélisation.
Les diaconesses "n'ont jamais totalement disparu"
Dans l’orthodoxie, la tradition de femmes diaconesses a perduré, comme l’a rappelé, le 25 janvier dernier, le théologien orthodoxe Kyriaki Karidoyanes Fitzgerald, devant un public essentiellement catholique au Saint Paul’s College de Washington (États-Unis). Estimant que les diaconesses « n’ont jamais totalement disparu » de la vie ecclésiale, ce théologien orthodoxe affirme qu’il y a « des signes clairs montrant le désir de faire revivre cette réalité (3) ». Selon Jeanine Hourcade, la position orthodoxe sur les diaconesses devrait davantage être prise en considération dans le cadre du dialogue œcuménique. Leur restauration pourrait être un « élément constructif d’unité », estime-t-elle, les orthodoxes ayant « un charisme spécial pour ramener à la vie une institution orientale ».
Dans l’Église catholique, l’éventualité d’une restauration des diaconesses bute sur un obstacle de taille : la question de l’ordination. Le débat porte aujourd’hui sur le point de savoir si ces diaconesses de l’époque patristique étaient ordonnées, ou pas, au même titre que les hommes diacres. « Certains considèrent qu’il s’agissait vraiment d’une entrée dans le sacrement de l’ordre, d’autres que ce n’était pas une ordination mais plutôt une investiture », résume pour La Croix le théologien jésuite Bernard Sesboüé, avant de rappeler que le théologien dominicain Yves Congar, qui « était hostile aux femmes prêtres, était favorable aux femmes diaconesses ».
Il est certain que la Commission théologique internationale chargée par le Saint-Siège d’étudier à nouveau le ministère diaconal, et qui avait rendu ses conclusions en septembre 2002 (4), en demandant de « s’en remettre à la décision du Magistère », a laissé la question ouverte. Cette commission précisait, par ailleurs, que les diaconesses de l’Église ancienne ne sont pas « purement et simplement assimilables aux diacres ». Il faut dire que depuis les années 1970, les conférences épiscopales d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse ou des États-Unis ont régulièrement soulevé la question de l’accès des femmes au ministère ordonné du diaconat, dans le prolongement de Vatican II et de la restauration du diaconat permanent pour les hommes.
A Luçon, plusieurs femmes ont déjà des postes importants
En France, en revanche, cette question n’a jamais été abordée par la Conférence des évêques. « Les responsabilités que les femmes exercent dans l’Église sont déjà des ministères reconnus », estime Mgr Michel Santier, évêque de Luçon.
Dans ce diocèse – un des rares en France à avoir nommé, depuis une dizaine d’années, une déléguée aux mouvements féminins –, on compte plusieurs femmes à des postes importants : une est déléguée adjointe à l’apostolat des laïcs ; une autre est à la fois secrétaire générale du synode et responsable de la pastorale familiale ; une autre encore est déléguée diocésaine des aumôneries de l’enseignement public et responsable adjointe de la pastorale des jeunes ; c’est aussi une femme qui est directrice de la maison diocésaine… « Si c’est cela être diaconesses, elles le sont déjà sans en avoir le titre », poursuit avec humour l’évêque de Luçon. Parmi les évêques français, ils sont nombreux, semble-t-il, à penser comme Mgr Santier et à se satisfaire de la situation. Et pourtant…
Le diaconat féminin ne mériterait-il pas une plus grande reconnaissance, ne serait-ce qu’au regard de «l’actuelle émergence de nouveaux ministères reconnaissant le grand rôle et la grande efficacité des ministères féminins dans l’Église», selon l’expression du cardinal italien Carlo-Maria Martini, en 2004 ? «Théoriquement, il serait possible à la Conférence épiscopale de France de se saisir de cette question, mais concrètement il est difficile qu’elle le fasse sans l’aval, ou en tout cas les encouragements silencieux, du Vatican», poursuit le P. Sesboüé.
Or, ces réticences de Rome s’expliquent surtout par le désir d’« éviter toute confusion sur ce qu’est le diaconat », selon l’expression du cardinal Dario Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation pour le clergé. Ce que le théologien assomptionniste Bruno Chenu résumait par l’image du « cheval de Troie », le diaconat féminin pouvant servir de brèche pour investir le presbytérat, comme cela s’est passé dans l’Église anglicane. Bref, seule Rome peut faire avancer ce dossier : qu’a donc vraiment voulu dire Benoît XVI vendredi 3 mars ?
Claire LESEGRETAIN
(1) Les Femmes dans l’Église catholique, à paraître à la fin du mois.
(2) Les diaconesses dans l’Église d’hier et d’aujourd’hui, Éd. Saint-Augustin, 2003.
(3) Women deacons in the orthodox church : called to holiness and ministry, Éd. Holy Cross orthodox press, 1998.
(4) Documentation catholique du 19 janvier 2003. À lire également : « Le diaconat permanent féminin, ombres et lumières », dans La Documentation catholique, n°
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Ecrit le 08 mars06, 01:12(Isaïe 30:15) Votre force résidera en ceci : dans le fait de rester calmes et [aussi] dans la confiance . AM - JW - Les Témoins de Jéhovah
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