Le principe anthropique : dialogue croyant/athée
Posté : 10 avr.06, 04:38
Voici un dialogue fictif entre croyant et mécréant sur le principe anthropique. J'ai eu l'idée de vous en faire part, car l'argument étant récurrent parmi la masse des croyants, il m'a semblé utile de leur montrer le points de vue des mécréants que nous sommes sur cette question :
<<J'étais en pleine discussion traitant de l'existence de Dieu avec un croyant lorsqu'il me lança d'un air provocateur :
-As tu entendu parler du principe anthropique?
Je répondis <<Pas encore non.>>
Ses yeux pétillaient à l'idée du retentissement que produira son discours. Il finit après un bref instant de silence par déclarer :
-Les astrophysiciens se seraient rendus compte qu'une infime variation dans les constantes fondamentales (constante de gravitation, vitesse de la lumière etc...) ou dans les conditions initiales à la formation de l'univers (vitesse d'expansion, quantité de masse et d'énergie présentes etc...) auraient donné naissance à un univers stérile, c'est à dire un univers qui n'aurait pas pu abriter la vie. Pourrait-on raisonnablement supposer que toutes ces valeurs n'aient été fixées ainsi que par le fruit du hasard, ou n'apparaît il pas comme limpide que l'univers semble avoir été créé par un principe supérieur de telle sorte que nous puissions y vivre? Le principe anthropique est ce qui permet d'affirmer que l'univers a été créé dans le but d'y abriter la vie. Qui aurait pu créer un univers dans le but d'y implanter la vie si ce n'est un Dieu?
-Je vois le cheminement de ta pensée. Trouves tu si étonnant, sachant que nous existons, que l'univers semble règlé pour y accueillir les hommes?
-Ce n'est pas que cela, mais il semble fort improbable que l'univers n'aie vu ses paramètres initiaux et ses constantes fondamentales fixées si précisément par hasard! Il semble donc que l'univers aie une finalité et donc qu'il soit l'oeuvre d'une volonté intelligente!
-Avant de s'extasier devant une flèche plantée sur une cible peinte, ne te semblerait il pas bon de te demander si la cible n'a pas été peinte après l'arrivée de la flèche?
-Si, mais où veux tu en venir?
-Tu vas vite comprendre. Si tu es étonné, c'est en fait parceque tu existes, en ce que cela te semble improbable, d'autant plus qu'en effet, comment pourrais-tu t'étonner si tu n'existais pas?
-Je ne pourrais pas, c'est, il me semble, une évidence.
-Mais si tu n'existais pas, cher ami, crois tu que tu aurais la loisirs de t'en plaindre ou de le regretter?
-Non bien sûr.
-Imagine-toi à présent une troupe de guerriers dont la coutume est de croire aux objets porte-chance qui protègent la vie de celui qui le porte sur lui lors du combat. Une guerre éclate avec une tribu voisine. Comme on peut s'en douter, le bilan à la fin de la guerre est le suivant : il y a des morts et des survivants. Celui qui a survécu a donc, à la fin de la guerre, toutes les raisons de croire que son porte-chance, si ésotérique et encombrant au combat soit-il, lui a réellement porté chance, et il en vantera sans doute à l'avenir les mérites autour de lui. D'un autre côté, si nous admettions que les évènements furent un peu différents de telle sorte que ce guerrier survivant aie trépassé au combat, il n'aurait eu aucun moyen de se plaindre du disfonctionnement de son porte-chance. Je crois qu'en un sens tu es comme le guerrier survivant de cette tribu imaginaire.
Il eût l'air un peu embêté, mais finit par reconnaître
-Hélas, je dois bien admettre que tu as peut-être raison!
-Mais, je pourrais également te dire que les constantes fondamentales ne sont peut-être pas si fondamentales que cela. Par exemple personne ne sait pourquoi le vitesse de la lumière est d'environ 300.000 Km.s, mais personne ne sait non plus si l'explication ne découle pas d'une loi physique, plus fondamentale encore, qu'il nous resterait à découvrir. Ces constantes seraient donc l'oeuvre de la nécéssité, et il serait dans ce cas impensable de s'imaginer la naissance d'un univers dont les constantes sont différentes des nôtres.
-Peut-être, mais il reste toujours les paramètres définissant les conditions initiales dont il reste troublant qu'ils soient précisément à cette valeur et non à une autre.
-Tout comme les constantes "fondamentales" ne sont peut-être pas si fondamentales, nous ne savons pas si les conditions "initiales" sont si initiales que cela. Il se peut qu'elles ne soient l'oeuvre de réactions physiques et chimiques précédent la formation de notre univers. Donc une fois de plus nous retomberions sous le joug de la nécéssité.
-C'est un point de vue qui se défend.
-Et je peux revenir à ma première métaphore avec la flèche et la cible : je crois que le principe anthropique "peint la cible" autour de la flèche, non seulement pour la raison que j'ai évoqué avant, mais notemment parcequ'il inverse la causalité. Celui-ci précise, dis-tu, que l'univers aie été créé pour y abriter la vie ; et tu en déduis que cela devrait être une intelligence supérieure qui aurait présidé à sa création, n'es-ce pas?
-C'est exactement cela.
-Seulement, je vais te fournir un exemple qui montre bien que rien n'appuie l'hypothèse du principe anthropique.
-Va-y.
-Un enfant peut-il être enfanté par quelqu'un (ou quelquechose) d'autre qu'une femme?
-Je ne crois pas non.
-Dès lors, à chaque fois que nous voyons un enfant, nous savons qu'il a nécéssairement été engendré par une femme, comme par le fait de nos existences, nous savons que les conditions de l'univers sont telles qu'elles permettent nécéssairement à l'homme et, et aux autres êtres vivants en général, de subsister.
-Pour sûr.
-Cependant, qui serait prêt à soutenir que le fait que l'enfant soit né a déterminé à l'avance le sexe de l'individu qui l'a enfanté?
-Pas moi en tout cas!
-Pourtant le principe anthropique soutient bien le fait que les êtres vivants aient déterminé les conditions de formation de l'univers!
-C'est vrai.
-C'est donc bien que le principe anthropique se base sans doute sur une conception éronnée de la causalité, prenant allègrement la cause pour l'effet, et vice-versa.
-C'est dingue de ma part d'avoir à le reconnaître mais tu dis peut-être vrai!
-Enfin, je tiens à faire une petite parenthèse pour te montrer que même si le principe anthropique se révélait vrai, il ne serait pas encore une preuve, ni même être un argument, en faveur de l'existence de Dieu.
-Parle, je suis tout ouï.
-En fait, le principe anthropique ne fait rien qu'affirmer entre autres, qu'il soit improbable que l'univers ne soit apparu indépendemment d'une volonté intelligente.
-Oui c'est cela.
-Non seulement improbable ne signifie pas impossible, mais il existe des scientifiques très sérieux qui ont émis l'hypothèse d'univers parallèles. Chacun de ces univers aurait alors une combinaison différente de constantes physiques et conditions initiales, le nôtre étant le seul bénéficiant de la combinaison gagnante pour l'émergeance de la vie. Plusieurs scénarios ont déjà été suggérés. Par exemple, pour contourner la description de la réalité en termes d'ondes de probabilités par la mécanique quantique, le physicien Hugh Everett a proposé que l'univers se divise en deux exemplaires chaque fois que s'offre une alternative ou un choix. Certains univers ne se distingueraient du nôtre que par la position d'un seul électron dans un seul atome. D'autres seraient radicalement différents. Ils auraient d'autres constantes physiques, d'autres conditions initiales et d'autres lois physiques. Un autre scénario de multivers est celui d'un univers cyclique avec une série infinie de big bang et de big crunch. Chaque fois que l'univers renaît de ses cendres pour repartir dans un nouveau big bang, il le fait avec une nouvelle combinaison de constantes physiques et de conditions initiales. Une troisième possibilité est la théorie de Andreï Linde dans laquelle chacune des innombrables fluctuations de la mousse quantique originelle donne naissance à un univers. Notre monde ne serait qu'une petite bulle dans un méta-univers composé d'une infinité d'autres bulles qui n'abriteraient pas de vie, la combinaison de leurs constantes physiques et de leurs conditions initiales ne le permettant pas. Qui pourrait alors dire si il y a bien une volonté qui est derrière notre existence ou si, au contraire, il n'y a pas une multitude d'univers qui ont vu le jour, dont tous fûrent stériles jusqu'à l'apparition, après de nombreux 'essais', du nôtre?
-Rien ne permet de le dire, en effet.
-Refermons la parenthèse afin que je puisse te montrer un autre points qui me pose problème.
-Je suis tout disposé à la discussion!
-Cela me fait plaisir. Si l'univers était l'oeuvre d'un Dieu créateur il serait presque certain que non seulement l'univers aurait été créé pour y accueillir la vie, mais tout serait finalisé, car tout serait oeuvre de sagesse, qu'en penses tu?
-Je le pense également.
-Or, dis tu que la nitroglycérine est un dangereux explosif?
-Je le dis.
-Mais quelle sagesse, ou quelle finalité peux tu voir à cela?
-Aucune.
-C'est donc bien qu'il est possible que l'univers ne soit l'oeuvre d'aucune intelligence, ni d'aucune volonté d'ailleurs.
-Cela semble possible en effet.
[...]
Voyant qu'il n'arrivera pas à me convaincre de la sorte, la discussion coupa court, et nous repartîmes joyeusement chacun de notre côté, moi-même éspérant avoir semé une graine de libre pensée qui finirait pas germer dans sa tête.>>
<<J'étais en pleine discussion traitant de l'existence de Dieu avec un croyant lorsqu'il me lança d'un air provocateur :
-As tu entendu parler du principe anthropique?
Je répondis <<Pas encore non.>>
Ses yeux pétillaient à l'idée du retentissement que produira son discours. Il finit après un bref instant de silence par déclarer :
-Les astrophysiciens se seraient rendus compte qu'une infime variation dans les constantes fondamentales (constante de gravitation, vitesse de la lumière etc...) ou dans les conditions initiales à la formation de l'univers (vitesse d'expansion, quantité de masse et d'énergie présentes etc...) auraient donné naissance à un univers stérile, c'est à dire un univers qui n'aurait pas pu abriter la vie. Pourrait-on raisonnablement supposer que toutes ces valeurs n'aient été fixées ainsi que par le fruit du hasard, ou n'apparaît il pas comme limpide que l'univers semble avoir été créé par un principe supérieur de telle sorte que nous puissions y vivre? Le principe anthropique est ce qui permet d'affirmer que l'univers a été créé dans le but d'y abriter la vie. Qui aurait pu créer un univers dans le but d'y implanter la vie si ce n'est un Dieu?
-Je vois le cheminement de ta pensée. Trouves tu si étonnant, sachant que nous existons, que l'univers semble règlé pour y accueillir les hommes?
-Ce n'est pas que cela, mais il semble fort improbable que l'univers n'aie vu ses paramètres initiaux et ses constantes fondamentales fixées si précisément par hasard! Il semble donc que l'univers aie une finalité et donc qu'il soit l'oeuvre d'une volonté intelligente!
-Avant de s'extasier devant une flèche plantée sur une cible peinte, ne te semblerait il pas bon de te demander si la cible n'a pas été peinte après l'arrivée de la flèche?
-Si, mais où veux tu en venir?
-Tu vas vite comprendre. Si tu es étonné, c'est en fait parceque tu existes, en ce que cela te semble improbable, d'autant plus qu'en effet, comment pourrais-tu t'étonner si tu n'existais pas?
-Je ne pourrais pas, c'est, il me semble, une évidence.
-Mais si tu n'existais pas, cher ami, crois tu que tu aurais la loisirs de t'en plaindre ou de le regretter?
-Non bien sûr.
-Imagine-toi à présent une troupe de guerriers dont la coutume est de croire aux objets porte-chance qui protègent la vie de celui qui le porte sur lui lors du combat. Une guerre éclate avec une tribu voisine. Comme on peut s'en douter, le bilan à la fin de la guerre est le suivant : il y a des morts et des survivants. Celui qui a survécu a donc, à la fin de la guerre, toutes les raisons de croire que son porte-chance, si ésotérique et encombrant au combat soit-il, lui a réellement porté chance, et il en vantera sans doute à l'avenir les mérites autour de lui. D'un autre côté, si nous admettions que les évènements furent un peu différents de telle sorte que ce guerrier survivant aie trépassé au combat, il n'aurait eu aucun moyen de se plaindre du disfonctionnement de son porte-chance. Je crois qu'en un sens tu es comme le guerrier survivant de cette tribu imaginaire.
Il eût l'air un peu embêté, mais finit par reconnaître
-Hélas, je dois bien admettre que tu as peut-être raison!
-Mais, je pourrais également te dire que les constantes fondamentales ne sont peut-être pas si fondamentales que cela. Par exemple personne ne sait pourquoi le vitesse de la lumière est d'environ 300.000 Km.s, mais personne ne sait non plus si l'explication ne découle pas d'une loi physique, plus fondamentale encore, qu'il nous resterait à découvrir. Ces constantes seraient donc l'oeuvre de la nécéssité, et il serait dans ce cas impensable de s'imaginer la naissance d'un univers dont les constantes sont différentes des nôtres.
-Peut-être, mais il reste toujours les paramètres définissant les conditions initiales dont il reste troublant qu'ils soient précisément à cette valeur et non à une autre.
-Tout comme les constantes "fondamentales" ne sont peut-être pas si fondamentales, nous ne savons pas si les conditions "initiales" sont si initiales que cela. Il se peut qu'elles ne soient l'oeuvre de réactions physiques et chimiques précédent la formation de notre univers. Donc une fois de plus nous retomberions sous le joug de la nécéssité.
-C'est un point de vue qui se défend.
-Et je peux revenir à ma première métaphore avec la flèche et la cible : je crois que le principe anthropique "peint la cible" autour de la flèche, non seulement pour la raison que j'ai évoqué avant, mais notemment parcequ'il inverse la causalité. Celui-ci précise, dis-tu, que l'univers aie été créé pour y abriter la vie ; et tu en déduis que cela devrait être une intelligence supérieure qui aurait présidé à sa création, n'es-ce pas?
-C'est exactement cela.
-Seulement, je vais te fournir un exemple qui montre bien que rien n'appuie l'hypothèse du principe anthropique.
-Va-y.
-Un enfant peut-il être enfanté par quelqu'un (ou quelquechose) d'autre qu'une femme?
-Je ne crois pas non.
-Dès lors, à chaque fois que nous voyons un enfant, nous savons qu'il a nécéssairement été engendré par une femme, comme par le fait de nos existences, nous savons que les conditions de l'univers sont telles qu'elles permettent nécéssairement à l'homme et, et aux autres êtres vivants en général, de subsister.
-Pour sûr.
-Cependant, qui serait prêt à soutenir que le fait que l'enfant soit né a déterminé à l'avance le sexe de l'individu qui l'a enfanté?
-Pas moi en tout cas!
-Pourtant le principe anthropique soutient bien le fait que les êtres vivants aient déterminé les conditions de formation de l'univers!
-C'est vrai.
-C'est donc bien que le principe anthropique se base sans doute sur une conception éronnée de la causalité, prenant allègrement la cause pour l'effet, et vice-versa.
-C'est dingue de ma part d'avoir à le reconnaître mais tu dis peut-être vrai!
-Enfin, je tiens à faire une petite parenthèse pour te montrer que même si le principe anthropique se révélait vrai, il ne serait pas encore une preuve, ni même être un argument, en faveur de l'existence de Dieu.
-Parle, je suis tout ouï.
-En fait, le principe anthropique ne fait rien qu'affirmer entre autres, qu'il soit improbable que l'univers ne soit apparu indépendemment d'une volonté intelligente.
-Oui c'est cela.
-Non seulement improbable ne signifie pas impossible, mais il existe des scientifiques très sérieux qui ont émis l'hypothèse d'univers parallèles. Chacun de ces univers aurait alors une combinaison différente de constantes physiques et conditions initiales, le nôtre étant le seul bénéficiant de la combinaison gagnante pour l'émergeance de la vie. Plusieurs scénarios ont déjà été suggérés. Par exemple, pour contourner la description de la réalité en termes d'ondes de probabilités par la mécanique quantique, le physicien Hugh Everett a proposé que l'univers se divise en deux exemplaires chaque fois que s'offre une alternative ou un choix. Certains univers ne se distingueraient du nôtre que par la position d'un seul électron dans un seul atome. D'autres seraient radicalement différents. Ils auraient d'autres constantes physiques, d'autres conditions initiales et d'autres lois physiques. Un autre scénario de multivers est celui d'un univers cyclique avec une série infinie de big bang et de big crunch. Chaque fois que l'univers renaît de ses cendres pour repartir dans un nouveau big bang, il le fait avec une nouvelle combinaison de constantes physiques et de conditions initiales. Une troisième possibilité est la théorie de Andreï Linde dans laquelle chacune des innombrables fluctuations de la mousse quantique originelle donne naissance à un univers. Notre monde ne serait qu'une petite bulle dans un méta-univers composé d'une infinité d'autres bulles qui n'abriteraient pas de vie, la combinaison de leurs constantes physiques et de leurs conditions initiales ne le permettant pas. Qui pourrait alors dire si il y a bien une volonté qui est derrière notre existence ou si, au contraire, il n'y a pas une multitude d'univers qui ont vu le jour, dont tous fûrent stériles jusqu'à l'apparition, après de nombreux 'essais', du nôtre?
-Rien ne permet de le dire, en effet.
-Refermons la parenthèse afin que je puisse te montrer un autre points qui me pose problème.
-Je suis tout disposé à la discussion!
-Cela me fait plaisir. Si l'univers était l'oeuvre d'un Dieu créateur il serait presque certain que non seulement l'univers aurait été créé pour y accueillir la vie, mais tout serait finalisé, car tout serait oeuvre de sagesse, qu'en penses tu?
-Je le pense également.
-Or, dis tu que la nitroglycérine est un dangereux explosif?
-Je le dis.
-Mais quelle sagesse, ou quelle finalité peux tu voir à cela?
-Aucune.
-C'est donc bien qu'il est possible que l'univers ne soit l'oeuvre d'aucune intelligence, ni d'aucune volonté d'ailleurs.
-Cela semble possible en effet.
[...]
Voyant qu'il n'arrivera pas à me convaincre de la sorte, la discussion coupa court, et nous repartîmes joyeusement chacun de notre côté, moi-même éspérant avoir semé une graine de libre pensée qui finirait pas germer dans sa tête.>>